MEUDON (92) CAYENNE (973) - NICOLAS-JEAN-BAPTISTE COLETTE, ADJUDANT-GÉNÉRAL (1762 - 1808)
Fils de Jean-Baptiste-Toussaint, boulanger, et de Louise Lanié, Nicolas-Jean-Baptiste Colette (ou Collette) est né à Meudon (92), le 29 avril 1762.
Ancien soldat des Gardes Françaises, Colette est nommé adjudant-général provisoire en Vendée par Ronsin, le 5 juillet 1793 ; passera ensuite à l'armée des Côtes de Cherbourg.
L'adjudant-général Colette remet le premier mai [1794], aux représentants du peuple à Nantes, un plan de destruction générale, dont voici quelques lignes :
"Il serait difficile de donner une idée juste de toutes les villes, bourgs, villages, hameaux, châteaux, métairies, moulin à eau et à vent, repaires, et magasins dérobés, qui ont été la proie des flammes, depuis le 20 janvier.
Malgré les amples mesures prises par le général Turreau, et encore que les généraux, commandant les différentes colonnes en activité depuis l'époque du 20 janvier, paraissent avoir fait leur possible pour incendier journellement tout ce qui était à portée de leurs colonnes, il n'en est pas moins vrai qu'il existe encore çà et là, sur le pays insurgé, des moulins à eau et à vent, des métairies, des magasins dérobés, et peut-être même des hameaux qui, par leur position, ont échappé aux flammes.
Ce sont ces dernières ressources qu'il faut enlever aux brigands pour arriver à leur destruction totale." (Les héros de la Vendée, ou, Biographie des principaux chefs vendéens par de Préo - Tours - 1841)
Il est suspendu de ses fonctions à l'armée de l'Ouest le 29 thermidor an II (16 août 1794), en raison de ses anciennes relations avec Ronsin. En l'an IV, il redemande du service, en faisant valoir son titre de défenseur de la représentation nationale.
Le sénatus-consulte du 14 nivôse an IX (4 janvier 1801) proscrit : Colette (Claude) ; Derval ; Thiébaut (Sébastien-Hubert) ; et c'est Colette (Nicolas) ; Duval ; Thibault (René-Louis) que l'on expédie à Cayenne ; et comme ils protestent, le gouvernement juge "qu'il y a identité".
Nicolas-Jean-Baptiste figure donc sur la liste des individus dont le Moniteur annonce l'arrestation le 20 nivôse an IX (10 janvier 1801) :
"Claude Colette a dit qu'il y avait une erreur à son égard, que son prénom était Nicolas et non Claude, qu'il était ex-adjudant et non général, jouissant du traitement de réforme, 39 ans, né à Meudon (Seine-et-Oise), demeurant à Paris, aux écuries d'Orléans, qu'il existe à la vérité, sur la liste des déportés, un Claude Colette, mais que cet individu a demeuré faub. Antoine, que c'est un ancien gendarme à pied qui se dit vainqueur de la Bastille et qui est actuellement potier de terre." (Procès-verbal d'extraction de la maison de Pélagie, 26 nivôse an IX.)
- Colette (Nicolas) réclame, il prétend n'avoir jamais demeuré faub. Antoine, mais aux écuries d'Orléans depuis 3 ans qu'il est revenu de l'armée d'Italie ; il demande du service dans les colonies. Un Claude Colette, faub. Antoine, inscrit sur la liste de déportation, a été recherché. On a arrêté Nicolas Colette, croyant arrêter Claude ; le réclamant n'a point habité le faub. Antoine ; il n'y a pas d'identité de personne. On estime qu'il y a lieu de le mettre en liberté. Le gouvernement statuera sur sa demande tendant à obtenir du service dans les colonies. (Rapport du préfet de police)
Pourtant, on décide que Colette sera envoyé à Oléron (2 ventôse an IX), il part le 10 ventôse (1er mars 1801) pour cette destination.
- Isle d'Oléron, 6 floréal an IX (26 avril 1801). Colette, ex-adjudant général, détenu dans ce fort, écrit à Fouché : "Des gens de mauvaise foi ... sur de faux rapports, m'ont fait porter sur la fatale liste ... sous un prénom qui n'est pas le mien, et un lieu de domicile que je n'ai jamais habité ... Je suis sous les vérrous, sans aucun traitement, perdant le fruit de 25 années de service, sans interruption et sans reproches ... Je ne sais si l'honorable corps dont j'ai fait partie (gardes françaises) et dont il en reste peu serait toujours victime des ennemis de la liberté et de la République ... J'en appelle à vous ... (il réclame son traitement et le régime de l'Isle de Rhé). Le général Lefebvre, membre du Sénat, vous attestera que je suis, ainsi que le général Parin, Bourrette et Tollède, tous me connaissant."
Il joint un mémoire pour le 1er Consul, où il dit : "Je suis âgé de 39 ans, sans fortune et sans état que celui militaire que j'ai embrassé depuis celle de 16 années. J'ai servi la cause de la liberté et de la République avec honneur, probité et courage. Je suis adjudant général depuis le 5 juillet 1793, vieux style. Je jouissais du traitement de réforme ... Je rappelle à votre souvenir l'ordre que vous donnâtes le 25 nivôse an VIII de me faire payer une somme de 1.415 fr. que j'ai déboursé pour le transport d'objets d'art pour le Muséum national de France et cent exemplaires des relations des révolutions de Gênes par le c. Girardin, libraire du tribunal ; le tout envoyé de votre part. Ces objets m'ont été confiés par le c. Faypoult, ambassadeur de la République française près celle de Gênes et maintenant préfet du département de l'Escaut. Les pièces nécessaires pour certifier la vérité sont sur la lettre et le passeport qu'il m'a délivré lui-même. Les pièces sont entre les mains du ministre de l'intérieur, bureau du c. Amaury Duval, chef de la section des beaux-arts."
- Il envoie de Cayenne un paquet qu'il adresse au maréchal Lefebvre et intercepté par la police, il renferme des pièces dont voici des extraits :
- Colette à commissaire général de police de Bordeaux. Il lui demande le service d'adresser au maréchal Lefebvre le paquet ci-joint, il demeure rue Joubert, Chaussée d'Antin, n° 523 ... parce qu'il est trop loin pour que la lettre lui arrive franche de port, ce qui serait nécessaire. Le prie de lui faire rendre la réponse, "c'est le plus grand service que vous puissiez rendre à un ancien militaire patriote républicain, dont 6 années d'exil sont la récompense de cette ancienne vertu," Cayenne, le 30 octobre 1806.
- A maréchal Lefebvre : "Vous n'ignorez pas, mon général, que depuis six années je suis privé de ma liberté personnelle, et pourquoi, pour causent de mes opinions politiques, six années écoulées sans avoir pu obtenir la plus moindre justice contre cette acte, dont l'autorité première (le 1er Consul avait ordonné par son arrêté du 14 ventôse que nous resterions à l'Isle d'Oléron) en avait adoucie la rigueur, comment s'est-il pu faire, général, qu'au bout de trois années, l'on m'est envoyer en surveillance dans cette colonie, où j'ai éprouvé les plus terribles accidents par des causes imprévues et par la rigueur du climat ... Aussi est-ce à vous que je m'adresse ... oui, à vous seul, général. J'ai besoin de faire usage des eaux thermales, au printemps prochain ... ou je suis privé de deux membres pour le reste de mes jours." Cayenne, 30 décembre 1806.
- Suit la pétition. "Nicolas-Jean-Baptiste Colette, né à Meudon, l'an 1762, au service depuis l'âge de 16 ans, adjudant général le 13 mars 1793, à l'honneur d'exposer à Votre Majesté impériale et royale que depuis le 16 nivôse an IX il est prisonnier d'État ... que depuis deux ans qu'il est dans cette colonie, deux maladies très dangereuses causées par l'extrême chaleur du climat l'ont presque mis au tombeau, qu'à peine convalescent il fut terrassé par un mulet effrayé par des chiens, de laquelle chute il eut le bras gauche fracturé à la hauteur de la clavicule. Cet accident n'est pas le seul : blessé (à la vérité, dans un combat singulier) au genouil droit, il résulte de ces divers malheurs qu'il demeure estropié de deux membres ..."
- Autre lettre du même à Lefebvre : "Mon général, c'est trop longtemps souffrir que six années d'exil. J'ai servi comme vous la liberté dès son berceau, et depuis cette époque j'ai occupé différents emplois ... J'ai tout fait par zèle ce que la loi m'a prescrite, pour le bonheur et la prospérité de la liberté et de la patrie. Qu'ai-je donc fait, général, pour mériter une si longue privation du païs qui m'a vu naître ? est-ce 27 années de service sans interruption comme sans reproches (j'ose le dire) et 8 années de guerre, y compris les trois campagnes (dites les trois premières années de la Révolution), qui me font mériter cette acte de privation pour la vie ? ..."
Nicolas-Jean-Baptiste meurt à Cayenne, le 15 juin 1808, à l'âge de 46 ans.
- Les déportations du consulat & de l'empire de Jean-Marie Destrem - Paris - 1885
- Les armées révolutionnaires : instrument de la terreur dans les départements de Richard Cobb
- AD92 - Registres paroissiaux de Meudon
- ANOM - Archives nationales d'Outre-Mer - Registres d'état-civil de Cayenne
- Histoire de la persécution révolutionnaire dans le département du Doubs, de 1789 à 1801 par Jules Sauzay - tome huitième - 1871
- 1799, un nouveau Jacobinisme - Bernard Gainot - 2001.