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La Maraîchine Normande
1 août 2013

UN ARTISTE OUBLIÉ - HYACINTHE-JEAN LORETTE

UN ARTISTE OUBLIÉ  -  HYACINTHE-JEAN LORETTE

Le nombre est grand des savants, des artistes, des littérateurs qui, sans avoir brillé au premier rang, sans avoir illustré leur nom par des oeuvres qui commandent et forcent l'attention, n'en méritent pas moins une honorable mention dans les annales provinciales.

C'est aux Sociétés historiques et archéologiques qu'il appartient de conserver le souvenir et honorer le mémoire de ces modestes dont les travaux, s'ils ne figurent pas aux places d'honneur sur les rayons de nos Bibliothèques publiques ou sur la cymaise de nos Musées, n'en sont pas moins aujourd'hui d'utiles et précieux documents pour ceux qui ont souci de recueillir tout ce qui peut servir à éclairer les plus petits côtés de l'histoire locale.

Au nombre de ces modestes, il est un artiste - rennais par sa naissance, servannais par destination - qui nous semble avoir le droit de figurer parmi ceux dont le nom ne doit pas rester dans l'oubli.

HYACINTHE-JEAN LORETTE, fils de Jean-Baptiste Lorette et de Claudine Merlin, est né à Rennes le 28 nivôse an II (17 janvier 1794).

Après avoir fait son service militaire dans un régiment d'artillerie où il conquit les galons de sous-officier, il vint habiter Saint-Servan où il s'adonna exclusivement à la peinture et surtout au dessin. Il eut d'abord un certain nombre d'élèves qui le firent bientôt connaître et, en 1819, il entrait comme professeur de dessin au Collège de Saint-Servan. Quelques années plus tard, il épousait, à Belle-Ile-en-Mer, la fille d'un officier d'artillerie, Mlle Gardot, et il fondait chez lui un cours gratuit de dessin professionnel en faveur des ouvriers de Saint-Servan. Ce cours a prospéré pendant cinquante années pendant lesquelles Lorette ne cessa pas un seul jour de professer au Collège.

En 1824, Lorette conçut le projet d'exécuter lui-même, sur pierre lithographique, les modèles de dessin nécessaires pour son enseignement. Il sollicité à cet effet un brevet d'imprimeur lithographe. Mais, à cette époque, la réglementation de l'imprimerie et de la librairie était fort sévère, et rien n'était plus difficile que d'obtenir l'autorisation de se servir d'une presse, soit lithographique, soit typographique. Aussi, malgré les bonnes dispositions des administrations locales à son égard, Lorette vit sa demande rejetée par le Ministre. Il la renouvela quatre ans plus tard et enfin, le 14 janvier 1829, il recevait le brevet tant désiré.

Comment fonctionna sa presse lithographique ? Nous l'ignorons, mais nous doutons fort qu'elle ait produit des travaux importants. Lorette songea alors à y ajouter une presse typographique et demanda l'autorisation nécessaire. En même temps que lui, deux autres servannais firent une demande semblable : Lebien, secrétaire de la Mairie, et Lemarchand, libraire. L'administration supérieure ne s'opposa pas à la création d'une imprimerie, mais elle jugea qu'un seul établissement de ce genre était suffisant pour les besoins de la ville de Saint-Servan qui ne comptait guère alors que six à sept mille habitants, et que, pour ce motif, deux des candidats en présence devaient être éliminés : ce furent Lorette et Lemarchand. Quant à Lebien, il fut pourvu d'un brevet d'"imprimeur en lettres" à la date du 6 mars 1832, "ayant sur ses rivaux un droit incontestable de priorité, disait le Ministre, attendu que sa première demande datait de février 1830".

Devant cet insuccès Lorette résolut de monter une librairie. Il y fut autorisé, mais il ne conserva son brevet de libraire que jusqu'au 24 août 1840, date à laquelle il en fit cession à Mlle Jeanne-Augustine Joly.

Il y avait deux ans que Lorette était en possession de son brevet d'imprimeur lithographe à Saint-Servant lorsque Charles-Alexandre Benderitter obtint, le 30 mai 1831, un brevet semblable pour Saint-Malo.
En raison de la proximité des deux villes, il était à craindre que les deux presses se fissent tort mutuellement.
Lorette et Benderitter le comprirent, et, ils s'associèrent pour l'exploitation en commun de leurs brevets. Cette association dura jusque vers 1841, époque à laquelle Benderitter resta seul à la tête de son atelier lithographique de Saint-Malo.

Lorette se consacra dès lors exclusivement à l'enseignement de son art, profitant des loisirs que lui laissaient les vacances et les jours de congé pour parcourir, le crayon à la main, les environs de Saint-Malo et de Saint-Servan, pour faire de nombreux voyages à Rennes, remplissant son album et ses cartons à dessins qu'ils exécutait ensuite sur pierre, au crayon lithographique, et que les amateurs d'iconographie bretonne sont heureux de retrouver aujourd'hui et de classer dans leurs collections.

Après une carrière artistique des mieux remplies, après un demi-siècle tout entier consacré à l'enseignement du dessin, Lorette mourut à Saint-Servan, le 19 août 1872.

Un de ses anciens élèves, qui a conservé pour son professeur des sentiments de touchante vénération, nous traçait de Lorette, il y a quelques mois à peine le portrait que voici :

"... Sous une apparence modeste cet excellent homme cachait une habileté extrême dans l'art d'enseigner. Tout en disant humblement qu'il n'était pas artiste il a fait, par sa méthode, ses théories aussi claires que simples, de véritables artistes et des maîtres d'atelier de premier ordre. Aussi mérite-t-il être rappelé à la mémoire des Servannais. Outre son talent d'enseignement, Lorette était un dessinateur de premier ordre. Il était particulièrement habile dans l'exécution exacte et prompte du croquis. Ses dessins et ses peintures se font remarquer par une touche large, sûre, et principalement par une perspective irréprochable. Cette branche de l'art du dessin lui était tellement familière qu'il l'expliquait avec une clarté qui fait regretter qu'il n'ait pas écrit et publié son cours, meilleur assurément que tous les traités de perspectives connus, parce qu'il est plus pratique, plus à la portée de tous.
... Si son coloris (comme il en convenait lui-même) laissait à désirer, il rachetait cette imperfection par une extrême fraîcheur de tons qui rendait ses peintures fort agréables à l'oeil. Ses portraits avaient une réelle valeur ; si on ne les a pas toujours appréciés comme ils le méritaient c'est parce qu'on les a vus après un intervalle de plusieurs années pendant lequel certaines couleurs, comme la laque carminée, ont changé ou se sont décolorées. Mais, par la suite, il a reconnu lui-même la cause de cette altération, en sorte que ses dernières peintures se sont bien conservées ..."

La lettre dont nous venons de citer quelques passages indique que Lorette a dû exécuter pendant sa longue carrière artistique un certain nombre de portraits dans la région malouine. Quels sont-ils ? Où sont-ils ? Il ne serait pas impossible d'en retrouver aujourd'hui quelques-uns.

Quant aux autres peintures de Lorette, qui ont été dispersées après sa mort, elles doivent être nombreuses aussi ; malheureusement nous n'en connaissons que trois : 1° UNE VUE DU PORT DE TRICHET A SAINT-SERVAN ; 2° UNE VUE PRISE DANS L'INTERIEUR DE LA CHAPELLE SEPULCRALE DES BEAUMANOIR A LEHON ; 3° UNE VUE INTERIEURE DE LA CATHEDRALE DE SAINT-MALO.

Le premier de ces tableaux figure aujourd'hui dans la Salle des Fêtes de l'Hôtel-de-Ville de Saint-Servan ; les deux autres, dont nous ignorons le sort, furent exposés au salon de Peinture, à Paris, en 1839.

de Hyacinthe Jean Lorette(Saint-Servant, le port de Trichet - 1832)


Les dessins lithographiques de Lorette nous sont mieux connus que ses tableaux. Nous allons indiquer ceux de ces dessins qui nous sont signalés par les bulletins et les registres du "dépôt légal" ainsi que ceux non mentionnés dans ces documents et qui, pour la plupart, sont précieusement conservés dans la collection d'Iconographie bretonne au Musée archéologique de Rennes.

Parmi les lithographies de Lorette imprimées chez Benderitter lors de leur association, nous trouvons les suivantes :

VUE DE LA TOUR SOLIDOR (août 1832)

ALBUM BRETON (août 1832) - Sous ce titre Lorette fit paraître deux livraisons, sans texte, de vues des environs de Saint-Malo et de Saint-Servan. Cette publication ne semble pas avoir été continuée.

Nous supposons que Lorette est aussi l'auteur des estampes suivantes, également imprimées chez Benderitter :

CHATEAU DE BEAUMONT, arrondissement de Dinan (décembre 1832)
CHAPELLE DES BEAUMANOIR (même date)
CHATEAU DE DINAN (même date)
RUINES DU CHATEAU DE LA GARAYE (même date)
FRAGMENTS DES BAS-RELIEFS DU TOMBEAU DE LA FAMILLE DE LA GARAYE (même date)
CHATEAU DE SOLIDOR (juillet 1833)
CHATEAU DE COUELLAN, COTES-DU-NORD (octobre 1833)
VUE DE LA CHAPELLE DE SAINTE-ANNE DE HOULAIN, PRES SAINT-BRIEUC (juillet 1837)
VUE DE DINAN (novembre 1839)
VUE DE SAINT-MALO PRISE DU COTE DU SUD-EST (août 1840).

Lithographies de Lorette
conservées au Musée archéologique de Rennes

LA POSTE A SIX CHEVAUX (scène de cirque) - In-f° en largeur. Imprimée à Rennes chez Landais et Marteville (juillet 1833). Cette lithographie, qui est signée des initiales H.L. est attribuée à Lorette.

SAINT-MALO. VUE PRISE DU FORT DU NAYE - In-f+ en largeur, Rennes, Landais (juillet 1841).

CÉRÉMONIE DU SACRE DE MGR GODEFROY SAINT-MARC, ÉVÊQUE DE RENNES, A LA CATHÉDRALE SAINT-PIERRE, LE 10 AOUT 1841. - In-f° en hauteur. Rennes, Landais (septembre 1841)

SAINT-SERVAN. VUE PRISE DE SAINT-MALO. - In-f° en largeur, Rennes, Landais (août 1842). Cette vue de Saint-Servan fut refaite par Lorette, quelques années plus tard, dans un cadre un peu plus grand, avec quelques légères variantes, et imprimée chez Landais et Oberthur.

SAINT-MALO. VUE PRISE DU PETIT PHARE A L'EXTREMITE DU MOLE. - In-f° en largeur. Rennes, Landais et Oberthur.

CANCALE, VUE PRISE DU COTEAU VERS LA POINTE BAUDRY. - In-f° en largeur, Landais et Oberthur.

RENNES. VUE PRISE DU CLOCHER DE SAINT-HELIER. - In-f° en largeur. Rennes, Landais et Oberthur (mai 1847)

DINAN. VUE PRISE DE LA ROUTE DE SAINT-MALO. - In-f° en largeur, Landais et Obertur.

SAINT-MALO. EMBARQUEMENT DES DETACHEMENS DES GARDES NATIONALES DE SAINT-MALO ET DE SAINT-SERVAN ALLANT AU SECOURS DE PARIS, 26 JUIN 1848. - In-f° en largeur. Imprimée chez Lemercier à Paris.

SAINT-MALO. TOMBEAU ET FUNÉRAILLES DE CHATEAUBRIAND. 19 JUILLET 1848. - In-f° en largeur. Imprimée chez Lemercier à Paris.

ALBUM BRETON - SOUVENIRS DE RENNES - Publié à Rennes de 1841 à 1845, en format in-4°, l'ALBUM BRETON contient 102 pages de texte par E. Ducrest de villeneuve, et 102 illustrations dont 98 lithographies de Lorette se décomposant ainsi : 49 pour Rennes, 17 pour l'arrondissement de Saint-Malo, 26 pour le reste du département d'Ille-et-Vilaine et 6 pour les Côtes-du-Nord.

LUCIEN DECOMBE
Annales de la Société historique
et archéologique de l'arrondissement de Saint-Malo
1900

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