Mme la Contesse de Rieux-Songy, soeur de Henri, Louis et Auguste de la Rochejaquelein

Mme DE RIEUX-SONGY -

Mme la Contesse de Rieux-Songy, soeur de Henri, Louis et Auguste de la Rochejaquelein

vient de mourir, au Fresne Chabot, en Vendée à

l'âge de 75 ans.

Une page des Mémoires du général Canuel montrera qu'elle était digne de ses héroïques frères :

"Mlle Lucie de la Rochejaquelein, apprenant que son frère (Louis) avait besoin d'un renfort, monta aussitôt à cheval et parcourut en toute hâte les paroisses de son arrondissement. Elle disait aux bons paysans : "Mes amis, ma famille ne vous a jamais trompés ; mon frère Henri est mort en combattant pour vous ; aujourd'hui que Louis, qui vous a comblé de bienfaits, est à votre tête, l'abandonnerez-vous au moment du danger ?"

"Les paysans ne furent point sourds à cette voix ; le nom seul de la Rochejaquelein éveilla leur courage ; en peu d'instants, deux mille hommes se présentèrent ; de toutes parts, ce cri se faisait entendre : "Allons le sauver !".

"Lorsqu'ils furent rassemblés, Mademoiselle Lucie fit lire devant eux la proclamation suivante :

"Mes amis, braves Vendéens !

Nous venons de recevoir des ordres de mon frère, qui ordonne de réunir les paroisses pour aller chercher les armes et les munitions envoyées à l'armée du Roi. Marchons donc, braves Vendéens ! allons assurer le retour de nos amis, de nos enfants et de nos frères.

Il est resté parmi vous, et il vous est arrivé plusieurs officiers pour vous commander ; vous ne les connaissez pas tous, mais mon frère les connaît. Je les connais aussi, et, pour vous le prouver, j'irai avec vous, et nous montrerons au monde entier que les Vendéens, avec la confiance de Dieu, combattant pour leur religion et pour leur Roi, sont invincibles. Vous verrez que je suis de la famille de ceux qui vous ont dit : "Si j'avance, suivez-moi ; si je recule, tuez-moi ; si je meurs, vengez-moi !" - "Vive le roi !

Signé Lucie de la Rochejaquelein

Saint-Aubin-de-Baubigné, 4 juin 1815".

"Cette proclamation produisit l'effet qu'il était permis d'en attendre ; elle électrisa tous les coeurs, l'armée se mit en route aux cris mille fois répétés de : Vive le Roi ! Surmontant la faiblesse et la timidité naturelles à son sexe, Mlle Lucie marchait à la tête et allait affronter des dangers auxquels les hommes les plus braves ne s'exposent qu'en frémissant. Elle pressait la marche ; un sinistre pressentiment lui faisait craindre d'arriver trop tard. En entrant aux Herbiers, elle apprit que l'armée du marquis avait quitté le marais. Cette nouvelle fit sur elle une impression terrible ; elle entrevit tout son malheur. Cependant, un reste d'espérance la soutenait encore : "Courage ! mes amis, criait-elle aux soldats, avançons, allons battre l'ennemi, courons sauver mon frère !".

"Vain espoir ! inutiles efforts du dévouement le plus noble et le plus héroïque ! Quelques jours après elle apprit que ce frère infortuné n'était plus ! ... Abîmée dans une tristesse profonde, elle reprit douloureusement le chemin qu'elle avait parcouru la veille, et retourna à Saint-Aubin, escortée d'une partie de ses bons paysans qui, en se retirant, exhalaient leurs regrets par des sanglots ..."

Revue de Bretagne et de Vendée - 1862