Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
La Maraîchine Normande
13 novembre 2022

CHÂTEAU-THIERRY (02) - LIVERPOOL (U.K.) - JEAN-BAPTISTE-ANTOINE GÉRARDOT, CHANOINE (1753 - 1825) -

LE CHANOINE GÉRARDOT
TRÉSORIER DU CHAPITRE DE REIMS

Château-Thierry z


Jean-Baptiste-Antoine Gérardot était né à Château-Thierry, le 30 juin 1753, de Claude-Antoine Gérardot, maître arquebusier, et de Charlotte-Catherine Povon.

Il entra de bonne heure chez les chanoines réguliers de la Congrégation de France, dits Génovéfains, à l'abbaye d'Essomes, voisine de sa ville natale, et après avoir été ordonné, à Laon, le 19 septembre 1778, il revint desservir, comme prieur-curé, la petite paroisse de Blesmes, près de Château-Thierry.

Gérardot curé Blesmes z

Fidèle à son devoir, le prieur-curé refusa le serment constitutionnel, et s'il était encore à Château-Thierry, le 27 octobre 1793, il lui fallut peu après gagner l'Angleterre où sa présence est signalée dès la fin de la même année.

L'auteur d'une intéressante étude intitulée : "Souvenirs de l'Émigration, l'abbé Gérardot et la "French Chapel" de Liverpool", M. Alfred de Curzon, vice-consul de France à Liverpool, suppose avec vraisemblance qu'à son arrivée, M. Gérardot dut se rendre d'abord à Londres. Quelques années plus tard, le "Liverpool Directory" le signale comme habitant à Liverpool, 19, Houghton Street, rue alors voisine du port et des prisons ... Il enseignait le français, en 1800, et continua à le faire jusqu'à ce qu'il s'établit à Scotland road, juste à l'extrémité de la ville, sur un terrain qu'il acheta à ses frais. Bientôt il y élève une modeste chapelle qu'il dédie à son patron, saint Antoine, et une humble maison dont il fait sa résidence.

La petite chapelle, de 55 pieds de long sur 32 de large, donna son nom à la place même où se dressait la croix de son pignon, mais on prit bien vite l'habitude de l'appeler "the French Chapel", l'Église française. Pendant vingt ans, elle rendit de grands services à la population catholique de Liverpool, qui s'élevait déjà à 10.000 âmes, et n'avait encore à sa disposition que trois églises, toutes assez centrales et très fréquentées, mais insuffisantes.

L'entregent du fondateur de la chapelle, "ses malheurs aussi, la dignité de sa vie et celle de ses collaborateurs, lui attirèrent bientôt la sympathie générale. Il est même curieux pour nous autres Français, de voir la place tenue par notre compatriote, à une époque difficile, au milieu d'une population qui aurait dû lui être hostile, puisqu'il était un ennemi et un prêtre catholique. Mais le fait est qu'on l'aimait, et qu'il ne semble pas avoir eu à souffrir des troubles religieux de 1807. Bien au contraire, on lui savait gré de secourir la misère générale des petits, d'adoucir leurs rancoeurs pendant toute la guerre avec Napoléon, de 1803 à 1815, où la misère et la famine décimèrent l'Angleterre : l'hiver de 1808 - 1809 fut particulièrement rigoureux, les émeutes étaient continuelles. La "French Chapel" traversa ces périodes d'agitation sans en être ébranlée."

L'abbé Gérardot donnait aux malades des soins très appréciés, on avait grande confiance en ses connaissances médicales, "on venait de fort loin pour le voir ou l'écouter, et même pour assister aux offices de sa petite chapelle : catholiques et protestants s'y coudoyaient dans le même enthousiasme pour ce saint prêtre."

Sa maison était hospitalière, il y recevait volontiers ses confrères, les prêtres français, émigrés comme lui, qui l'aidaient dans les travaux de son ministère. Il visitait les prisonniers de guerre, organisait dans sa paroisse des oeuvres de charité et même d'enseignement, et son activité de ce côté prend un grand relief, note encore M. Curzon, car on le sait, les écoles publiques furent longtemps fermées aux catholiques dans la protestante Angleterre.

"Il semble avoir eu une âme d'apôtre, et il osait ... Et son activité si universelle lui donna une telle importance qu'il put, en 1813, organiser une messe de minuit solennelle pour la Noël de cette année, en lui donnant toute la publicité nécessaire, mais bien surprenante à cette époque ... Et pourtant, en 1813, la religion catholique n'était qu'à peine tolérée."

Cependant, à la chute de Napoléon, les rares prêtres français demeurés jusque-là en Angleterre durent éprouver avec une vivacité nouvelle le désir de recevoir leur patrie. La plupart des sept ou huit mille ecclésiastiques français que la Terreur avait contraints à passer la Manche, étaient revenus, dès l'heure de la réaction thermidorienne, ou aussitôt après la signature du Concordat, pour travailler au relèvement des ruines dans leurs diocèses d'origine, il n'en restait plus guère à la fin de l'Empire, que deux ou trois cents, sur le sol hospitalier de la Grande-Bretagne.

Pour quelle raison l'abbé Gérardot renonça-t-il aux joies du retour ? Homme de devoir, guidé par les plus nobles pensées de la charité chrétienne, prêtre irréprochable, habitué dès sa jeunesse aux joies austères du sacrifice, voulut-il jusqu'à son heure dernière consacrer les années de vieillesse à l'oeuvre qu'il avait fondée et qui avait absorbé la meilleure et la plus féconde activité de sa vie ? Nous inclinons à le croire. Mais peut-être aussi éprouvait-il quelque appréhension à retrouver, sur le siège épiscopal de Soissons, un ancien confrère, son contemporain, dont l'attitude pendant la période révolutionnaire avait été si différente de la sienne. Ancien professeur à l'abbaye de Saint-Léger, de Soissons, puis maître des novices à celle de Sainte-Geneviève, de Paris, chef-lieu de sa Congrégation, imbu des maximes jansénistes si répandues alors, Mgr Leblanc de Beaulieu avait prêté le serment constitutionnel et accepté le titre d'évêque de la Seine-Inférieure. Sans doute, peu de temps après sa translation à Soissons, il avait publiquement répudié ses erreurs, mais leur durée et leurs conséquences restaient présentes à la mémoire de ceux-là surtout pour qui ne les avaient pas partagées.

Quoi qu'il en soit, il semble bien que la nostalgie du pays natal ait touché un court instant l'abbé Gérardot, car, en 1817, il postula une stalle au Chapitre royal de Saint-Denis, fondé par Louis XVIII, pour y assurer une honorable retraite aux vétérans du sacerdoce, particulièrement recommandables par leurs services et leur dévouement à l'Église et à la royauté. Mais nombreux étaient les candidats et la demande du prêtre si méritant ne fut pas agréée ; il ne la renouvela pas et accepta, sans peine, de rester au milieu du troupeau constitué par son zèle.

Une compensation d'ailleurs allait lui être donnée, qui lui fut très douce et qu'il préféra sans doute à la prébende un instant entrevue, car elle ne le séparait pas de ses ouailles.

Le primicier du Chapitre royal de Saint-Denis, qui cumulait ce titre avec celui de Grand Aumônier du Roi, était le cardinal de Talleyrand-Périgord, ancien archevêque de Reims, transféré, en 1817, au siège de Paris. Ce haut prélat avait pu entendre parler, à Londres même où il séjourna en 1815, des travaux et de la juste réputation de l'abbé Gérardot, peut-être avait-il eu l'occasion de le voir et de l'entretenir de la situation de la chère métropole rémoise qu'il regardait encore comme sienne. D'autre part, il était certainement au courant de la demande formulée par le digne chapelain de Liverpool, en vue de son admission au Chapitre de Saint-Denis.

Toujours est-il qu'en cette même année 1817, où fut signé le cordat qui rétablit le siège de Reims, M. Gérardot fit un don important en faveur du futur séminaire du diocèse reconstitué, et quand, après une très longue attente, le Concordat put enfin produire ses effets, et que Reims revit dans sa cathédrale son nouvel archevêque, un des premiers actes de l'élu, Mgr de Coucy, ancien vicaire général de Mgr de Talleyrand, fut de nommer chanoine honoraire et trésorier du Chapitre l'ancien génovéfain d'Essomes. La date de cette double nomination ne peut être précisée, les archives du Chapitre ne l'ayant pas enregistrée, mais dès le mois de mai 1822, M. Gérardot l'avait reçue, car à partir de ce moment, il n'omettra plus d'accompagner la signature de tous ses actes, de ses titres nouveaux : "chanoine, trésorier et dignitaire de Reims".

Particularité curieuse : si de nombreux ecclésiastiques ont reçu, depuis un siècle, les lettres de chanoine honoraire, aucun d'eux, pas plus qu'aucun membre titulaire du Chapitre de Reims n'a porté dans la suite le titre de trésorier. Bien plus, l'ordonnance de Mgr de Coucy, pour l'érection du Chapitre, en date du 7 janvier 1822, ne le mentionne même pas. Il existait, il est vrai, autrefois, comme celui de la cinquième "dignité" du Chapitre, car les deux archidiacres ayant préséance seulement au choeur, le trésorier avait rang immédiatement après le prévôt, le doyen, le chantre et le sous-chantre dans les assemblées capitulaires, mais alors il jouissait de droits réels qu'on n'a jamais songé à rétablir : il avait juridiction sur les coutres (gardiens) ecclésiastiques et laïques de la cathédrale, il était "seigneur de l'église, du parvy et des lisses sous le Chapitre où il exerçait la justice".

Cependant le chanoine Gérardot figure sur l' "Ordo" de 1824 en tête des chanoines titulaires, qui seuls y sont inscrits, immédiatement après les quatre archidiacres, considérés comme premiers dignitaires, avec cette qualification singulière : "The saurarius canonicus honorarius". Sur l' "Ordo" de 1825 on lit encore son nom à la suite des quatre archidiacres, du doyen et du prévôt, tous six vicaires généraux. C'est donc une marque d'honneur toute spéciale que reçut M. Gérardot, mais il ne devait pas en jouir longtemps.

Le 14 septembre de cette année 1825, le si dévoué chapelain de la "French Chapel", âgé de soixante-douze ans, s'éteignait à Liverpool, entre les bras de son ami, le chanoine Orré, de Thouars, et il fut inhumé dans sa chère église, devant le maître-autel.

Huit ans plus tard, le modeste édifice disparaissait devant un monument plus vaste élevé à cent mètres de là et qui garda le même vocable. Les restes du fondateur de Saint-Anthony y furent transférés, le 24 octobre 1833, sous la même pierre tombale.

Gérardot z

A.F.
Bulletin du Diocèse de Reims du 26 janvier 1924

 

Publicité
Commentaires
La Maraîchine Normande
  • EN MÉMOIRE DU ROI LOUIS XVI, DE LA REINE MARIE-ANTOINETTE ET DE LA FAMILLE ROYALE ; EN MÉMOIRE DES BRIGANDS ET DES CHOUANS ; EN MÉMOIRE DES HOMMES, FEMMES, VIEILLARDS, ENFANTS ASSASSINÉS, NOYÉS, GUILLOTINÉS, DÉPORTÉS ET MASSACRÉS ... PAR LA RIPOUBLIFRIC
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
Newsletter
Archives
Derniers commentaires
Publicité