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La Maraîchine Normande
4 mai 2013

LA VIE ET LES CRIMES DE PHILIPPE, DUC D'ORLÉANS - 3ème et dernière partie

LA VIE ET LES CRIMES DE PHILIPPE, DUC D'ORLÉANS

(3ème partie et dernière partie)

Capture plein écran 04052013 202610Nous ne dirons rien sur cette tradition, sur ce jugement inique & barbare. Est-il un seul homme en Europe, hors les monstres qui ont osé l'approuver, qui n'ait épuisé alors toute la mesure de réflexions que doit faire naître un pareil évènement ? en est-il un seul dont le coeur n'ait tressailli, n'ait été navré, & dont toutes les facultés morales ne se soient réunies pour déplorer le f¤rt du meilleur des Rois, pour maudire ses assassins & désirer leur punition. Ah sans doute, si la volonté, si le désir le plus véhément pouvoit produire un effet physique, les scélérats teints du sang de Louis XVI n'existeroient déjà plus. L'élan de toutes les âmes, l'éruption de toutes les haines, depuis les extrémités de l'Europe jusqu'à Paris, se fût porté sur eux & les eut anéantis. Mais la vengeance, pour être différée, n'en sera que plus terrible.

Cependant nous nous plaisons encore à croire, pour l'honneur de l'humanité, que dans cette terrible circonstance où un Roi fut jugé, condamné à mort & exécuté, l'âme des scélérats même qui osèrent prononcer contre lui, éprouva un choc violent, un remord vif, un sentiment plus ou moins opposé à la mesure atroce à laquelle le fanatisme de la liberté, le soulèvement de toutes les passions les portoit. Tout fut ému tout frémit dans la nature, hors Philippe d'Orléans ... Le monstre contempla dans le sang-froid du crime la malheureuse victime ; son âme se plut à la condamner, à prononcer ce OUI affreux, qui n'eut jamais dû sortir de sa bouche, Louis XVI eut-il été le plus c¤upable des hommes. Son affreuse hypocrisie n'oublia pas de prendre le manteau du patriotisme pour pallier ce que ce OUI avoit d'horrible & d'indécent, aux yeux même de ceux qui votoient comme lui. Enfin Philippe fit tout ce qu'il falloit pour atteindre au dernier degré de la scélératesse.

Après avoir voté pour la mort de son Roi, après avoit tout fait pour le conduire à ce terme affreux, il ne manquoit plus à d'Orléans que d'être son bourreau, que de porter le coup mortel à sa victime. S'il ne mit pas ce comble au crime, ce n'est pas qu'il manquât de scélératesse dans son coeur ; mais il craignit sans doute de révolter par un trait aussi inouï ce même peuple qui favorisoit si bien ses vues. Il avoit toujours besoin d'un voile qui cachât ses projets perfides ; & quoique la sagacité d'un grand nombre eut déjà percé bien des fois ce voile, son intérêt le plus immédiat le forçoit à le garder. Le barbare se contenta donc d'être le témoin de l'assassinat de Louis XVI. Son âme atroce se complut dans cet affreux & touchant spectacle ; ses yeux suivirent avec volupté l'instrument fatal, lorsqu'il s'abaissa sur le chef auguste du descendant de St Louis ; & si sa main ne fit pas jaillir le ressort meurtrier, au moins dans ce moment sa volonté donna la mort à son Roi. Sans doute, cet instant d'un plaisir cruel fut accompagné d'un regret : celui de voir Louis supporter la mort avec un courage héroïque ; la résignation de ce monarque fut peut-être pour lui un coup de poignard plus déchirant que celui qui termina les jours de son parent.

Louis XVI monta aux cieux, & d'Orléans crut monter sur le trône ; du moins il s'imagina avoir détruit le plus grand obstacle qui s'opposât à ce qu'il y parvint. Dans le délire d'une présomption folle, il se flatta que ce peuple qui venoit de verser le sang de son Roi, reconnoissant bientôt la nécessité d'une autorité suprême, le choisiroit pour maître, ou du moins pour chef de la république, en récompense de son patriotisme & de son zèle. Mais l'évènement prouva combien il s'étoit abusé, & que quelque égaré que fût ce peuple, quelque dépravés que fussent les françois, ils n'étoient point encore assez dépourvus de raison & de sentiment pour élever au faite suprême le crime même dans la personne de Philippe d'Orléans.

Les armes des méchans tournent souvent contre eux-mêmes ; ce qu'ils croyent le plus propre à accélérer la réussite de leurs projets, produit souvent un effet contraire & devient la première cause de leur chute. La mort de Louis XVI que d'Orléans avoit cru devoir assurer son triomphe le plus complet, fut l'époque de sa décadence. Elle fit tomber le reste du voile qui cachoit encore aux yeux de la foule les traits les plus hideux du héros du crime ; tous les parisiens furent révoltés de la scélératesse avec laquelle il avoit osé condamner son Roi ; & ce peuple même qu'il avoit abusé & porté à tant d'excès, commença à reconnoître qu'il n'avoit été que l'instrument dont Philippe se servoit ; que son patriotisme était feint, & qu'il n'avoit paru concourir aux maintien de sa prétendue liberté, que pour pouvoir mieux l'asservir ensuite. Dès ce moment ; le crédit du duc d'Orléans diminua ; il fut apprécié à sa juste valeur, & il se forma une ligne distincte entre sa faction & les Jacobins ; du moins il n'y eut qu'un très petit nombre de ces derniers qui lui restèrent encore attachés. Cependant Philippe parut d'abord peu redouter l'orage qui se formoit contre lui ; secondé de ses dignes adhérens, il n'en continua pas moins ses manoeuvres, & déploya de nouveaux efforts. Le successeur légitime de Louis XVI existoit encore ; il se pouvoit que les françois, revenus d'une erreur coupable, & reprenant des sentimens dont il n'eussent jamais dû se dépouiller, cherchassent à expier leur crime envers le père, en rendant la liberté au fils, à l'épouse, à la soeur, & en remettant sur le trône de ses pères cet enfant si intéressant sous tous les rapports. D'Orléans, convaincu de la possibilité de cet évènement, & emporté encore par la haine envers une princesse qui n'avoit eu d'autre tort envers lui que de l'avoir méprisé comme il le méritoit ; d'Orléans employa tous les moyens qui étoient encore en son pouvoir pour opérer de nouveaux soulèvemens, à la faveur desquels les scélérats à sa solde eussent consommé l'oeuvre abominable, le plus grand des forfaits après l'assassinat du meilleur des Rois. Mais le ciel, qui veilloit sur la malheureuse famille ; le ciel qui n'avoit sans doute enlevé Louis XVI à la terre, que parceque les françois n'étoient plus digne de l'avoir pour maître, ne permit point cet horrible complément du crime ; il fit échouer les différentes mesures que le monstre avoit prises pour atteindre ce nouveau but. D'ailleurs, la populace, éclairée sur les vues de Philippe, ne suivoit plus comme auparavant son impulsion. Si elle commettoit encore des excès, c'étoit par une suite de cet esprit de licence, que la nullité des loix & la foiblesse des autorités constituées n'avoient fait que fortifier en elle ; ou si l'on veut même, c'étoit l'effet naturel de cet état de liberté absolue, si peu fait pour cette dernière classe du peuple, & qui la rend soupçonneuse, défiante, injuste & même souvent cruelle.

Mais ce qui contribua surtout à diminuer l'influence du duc d'Orléans, à le remettre à son véritable état, à la nullité la plus complette, ce fut l'épuisement de son trésor. Dénué de talens, sans caractère comme sans génie, lâche, craintif & pusillanime, Philippe n'avoit existé que par l'argent ; l'argent seul lui avoit fait jouer un rôle dans la révolution. Ce rôle cessa, du moment où ce grand ressort lui manqua. Nous avons déjà dit que sa profonde scélératesse & son ambition, reconnues peu à peu par le peuple, & manifestées avec la plus grande impudeur dans des circonstances où il croyoit le succès infaillible, avoient achevé entièrement de désiller les yeux des parisiens sur son compte.

L'espoir audacieux que le duc d'Orléans avoit conçu de devenir Roi, contribue encore à prouver son imbécillité & l'insuffisance de ses moyens moraux ; il en résulte aussi une vérité ; c'est qu'il ne suffit pas d'être un grand scélérat & de prodiguer l'or, pour parvenir à un aussi grand but que l'usurpation d'un trône. Ce n'est qu'à celui qui joint à un génie vaste & profond, un courage brillant & une certaine grandeur d'âme, qui n'est pas tout-à-fait incompatible avec des vues criminelles ; ce n'est qu'à un pareil homme qu'il permis de tout tenter. Le peuple se laisse aisément entraîner, lorsqu'il y trouve son intérêt & la satisfaction des passions qui l'agitent. Il s'embarrasse peu quels sont ses guides, pourvu que ceux-ci le flattent, & lui permettent l'exercice de sa volonté. Mais lorsque tous ses désirs sont remplis, & qu'il commence à s'arrêter de lui-même, parce qu'il a comblé la mesure de tous les désordres auxquels il peut se porter ; lorsqu'enfin il est rassasié de licence, le calme qui succède à cette agitation violente, lui permet bientôt de réfléchir sur ses excès même, ainsi que sur les motifs & la conduite de ceux qui l'ont guidé. Il juge ces derniers avec d'autant plus de rigueur, que commençant à rougir de son égarement, il les voit tels qu'ils sont, & apprécie par la nature même des moyens qu'ils ont employés, & la mesure de leurs talens & leurs vues. La haine qu'ils lui inspirent alors est d'autant plus vive, qu'il s'apperçoit que ces vues ont été différentes de celles qu'il leur supposoit, & entièrement étrangères à son intérêt ; qu'enfin il n'a été qu'un instrument dont ils ont voulu se servir pour satisfaire leur ambition, & même pour l'opprimer. Le prestige de ce peuple est entièrement dissipé sur le compte de Philippe, & il seroit bien à souhaiter qu'il le fût également sur les autres chefs du républicanisme. Quoique de meilleure foi peut-être que le duc d'Orléans dans l'objet principal, ces derniers n'en sont pas moins coupables, puisqu'en séduisant la tourbe ignorante par le brillant étalage d'un faux sistème, par l'attrait d'une liberté illimitée, par l'espoir même du bonheur, ils ont propagé les désordres, établi l'anarchie, ruiné entièrement la France, & pour ainsi dire desséché toutes les sources de prospérité de ce royaume. Si l'on compare sa situation actuelle à l'état de splendeur où se trouvoit vers le milieu du règne de Louis XVI, ou même sous celui de Louis XVI après la paix glorieuse conclue avec les anglois, quelle différence, quel contraste sous tous les points de vue ! La France formoit alors un poids respectable dans la balance de l'Europe ; le commerce & les arts y fleurissoient, la littérature & les sciences étoient cultivées & récompensées, la force armée étoit organisée & disciplinée ; il y avoit des loix, & ces loix étoient respectées. Un gouvernement, une administration intérieure existoient ; & s'il s'y trouvoit quelques défectuosités, si la main du tems & l'éruption de quelques abus avoient un peu dégradé l'édifice antique, la volonté même du souverain, son amour signalé pour son peuple en demandoient la réparation. Qu'a-t-on substitué à tout cela ? ... Une constitution qui dépouilloit le monarque de son pouvoir, & une partie de la nation de ses droits ; & à cette constitution même, un régime monstrueux, inapplicable sous tous les rapports politiques à un état aussi vaste, aussi divisé d'intérêts que la France. - Mais nous avons renversé le despotisme & conquis notre liberté, s'écrieront une partie des françois ... Oui, mais c'est aux dépens de votre bonheur & de votre tranquillité ; vos campagnes incultes, vos villes dévastées, vos fortunes délabrées en sont une preuve suffisante. Et cette liberté dont vous osez faire parade, est-elle réellement autre chose qu'un vain simulacre que vos chefs vous présentent sans cesse, & que leur coupable adresse ne vous abandonne quelquefois que pour consolider par les excès qui en sont le résultat ordinaire, la pernicieuse influence qu'ils ont acquise ? Dites-le moi, françois, ces arrestations continuelles d'une foule de citoyens, ces attentats multipliés contre ceux qui ont le malheur de n'être ni des forcenés, ni des scélérats, ni des enthousiastes ; enfin la proscription du parti qui succombe sous les efforts d'une autre faction plus adroite ou plus criminelle ; les enrôlemens forcés, les querelles particulières & publiques, l'effusion fréquente du sang : toutes ces choses annoncent-elles que vous soyiez véritablement libre, & que vous ayiez gagné à ce changement, que l'égoïsme & l'ambition d'un petit nombre, & en général la dépravation de vos moeurs, plus encore qu'un véritable sentiment de liberté, ont introduit parmi vous ? Ne prouvent-elles pas au contraire d'une manière évidente, que l'anarchie & le despotisme populaire ont succédé au règne des loix, à un gouvernement modéré ; que vous êtes les jouets d'une troupe de factieux qui vous dominent, qui vous tyrannisent réellement, tout en vous vantant les douceurs de la liberté ; qu'enfin il n'y a plus rien de sacré parmi vous, rien qui soit à l'abri des atteintes & des violations de ces êtres corrompus & criminels qui sont la cause de tous vos malheurs ?

Le Lecteur me pardonnera cette digression, que le sentiment pénible & cruel des maux qu'éprouve ma patrie a arrachée à ma sensibilité & à ma raison, Je reprend le fil de mon récit.
Les chefs de la république, en portant Louis XVI, sur l'échafaud, (ceux du moins qui ne souffrirent cet acte de barbarie que par l'impulsion du fanatisme de la liberté) eurent sans doute pour principal objet de faire cesser toutes les divisions dont ils supposoient que l'existence du monarque étoit le principe. Mais bien loin de voir leur objet rempli, les dissensions intestines ne firent au contraire qu'augmenter de jour en jour ; ils devinrent eux-mêmes suspects aux meneurs ordinaires de la populace. Les vociférations de Marat & de ses partisans commencèrent à se diriger contre eux ; & les membres du pouvoir exécutif, les instituteurs du républicanisme durent trembler à leur tour, comme ils avoient fait trembler les constitutionnels avant la destruction de la monarchie. La cause de ces nouvelles divisions est aisée à deviner. D'un côté, la mort du souverain n'avoit pas éteint le parti royaliste. Le Roi de France, qui ne meurt jamais, étoit encore adoré de tous les bons françois ; & cet amour dont Louis XVI, avoit été l'objet direct par ses vertus, aimoit à se reposer sur la première base : la monarchie, la domination d'un seul. D'un autre côté, les efforts d'un parti expirant (celui d'Orléans) tendoient encore à augmenter la confusion, & à entraver le régime existant, toujours dans l'espoir d'amener le peuple à désirer un chef. Ajoutez à ces causes la jalousie, la différence des intérêts, les petites intrigues de toute nature, enfin la diminution du patriotisme même, en raison des progrès de la licence & de l'anarchie. Les Roland, les  Brissot ne devinrent en partie l'objet des accusations de leurs ci-devant confrères les Jacobins, que parcequ'ils jouoient le plus brillant rôle & qu'ils avoient la plus grande influence : & les Maratistes ne cherchèrent à les supplanter, que pour se mettre à leur place. Ainsi, dans ce nouveau chaos, dans cet étonnant conflit, la crise de la France ne fit qu'augmenter ; elle devint même bientôt d'autant plus terrible, qu'outre les succès rapides remportés par les puissances étrangères, il s'éleva tout-à-coup dans l'intérieur un foyer de contre-révolution. Gaston parut, ses partisans augmentèrent ; & le royaume, déjà déchiré par l'anarchie, fut encore en proie à une guerre intestine.

Il seroit sans doute audacieux de chercher à démêler tous les fils de ces grandes intrigues dont ma patrie a été le théâtre depuis quatre ans ; de vouloir découvrir tous les ressorts que l'on a fait jouer, tous les moyens secrets qui ont été employés ; enfin d'exposer la révolution dans le développement le plus étendu de ses causes & de ses effets. Le tems seul nous donnera la solution de bien des choses qui sont encore une énigme ; le tems seul nous montrera le cannevas sur lequel tant de trâmes affeuses ont été ourdies. La postérité prononcera, & c'est d'après son jugement qu'il sera permis de donner l'histoire complette de la révolution. Jusqu'à présent nous ne pouvons que former des conjectures, conclure d'après des hypothèses ; & ce n'est qu'autant que ce grand évènement se trouve lié au sujet que nous traitons, que nous osons pénétrer dans le dédale & scruter les faits qui y ont rapport. Il est cependant des apperçus, des données d'après lesquelles on peut tirer quelques conséquences. Une funeste divergence des lumières, & les prestiges du philosophisme moderne d'un côté ; de l'autre, les abus de l'ancien régime & cette tendance naturelle de l'homme vers une liberté illimitée ; enfin l'intérêt & l'ambition d'un petit nombre firent la révolution. Cette même ambition, le défaut de véritable patiotisme, la corruption des moeurs & l'égoïsme d'une grande partie des françois, la portèrent au déplorable terme où elle est. Voilà des vérités que l'on ne peut révoquer en doute ; & nous les établissons pour  en étayer le principe sur lequel repose principalement cet ouvrage, savoir que Louis Philippe d'Orléans contribua surtout à précipiter les choses vers ce terme ; que ce furent ses intrigues & son ambition perfide & criminelle qui opérèrent en grande partie cette subversion & ce bouleversement total.

Il nous reste à montrer comment après s'être vu arracher le masque, après s'être dépouillé de ces trésors dont il avoit fit un si funeste & si inutile emploi, Philippe s'est vu tout à coup entièrement déchu de ses brillantes espérances, privé de sa liberté & réduit à la plus dure captivité.

Nous avons dit que la faction d'Orléans, après avoir suivi le cours de la révolution, & s'être tenue constamment unie au partie des Jacobins, s'étoit trouvée tout-à-coup isolée de ce dernier, lors de l'établissement de la république. Cet isolement devint encore plus marqué après la mort du Roi, lorsque Philippe vit que les deux grands coups qu'il avoit concouru à frapper, ne l'avoient pas conduit au but qu'il s'étoit proposé, au pouvoir suprême. Cependant la division qui s'introduisit bientôt parmi les Jacobins même, fit renaître ses espérances & lui fournit un nouveau moyen. Il ne négligea rien pour augmenter cette division, & chercha à s'étayer alternativement de chaque parti pour ranimer son influence, & reporter insensiblement les choses à un point de direction favorable à ses vues. Mais les chefs du nouveau système établi, qui avoient appris à connoître les projets de Philippe lorsqu'ils avoient agi de concert avec lui, commencèrent alors à faire jouer tous les ressorts qui étoient en leur pouvoir pour le perdre. En mettant au jour son ambition & ses vues liberticides dans toute leur odieuse nudité, ils lui enlevèrent la foible portion de faveur publique qu'il avoit pu encore conserver ; ils prouvèrent par différens faits, que le duc n'avoit jamais été mu par un véritable patriotisme ; enfin ils désillèrent les yeux de ceux qui livrés aux illusions trop séduisantes du démocratisme, trop fortement animés de l'amour de la liberté, ne voyoient rien que cette idole, & regardoient comme leurs plus grands ennemis ceux qui cherchoient par des efforts directs ou indirects à la renverser. Ainsi Philippe, entièrement dégradé dans le public sous le point de vue du patriotisme, se trouva bientôt détesté de ceux-même qui s'étoient montré ses partisans par erreur. Il ne conserva que quelques scélérats obscurs, quelques hommes vils, qui n'existant que par lui, devoient lui rester attachés. Le Maratisme même, cette subdivision des Jacobins plus atroce encore que la première, & qui se trouvoit par-là en plus grande analogie avec la faction d'Orléans, parut tout à coup entièrement séparé de cette dernière. Outre que les Maratistes pouvoient avoir des vues différentes de celles de Philippe, leur intérêt même qui les portoit à se couvrir du manteau du patriotisme, devoit les engager à s'isoler d'un parti qui se trouvoit démasqué & qui avoit soulevé contre lui la foule des républicains de bonne foi, des partisans de la liberté & de l'égalité. Aussi, lorsque quelques Orléanistes, tels que les Danton, les Robespierre, parurent vouloir insinuer la nécessité d'un dictateur, Marat & sa horde n'osèrent appuyer directement cette motion, en supposant qu'elle s'accordât véritablement avec leurs projets. Les républicains au contraire, saisirent avec avidité ce prétexte pour rendre encore plus odieux le duc d'Orléans. Bientôt la majorité de la convention se déclara contre le monstre Egalité, son parti tomba ; & pour lui porter le dernier coup, on résolut d'éloigner le chef de la capitale. Afin d'y réussir plus surement, on imagina un moyen indirect : la proposition fut faire de mettre en état d'arrestation tous les princes & princesses du sang, & de les envoyer à Marseilles. Philippe fit tout ce qu'il put pour conjurer l'orage ; il chercha à exciter de nouveaux soulèvemens ; mais tous ses efforts furent vains ; la motion faite à l'assemblée fut décrétée, & le scélérat dut enfin quitter la scène où il avoit joué un si affreux rôle. C'est ainsi qu'après avoir égaré les françois par les prestiges d'une liberté, licentieuse, après avoir voulu les asservir, il devint lui-même la victime du système désorganisatur qu'il avoit concouru à établir. Les méchans élèvent une tour, mais leur ouvrage retombe sur eux ; en s'écroulant, il les écrase.

C'est dans le malheur que l'homme vertueux déploye le plus grand courage. Le sentiment de son innocence surnage en lui à toutes les impressions douloureuses, & l'élève au-dessus des plus grands revers. L'orage gronde, fond sur lui, & la sérénité de son âme n'est point troublée, parcequ'il ne craint rien, & que tranquille sur l'avenir, il est prêt à chaque instant à quitter la dépouille terrestre pour passer à l'immortalité. Mais l'homme criminel, réduit à l'infortune, perd bientôt cette fermeté factice que l'excès de scélératesse & une présomption aveugle lui donnoient. Il ne trouve en lui-même que des motifs de crainte & de découragement ; & comme il se rend toujours plus ou moins justice, qu'il fait qu'il mérite son malheur, le désespoir s'empare bientôt de lui ; & le héros du crime n'offre plus qu'un être pusillanime, objet d'une pitié dérisoire & du mépris.

Tel fut Philippe d'Orléans, lorsqu'il se vit conduit en prisonnier hors de Paris. En quittant cette capitale, le lâche versa des larmes. Ce fut sans doute de regret de n'avoir pu succéder à son Roi, après l'avoir assassiné. Ces larmes mêmes attestent sa scélératesse autant que sa pusillanimité, & prouvent que jusqu'au moment de sa chute honteuse, Philippe ne cessa d'être le plus criminel & le plus vil des hommes (Une femme du peuple dit en voyant Philippe pleurer à son départ : "Le monstre ne pleurois pas, lorsqu'il donna sa voix pour la mort de son Royal parens".)

Si le duc d'Orléans, au lieu d'intriguer dans la capitale, au lieu de déployer tous les petits moyens d'un esprit borné, se fût signalé par de grandes actions ; s'il se fût mis à la tête des armées & les eût menées au combat, en arborant ce pannache qui se trouve toujours au chemin de l'honneur, sans doute il eut pu réussir dans ses projets & usurper le trône. Nouveau Cromwel, s'il ne se fût point fait aimer, il se fût au moins fait craindre. En rassemblant autour de lui la foule des ambitieux hardis, des intrigans adroits, son parti eut bientôt absorbé & détruit tous les autres. Il fût devenu un centre où la dissolution totale, le bouleversement & le trouble général, les françois eussent cherché un point de réunion. Mais d'Orléans n'étoit qu'un lâche sans génie, un vil scélérat sans énergie ; il devoit tôt ou tard succomber. Tout annonce qu'il ne tardera pas à recevoir la juste punition qui lui est due, & il la recevra même de ceux qu'il a précipités dans l'abyme. Déjà la division qui règne dans le lieu de sa détention, le soulèvement d'une partie des Marseillois contre le Jacobinisme, nous paroissent être le signal de sa mort. Dans un moment d'effervescence de ce peuple si susceptible d'exalttion, il massacrera le monstre qu'il peut regarder comme l'auteur de ses maux. Mais quand même Philippe parviendroit à s'échapper, à sortir de la France, est-il un seul endroit en Europe, sur toute la terre même, où l'on vouloit le recevoir ? partout il sera rejetté, comme on rejette la lie d'un vase ; partout la proscription sera lancée contre lui ; & les habitans des plages où il voudra aborder, reculeront devant lui comme devant un reptile affreux. La justice du ciel, celle des puissances & des françois même l'atteindront enfin, & les plus affreux supplices termineront sa vie. Il mourra percé de l'aiguillon terrible du remord, ou plutôt du désespoir de n'avoir pu consommer ses crimes, car il est trop scélérat pour éprouver le moindre sentiment de récipiscence. Son cadavre hideux & sanglant servira de proie aux vautours ; & c'est dans les entrailles de ces animaux, moins féroces que lui, que Philippe trouvera son tombeau.

Telle est, telle doit être la fin des scélérats, & surtout de ceux qui ne se bornant pas aux excès de la vie privée, cherchent encore, dans le délire d'une ambition funeste, à porter au crime toute une nation, & emploient tous les moyens que leur illustration leur donne pour opérer le malheur public. De pareils hommes sont les fléaux de l'humanité. C'est un bonheur pour les peuples que la natue n'en produise pas souvent de semblables. Le monde politique seroit bientôt bouleversé.

Qu'il nous soit permis de respirer. C'est sans doute une tâche bien pénible & bien cruelle, que de peindre le crime & ses fureurs, que de parcourir une série de forfaits plus atroces les uns que les autres, de s'appesantir sur des attentats affreux, inouïs, enfin de présenter aux françois l'assassin de leur Roi dans toute la noirceur de ses traits moraux. Elle est enfin remplie cette tâche ; le monstre est sorti du pinceau. Qu'il rentre à présent dans le plus profond oubli ; ou si la terre effrayée se rappelle ses crimes, que ce soit pour maudire à jamais sa mémoire.

François, concitoyens, mes frères, que ce tableau excite en vous la plus vive horreur, qu'il soulève toutes les facultés de votre âme & de votre esprit ! J'ai cru devoir vous le présenter, à vous sujets difèles du plus vertueux des Rois, pour augmenter votre aversion pour le vice, votre amour pour vos souverains ; à vous, illustres émigrés, pour exalter encore, s'il est possible, votre courage ; &, j'ose le dire ici, pour vous porter à l'indulgence envers des concitoyens aveuglés & séduits. A vous enfin françois, qui avez souffert un monstre parmi vous, qui avez prêté l'oreille à ses suggestions, & vous êtes laissés entraîner dans une foule d'excès dont vous êtes les premières victimes. Que ce tableau vous fasse rentrer en vous-même, qu'il vous rappelle à des sentimens dont vous n'eussiez jamais dû vous dépouiller. Voyez quel homme vous aviez à votre tête ! ... Votre patriotisme peut-il être pur, puisque d'Orléans étoit patriote ? Votre cause étoit-elle juste, puisque d'Orléans s'en est déclaré le défenseur ? Jouissez-vous d'une véritable liberté, puisque d'Orléans a concouru à vous la donner ? Rien de bon ne peut sortir d'une source impure ; & si la scélératesse & l'ambition masquée de vos chefs a pu vous donner toutes ces choses, croyez que ce n'est qu'illusion : votre liberté n'est que licence, votre patriotisme un sentiment corrupteur & corrompu, votre cause, une cause injuste & destructrice des droits les plus sacrés. Mais tous les êtres criminels ne sont pas encore hors de votre sein ; il est encore une infinité de scélérats subalternes qu'il faut extirper. Armez-vous contre eux ; versez ce sang impur lequel la nature & l'humanité outragées crient vengeance ; qu'il couvre, s'il est possible, & qu'il efface le sang de tant d'infortunés qui ont péri parcequ'ils ne vouloient se souiller d'aucun crime, parcequ'ils chérissoient un Roi qui les avoit toujours chéris. Cet acte de justice sera déjà une expiation aux yeux des puissances & de ceux que vous avez persécutés. Le moment du repentir & de la dissipation du prestige, sera le signal de la réunion. Le lien d'une douce fraternité unira de nouveau les françois, & vous pourrez encore espérer d'être heureux.

Et vous, famille auguste, vous dont le sang pur ne montra jamais la moindre tache, dignes descendans de Louis XII & d'Henri IV pardonnez-moi d'avoir peint un monstre dans un membre de la maison de Bourbon. Sa naissance fut une erreur de la nature, ou plutôt la providence voulut signaler sa toute-puissance, en opposant par le plus frappant des contrastes les excès de la scélératesse à l'éclat de vos vertus. C'est ainsi qu'elle se plait souvent à placer la cigüe meurtrière près de la cammomille bienfaisante, le vallon fertile près de l'affreux précipice. Continuez, princes illustres, à parcourir la carrière où l'honneur & le sentiment de vos droits vous ont engagé. J'ose vous le prédire, le moment n'est pas éloigné où les françois, revenus d'une erreur coupable, imploreront votre clémence, & regarderont comme le plus grand bonheur que vous daigniez leur pardonner & revivifier par votre présence & vos généreux soins, ce malheureux royaume, livré depuis si longtems à l'influence du crime, à tous les maux de l'anarchie.

LA


LA VIE ET LES CRIMES DE PHILIPPE DUC D'ORLÉANS
A Cologne, 1793

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