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La Maraîchine Normande
17 juin 2013

PIERRE-JOACHIM TROTTOUIN, DIT THUREAU OU SAINT-FÉLIX ♣ MAJOR GÉNÉRAL DE L'ARMÉE CATHOLIQUE ET ROYALE D'ANJOU ET HAUT-POITOU

COPIE DU MÉMOIRE DE MES SERVICES
ENVOYÉ AU ROI
De Burgau, le 15 mars 1800 (24 ventôse an 8)

SIRE,

Permettez que je mette sous les yeux de votre majesté le tableau de mes services depuis la révolution, en lui envoyant une croix de Saint-Louis que me donna le brave STOFFLET à l'affaire de Chalan, lorsque je fus proclamé major-général de l'armée catholique et royale d'Anjou et Haut-Poitou, en me disant : M. le major-général, je vous remets cette croix de Saint-Louis ; j'espère qu'un jour le roi vous donnera le droit de la porter.
Telle fut, Sire, la véritable expression de M. STOFFLET, qui m'enflamma de courage ; et si je n'ai pas fait davantage service à votre majesté, c'est que l'occasion en a manqué.

PIERRE-JOACHIM TROTTOUIN est mon père ; je suis né à Saumur en Anjou, de parens vivant bourgeoisement depuis un temps immémorial.
La famille de mon père possédait depuis longtemps les premières places dans la magistrature et la finance, lorsque la révolution arriva.
Celle de ma mère est noble, et descend des MALANNAY DE VANDEUVRE, l'une des plus anciennes maison du Poitou.

Je servis deux ans dans le régiment de Flandres ; mais, destiné par mes parens à la judicature, je fus rappelé auprès d'eux ; j'exerçais avec succès la profession d'avocat, pour remplir plus dignement celle de lieutenant général du siège de Saumur, que possédait M. DESMÉ-DUBUISSON, mon parent, lorsque mes principes et mon attachement au roi me firent choisir pour son commissaire.

Ma fermeté à réprimer le brigandate, la protection que trouvèrent en moi les prêtres et les nobles persécutés, m'attirèrent bientôt la proscription des Jacobins.
Je passe ici sous silence les maux qu'ils m'ont fait éprouver : quel est le vrai Français qui n'ait été poursuivi par eux ? je me contenterai de dire qu'à cinq fois différentes, il est impossible de voir la mort de plus près.

La Vendée se forma, j'y passai.
Je fus d'abord choisi par les généraux DELBÉ, BONCHAMP, STOFFLET, CHARETTE, LESCURE, et autres, pour membre du conseil supérieur séant à Châtillon.
Je fus ensuite envoyé, par le conseil supérieur, comme son commissaire près l'armée de M. DE BONCHAMP.
Les bontés qu'eut pour moi ce grand capitaine, l'exemple qu'il donnait, l'envie de servir plus efficacement la cause du roi, me firent quitter le civil pour prendre le parti militaire.
Je fis, sous ce général, mes premières armes en qualité d'aide-de-camp.
J'ai fait toute la guerre de l'autre côté de la Loire.
Ce fut après nos déroutes du Mans et de Savenai, que je perdis une épouse adorée, qui, par trop d'attachement pour moi, s'était obstinée à me suivre.
Elle mourut par la main des bourreaux, à Nantes, en faisant les voeux les plus ardens pour son roi et ses dignes descendans.

Après ce coup terrible, je repassai dans la Vendée, où étaient déjà Mrs DELAROCHE-JAQUELIN, STOFFLET et DE FLEURIOT.
Ce premier, ayant été tué près de moi à l'affaire de Nouallié, M. STOFFLET, qui était major-général, passa au commandement en chef, et je fus désigné, par le corps des officiers, pour le remplacer dans cette dignité.

Quelque temps après, en revenant de l'affaire de Chalan, les généraux se trouvant tous réunis à Vieille-Vigne, me nommèrent, à l'unanimité, major-général de l'armée d'Anjou et Haut-Poitou.
Connaissant mon peu d'expérience, je refusai long-temps ; mais enfin, forcé de me rendre à leurs sollicitations, et l'armée se trouvant sans major, consultant plus mon dévouement à la cause, que mes moyens, j'acceptai à condition que j'organiserais l'armée, qui ne l'avait pas encore été jusqu'à cette époque.
Avec l'aide de M. DE ROSTAING, général de la cavalerie, je parvins à achever cette organisation, qui nous rendit quelque temps si redoutables aux républicains.

Arriva le jour où la retraite des puissances coalisées, le besoin de laisser prendre un peu de repos à nos soldats, qui n'eussent pu résister au grand nombre de nos ennemis, arrivant de toutes les garnisons, et qui nous environnaient de toutes parts, et plus que tout cela, le manque de cartouches, nous força de signer la pacification de la Jaunais.

Ce ne fut que huit jours après que Mrs CHARETTE et SAPINEAU en eurent arrêté les conditions, et quinze jours après que j'eus renvoyé au pont de Viers les commissaires que la Convention nous envoyait pour traiter avec nous, que je reçus l'ordre de mon chef de la signer.
Je ne fus pas long-temps à m'apercevoir que nous avions été trompés par les comités du Gouvernement ; ce qui me fit prendre le parti de me rendre à Paris, pour connaître par moi-même l'opinion publique.
Ma manière de parler sur l'abus qu'on avait fait de notre bonne-foi, et les pamphlets que je fis imprimer et distribuer, m'attirèrent la surveillance de la police.

Je fus arrêté, interrogé et mis en jugement dans le mois de novembre 1796.
J'invoquai hardiment le traité de la Jaunais, qui contenait la liberté des cultes et des opinions ; je me récriai contre la violation du droit des gens, et celle d'un traité aussi sacré ; on n'osa me condamner.

Cependant l'horizon politique s'éclaircissait ; et le Français, revenu de son erreur, commençait à demander son roi ; les Jacobins seuls, dans quelques départemens, comprimaient cet élan ; et celui de la Dordogne se présentait sous les plus mauvais auspices. Je partis sous le prétexte d'affaires. Je me rends à Périgueux ; et bientôt, à la tête de la jeunesse de cette province, je me disposais à faire crier librement, vive le roi, lorsque le 18 fructidor arriva.
Je me sauvai dans Bordeaux, revins à Paris après qu'on m'eut perdu de vue, et me retirai à la campagne. Là comme ailleurs, toujours occupé des intérêts de mon roi, je conçus le projet d'organiser toute la France, comme j'avais fait la Vendée ; et j'ai été assez heureux, avant mon départ de Paris, de mettre la dernière main à ce travail, que j'ai eu l'honneur d'envoyer à votre majesté, par votre agence, et à son altesse royale MONSIEUR, à Londres, par le canal de M. DE BOURMONT.

Comme j'étais occupé à ce travail, les Chouans commencèrent à s'organiser ; l'Orléanais et le Berry, qui étaient dans les meilleures dispositions, me députèrent deux gentilshommes et deux émigrés d'entre eux, pour me prier de me mettre à leur tête.
Je répondis à cette députation, que je n'avais ni ordre du roi, ni de son agence ; en conséquence que je ne le pouvais pas ; mais que je pouvais leur être utile dans l'organisation de leur pays.

Je me transportai donc sur les lieux, et je l'organisai. Et c'est, Sire, au sujet de ce dernier plan, que j'eus l'honneur de faire passer à votre majesté, et de lui demander ses ordres.
Je les attendais, lorsque mon appartement à Paris fut cerné, et qu'on y trouva une instruction pour les officiers de cette division, mais sans noms ni renseignemens, et la copie d'une lettre que j'avais l'honneur d'écrire à votre majesté, qui y était relative.

Cette instruction, la copie de ma lettre, à la vérité sans signature ; des brochures ; De la Vérité au Corse usurpateur du trône de LOUIS XVIII ; d'un Dialogue entre messieurs CHARETTE et STOFFLET ; d'un Entretien entre messieurs CHARETTE, STOFFLET et FROTTÉ, pour faire suite au Dialogue ; d'une Proclamation des royalistes du Midi, et quelques autres que j'avais fait imprimer et distribuer tant dans les provinces que dans Paris ; ces brochures, dis-je, trouvées chez moi, ont suffi pour donner les ordres de m'arrêter.
Voyant la nouvelle pacification, ne recevant point d'ordres, j'ai pris, Sire, le parti de me rendre en Allemagne, après en avoir prévenu votre agence, où je suis auprès de M. DANDRÉ, agent de votre majesté, et où j'attends avec respect les ordres qu'il vous plaira me faire donner, et toujours disposé, Sire, à verser jusqu'à la dernière goutte de mon sang pour le rétablissement de votre majesté sur le trône de vos ancêtres.

Si cette conduite, Sire, qui n'a jamais été démentie une minute depuis le commencement de la révolution ; si le zèle à remplir mon devoir, que mes camarades ont bien voulu qualifier de bravoure ; si le sacrifice de ma petite fortune, consumée en voyages, en impression de pamphlets, en rassemblement d'officiers, en achat d'armes et de munitions, en entretien d'officiers dans les provinces insurgées, et paiement de secrétaires, peuvent mériter votre suffrage, je serai, Sire, le plus heureux des hommes.

Puisse-t-elle, Sire, vous déterminer à réaliser en ma faveur la prédiction de mon malheureux ami, mon camarade d'armes, le brave STOFFLET, qui nous a appris à tous, que le jour où l'on perd la vie pour son roi, est le plus grand jour de la vie !

Je suis, Sire,
De votre majesté,
Le plus soumis et le plus fidèle sujet,
TROTTOUIN

Papiers saisis à Bareuth, et à Mende, département de la Lozère
publié par ordre du gouvernement
Paris - de l'Imprimerie de la République
Ventôse, an X

trotouin[Dictionnaire Historique de Maine-et-Loire]

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