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La Maraîchine Normande
1 juin 2014

QUÉVERT (22) - LE MASSACRE DU R.P. FRANCOIS-JÉROME TOURNOIS ET DE SES DEUX AMIS ...

LE R.P. FRANCOIS-JÉROME TOURNOIS, né sur la paroisse de Trélivan, département des Côtes-du-Nord ; religieux capucin, massacré pour la foi, près Dinan en Bretagne, dans la lande, ou le champ dit des Agneaux, le 23 janvier 1796

 

Ste Anne du Rocher - Quévert



Fils de François Tournois et de Marguerite Leroi, personnes honnêtes et chrétiennes, qui vivoient du travail de leurs mains, le jeune François naquit sur la paroisse de Trélivan, près Dinan en Bretagne. Ces bons parens élevoient avec grand soin leur jeune famille dans les principes du christianisme. Celui dont nous parlons témoigna de bonne heure le désir d'étudier. Le père, détourné sans doute par les besoins du moment, secondoit peu ces vues si louables ; mais elles étoient encouragées par une mère tendre et religieuse, qu'animoit un généreux abandon à la divine Providence. Son exemple entraîna son époux, et tous les deux placèrent leur fils comme externe au collège de Dinan. Il y fit de bonnes études. Fils plein de respect envers ses parens, d'un bon exemple envers tous ses condisciples, universellement estimé pour sa piété, pour son application, le pieux jeune homme avançoit en grâces et en heureuses dispositions, lorsqu'il eut le malheur de perdre sa mère, qui, plus volontiers, et avec plus de sacrifices que son époux, soutenoit leur fils dans ses études. Alors il n'eut plus les moyens de pourvoir à sa subsistance ; mais sans se décourager, il jeta les yeux sur l'ordre des disciples de saint François d'Assise, se sentit de l'attrait pour ce respectable institut, et entra comme novice au couvent des pères capucins de Saint-Brieuc. Sous les yeux de ces vénérables personnages, de bonne heure il se montra et continua d'être un religieux édifiant. Ses supérieurs l'envoyèrent ensuite à la maison de Nantes, et il y soutint avec avantage sa bonne réputation.


Au moment de l'orage révolutionnaire, il fut renvoyé de son couvent, et, à travers les plus grands dangers, se rapprocha de son pays natal, exerçant dans tous les lieux où il passoit, avec le plus grand zèle, les fonctions de son saint ministère. Muni de l'agrément des supérieurs ecclésiastiques, il ne cessoit de ramener au bercail les âmes égarées. La ville de Dinan et ses environs devinrent le théâtre de ses immenses travaux et de ses courses continuelles, ne se montrant étranger à aucune fonction curiale, vivant dans une harmonie parfaite avec ces prêtres séculiers qui, comme lui, avoient à porter tout le poids du jour, et s'épuisoient à fortifier les vrais enfans d'Israël, destinés le plus souvent à verser pour eux tout leur sang. En 1795, lorsque le feu de la persécution se ralentit un moment, et que les églises furent rendues au culte catholique, les paroissiens de Léhon avoient perdu leur pasteur légitime, le pieux Jean Aubry, décédé dans la maison d'arrêt de Saint-Brieuc, dès l'aurore de la révolution. Ils prièrent le père Tournois de le remplacer ; et, du jour de l'Ascension jusqu'à celui de l'Assomption inclusivement, il fut le père adoptif de ce troupeau délaissé. Pendant ces trois mois, un peuple innombrable arrivoit de toutes parts à Léhon, pour profiter des instructions et des secours que proposoit son ministère. Que d'éminens services il continua de rendre à tous les catholiques, et comme ceux-ci exaltoient à l'envi ses fatigues et ses triomphes ! que d'âmes comme arrachées à l'enfer ! que de nouveaux-nés régénérés sur les fonts de baptême ! que d'ignorans instruits ! que d'enfans saintement disposés au sacrement d'amour ! que de malades réconciliés, et mourant dans la paix du Seigneur ! Pourquoi cet homme de Dieu, parvenu à peine à sa trentième année fut-il tout à coup arrêté dans sa course ? Ses jours étoient pleins, et Dieu le couronna.


Déjà le père Tournois, qui, dans la petite paroisse de Saint-Solin, privée de son pasteur, ainsi que tous les lieux voisins, avoit opéré des fruits immenses, voyoit chaque jour s'accroître sa pieuse renommée par les prodiges attachés à chacun de ses pas ; tout le monde disoit : "C'est un saint ; son calme et sa paix ne cèdent en rien à son courage héroïque".


Un jour, averti, dans son confessionnal, que les furibonds patriotes vont se jeter sur sa personne, il s'enfuit dans les bois, passe de retraite en retraite, répand partout la bonne odeur de Jésus-Christ, reparoît dans les courts momens de relâche que le génie du mal semble accorder, et puis se dérobe encore de nouveau, pour échapper à la rage de ses ennemis. "Mais c'est en vain, disoit-il, que je diffère : certainement, et il le répétoit sept jours avant de périr, certainement je serai pris ; ils sont trop acharnés : tout ce que je demande au Seigneur, c'est qu'il daigne m'accorder la faveur d'être arrêté dans un champ, afin que je n'aie pas la douleur de compromettre personne. Je mourrai, oui, je mourrai content pour la foi catholique, si je péris de la main des révolutionnaires ; et d'avance je leur pardonne ma mort".


Un matin qu'il se disposoit à célébrer les saints mystères, il apprit qu'une troupe de patriotes répandus autour de son asile, cherchoit la victime qui avoit jusqu'alors échappé à leur rage : "Restez ici", disent à l'homme de Dieu ses respectables hôtes. Mais, soit la crainte de causer leur perte, soit une inspiration secrète qui le portoit au martyre, le saint prêtre sort de la maison. Deux jeunes gens, bien dignes l'un et l'autre que l'on décerne un solennel hommage à leur mémoire, Jean-Mathurin Lebourdais, âgé de vingt-sept ans, et Marcel Ruçais, âgé de vingt-trois ans, tous deux originaires de la paroisse de Trélivan, étoient les inséparables amis du missionnaire ; il les avoit plusieurs fois conjurés de s'éloigner de lui, et de pourvoir à leur sûreté personnelle ; mais ils s'étoient promis de ne le quitter jamais. Ils restèrent donc à ses côtés à l'instant qu'il abandonna la maison hospitalière. Ils croyoient, en entrant dans la pièce de terre nommée le Champ des Agneaux, située sur la paroisse de Quévert, marcher dans une route opposée à celle que suivoient les assassins. Ceux-ci les découvrent, et aussitôt ils les mettent à mort. Le supplice du confesseur de la foi devoit sans doute offrir un caractère extraordinaire. Les bourreaux ne sont pas satisfaits de lui avoir ôté la vie ; ils lui coupent une main ; ils lui ouvrent la tête, répandent çà et là sa cervelle, dépouillent de leurs vêtemens les trois cadavres, et, dans la crainte qu'on ne les touche, les gardent à vue, empêchant ainsi qu'on n'inhume ces trois corps étendus sur la terre.


Combien à ce spectacle les vertueux habitans de la campagne sentirent leurs coeurs déchirés ! L'affreux meurtre s'étoit commis le samedi 23 janvier 1796, entre onze heures et midi. Depuis cet instant jusqu'au soir du lendemain, les homicides étoient demeurés auprès de leurs proies, couvertes à peine de chemises ensanglantées ; et encore, oserons-nous bien le dire, pour constater la grandeur du crime, ces chemises, les témoins trop éloquens du forfait, avoient été réhaussées jusqu'aux épaules. Après leur départ, précédé du pillage sur une partie de la paroisse de Trélivan, de pieux catholiques se présentèrent pendant les ténèbres, pour remplir les fonctions de l'ancien Tobie. Ils étoient accompagnés de la marraine du père Tournois. Cette pieuse femme se chargea de l'ensevelir, recueillit soigneusement tout ce qu'elle vit répandu de la cervelle du saint homme, prit sa main droite coupée et détachée du corps, et renferma dans un suaire ces vénérables restes. Elle rendit ensuite le même office aux deux jeunes serviteurs du missionnaire. D'abord, ces bons paysans, voulant inhumer les trois corps dans le cimetière de Quévert, amenèrent une charrette, et ôtèrent les fers aux chevaux, pour qu'aucun bruit ne décelât l'innocent larcin. Malgré ces précautions, ils ne purent surmonter leur frayeur, et enfin se décidèrent à déposer dans la terre du Champ des Agneaux les trois victimes immolées pour la foi. Ce dépôt précieux fut consommé sous les yeux d'environ deux cents personnes que leur foi et leur respect pour les confesseurs avoient fait accourir à cette cérémonie nocturne. Il n'étoit pas un seul des assistans qui ne fondît en larmes.


La volonté du Tout-Puissant avoit arrêté que ces corps, sanctifiés par les souffrances, ne resteroient point dans cette terre profane. Le curé de la paroisse de Quévert, le maire et l'adjoint, avec des témoins respectables qui avoient eux-mêmes concouru à l'enterrement des trois victimes, à l'époque où elles furent massacrées, et qui désignèrent exactement l'endroit où chacune avoit été placée, se rendirent, le 3 septembre 1817, dans le champ nommé des Agneaux, pour procédé à leur exhumation. La tombe étant ouverte, on trouva les ossemens des trois corps. De pieux catholiques prirent de leurs cheveux, de leurs dents, entraînés par un sentiment de vénération. Lorsque ces ossemens furent réunis, deux prêtres les placèrent dans une châsse ; on les porta processionnellement à la chapelle de Sainte-Anne-du-Rocher ; on les y laissa jusqu'au 10 septembre, et chaque jour on y venoit rendre à ces restes vénérables un culte comme solennel, plusieurs même y portant des cierges. Le clergé des deux paroisses de Dinan, celui de Quévert et des environs, s'étant réunis à cette chapelle, on déposa ce qui restoit des corps des serviteurs de Dieu, dans le cimetière de Quévert. On n'avoit pas eu le temps de demander la permission de les enterrer dans l'église. Le concours des fidèles accourus étoit fort nombreux. On éleva dans temple un catafalque ; et des témoins oculaires, et bien dignes de foi, ajoutent à leur naïve et touchante relation, ces paroles : "Nous arrangeâmes tout de notre mieux, par vénération  pour nos saints martyrs ; car nous pouvons espérer qu'ils le sont devant Dieu". Cette cérémonie avoit été annoncée par un billet d'invitation du curé de Quévert et des ecclésiastiques de Dinan, et qui étoit conçu en ces termes : "Vous êtes priés d'assister au service d'enterrement de messire François-Jérôme Tournois, qui commencera mercredi 10 septembre 1817, à huit heures du matin, à la chapelle Sainte-Anne-du-Rocher, et qui se terminera à l'église de Quévert, où il sera inhumé avec les deux jeunes gens morts par dévouement pour ce vénérable prêtre".


Cette même cérémonie fut précédée et suivie du procès-verbal des maire, adjoint, et membres du conseil municipal de la commune de Quévert. Cet acte, que nous avons sous les yeux, consigne l'estimable nom du sieur Julien Cochery, laboureur de Léhon, qui déclare avoir enterré, dans la pièce de terre nommée la Lande-aux-Agneaux, le vénérable père capucin François Tournois, le sieur Jean Lebourdais et le sieur Marcel Ruçais. Il constate l'exhumation de leurs ossemens, le transport qu'on en a fait de la chapelle Sainte-Anne-du-Rocher, à la première place du cimetière de la paroisse de Quévert, et que l'inhumation a été faite avec toute la pompe et la solennité possible, le 10 septembre 1817. Cet acte authentique, et revêtu de beaucoup de signatures, porte en tête celle du maire de Quévert, Aubry de la Lande.

Extrait :
Les confesseurs de la foi
dans l'Eglise gallicane à la fin du XVIIIe siècle.
par Guy-Toussaint-Julien Carron de La Carrière
Tome 3 - 1820

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Commentaires
D
la chapelle sainte anne du rocher a Quévert a berce ma jeunesse <br /> <br /> oeux t on m éclairer sur le reliquaire qui était sur l autel ? <br /> <br /> la messe a été dite pendant plus de 40 ans par un prête ami de la famille
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La Maraîchine Normande
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