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La Maraîchine Normande
7 juillet 2012

Le citoyen DELABARBE, premier sous-préfet de Saumur

Jean-Pierre Delabarbe, né le 16 août 1751, à Sainte-Marie (Manche), entra d'abord dans l'administration du contrôle et des domaines. Après avoir passé par les divers grades, il se trouvait directeur à Tours depuis quatre ans quand la place fut supprimée en 1791. Chargé alors de l'organisation des recettes à Tours, puis à Saumur, il fut successivement nommé maître particulier des eaux et forêts à Beaugé, le 5 octobre 1797, puis secrétaire général de l'Orne, enfin sous-préfet de Saumur.

C'est le citoyen Delorme qui avait été désigné pour cette sous-préfecture. Sur son refus, le citoyen Delabarbe fut nommé le 1er Juin 1800 et installé le 17 du même mois. On dit qu'il avait sollicité cette place, et il devint ainsi le premier sous-préfet de l'arrondissement de Saumur.

Le premier préfet de Maine-et-Loire, le citoyen Pierre Montault des Isles, avait été installé le 29 mars, c'est-à-dire trois mois avant le sous-préfet de Saumur.

L'harmonie ne semble pas avoir été parfaite entre ces deux fonctionnaires. On en jugera par la lettre suivante, que le citoyen Montault adressait au Ministre de l'Intérieur, le 14 décembre 1800.

CITOYEN MINISTRE,

Vous me demandez, par votre lettre du 18 brumaire (9 novembre 1800), des renseignements sur les faits reprochés au sous-préfet de Saumur dans une dénonciation faite par le général Girardon et transmise par le général Hédouville.

Il me répugnait de vous entretenir de ce fonctionnaire, parce que l'amertume, l'aigreur de sa correspondance avec moi comme avec tous les fonctionnaires publics (notamment avec le maire de Saumur, le citoyen Philippe-Félix Cochon, nommé le 8 juillet 1800 par le Premier Consul), me faisaient craindre d'être soupçonné d'y apporter du ressentiment et de la personnalité.

Ce sous-préfet a été accusé d'exercer des persécutions contre des prêtres. J'ai connaissance qu'un ecclésiastique s'étant rendu, avec une autorisation du général Girardon, à Saumur, et exerçant le culte dans la maison de l'hospice, le brigadier de la gendarmerie, par les ordres du sous-préfet, se porta un jour de fête pour faire des perquisitions dans la maison, dont il dressa procès-verbal, qui m'a été envoyé. Il est à ma connaissance qu'il a fait défense d'exercer à des prêtres rentrés en vertu de l'amnistie, notamment aux curés de Varrains et Chacé, communes voisines de Saumur (1).

J'ai à lui reprocher d'avoir, par des tracasseries aigres, minutieuses, provoqué la démission des administrateurs de l'hospice de Saumur, commission composée de citoyens les plus recommandables qui ont soutenu les deux maisons de cette commune par leur sage économie et leur crédit particulier ; j'ai été obligé d'employer toute la confiance qu'ils m'avaient témoignée pour les engager à continuer leurs fonctions.

J'ai vu une lettre de lui, par laquelle il recommande au brigadier de la gendarmerie de Martigné de surveiller et de lui dénoncer la conduite du maire de cette commune. Le maire est un ancien chef de bataillon retiré, homme moral très attaché au Gouvernement, dont la sagesse et la fermeté administrent très bien un pays extrêmement difficile où les esprits ont toujours été extrêmes dans les parties.

Cette manière d'agir ne peut donner que du dégoût dans leurs fonctions à des citoyens qui n'ont d'autre ambition que de mériter l'estime et la confiance de leurs administrés.

Lorsque le citoyen Delabarbe, sous-préfet, vint pour se faire recevoir dans la place, le département était alors en état de siège. Je l'entretins de la situation de son arrondissement et des ménagements que je pensais devoir être employés, dont le succès paraissait démontré par l'expérience. Il me parut adopter les idées et sentir la réussite d'une concordance avec les autorités militaires ; dans une entrevue qu'il a eue avec le général Girardon à Saumur, j'ai su qu'il avait parlé d'une manière toute opposée. Cette différence d'opinion ne peut être attribuée qu'à l'influence des personnes dont il s'est environné ; j'ai su qu'il n'avait de liaisons qu'avec des hommes immoraux, zélés partisans du régime révolutionnaire, dans lequel ils ont occupé les premières places.

Cette conduite n'a pu lui concilier l'estime et la confiance des habitants de Saumur, ville qui a eu beaucoup à souffrir de ce régime. Cependant les moyens sont si puissants dans un administrateur, que la partie la plus difficile de sa tâche est rempli lorsqu'il est parvenu à l'obtenir.

Voilà, citoyen ministre, la vérité tout entière sur le sous-préfet de Saumur. J'ajoute avec la même franchise que le citoyen Delabarbe a des moyens, il est laborieux, ci-devant successivement employé dans la régie des domaines et dans les eaux et forêts. Je pense que ses travaux seraient plus utiles au Gouvernement dans une de ces parties que dans la place qu'il occupe (2).

En dépit de la lettre du Préfet de Maine-et-Loire, le citoyen Delabarbe continua d'exercer ses fonctions à Saumur ; il ne devait jamais quitter cette ville, où il mourut, toujours en fonction, le 24 octobre 1811. Il avait vu quatre préfets passer successivement : Montault des Isles, Nardon, Bourdon de Vatry et Hely d'Oissel.

F. UZUREAU

Aumônier du Champs-des-Martyrs à Angers

Directeur de l'Anjou Historique

(1) Voici ce qu'écrivait le préfet au citoyen Delabarbe, à la date du 16 septembre 1800 : "Il m'est parvenu de différentes communes, et notamment de celle de Varrains, des plaintes contre l'opposition que vous mettez au libre exercice des cultes. Il paraît que vous exigez des Ministres la stricte exécution de la loi du 21 nivôse dernier, et que vous leur faites de la promesse de fidélité une condition de rigueur, sans avoir égard aux modifications que le gouvernement lui-même a données à son arrêté en faveur des départements de l'Ouest, modifications que vous n'ignorez certainement pas, puisque le général Girardon m'a assuré vous en avoir participé, etc." - Le 28 septembre, le Préfet écrivait encore dans le même sens au citoyen Delabarbe.

(2) Voici une lettre que le préfet Montault écrivait au sous-préfet Delabarbe, le 23 juin 1801 : J'ai fait prendre des renseignements sur la conduite du nommé Jarry, que vous m'aviez présenté, sur la dénonciation du lieutenant de gendarmerie, comme un ecclésiastique turbulent et cherchant à insinuer des sentiments royalistes dans la commune du Voïde, dont il dessert l'église. Je ne dois pas vous taire que ces renseignements sont diamétralement opposés à ceux que vous a fournis l'officier dont il s'agit. Il paraîtrait même, si je dois ajouter foi aux rapports qui me sont parvenus, que la gendarmerie seule est répréhensible dans la circonstance présente. En effet, on m'assure que le citoyen Saussay, brigadier, et les citoyens Humeau et Gachet, gendarmes, se sont portés à la porte de l'église du Voïde lorsqu'on y célébrait le culte, ont traité de "gavotte" les airs qu'on y chantait et ont voulu danser au chant des psaumes. Une conduite si propre à irriter les esprits est infiniment irréfléchie et coupable de la part desdits gendarmes, et mériterait, si elle était bien constatée, une punition sévère. Veuillez, je vous prie, recommander au lieutenant de gendarmerie de défendre rigoureusement à ses subordonnés toute insulte à l'exercice du culte que ce puis être, à peine d'être poursuivie comme perturbateurs de la tranquillité qu'ils sont chargés de maintenir.

Voir également article sur ce lien : http://saumur-jadis.pagesperso-orange.fr/recit/ch28/r28f.htm

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