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La Maraîchine Normande
5 novembre 2012

LES PHARMACIENS VICTIMES DE LA RÉVOLUTION ♣ 3ème partie

JOSEPH BARATTE

Joseph Baratte naquit en 1718 "au lac des Rouges Truites en Graulaux", district de Conda-la-Montagne, ci-devant Saint-Claude.

Emprisonné, puis interrogé le 1er brumaire de l'an III, il fut mis en liberté le 4 brumaire de la même année.

Une lettre d'un de ses fils à Fouquier nous expose le sujet de son accusation : "Le citoyen et la citoyenne Baratte domiciliés à Besançon au Tribunal Révolutionnaire :

"Joseph Baratte leur père, apothicaire à Besançon a été traduit à la Conciergerie comme prévenu de délit contre-révolutionnaire.

Il résulte de l'interrogatoire qu'il a subi le 1er brumaire, que ce délit consiste en une lettre pastorale de l'évêque constitutionnel du département du Doubs trouvée chez le prévenu et supposée appostillée de sa main de notes théologiques et réfractaires.

Non seulement le corps matériel des faits est imaginaire et dénié par le prévenu, mais encore il ne peut constituer un délit répréhensible.

Persuadés de son innocence, les exposants s'adressent avec confiance au Tribunal pour lui demander le prompt examen de cette affaire.

Son commerce abandonné, son grand âge (80 ans), ses infirmités augmentées par le malheur, et sa conviction entière de la nihilité de son délit doivent être des titres bien pressants pour hâter sa liberté et calmer les allarmes de sa famille désespérée.

Ci-joint une attestation de la députation du département du Doubs et un certificat du Comité de Sûreté générale qui pourront concourir à précipiter son jugement.

Pour ses frères et soeurs,

FRANCOIS-XAVIER BARATTE,

Employé au Comité de Salut public, section des Armes,

comme chef du bureau de la grosse artillerie."

Cette lettre fut sans doute convaincante puisque Baratte fut relâché quatre jours après.

 

JEAN-JOSEPH PLANQ

Le procès de Jean-Joseph Planq, né à Lille en 1729, nous laisse l'impression d'une vengeance exercée par un représentant du Peuple trop zélé, abusant de l'autorité que la Terreur lui avait conférée.

Ce dernier se nommait Ivoré (Envoié) ; plusieurs pièces d'archives vantent "sa conduite ferme et active", son énergie et la surveillance qu'il a "déploiés" dans le moment où il était nécessaire ...

Il écrit à Fouquier-Tinville et termine sa lettre au "Cher Citoyen sans culotte" : "Continue à faire ton devoir, bientôt les conspirateurs feront entasser leurs têtes à leurs pieds comme ils le méritent ..."

Le citoyen Ivoré fit donc traduire devant le Tribunal Révolutionnaire des signataires de différents arrêtés ou lettres soi-disant "contraires aux principes qui maintenaient les sociétés populaires". Parmi eux se trouvait le pharmacien Planq.

Nous trouvons encore une accusation d'Ivoré, représentant comme un complot formé contre la tranquillité de la ville de Lille, une convocation extraordinaire de toutes les sections, et qui "aurait provoqué la dissolution de la Société populaire de Lille affiliée à celle de Paris", ce qui valut au dénonciateur de nouvelles louanges : "A arrêté par son active surveillance les suites de cette trame royaliste et anti-révolutionnaire en prenant les mesures les plus promptes et les plus sages."

Planq est convaincu d'être l'auteur ou complice des manoeuvres citées par Ivoré.

Mais tous ces prétextes sont vains, car on a peine à trouver dans Lille un huissier "à demi patriote" qui veuille collaborer à cette affaire. Et tous les amis de Planq témoignent en sa faveur, affirmant sur "leur âme et conscience que le citoyen "Planq est reconnu par nous et par toute l'Assemblée pour un homme dont le civisme a toujours été le plus sûr et qui ne s'est jamais démenti depuis le commencement de la Révolution, et qu'il s'est toujours tellement montré zélé pour son maintien qu'il a été nommé par ses concitoyens capitaine au septième bataillon de la Garde Nationale de Lille et que, malgré son grand âge (64 ans), il a été prêt à partir en premier avec ses concitoyens pour repousser l'ennemi à Gand." Suivent une centaine de signatures.

Malgré cela, le 26 pluviôse, il part pour la Conciergerie, conduit par la 29e division de la Gendarmerie Parisienne.

Le jour du jugement les rapports d'Ivoré insinuent que "l'opération vigoureuse et célère" a rétabli immédiatement "le calme dans la cité". Mais des témoins défilent au procès, disant que la ville n'a nullement été en insurrection.

Tous ces témoignages spontanés font fort heureusement acquitter Planq, le 19 frimaire, an II.

 

GEORGES FOLLOPPE

Evoquer la vie de Folloppe, c'est vivre la tragédie du Temple !

Nous le suivrons dans cette prison où il remplit au début son rôle d'enquêteur avec tout le "civisme" qu'on réclamait de lui, et nous assisterons aussi au revirement qui devait lui coûter la vie.

Folloppe naquit en 1730 à Ecalalix, près d'Yvetot ; apothicaire, membre du Collège de Pharmacie, il était installé à Paris, "rue et Porte Honoré".

L'histoire ne nous le fait connaître qu'en 1792. Il avait donc 62 ans au moment où membre de la Commune, il fut de garde certains jours à la prison du Temple où se trouvaient enfermés Louis XVI et sa famille. Nous trouvons trace de son passage au Comité de Surveillance en frimaire et en ventôse, an II, par différentes pièces signées de lui.

Le 20 avril 1793, il est appelé par Hébert à perquisitionner dans les appartements de Marie-Antoinette et de Madame Elisabeth.

Les époux Tison, surveillants des prisonniers royaux, avaient affirmé que "la veuve et la soeur du dernier tyran avaient gagné quelques officiers municipaux, qu'elles étaient instruites par eux de tous les évènements, qu'elles en recevaient "les papiers publics" et que, par ce moyen, elles entretenaient des correspondances". Et pour prouver ses dires, la femme Tison descendit au Conseil un flambeau qu'elle avait pris dans la chambre de Madame Elisabeth et fit remarquer aux municipaux une goutte de cire à cacheter qui était tombée sur la bobèche. En effet, le matin même, cette princesse avait remis à Turgy, comme il le raconte dans ses Mémoires, un billet cacheté pour l'abbé Edgeworth, son confesseur.

Cette déposition amena une enquête. Sur le réquisitoire de la Commune, le Conseil général nomma Folloppe, Minier, Loyvet et Benoit à l'effet de se transporter sur le champ au Temple pour, "dans les appartements des prisonniers, faire toutes visites et recherches qu'ils jugeront convenables, comme aussi de fouiller les prisonniers".

Ces mêmes commissaires étaient aussi chargés de lever les scellés apposés sur l'appartement du "défunt Louis Capet" pour y faire également "toutes recherches nécessaires".

Grâce à Turgy, nous savons que ces commissaires arrivèrent au Temple "non pas dans la journée mais le soir à 10 heures, quand devait être commencée pour les prisonniers, l'heure de l'intimité. La femme Tison fouilla les princesses ; le jeune prince dormait, les Commissaires de la Commune l'arrachèrent de son lit pour le fouiller ; sa mère le prit tout transi de froid dans ses bras ; on fouilla dans le matelas et jusqu'au moindre vêtement : aucun objet ne fut trouvé".

La visite, commencée à 11 heures moins le quart, ne finit qu'à deux heures après minuit.

Le 12 octobre 1793, Folloppe est témoin dans le procès de Bailly, ex-maire de Paris. Puis, nous le trouvons encore au Temple le 22 brumaire lors d'une interrogation du Dauphin.

A cette date, Louis XVI et Marie-Antoinette sont morts. La Commune désire surtout atteindre par cette enquête Madame Elisabeth dont on veut la tête, et le nommé Jobert, membre de la Commune, "accusé d'avoir eu pour la famille Royale des égards compromettants".

Voici le procès-verbal de la déclaration faite par le Dauphin :

22 brumaire, le 5e jour du mois, de l'an 2e de la République Une et Indivisible, à 8 heures du soir, le citoyen Simon est venu au Conseil du Temple pour lui faire part d'une conversation qu'il avait eue avec le petit Capet par laquelle un membre de la Commune paraissait avoir eu des intelligences avec la mère, Simon ne voulant point nommer le membre jusqu'au préalable, le Conseil en reçut lui-même la déclaration du petit. Alors le Conseil a nommé les citoyens Folloppe et Figuier pour interroger le petit Capet ; ces deux membres sont montés de suite dans sa chambre où, étant en présence de la citoyenne Simon, ils ont fait rouler la conversation sur différents sujets et, l'amenant insensiblement sur le membre de la Commune, il a dit ; Un jour Simon étant de service au Temple, auprès de sa mère avec Jobert, le dit Jobert avait remis ce jour-là deux billets sans que Simon eût aperçu que cette espièglerie avait fait rire beaucoup de dames, d'autant plus qu'elles avaient trompé la vigilance de Simon, mais qu'il déclarait n'avoir point vu les billets, seulement que la dame lui avait dit.

Les citoyens dénommés, descendus au Conseil, ont donné lecture de leur présente déclaration : alors, Simon lui a dit qu'elle était conforme à celle que le petit Capet lui avait faite verbalement.

Lecture a été faite au petit Capet de la présente déclaration, dit qu'elle contient vérité, y "partiste" et a signé.

C'est avant de signer que le petit Capet a dit que sa mère craignait sa tante et que sa tante était celle qui organisait le mieux les complots.

Signé : Louis-Charles CAPET.

Simon approuve la présente déclaration.

Folloppe a signé aussi.

Pénible déposition que celle du jeune Dauphin, à cette époque sous la dépendance de son geôlier Simon. Les propos qu'ils tient prouvent son inconscience ; ne prend-il pas parti pour ses accusateurs contre sa mère et ceux qui ont risqué leur vie pour elle ? Sa signature tremblante, qui ne ressemble plus à celle de l'écolier attentif qu'il était quelques mois plus tôt, prouve qu'il n'est plus maître de lui.

Folloppe, témoin de ce changement, est sans nul doute bouleversé ; car, lorsque on vient le chercher deux mois plus tard pour faire acte de Membre de la Commune, il refuse et c'est entre deux gendarmes qu'il quitte son domicile ; à son tour il est emprisonné le 22 nivôse.

En pluviose, il subit son premier interrogatoire, puis on perquisitionne chez lui, chez son fils, et chez ses amis Dufour.

Quatre mois plus tard, le 10 floréal, Fouquier-Tinville prend connaissance des pièces d'un des plus importants dossiers qu'il ait eu à consulter, et le 21 floréal comparaissent devant lui Madame Elisabeth, Anne de Senozan, veuve du marquis de Senozan et soeur de Lamoignon, la Marquise de l'Aigle, Denise Buard et Folloppe, apothicaire et officier municipal. Ils sont tous convaincus "d'avoir des intelligences jusque dans la tour du Temple, à l'aide de Folloppe, officier municipal". Folloppe est accusé en outre d'avoir reçu fréquemment des sommes d'argent de la marquise de Senozan et qui ne pouvaient être que "le salaire de complaisances criminelles". Le foyer d'intrigues avec l'Angleterre était dans la maison de la "ci-devant marquise".

Et le tribunal de conclure :

Folloppe a avili autant qu'il a été en lui les fonctions que le peuple lui avait confiées ; agent de la faction d'Orléans, il voulait faire pour ce traître, sous le nom d'un nommé Lemon, un emprunt de 400.000 livres à 10 pour 100 en perpétuel, ce qui prouve qu'il était l'agent d'un projet quelconque, il ne profitait de l'entrée que lui procurait ses fonctions dans la tour du Temple que pour servir les intrigues et les manoeuvres de la femme Senozan, chez laquelle il se rendait ou qui se rendait chez lui pour y donner les détails que désirait cette femme. Bien plus, persuadé qu'un fonctionnaire public était à l'abri de la suspicion, il a voulu abuser de la confiance qu'il devait inspirer pour cacher chez lui l'argenterie de la femme Senozan et la dérober aux recherches des autorités constituées.

Dans une visite faite chez lui par les autorités constituées, il dénia d'en avoir de cachées, et ce n'est que deux mois après que la fraude a été découverte ; cette argenterie était un objet de plus de 40 000 livres.

Enfin Folloppe était prévenu d'avoir entretenu des correspondances avec des émigrés par l'entremise de la femme Buard.

"En conséquence, ils seront tous exécutés dans les vingt-quatre heures sur la place de la Révolution."

Et c'est ainsi qu'en ce printemps de l'an II, où Robespierre était maître, Folloppe mourut en même temps que Madame Elisabeth.

H. AUROUSSEAU-GUIRAUDET

Extraits de : Les pharmaciens victimes de la Révolution

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