IRLANDE - PARIS - CHARLOTTE ATKYNS, NÉE WALPOLE, AMIE DE LA REINE MARIE-ANTOINETTE (1758 - 1836)
Charlotte Walpole est née dans le comté de Westmeath et Roscommon en Irlande vers 1758, son père était un William Walpole d'Athlone.
Visage ovale, front haut, rousse qu'un cou trop rond n'enlaidissait point, Charlotte était actrice et fit ses débuts dans le rôle de Léonora dans "The Padlock" d'Isaac Bickerstaff à Dublin. Puis elle joua à Londres, le 2 octobre 1777, dans le rôle de Rosetta, dans une pièce du même Bickerstaff, "Love in a village". Au théâtre de Drury Lane, Charlotte interpréta magistralement les rôles de Jessica, dans "Le Marchand de Venise", de Lucy, dans "L'opéra des Gueux", du soldat, dans "Le Camp", le chef-d'oeuvre de Tickelle, et le succès la couronna de lauriers.
Adulée du public, Miss Walpole fut aimée d'un gentleman spectateur du "Camp", lord Edward Atkyns, elle l'épousa et quitta la scène.
Charlotte Walpole épousa, le 18 juin 1779, à St James, Piccadilly, Londres, Sir Edward Atkyns de Ketteringham Hall, dont elle eut un fils : - Wright-Edward, né le 28 juin 1780, devenu capitaine au "First Royals" ; il est décédé le 16 janvier 1804 au château de Ketteringham, à l'âge de 23 ans.
En 1790, elle habitait Lille ; et dans ses entretiens avec les royalistes du Nord, elle manifesta dès lors pour la royale famille de France un enthousiasme qui ne devait pas se démentir. Quand Louis XVI, Marie-Antoinette et leurs enfants furent enfermés au Temple, elle travailla de tout son pouvoir à leur évasion ; elle y risqua sa fortune et sa tête.
En 1792, Mme Atkyns était rentrée en Angleterre, et habitait tantôt son domaine de Kettringham-Hall, tantôt Londres (Royal-Hôtel ou Park-Lane).
Elle entretenait de très actives relations avec plusieurs émigrés, notamment avec le baron d'Auerweek, M. de Cormier, M. de Moustier, le prince de la Trémoille, le comte d'Oilliamson, probablement le marquis de Montlezon et l'évêque de Saint-Pol-de-Léon ; mais surtout avec Jean-Gabriel Peltier, l'ardent rédacteur des "Actes des Apôtres", et avec le comte de Frotté, dit "le chevalier de Couterne" du nom de sa terre de Normandie.
Le couple Atkyns eut à Paris un salon dont le meilleur monde s'engoua. Mme de Polignac, l'intime de la reine, régentait tout ce monde. Elle introduisit Charlotte auprès de Marie-Antoinette, Charlotte chanta ; la princesse, émue du talent de la délicieuse insulaire, pensionna lady Atkyns. Souvent trahie par ceux qu'elle avait favorisés, la reine aura en Charlotte une indéfectible amie.
Venus les jours chtoniens, lady Atkyns frètera de ses livres sterling une flotille royaliste puis formera le projet de sauver la reine, celui-ci était de venir au Temple, de changer d'habits avec la Reine et de se constituer prisonnière à sa place. Elle y vint en effet, et, "à force d'argent", elle aurait réussi dans le cas où la reine eût consenti à partir seule. Marie-Antoinette refusa : elle ne voulut point laisser ses enfants loin d'elle, entre les mains des bandits payés par la Convention ; mais elle garda une profonde reconnaissance envers cette héroïque étrangère.
Louis de Frotté lutta jusqu'au jour où, par trahison, il fut livré à une commission militaire républicaine de Verneuil et fusillé avec six officiers royalistes (18 février 1800). Dans ses lettres, Louis de Frotté y appelait Charlotte "l'Héroïque amie" ; le Normand et l'Anglaise amoureux l'un de l'autre ne sacrifièrent peut-être pas obligatoirement à Éros. Un brouillon des Mémoires de Louis, de novembre 1794, fonderait à croire au platonisme de leur relation, du moins jusqu'à cette date. "O femme charmante, écrit Louis, quelle que soit la fin de notre Révolution, quand vous n'y auriez aucune part, vous serez toujours pour moi l'amie tendre d'Antoinette [...] et celle à qui je voudrais devoir tout mon bonheur."
Mme Atkyns continua de se dévouer à la famille royale ; elle montra autant d'acharnement contre Bonaparte qu'elle avait montré de dévouement envers Louis XVI, Marie-Antoinette et cet enfant-martyr du Temple qu'elle n'avait pu délivrer.
Enfin elle eut la joie de voir Louis XVIII monter sur le trône de ses aïeux ; et, dix jours avant la rentrée du roi en France, elle recevait cette précieuse lettre du duc de Bourbon, père de l'infortuné duc d'Enghien :
Mme Charlotte Atkyns. Londres, le 14 avril 1814.
J'ai remis, Madame, vos deux lettres à M. le comte de la Chastre, Ambassadeur de France ; je les lui ai recommandé, et il m'a promis qu'elles arriveront promptement et sûrement. Votre dévouement à la plus juste des causes est trop connu, pour ne pas ajouter du prix à tout ce que vous me mandez de flatteur sur les Evénements actuels ; je vous prie d'en recevoir mes remerciements, et d'être persuadée de la sincérité des sentimens avec lesquels je suis, Madame, Votre très humble et très obéissant Serviteur.
Louis-Joseph DE BOURBON.
Son mari, Edward Atkyns, est mort le 27 mars 1794 au château de Ketteringham, à l'âge de 36 ans. Après cela, elle est peut-être retournée en France pour tenter de sauver le reste de la famille, mais si des tentatives ont eu lieu, elles ont échoué. Mais elle continue de promouvoir la cause des émigrés et hypothèque Ketteringham en 1799 pour lever des fonds à cet effet.
Plus tard, Charlotte eut une liaison avec Edward Tyrrel Smith, contre-amiral dans la Royal Navy. De cette relation est né un fils, le 26 août 1804, à Londres au Théâtre de la Maison Ovale, et portant le même nom que son père ; la déclaration de naissance indique que la mère est "la Comtesse de Murat".
Caricature de 1872
Edward fils se marie à Paris (3e arr.), le 29 septembre 1824, avec Madeleine-Mariette Gengoult, née aux Pays-Bas, fille de Louis Gengoult, ancien magistrat, et de Cornélia Kwyl, et l'on peut remarquer que l'acte de mariage, de l'état-civil reconstitué de Paris, comporte des erreurs telles que son lieu de naissance, "né à la Barbade" et le nom de sa mère, "Suzanne Tomlins" qui n'est autre que la dernière femme de l'amiral, épousée le 28 août 1820 à Southwark (Londres). Étant né en 1804, Edward ne peut en aucun cas être le fils de Suzanne Tomlins.
Directeur de théâtre, Edward Tyrrel Smith fils est décédé à Londres le 26 novembre 1877. Son père, né vers 1752 à Annesbrook, MH, Irlande est décédé le 18 octobre 1824 à Londres, à l'âge de 72 ans (65 ans de service).
En 1823, elle donnait Ketteringham Hall à sa belle-sœur, Mary Atkyns, en échange d'une rente, telle était la situation réduite de Charlotte. Puis, vers 1830, Charlotte s'installait définitivement à Paris, au n° 65 rue de Lille, où elle mourut le 2 février 1836 auprès de sa fidèle servante allemande, Victoire Ile. Charlotte a été enterrée quelque part à Paris dans une tombe anonyme.
UNE PLAQUE COMMEMORATIVE :
L'église Saint-Pierre de Ketteringham est peut-être l'une des plus difficiles à trouver dans le Norfolk, mais elle possède l'une des meilleures collections de verre médiéval et flamand du comté, ainsi que ses monuments commémoratifs - couvrant quelque 500 ans de la vie de quatre éminents familles locales – comptent parmi les plus intéressantes du pays. Le plus intrigant est peut-être une tablette relativement simple avec une inscription particulièrement curieuse :
"À la mémoire de Charlotte, fille de Robert Walpole et épouse d'Edward Atkyns Esq de Ketteringham. Elle est née en 1758 et décédée à Paris en 1836 où elle repose dans une tombe inconnue. Cette tablette a été érigée en 1907 par quelques personnes qui sympathisaient avec son souhait de reposer dans cette église. Elle était l'amie de Marie-Antoinette et fit plusieurs tentatives courageuses pour la sortir de prison et après la mort de la reine, elle s'efforça de sauver le Dauphin de France."
Études religieuses philosophiques, historiques et littéraires - publiée par des Pères de la Compagnie de Jésus - XXXe Année - Tome LX - Septembre-Décembre 1893 - pp. 247 à 263
Historical Women of Norfolk par Michael Chandler - 2016
Louis de Frotté par Jean Silve de Ventavon - 1993
État-civil de Paris