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La Maraîchine Normande
21 avril 2013

REGLEMENT DES CHOUANS DANS L'ARMÉE DU MAINE ♣ 1799

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A la suite de la pacification de 1796, les Chouans n'avaient accepté qu'avec peine l'obligation de déposer leurs armes et attendaient impatiemment le moment de tenter un nouveau soulèvement. M. de Rochecotte qui commandait dans la Sarthe, avait été nommé général en chef de l'armée du Maine et avait pris p¤ur le seconder le chevalier de Tercier, qui avait commandé une division dans la Mayenne sous les ordres de M. de Scépeaux en 1795. Il avait chargé celui-ci de se tenir en rapport avec les anciens officiers et chefs de divisions pour qu'ils reformassent leurs compagnies, de façon à être prêts à entrer en campagne au premier signal.

De Rochecotte, reconnu et arrêté à Paris, avait été fusillé le 23 janvier 1798. Tercier paraissait tout désigné pour le remplacer. Mais, désirant s'assurer les secours de l'Angleterre, il avait envoyé à Londres un de ses amis, de Guéfontaine, ancien émigré, échappé comme lui de Quiberon, pour demander au comte d'Artois de désigner un autre général pour commander l'armée du Maine et lui proposer la candidature de M. de Bourmont, qui avait été major général de Scépeaux.
Cette nomination ayant été confirmée par le comte d'Artois, Tercier se hâta de rejoindre le chevalier de Volvenne qu'il avait envoyé en avant pour activer la formation des anciennes divisions et t¤ut préparer pour une prise d'armes qui paraissait devoir être prochaine.

Sans attendre M. de Bourmont, Tercier fit prendre les armes à sa petite armée et livra plusieurs combats aux républicains, notamment à Bouère (26 août) et à Saint-Loup-du-Dorat (28 août). M. de Bourmont ne tarda pas à arriver et trouva tout organisé. Il établit son quartier-général à Malicorne (Sarthe), le 29 septembre.
M. de Bourmont débuta par un succès. Le 1er octobre, il battit la garnison de Laval à Louverné ; le 15, il s'empara de la ville du Mans où les Chouans saisirent l'argent qui se trouvait dans les caisses publiques, ainsi que les armes et munitions déposées dans les magasins militaires. Le troisième jour, il évacua cette ville et subit un échec devant le bourg de Ballée dont il ne réussit pas à s'emparer.
Il semble alors avoir établi son quartier-général aux environs de Château-Gontier. Mais les opérations militaires cessent à ce moment. Le général d'Hédouville, nommé à la fin d'octobre général en chef de l'armée d'Angleterre, était arrivé à Angers et s'était aussitôt mis en rapport avec Mme Turpin de Crissé qui s'était déjà employée, lors des précédentes pacifications, à amener une sorte d'entente entre les Républicains et les Chouans. Des pourparlers eurent lieu, des correspondances furent échangées, et enfin tous les généraux royalistes furent convoqués aux conférences de Candé et de Pouancé, qui amenèrent, le 19 décembre 1799, la conclusion d'un armistice.

Soit qu'il eût constaté quelques actes d'indiscipline parmi ses troupes, soit qu'il voulût rassembler et compléter au besoin les instructions données à ses soldats par Tercier, qui, dans ses Mémoires, vante l'ordre et la discipline qu'il avait réussi à obtenir d'eux, M. de Bourmont profita de la cessation des hostilités pour rédiger, avec son chef d'état-major, M. de Malartie, un règlement, daté du 9 novembre 1799 (18 brumaire an VIII), le jour où Bonaparte renversait le Directoire. Ce règlement constitue un véritable code militaire, organisant des conseils de guerre et édictant des peines diverses pour les fautes commises contre la discipline, en même temps que les actes délictueux dont les officiers ou soldats pourraient se rendre coupable envers les particuliers.

Il fut aussitôt mis en vigueur dans toutes les divisions du Maine. Nous le reproduisons d'après une copie ancienne que nous avons sous les yeux et qui est contresignée, pour copie conforme, par Ollivier Ganerie, dit Ferdinand, capitaine-major de la 8e légion, dont le lieu de réunion était à Saint-Ouen-des-Toits et qui comprenait les environs d'Ernée et le nord-ouest du département de la Mayenne.
Cette copie contient toutefois une inexactitude que nous croyons devoir signaler. Elle est datée, De notre Quartier-Général de Saint-Denis-de-Gastine. Or M. de Bourmont ne semble pas avoir, à un moment quelconque, établi son quartier-général en cette commune, voisine d'Ernée et située à l'extrémité des pays placés sous son commandement. Il semble au contraire l'avoir placé, après la prise du Mans, aux environs de Château-Gontier, probablement à Saint-Denis-d'Anjou, ce qui permettrait dans une certaine mesure d'expliquer l'erreur commise par le copiste. Celui-ci, habitait certainement le pays d'Ernée, peut-être même la commune de Saint-Denis-de-Gastines, aurait, par inadvertance, écrit ce nom auquel il était habitué au lieu de celui de Saint-Denis-d'Anjou que portait l'original qu'il copiait. Cette erreur ne nous semble cependant pas devoir faire perdre sa valeur au document que nous publions et nous persistons à croire à son authenticité.

REGLEMENT

Nous, comte Louis-Auguste-Victor de Ghaisme de Bourmont, chevalier de l'Ordre royal et militaire de Saint-Louis, commandant en chef pour le roi dans la province du Maine et pays adjacents, à tous ceux qui servent sous nos ordres, salut.

L'ordre et la discipline étant indispensables dans une armée pour assurer des succès suivis, tous les braves royalistes qui combattent sous nos ordres pour le rétablissement de notre sainte religion et du trône de nos rois, verront sûrement avec plaisir un règlement militaire qui, en faisant connaître à chacun son devoir, déterminera la peine qu'il recevra s'il y a manqué.

Les braves royalistes, ceux qui désirent des occasions de montrer leur courage, ceux qui remplis de sentiments religieux ont conservé le zèle des anciens chrétiens qui savaient tout sacrifier à leur devoir et au service de leur Dieu, ne seront plus les seuls à supporter les fatigues, les dangers inséparables de la guerre ; ils ne se verront plus abandonnés dans les marches par ceux des lâches qui craignent de rencontrer l'ennemi ou de sacrifier à leurs devoirs les moments de repos que nos succès leur ont offerts dans leurs paroisses.

Marchant tous alors d'un pas égal à la victoire, bientôt vous aurez acquis la gloire d'avoir délivré votre pays des tyrans qui le ravagent ; bientôt vos mains triomphantes auront relevé les croix et les autels renversés par les régicides ; bientôt elles auront rétabli un gouvernement paternel qui fera le bonheur de la France.

Mais si notre espoir était trompé, s'il existait encore dans vos rangs des hommes lâches et mal intentionnés, c'est à vous, braves soldats, que je m'adresse pour les connaître ; vous qui, dans les combats, savez décider la victoire, vous qui partout donnez l'exemple de l'obéissance et des vertus chrétiennes, vous ne souffrirez pas qu'un lâche, qu'un désorganisateur, qu'un homme payé par nos ennemis pour perpétrer le désordre et atténuer vos succès demeure dans les rangs de l'honneur ; vous vous empresserez de faire connaître l'un afin qu'il reçoive le châtiment qu'aura mérité sa perfidie ; vous ferez connaître l'autre, afin qu'il ne souille pas votre compagnie, qu'il soit traité comme la lâcheté mérite de l'être, que la honte accompagne partout ses pas.

A ces causes, voulant hâter la délivrance des fidèles sujets de sa Majesté,
Au nom du Roi,
Et en vertu de l'autorisation de son Altesse Royale, Monsieur, frère du roi, lieutenant général du royaume, etc ...
Nous avons ordonné et ordonnons que le présent règlement soit lu à la tête de chaque compagnie ; affiché dans toutes les paroisses ; et suivi provisoirement par tous MM. les officiers, sous-officiers et soldats sous nos ordres.

TITRE Ier
DES CONSEILS DE GUERRE

Article 1er
Il est établi dans chaque division un Conseil de guerre composé du commandant en chef de la division comme président ; du commandant en deuxième, du major, des deux chefs de canton, de deux capitaines, de deux lieutenants et d'un secrétaire.
Article 2
Au Conseil de guerre de division seront traduits : 1° ceux des officiers de la division qui n'auront pas exécuté le présent règlement ; 2° ceux des officiers qui auraient tenu des propos tendant à éloigner les soldats de la confiance et de l'obéissance qu'ils doivent à leurs chefs ; 3° ceux qui auraient pris la fuite dans un combat sans avoir reçu l'ordre de se retirer ; 4° ceux qui, malgré notre défense, continueraient à percevoir des contributions arbitraires ; 5° enfin ceux des capitaines dont la négligence aurait causé la désertion ou défection de leurs compagnies.
Article 3
Les peines à porter contre MM. les officiers compris dans l'article ci-dessus seront les arrêts, la prison dans les cantonnements, la cassation de leurs emplois et mis comme soldats à la queue d'une autre compagnie, avec défense, sous peine de mort, de revenir sans permission dans la paroisse qu'ils commandaient. Enfin, pour ceux qui continueraient à percevoir les contributions, ou qui auraient fomenté la sédition parmi leurs soldats, la tête cassée.
Article 4
Aucun des Conseils de guerre établis par le présent règlement ne fera exécuter ses jugements à mort avant d'en avoir reçu l'ordre du commandant en chef, qui se réserve de faire grâce à ceux qui l'auraient mérité par leur conduite antérieure.
Article 5
Chaque secrétaire des Conseils de guerre tiendra registre des jugements rendus et en adressera une copie au chef de l'état-major.
Article 6
Il est établi dans chaque canton un Conseil de guerre composé du chef de canton comme président, du commandant en second du canton, de l'adjudant du canton, de deux capitaines, de deux lieutenants, d'un sous-lieutenant et d'un secrétaire.
Article 7
Lorsque les cantons ne seront pas réunis, le Conseil de guerre du canton aura toutes les attributions du Conseil de guerre de la division.
Article 8
Tout sous-officier ou soldat qui aura désobéi à son supérieur sera sur le champ désarmé et traduit au Conseil de guerre pour y être jugé et condamné, suivant l'importance de la désobéissance, à marcher désarmé à la queue de la compagnie pendant un certain nombre de jours, ou à la garde avec son habit retourné, ou à être lié et conduit dans une étable chaque fois qu'on arrivera au logement.
Article 9
Tout sous-officier ou soldat qui aura insulté ou menacé son supérieur sera sur le champ désarmé et traduit au Conseil de guerre qui le condamnera à marcher à la tête de la colonne, ayant les mains liées derrière le dos, et à coucher dans une étable pendant un certain nombre de jours, ou même à passer aux verges, ou à avoir la tête cassée si les gestes ont suivi la menace.

TITRE II
DES RASSEMBLEMENTS

Article 1er
Tout officier qui, sur l'ordre de son chef, ne se serait pas rendu au lieu et à l'heure indiquée pour le rassemblement de la compagnie du canton ou de la division, et qui n'aurait pas une raison valable pour excuser son retard, sera traduit au Conseil de guerre de la division, qui, s'il est convaincu de mauvaise volonté, le cassera, le déclarera incapable de servir le roi comme officier, et le mettra à la queue d'une autre compagnie. Si l'officier qui ne se sera pas rendu à l'heure indiquée n'est convaincu que de négligence, il sera mis aux arrêts pour la première fois et cassé la seconde fois.
Article 2
Pareille peine sera portée contre tout capitaine ou autre officier qui, par sa faute, n'aurait pas conduit au rassemblement tous les hommes armés sous ses ordres, excepté les malades et ceux qui manquent de souliers.
Article 3
Tout soldat qui, sans la permission de son capitaine, restera dans la paroisse au lieu de rejoindre sa compagnie, sera pour la première fois conduit sans armes, pendant quinze jours, à la tête de la colonne ; s'il récidive, il sera conduit lié et couchera pendant quinze jours dans une étable.
Article 4
Tout officier ou soldat qui quittera un rassemblement sans en avoir obtenu la permission de son capitaine et de son chef de canton, sera cassé, s'il est officier, et, s'il est soldat, conduit pendant quinze jours à la tête de la colonne, avec un écriteau sur le dos portant : Lâche, déserteur.
Article 5
Ceux des habitants qui donneraient asile, à boire ou à manger à des hommes compris dans les art. 1, 3 et 4 du titre II, seront, pour la première fois, condamnés à douze livres d'amende au profit de la compagnie formée dans la paroisse où le déserteur se serait retiré ; à cinquante livres d'amende pour la seconde fois, et à des peines plus fortes s'ils persistaient à recéler des fuyards de l'armée.
Article 6
Tout habitant qui recevra un de ses parents compris dans les art. 1, 3 et 4 du titre II, sera condamné à une amende double de celle portée dans l'article précédent, également au profit de la compagnie formée dans la paroisse où le fuyard se serait retiré.

TITRE III
DU PILLAGE, DU VIOL ET DU VOL.

Article 1er
Tout individu appartenant à l'armée catholique et royale qui sera convaincu d'avoir pillé dans une maison sans y avoir été autorisé par un officier supérieur, sera traduit au Conseil de guerre qui déterminera le nombre de tours qu'il devra passer aux verges.
Article 2
Tout individu qui sera convaincu d'avoir exercé des violences sur une femme ou sur une fille sera fusillé.
Article 3
Tout individu convaincu d'avoir volé des habitants paisibles sera fusillé.
Article 4
Tout soldat qui, sans raison, aurait frappé un habitant, sera traduit au Conseil de guerre de la division, qui, suivant la gravité du délit, déterminera la peine à lui infliger ; si l'habitant meurt des coups qu'il aura reçus, le soldat sera fusillé.
Article 5
Les sentences rendues par les Conseils de guerre, conformément aux art. 1, 2, 3 et 4 du titre III, seront exécutées dans les vingt-quatre heures, sans qu'il soit besoin pour cela de l'ordre du commandant en chef.
Article 6
Tout individu convaincu d'avoir dérobé à son camarade ou à des officiers des armes, effets, ou de l'argent, sera, pour la première fois, désarmé et conduit pendant un mois à la tête de toutes les colonnes de l'armée, avec un écriteau, sur le dos et sur la poitrine, portant : voleur ; pour la deuxième fois, il passera aux verges, et, à la troisième, il sera fusillé.

TITRE IV
DU SERVICE

Article 1er
Tout officier, commandant un poste, qui n'aurait pas ponctuellement, exécuté l'ordre qui lui aurait été donné, sera mis en prison et sera responsable des inconvénients résultants de sa négligence.
Article 2
Tout officier, sous-officier et soldat qui, étant de service, quitterait son poste avant d'y avoir été attaqué par l'ennemi ou relevé par un officier supérieur, sera puni de mort.
Article 3
Tout officier de garde ou sentinelle trouvé endormi à son poste sera puni, savoir : l'officier sera cassé, et la sentinelle sera désarmée et conduite sans armes pendant huit jours et employée à toutes les corvées qui se trouveront à faire pendant ce temps.

TITRE V
DE LA CAVALERIE

Article 1er
Tout officier, sous-officier ou cavalier qui, envoyé en reconnaissance, ferait un faux rapport, sera désarmé et mis à la queue d'une compagnie d'infanterie.
Article 2
Tout cavalier qui refusera de marcher lorsqu'il en recevra l'ordre de son officier ou sous-officier sera désarmé sur le champ et mis à la queue d'une compagnie d'infanterie.
Article 3
Toutes les peines ordonnées dans les titres précédents seront applicables à ceux des cavaliers qui auraient commis les délits énoncés à chaque titre.
Article 4
Tout cavalier convaincu d'avoir dérobé des effets après la prise d'une ville et de les avoir employés chez lui, sans la permission de son capitaine, passera au Conseil de guerre de sa division qui déterminera le nombre de tours qu'il devra passer aux verges. Il sera ensuite désarmé et mis à la queue d'une compagnie d'infanterie.
Article 5
Tout cavalier qui fuirait au combat sans l'ordre de son chef, sera désarmé et mis à la queue d'une compagnie d'infanterie. Tous les individus de l'armée sont autorisés à tirer sur celui des cavaliers qu'ils verront fuir sans ordre.

TITRE VI
DE LA PRISE DES VILLES ET CANTONNEMENTS ENNEMIS

Article 1er
Tous les effets, caisses ou magasins enlevés à l'ennemi seront partagés ainsi qu'il suit : un tiers au détachement qui aura marché pour les prendre, les deux autres tiers seront pour le service du roi ou à la disposition du commandant en chef.
Article 2
Tout officier qui, entrant dans une ville ou un cantonnement ennemi, quitterait son poste pour entrer dans une maison, sera cassé.
Article 3
Tout individu, appartenant à l'armée, qui aurait quitté son poste pour piller des particuliers, aura la tête cassée.
Article 4
Tout individu convaincu d'avoir, à la prise d'une ville ou d'un cantonnement ennemi, dérobé des effets ou de l'argent qui doivent être partagés, sera traité et puni comme voleur.
Article 5
Tout officier aura le droit de passer son sabre au travers du corps de celui de ses inférieurs qui ne lui obéira pas au combat, et ne conservera pas son rang lorsque cela aura été ordonné pour l'attaque d'une ville. A l'heure indiquée pour les rassemblements, toutes les compagnies se réuniront pour la prière. L'officier qui ne s'y trouvera pas sera mis aux arrêts ; le sous-officier ou soldat sera consigné pendant vingt-quatre heures à la garde de police du quartier.

Donné à notre Quartier-Général de Saint-Denis-de-Gastine, le 9 novembre 1799.
Signé : Le comte de Bourmont, général, commandant le Haut et Bas-Maine.

Pour copie conforme à l'original,
Ollivier GANERIE, dit Ferdinand,
Capitaine aide-major de la 8e Légion

Pour copie conforme :
E. QUERUAU-LAMERIE

Bulletin de la Commission historique
et archéologique de la Mayenne

1910

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