Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
La Maraîchine Normande
6 août 2012

UN DRAPEAU TRICOLORE EN PERIGORD AVANT 1789

UN DRAPEAU TRICOLORE EN PERIGORD
AVANT 1789

Capture plein écran 06082012 204610

Trouvaille faite à Saint-Martial-d'Artenset, à la fin du registre de 1782 : Dominique de Quessart, curé, y a consigné le compte-rendu des réjouissances qui eurent lieu à Montpont et Saint-Martial les 8 et 13 janvier 1782, à l'occasion de la naissance du Dauphin, premier fils de Louis XVI.

Cette relation est curieuse à plusieurs points de vue, mais le plus important est celui de la description du drapeau fait à cette occasion ; il était de taffetas de trois couleurs, bleu, rouge et blanc. C'était-il bien là l'ordre de leur disposition ? Peu importe pour le moment, les trois couleurs sont réunies ; mais ce n'est pas encore le drapeau national, puisque ce ne fut  qu'en 1789 que Lafayette, général de la milice bourgeoise, baptisée par l'abbé Sieyès du nom de garde nationale, donna à ses légions la cocarde tricolore en leur disant : "Voilà une cocarde qui fera le tour du monde."

Admirable prédiction parfaitement réalisée.

Comment expliquer ce drapeau tricolore, attaché à une hampe fleurdelisée, entre les mains de fervents royalistes au commencement de l'année 1782 ?

C'est à un problème digne de la Société Historique.

Il sera même très honorable pour moi de l'avoir posé, tout en laissant la solution à de plus savants, surtout s'il est possible de fixer clairement l'origine de nos couleurs nationales qui, suivant certains auteurs, sont les deux vieilles couleurs du blasons de Paris, séparées par celle du roi de France. Suivant d'autres, la cocarde et le drapeau donnés par Lafayette étaient le symbole de la fusion des trois ordres qui divisaient précédemment les citoyens : le rouge, couleur du peuple ; le bleu, celle du clergé ; le blanc celle de la noblesse.

La première explication paraît être la plus sûre ; la seconde est trop poétique, cependant elle ne peut être rejetée, car le blason nous vient de l'Orient, le vrai berceau de la poésie.


Note inscrite à la fin du registre des actes de baptêmes, mariages et sépultures de la paroisse de Saint-Martial d'Artenset pour l'année 1782 :

REJOUISSANCES A MONPON ET SAINT-MARTIAL
LES 8 ET 13 JANVIER 1782 A L'OCCASION DE LA NAISSANCE DE
MONSEIGNEUR LE DAUPHIN.

(Teneur copiée ad litteram)

Est icy pour mémoire perpétuelle. Ce qui suit, afin detre un monument éternel de l'amour qu'a pour son roi : et la famille royale. Cette paroisse de St-Martial.

Le mois de novembre 1781, M. le Comte de Fumel, commandant de la province, envoya des ordres à Monpon pour faire des réjouissances publiques à l'occasion de la naissance de Monseigneur le Dauphin, arrivée le 22e octobre 1781.

Comme il falut faire des préparatifs, ces réjouissances ne purent avoir lieu que le jour des Rois 1782. Elles auraient été très peu de chose si le sieur Bouchou de Floricour, avocat en Parlement et receveur des domaines du Roi a Monpon, ne sétait point donné des soins et des mouvement a ce sujet, et fait des dépenses en son propre, pour les rendre aussi brillantes que l'endroit pouvait le comporter.

Il ni avait jamais eu a Monpon de drapeau pour les troupes bourgeoises, le d. Sr Bouchou en fit faire un a ses dépens, en taffetas de trois couleurs bleu, rouge et blanc, entouré d'une crépine d'argent, le baton orné de sa lance en fleur de lis, il fit porter aussi six petits canons de la forge de Mussidan, fit acheter un barril de poudre a Bordeaux, fit venir trois tambours et trois fifres, du Monravel, acheta le fagotage pour le feu de joye, paya un tambour major. Enfin fit toutes les dépenses sans que personne de Monpon voulut rien contribuer, quoique plusieurs l'eussent promis. Ce fut lui encore qui envoya a ses dépens les ordres à toutes les paroisses de cette juridiction et qui nomma les commandants pour les troupes. Enfin, lui seul se donna tous les mouvements possibles pour rendre cette cérémonie aussi augiste que l'objet le méritoit.

Bénédiction du drapeau à St-Martial. - Le drapeau nouveau exigeoit une cérémonie particulière, il falloit le bénir, le Sr Bouchou voulut que cette bénédiction se fit dans l'église de cette paroisse, comme en étant paroissien, sa maison se trouvant dans les faubourgs de Monpon, apellés de Saint-Martial.

Il pria monsieur de Quessart de Beaulieu, curé de cette paroisse, de vouloir bien en faire la cérémonie. En conséquence il fut nommé pour porte-drapeau, M. Bécheau l'aîné, principal bourgeois de cette paroisse, qui se rendit le matin jour des Rois à Monpon pour s'en charger.

On partit de chez le d. Sr Bouchou à neuf heures ou on prit le drapeau qui était plié, au bruit de six coups de canon qui avertirent St-Martial du départ, il y avait un détachement de quarante fusiliers pour l'accompagner, tous proprement mis, avec cocardes et plumets à leurs chapaux, commandés par trois officiers ; a coté du drapeau étoient deux officiers lépée nue, un autre détachement de la bourgeoisie de cette paroisse fut au devant avec un tambour ; le tout arriva à l'église dont le portail, par les soins de M. le curé, était orné de lauriers et gardé par quatre fusiliers.

M. le curé commença la messe, après l'Evangile il fit la bénédiction du drapeau qui était au milieu d'une double haye de fusiliers depuis le portail jusqu'au balustre, il commença par faire l'asperssion, puis l'encenssement, autour du drapeau, qui ne fut déployé que pour lors, ensuite on plaça un fauteuil au milieu de l'autel dans le quel M. le curé s'assit, fit avancer le porte drapeau, le fit mettre à genoux, dit les oraisons d'usage en pareil cas, et luy donna l'accollade, le tout au bruit des tambours et des fifres, et des cris de vive le Roi et monseigneur le Dauphin, ensuite il continua et finit la messe, qui fut célébrée militairement. Après quoi on se retira a Monpon pour continuer les cérémonies des réjouissances. Le Te Deum fut chanté dans la chapelle de Monpon ou le curé de Menesterol setoit rendu : Le feu de joye fut allumé par le juge royal seul au bruit du canon et des decharges de mousqueterie, il y avait au moins huit cents fusiliers.

Comme la bénédiction du drapeau étoit une nouveauté pour cette paroisse, il y avait au moins plus de trois mille personnes, soit étrangères ou des environs. Et le tout avec un beau temps.

Réjoüissances et feu de joye à St-Martial.- Le sieur Bouchou, après la cérémonie de la bénédiction du drapeau, ayant emmené diner chez luy M. le curé de St-Martial, M. Bécheau et autres principaux, le drapeau étant déposé dans sa maison ou on montoit la garde, il fut résolû pendant le repas, que pour témoigner la joye de la naissance de Monseigneur le Dauphin, la bourgeoisie de cette paroisse ferait aussi ses réjoüissances particulières, le dimanche suivant ce qui fut unanimement aprouvé par tous les messieurs les bourgeois et principaux habitants et qui fut exécuté.

M. Bouchou prêta son drapeau et ses canons. En conséquence le 13e janvier 1782, la bourgeoisie sous les armes fut chercher le drapeau chez luy avec le plus grand apareil, arrivé icy, la messe se chanté militairement avec les tambours et les fiffres, de même que les vepres, on chanta aussi le Te Deum, après quoi on fut allumer le feu en cérémonie, qui le fut par M. le curé en habit ordinaire, et par M. Bouchou, il y eut un diner splendide chez M. le curé, ou la santé du Roi et de Monseigneur le Dauphin fut bue au bruit du canon et des fanfares.

Le soir, il y eut un grand souper qui se fit chez madame Nabissau ou toute la bourgeoisie de cette parroisse avec leurs familles assistèrent ; le tout aux frais de chacun qui se cotisèrent libéralement ; il y eut bal toute la nuit, tout se passa avec la plus grande décence.

On le répète, toutes les dépenses de cette fette : en canons, poudre, tambours, fiffres, bois et repas se firent par la bourgeoisie de cette paroisse sans exception qui y contribua gayement, ce qui doit être une confusion pour Monpon dont les principaux habitants ne voulurent rien fournir pour réjoüissances de leur ville. Et dont partie se tint renfermée au fonds de leurs maisons dans la crainte de contribuer à quelque dépense, la générosité seule de M. Bouchou y ayant supléé. Cependant c'est une ville royale !

Pour ne rien ommettre, il est encore bon de sçavoir que mondit Sr Bouchou avait formé une petite compagnie de jeunes enfants écoliers latinistes au nombre de vingt ayant leur drapeau particulier, porté par le fils du Sr Bouchou, tous ces enfans étoient proprement habillés avec cocardes et plumets a leur chapeau en forme de panaches, ils étoient tous armés ; ils marchoient a la tête et cella faisoit un fort joli effet. Cetoit la compagnie de Monseigneur le Dauphin.

Et moi curé de cette paroisse St-Martial ay cru etre de mon devoir de consigner sur ce registre ce qui s'est passé a ce sujet pour etre en mémoire perpétuelle et pour qu'a lavenir on fasse mention honorable des habitants de ma paroisse afin que leurs successeurs puissent les imiter dans leur amour pour leur roy et la famille royale.

A St-Martial, le 30 décembre 1782.

DE QUESSART, curé de St-Martial


Pour copie textuelle : A. DUVERNEUIL
Bulletin de la Société Historique et Archéologique du Périgord

Publicité
Commentaires
La Maraîchine Normande
  • EN MÉMOIRE DU ROI LOUIS XVI, DE LA REINE MARIE-ANTOINETTE ET DE LA FAMILLE ROYALE ; EN MÉMOIRE DES BRIGANDS ET DES CHOUANS ; EN MÉMOIRE DES HOMMES, FEMMES, VIEILLARDS, ENFANTS ASSASSINÉS, NOYÉS, GUILLOTINÉS, DÉPORTÉS ET MASSACRÉS ... PAR LA RIPOUBLIFRIC
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
Newsletter
Archives
Derniers commentaires
Publicité