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La Maraîchine Normande
25 avril 2014

VIATIQUE EN VENDÉE

VIATIQUE EN VENDÉE

 

LE VIATIQUE EN VENDÉE



Un matin de décembre, nous allâmes communier un vieillard, ancien dans la meunerie du Fenioux.


Il nous fallut près d'une heure pour gagner sa maison. Le pâle soleil ne suffisait à dégeler la terre et nous ne pouvions avancer que sur la banquette herbeuse de la route. L'abbé Laurie me suivait à trois pas, les mains jointes sur le ciboire. Nous marchions au son de la clochette suspendue au-dessus du fanal que je portais devant moi, foulant du pied les faînes tombées des hêtres riverains, émergeant des buissons clairs où les haies d'aubépine éclataient par chapelets.


Dans les terres brunes, de l'autre côté des haies, des paysans au labour arrêtaient leur attelage pour se découvrir et se signer. A la virée du Grand-Chêne, appelées par la cloche, deux bergères étaient à genoux.
Enfin, ayant gravi un raidillon caillouteux, nous arrivâmes au moulin dont les ailes, malgré le deuil qui planait, continuait de s'employer à la vie en profitant de la brise. Un valet, poudré de farine, s'en vint au bord du tertre saluer le Saint Sacrement.


A la porte du logis, les amis et les parents nous attendaient.

Ils entrèrent derrière nous, pour s'agenouiller tout de suite. La meunière voûtée, la coiffe secouée d'un tremblement coutumier, s'appuyait à la table tirée près du chevet, supportant le Christ, les deux bougies allumées, l'assiette pleine d'eau bénite où trempait la branche de buis. Accoudée au montant du lit, la bru veillait. Debout, les bras croisés, face à son père à bout de souffle, l'aîné des gars tendait son courage à la leçon du départ.


Le vieux malade était assis sur son lit, soutenu par des oreillers, nimbé de cheveux rares, ténus et floconneux. Un râle difficile montait dans sa gorge. A notre arrivée, ses yeux toujours vivants dans sa face ravinée s'en allèrent droit à la bourse de moire que portait le prêtre sur sa poitrine. Il les retint fixés là, en quête, jusqu'à ce que la custode apparût. Je commençait le Confiteor. Dans l'âtre, un bouquet d'étincelles jaillit. La meunière avec moi acheva la prière tout haut. La bru étendit un linge fin sous le menton défaillant. L'abbé Laurie découvrit le petit ciboire et prit l'hostie. Il la présenta au malade qui l'accueillit et qui, diminuant sa plainte rauque, abaissa ses paupières sur son regard étoilé. Personne ne remuait ; c'était la paix et la douceur. On n'entendait que les ailes du moulin tournant dans le vent, les toiles bruissantes comme des oriflammes. Dans un panneau de l'armoire cirée, au dernier signe de croix tracé dans l'air, on vit miroiter les manches du surplis. M. Laurie dit quelques mots au mourant, se penchant sur sa bouche pour saisir une parole insaisissable. En silence, il s'inclina devant les femmes ; allant au fils, il lui tendit la main. Puis il me fit signe de sortir. Les assistants demeuraient agenouillés. C'était toujours dans la maison la douceur et la paix.

LA CHESNAIE
Bulletin paroissial
Saint-Jean-de-Monts
1936

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