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La Maraîchine Normande
5 mai 2012

SAINT-FULGENT

SAINT-FULGENT

 

 

"Dans les premiers jours de mars 1793, des jeunes gens des métairies voisines des Quatre-Chemins et de Saint-Fulgent refusent de se soumettre à la loi du recrutement. Ils se sont rassemblés au nombre de deux cents, près du Coudrais. Ils sont armés de fourches, de bâtons et de mauvais fusils de chasse. Un morceau de grosse toile blanche attachée au bout d'une perche leur sert d'étendard. François Cougnon, du village du Coudrais, qu'ils ont proclamé leur capitaine, grimpe sur la tête d'un gros chêne et leur adresse dans son patois la harangue suivante :

Tote la France va se révolter quiette net, pre abolir la République. Que qui é la qui vlant se battre pre la Religion et le Roi se taisiant ; et que qui é la qui ne vlant pas se battre parliant.

Cette question, habilement posée, fut suivie d'un silence complet.

François Cougnon reprit : Allons, enfants, ve savez bi quo va passer de la troupe à Saint-Fulgent pre aller à Montaigu. et ve forcer à tirer au billet ; y allons les guetter ; poil de brit, chut !

Après cette laconique harangue, François Cougnon descend de son chêne, fait charger les armes et donnant quelques instants de recueillement pour que chaque volontaire fasse sa prière et attire la bénédiction du ciel sur leur entreprise, il dirige sa petite troupe sur le bourg de Saint-Fulgent, en suivant les prairies solitaires qui longent un ruisseau, et ils arrivent tous à l'aube du jour dans les prés de Rimond, à peu de distance de Saint-Fulgent. Pour n'être pas aperçus, ils se tapissent derrière les haies et attendent que les patriotes se présentent à leurs coups. Lorsque ces derniers sont à la Vergnasse, à un kilomètre à peine du bourg, les jeunes gens montent sans bruit par la petite ruelle de Rimond, prennent position sur les bords de la grande route et dans la rue Tracolette.

Le soleil se levait et les habitants de Saint-Fulgent sommeillaient encore. Les patriotes marchaient sans défiance ; ils arrivaient au vieux calvaire et allaient tomber dans l'embuscade qui leur était tendue, lorsque la femme Leboeuf, à opinion républicaine, aperçoit de sa fenêtre les réfractaires couchés à plat ventre Aussitôt elle fait signe aux patriotes d'arrêter. Les jeunes gens, voyant par l'immobilité de l'ennemi que leur piège est éventé, ont recours sur-le-champ à une autre ruse ; ils feignent de prendre la fuite. La femme Leboeuf, trompée par ce stratagème, donne à la troupe le signal d'avancer. Les gardes nationaux marchent alors en avant, mais quand ils sont arrivés en face de la mairie, les jeunes gens accourent reprendre leur poste et font une décharge qui couche deux hommes sur le terrain. Les patriotes, surpris, fuient à toutes jambes. Les jeunes gens les poursuivent aux cris de : Vive le Roi ! leur tuent deux autres hommes et ne leur donnent pas de relâche jusqu'à Saint-Vincent.

Cet engagement eut du retentissement dans la contrée et fut le prélude de plus sérieux combats. Afin de soutenir la lutte qu'ils ont engagée, les jeunes gens se rendent à la Petite-Roussière, paroisse de Saint-Fulgent, et à la Brunière, dans celle de Chavagnes, chez les deux frères Royrand, l'un, ancien colonel dans un régiment de mousquetaires, et l'autre, ancien officier de marine, et, à force d'instances, les décident à se mettre à leur tête." (DENIAU, Hist. de la Vendée.)

Le 23 septembre 1793, un an après la célèbre bataille de Torfou et la prise de Montaigu par les Vendéens, l'armée royale, sous Charette et Lescure, se porta sur Saint-Fulgent, alors au pouvoir des républicains. Voici le récit que M. Crétineau-Joly trace de cette affaire :

"L'armée royale arrive à Saint-Fulgent ; la nuit approchait, et, en avant du bourg, Mieskouski a rangé ses 6,000 hommes en bataille .

Mais fatigué de ces insignifiants résultats, Charette prend un tambour en croupe. Il lui ordonne de battre la charge, puis, suivi de Joly, de Savin et de quelques soldats, il pénètre dans la longue rue de Saint-Fulgent. Une affreuse mêlée s'engage dans les ténèbres. On se fusille à bout portant, on s'égorge à coups de baïonnettes ! Les paysans combattent avec une audacieuse bravoure, et pour eux c'était un grand pas de fait vers l'obéissance, car, jusqu'à présent, il avait été impossible de les amener à des attaques nocturnes ; ils avaient pour la nuit une horreur invincible. L'affaire de Saint-Fulgent les en guérit complètement. A travers les cris des mourants et des blessés, on entend les sons aigres d'un flageolet, c'est Rynchs, le royaliste. qui, à cheval au milieu du sang qui coule, fait entendre aux bleus, avec la plus amère dérision, le fatal Ça ira ! dont ils reçoivent ici une bien cruelle application. Un boulet de canon emporte la tête du cheval de Rynchs, il se relève et, assis sur une borne, il continue son air. On entend de minute en minute la voix stridente de Charette qui excite les siens et leur annonce la victoire. Un bataillon des volontaires de la Marne, qui s'est nommé l'invincible, meurt tout entier. On vit, dans la chaleur du combat, les soldats des deux partis prendre des cartouches aux mêmes caissons. Mieskouski a perdu la meilleure partie de son armée. Après huit heures de combat, il se décide à la fuite ; Saint-Fulgent était délivré."

Outre le bataillon de volontaires de la Marne, dont il a été parlé, l'armée républicaine était composée en grande partie de la division des Sables-d'Olonne : son artillerie était formidable, on y voyait pour la première fois ces terribles obusiers dont l'effet était inconnu aux Vendéens : 7000 livres en assignats furent le prix de cette victoire.

Mais l'étoile de Charette devait pâlir, quelques années après ; le général, si superbe dans son camp de Belleville, est maintenant traqué de bois en bois ; il partage avec ses soldats les plus horribles privations ; il lutte à chaque heure du jour contre les troupes qui le poursuivent ; il résiste aux uns, évite les autres, puis un jour il se présente à marche forcée devant Saint-Fulgent. Les bleus y relevaient l'arbre de la liberté ; la garnison surprise l'arme au bras n'a pas le temps de se mettre en ligne. Charette, avec son avant-garde, pénètre dans le bourg, il brûle le peuplier, triste symbole d'une menteuse liberté ; il ne laisse à personne le soin de veiller à la garde de l'armée, et lui-même, épuisé autant que ses soldats, il bivouaque pendant toute la nuit sur la grande route avec quelques officiers. Mais cette contrée était sans cesse sillonnée par les colonnes républicaines ; une d'elles arrivait de Chantonnay, elle tombe dans la garde avancée des royalistes et engage le combat ; Charette la poursuit jusqu'aux Quatre-Chemins. Une nouvelle colonne, partie de Montaigu, attaque Charette de nouveau ; les royalistes sont mis en déroute et Charette, à la tête d'une dizaine d'hommes, peut à peine gagner la forêt de Grasla.

On a souvent nié que des secours eussent été demandés aux Anglais par les royalistes : la lettre suivante, écrite de Saint-Fulgent, ne laissera plus la question douteuse.

"Au quartier général de Saint-Fulgent, le 8 avril 1793.

Au nom des armées catholiques et royales des Bas-Anjou et Poitou, combattant pour le rétablissement de la foi chrétienne et de la monarchie française, salut : Prions M. le commandant du premier port d'Espagne ou d'Angleterre de vouloir bien s'intéresser auprès des puissances espagnoles ou anglaises, pour nous procurer, dans le plus court délai, des munitions de guerre et des forces imposantes de troupes de ligne pour parvenir aux fins que nous nous proposons, etc., etc. Signé Delbée, Bernard, Sapinaud. Ces papiers furent saisis à la prise de Noirmoutier."

Dans les notes de M. Alexis des Nouhes, on trouve le récit de plusieurs atrocités commises à Saint-Fulgent par les soldats républicains :

"Vers la fin d'août 1793, un détachement de bleus passait près du village de la Fructière ; quelques trainards y pénétrèrent, ils entrent chez la femme Hardouin et l'égorgent avec ses cinq enfants. A quelques pas plus loin, ils fusillent à bout portant la vieille femme Rautureau, mère d'une nombreuse famille. Dans la maison Auneau, du même village, comme moyen plus expéditif, il renferment une trentaine de femmes, de vieillards et d'enfants et les massacrent ; ils mettent ensuite le feu à la ferme et continuent leurs égorgements jusqu'au moulin de Preuilly. Ce fut le terme de leurs assassinats. Deux Vendéens les surprennent et les passent à leur tour par les armes.

Un autre jour des gardes nationaux de la Saintonge, dits Carmagnoles, à raison de la forme de leurs vestes, massacrent au village de Levandière, aussi en Saint-Fulgent, et sous les yeux de leurs chefs, plusieurs membres de la famille Auneau, et incendient leur maisonnette. En 1823, M. d'Orfeuille, curé de Saint-Fulgent, reçut d'un curé de la Saintonge une somme de 600 francs destinée aux héritiers du propriétaire de la bicoque. C'était la réparation in articula mortis de l'incendie et du dommage causés par le fait de l'ex-officier qui avait commandé les Saintongeois.

A propos de la Fructière, rappelons un trait de sublime charité :

SERVEAU, volontaire de Limoges, en 1794, avait fait partie d'une colonne incendiaire. Il avait mis le feu au village de la Fructière et y avait massacré des femmes et des vieillards. Parmi ces victimes se trouvait la femme Moreau. Vieux et pauvre, Serveau vint mendier dans les fermes qu'il avait livrées aux flammes et où il fit couler tant de sang. Au lieu de le repousser et de le regarder avec horreur, les paysans l'assistèrent avec la plus grande commisération, lui procurèrent un refuge et lui achetèrent même un petit mobilier. Épris du désir de revoir son pays, Serveau vendit tout ce qu'on lui avait payé. Ses voisins lui donnèrent encore une somme d'argent pour les frais de son voyage. Serveau avait promis de ne plus paraître au pays. Malgré ses promesses, il y revint encore. En 1858, âgé presque de cent ans et devenu malade, il fut reçu à la Fructière chez le fils de la femme Moreau qu'il avait égorgée, et fut traité avec le plus grand soin par ce généreux vendéen jusqu'à son dernier soupir. Celui-ci s'empressa surtout de lui faire administrer les derniers sacrements par M. Béthuis, curé de Saint-Fulgent.

Saint-Fulgent a fourni plusieurs intrépides soldats aux armées catholiques et royales :

BODIN a pris part à cinquante combats. Il fit avec Charette la fameuse campagne d'hiver.

Louis BORDRON, contribua à la prise de deux canons, à la Guérinière ; il assista à soixante combats et fit la campagne de 1815. Il était accompagné de ses trois frères.

Jacques AUNEAU fut surpris près de Vendrennes par les hussards qui lui assénèrent dix-sept coups de sabre sur la tête, les épaules, le corps, et un à travers la poitrine. Malgré toutes ces blessures, il eut encore la force de se rendre à la Ménardière, métairie voisine.

Louis ROBIN fut aussi très brave mais cruel ; un jour il jeta dans un feu de bivouac deux soldats qu'il trouva endormis près du brasier, Mais s'il était méchant, il était aussi rusé. En 1833, il fut accusé d'avoir répandu une brochure diffamatoire contre le gouvernement de Louis-Philippe ; le gendarme Roquet vint pour l'arrêter. Robin, le toisant d'un air furibond lui dit : Oh ! Monsieur, vous voulez m'affiner, je vois ben ; oui, je le connais le Monsieur qui m'a donné ce livre, qu'on me fasse paraître au tribunal, je le ferai connaitre. — Eh bien ! mon ami, dites-le moi de suite et je vous laisserai tranquille, autrement je vous emmène en prison. — Eh bien ! Monsieur, c'est vous qui me l'avez donné, vous étiez en bourgeois, mais je vous reconnais bien, emmenez-moi, je soutiendrais partout que c'est vous qui avez été l'agent provocateur. Le gendarme, déconcerté, se retira."

LUSSON, aubergiste-à Saint-Fulgent était capitaine sous M. de Royrand de la Roussière, dès les débuts de l'insurrection vendéenne. Quand le rassemblement se forma pour marcher sur Chantonnay, ce Lusson arrivait des environs de Challans, où, disait-on, un nommé Gaston, perruquier, avait soulevé le pays. Il se fâcha et soutint que ce prétendu Gaston n'avait jamais existé, mais que le soulèvement était son oeuvre personnelle5. (Souvenirs Vendéens, par Amédée de Béjarry.)

Son frère René-Charles Lusson, vicaire de Saint-Georges, était aumônier de la division de Royrand. M. de la Boutetière lui attribue le chant militaire vendéen, appelé la Contre-Marseillaise.

Au mois de novembre 1793, les maisons d'arrêts de Fontenay étaient encombrées de prisonniers. Le tribunal criminel du département, conformément à la loi du 19 mars, condamnait à mort, entre autres victimes, Pierre Enfran, laboureur de Saint-Fulgent, âgé de 45 ans, pour être livré dans les 24 heures au vengeur national. Le 28 décembre suivant, le nommé René Rigaudeau, tailleur, aussi de Saint-Fulgent, également condamné à mort, non par le tribunal criminel mais par la Commission militaire établie par Lequinio, était fusillé dans les 24 heures.

 

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