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La Maraîchine Normande
4 mai 2012

BELLAVIDÈS ~~ Jean-Jacques-Marie de La Huppe de Larturière ♣ LE CHOUAN DE L'AVRANCHIN (1773 - 1865)

Bellavidès, le chouan de l'Avranchin

 

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Un photographe probablement avranchinais fixera sur une plaque de verre l'unique portrait de Jean-Jacques de La Huppe de Larturière.

Cette photo dévoile un homme au maintien d'une élégance aristocratique. Le visage à la fois fier, sévère et impénétrable révèle une force de caractère peu commune. On devine que l'homme qui fut officier dans l'Armée Catholique et Royale forçait au respect.

L'exceptionnelle constitution physique de Jean-Jacques de La Huppe de Larturière permettra à celui que la famille a coutume d'appeler le "vieux chouan" de traverser quatre monarchies, deux républiques et deux empires, puisqu'il naquit le 25 septembre 1773 et rendit son dernier soupir le 7 octobre 1865 à l'âge de quatre-vingt-douze ans ! Quel parcours pour cet homme qui a combattu pour Dieu et son Roi !

La famille de Larturière, de noble souche avranchinaise, porte les armes suivantes : "D'argent à trois huppes de sable" ; ces armoiries figurent sur la pierre tombale d'un prêtre de la famille dans l'église de Plomb, près d'Avranches.

Si la Normandie connaît une vie politique relativement calme, les nouvelles provenant de Paris sont de plus en plus alarmantes. Dans les villes importantes, des voix s'élèvent pour abattre la monarchie, la personne royale est mise en cause, on parle dans les clubs de destitution voire même de déchéance. Or, Jacques (père de Bellavidès), comme la plupart des autorités administratives en exercice dans la campagne normande, est pour une monarchie constitutionnelle. les évènements du 10 Aoput, l'insurrection des sectionnaires, la prise des Tuileries qui obligent la famille royale à se réfugier à l'Assemblée ont pour conséquence l'internement du Roi et des siens le 13 Août au Temple. Jacques de Larturière démissionnera de sa charge le 2 septembre, le jour même où débuteront les massacres de septembre.

Face à ces évènements qui annoncent la fin de la royauté, la famille de Larturière décide de s'installer pour un temps à Granville, d'autant plus que Jean-Jacques de La Huppe de Larturière vient d'avoir dix-neuf ans et qu'il a décidé d'embrasser la carrière d'officier de marine. Promis à une brillante carrière, il choisit d'entrer à l'école d'hydrographie de Granville qu'il intègre le 16 février 1793. La révolution en décidera autrement, précipitant le futur Bellavidès vers un autre destin.

Aux heures tragiques de la Terreur, Jean-Jacques de Larturière est admis à l'école d'hydrographie de Granville, située à l'époque dans la vieille ville, place Cambernon. Le 1er Juin, il intègre les bureaux du port de Granville en qualité de commis aux revues devenant ainsi fonctionnaire de la république française et rémunéré par elle - précisons que la Convention imposait à tout fonctionnaire l'obtention d'un certificat de civisme ou de patriotisme délivré par la société populaire de la ville où l'intéressé était appelé à exercer ses fonctions.

L'adhésion de Jean-Jacques de Larturière à la société populaire sera confirmée en 1795 lors d'une pétition des habitants de Coutances à l'encontre de Jean-Baptiste Lecarpentier. Jean-Jacques de Larturière aurait-il adopté dans les premiers mois de son séjour à Granville les idées républicaines ? On le suppose, car la plupart des Granvillais se sont enthousiasmés pour les "idées nouvelles" ; aussi les parents et les amis de Jean-Jacques de Larturière n'ont pas fait exception. Un autre argument plaide pour cette opinion : un fonctionnaire ayant été dans l'impossibilité d'obtenir ce certificat de civisme était aussitôt démis de ses fonctions.

Ayant passé avec succès les épreuves du scrutin épuratoire, Jean-Jacques de Larturière est affecté le 19 octobre 1793 sur la corvette "Le Zéphyr" en qualité de commis aux revues, fonctions équivalentes au commissaire de marine.

Quelques semaines auparavant, son père Jacques de Larturière avait été arrêté et incarcéré à la prison d'Avranches, dans les murs de l'évêché, rue de Lille.

Le 14  Novembre, deux colonnes de trente mille hommes se portent sur Granville avec quinze pièces d'artillerie. L'élite de l'Armée vendéenne avec à sa tête La Rochejaquelein longe le rivage traversant les villages de la côte. La principale colonne aux ordres de Stofflet qui forme l'avant-garde emprunte la route qui passe par Sartilly. A l'entrée de Granville, au lieudit le Croissant, l'armée de Stofflet fait halte, permettant à l'abbé Bernier de rédiger deux ultimatums offrant aux Granvillais une reddition honorable. Si l'inquiétude règne dans le camp des habitants de la cité maritime, ils sont néanmoins déterminés à résister héroïquement, ont-il le choix ? Les mesures édictées par Lecarpentier ne proposent qu'une piètre alternative : le combat ou le peloton d'exécution ! Retranchés derrière les remparts, les Granvillais attendent l'assaut. Une colonne républicaine de reconnaissance commandée par l'incompétent Vachot engage le combat à hauteur de l'actuel croisement des routes de Saint-Nicolas et de l'hôpital. Elle est culbutée et ne doit son salut qu'à la fuite. Dans sa retraite, elle croise la garnison de Granville commandée par Lecarpentier, Varin et Coffy, qui avec cinq mille hommes s'oppose aux hommes de Stofflet. Dans le même temps, la cavalerie vendéenne surgit et se dirige à bride abattue vers les quartiers de la Grande et Petite Houle, déployant ainsi un mouvement tournant afin de prendre à revers les républicains sur leur droite. Les bleus accablés dès le premier choc qui a lieu au Calvaire, Peyre croit voir Lecarpentier prisonnier. Se sentant cernés, les républicains se replient sur le pont du Carreau, traversent Le Boscq et s'engouffrent dans la vieille ville.

Durant cette journée du 14 novembre, quatre corvettes, Le Goulu, l'Anonyme, Le Râfleur et Le Zéphyr, embossées près du môle, placées sous le commandement de Jacques Jourdan-Huberdière, vont jouer un rôle considérable. Au moment où les Vendéens, sur les talons des républicains, empruntent le pont du Boscq, une salve d'artillerie tirée des corvettes s'abat sur les royalistes. Un canon vendéen de calibre 12 est détruit, les servants sont abattus. le passage est désormais bloqué, l'infanterie ne peut plus poursuivre les républicains.

Le Zéphyr, avec à son bord Jean-Jacques de Larturière, reste embossé face à l'embouchure du Boscq bombardant sans répit le rivage, décimant les rangs vendéens. Les combats sont sanglants, ils cessent vers 13 heures, lorsque La Rochejaquelein ordonne la retraite et dans la précipitation oublie une poignée de combattants, qui poursuivent la lutte sous les ordres d'Amédée de Béjarry.... En cette année 1793, Jean-Jacques de Larturière, qui vient d'avoir vingt ans, a essuyé son baptême du feu, il est maintenu dans son affectation sur le Zéphyr.

 

BELLAVIDES

Comment se présente Jean-Jacques de Larturière, le futur Bellavidès, aux yeux de ses contemporains ? Un avis de recherche établi en 1799 par le commissaire du Directoire, près de l'administration du Calvados, fait une description assez précise de l'homme : "Il mesure cinq pieds quatre pouces (soit 1.73 m environ), a les cheveux ainsi que les sourcils blonds. le visage long et blême est surmonté d'un front découvert et a les yeux bleus". Louis de Frotté nous en brosse un portrait haut en couleur qui correspond plus à la personnalité d'un futur chouan : "Petit et nerveux, actif et redouté et boiteux d'une cuisse (suite à la blessure reçue au combat du Parc en 1796)". Un certain nombre de témoins rapportent que son regard bleu acier pénétrant révélait une force de caractère exceptionnelle et mettait mal l'aise ses ennemis lors des interrogatoires.

 Le général d'Hédouville qui sert avec zèle la République écrit à la Convention : "On a cru trop longtemps au gouvernement que les paysans étaient conduits par les nobles comme des troupeaux. Il n'en est rien, le paysan est une race à part qui raisonne son obéissance et ne l'accepte que quand il lui plaît ...". Cette opinion nous fait comprendre la raison du succès rencontré par Bellavidès dans son recrutement. Il ralliera à ses côtés près de quatre cents hommes formant ainsi le corps le plus important de la légion d'Avranches aux ordres du Comte de Ruays. Ce régiment composé en majorité de déserteur constituera une troupe de choc, aux ordres de l'ancien officier de marine rompu à une stricte discipline, ce qui n'est pas pour déplaire à Frotté. Le régiment de Brécey aura la réputation d'un corps d'élite qui se distinguera pour sa célérité dans les combats. Bellavidès sait tenir fermement son régiment, il refuse les vols, les pillages et les égarements, comportements hélas courants et tragiques dans une guerre civile. Cette rigueur morale fera de lui une notabilité respectée dans le canton de Brécey à la Restauration.

Pour ces combattants de l'ombre, l'existence se résume à un état de réflexes presque animal, "devenir rapide comme le renard et mauvais comme le loup avec, pour repaire, les haies et les fossés". Le chouan se cache le jour et marche la nuit. Les fossés et les haies qui entourent les parcelles de terre sont autant de redoutes et de pièges mortels pour le républicain qui avance à découvert. Pour échapper aux colonnes républicaines, le chouan se déplace sans cesse dans le Bocage. Sa physionomie nous est connue par les nombreuses gravures : il garde son allure paysanne avec des cheveux longs, il est revêtu d'une veste brune grise ou vert bouteille recouverte d'une peau de bique qui le protège des pluies d'automne. Ses pieds sont protégés soit par des sabots soit par des souliers ferrés surmontés de guêtres. Il porte un bonnet de laine ou bien un grand chapeau sur lequel il a cousu une cocarde blanche ou un coeur rouge avec une croix en scapulaire.

Jean-Jacques de Larturière prend part à tous les combats de l’armée catholique et royale du comte de Frotté. « C’est le plus fin des chasseurs du roi, écrit un de ses biographes. Il est d’une audace incroyable. Il prétend que les balles s’écartent de lui parce qu’il porte sur son cœur une petite boîte d’argent contenant une parcelle de la vraie Croix. C’est un mystique, mais il dépourvu de toute sensiblerie.»

Bellavidès sera l’un des chefs chouans les plus populaires du sud de la Manche. Sa bonhomie autant que sa brutalité lui valent l’attachement des masses paysannes. Sa célébrité grandit encore en 1797 quand il tombe entre les mains des  « patauds ». Enfermé à Fort-Colin, à Coutances, et promis à une exécution rapide, Bellavidès réussit à séduire la belle-fille du gardien de la prison qui l’aide à s’évader. De Larturière put se cacher dans une ferme de Saint-Pair et échapper à toutes les recherches des républicains.

Il est trois fois condamné à mort mais il réussit toujours à s’évader.

Sous la Restauration, il devient maire de Brécey de 1818 à 1824.

Il demeure au manoir de la Doittée, appartenant toujours à ses descendants. Il reçoit le titre de chevalier, sous la Restauration, et la croix de Saint-Louis. 

 

♣ Pour en savoir plus, voir le livre : Bellavidès, le chouan de l'Avranchin de Alain Landurant

♣♣♣

Bellavidès baptême

Né à Avranches le 25 septembre 1773, et baptisé le lendemain, Jean-Jacques-Marie de la Huppe de Larturière fut anobli à la Restauration et créé chevalier héréditaire par lettres patentes du 31 août 1819, avec les armoiries : de gueules au paon d'or passant. Il épousa Adèle du Quesnoy, d'Avranches, et mourut au manoir de la Douettée à Vernix, à la limite de Brécey et du Petit-Celland, le 7 octobre 1865, à 93 ans ; il est enterré au pied du clocher du Petit-Celland. (Le vieux Mortain - Volume 2 - 1930 - par Victor Gastebois)

Bellavidès décès z

 

Le Petit-Celland cimetière

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