ASSOCIATION PATERNELLE DES CHEVALIERS DE L'ORDRE ROYAL ET MILITAIRE DE SAINT-LOUIS ET DU MÉRITE MILITAIRE (1814 - 1830)
En présence des malheurs de l'émigration et de la perte de tant de fortunes, fruit des excès révolutionnaires, les chevaliers de Saint-Louis et du Mérite militaire fondèrent, au commencement de la Restauration, et avec l'agrément du roi, une association paternelle de bienfaisance, destinée à secourir les veuves et orphelins des chevaliers des deux ordres.
L'association avait pour but statutaire l'éducation des enfants des chevaliers de Saint-Louis, titulaires de l'un des ordres militaires de la monarchie, créé en 1693, réuni à l'ordre du mérite militaire en 1791, supprimé en 1792, rétabli en 1814 et définitivement supprimé en 1830.
L'Association paternelle des chevaliers de l'Ordre royal et militaire de Saint-Louis et du Mérite militaire, tel est son nom exact, fut fondée en 1814, et publia ses premiers statuts en 1816.
Cette association, mise sous la protection de Madame, duchesse d'Angoulême, eut pour président Mgr le prince de Condé, ancien généralissime de l'armée de l'émigration. A la mort de Son Altesse Sérénissime, en 1818, la présidence suprême fut donnée à Mgr le duc de Berry. Après le crime exécrable du 13 février 1820, l'association n'eut plus de président parmi les princes de la maison de Bourbon.
Elle était régie par un conseil d'administration, dont les présidents furent successivement, de 1815 à 1830, le maréchal duc de Coigny, le marquis de Gontaut-Biron, le marquis d'Autichamp, le duc de Damas, le duc de Rivière et le duc de Doudeauville.
Elle avait pour ressources les allocations dues à la munificence du roi et des princes de la famille royale, les dons, legs et souscriptions recueillis parmi les membres de l'ordre.
Elle fonda deux maisons d'éducation pour les garçons et filles des chevaliers des deux ordres. Le collège des garçons était situé à Senlis ; la maison des jeunes personnes était à Versailles, sous la direction des dames chanoinesses de l'ordre régulier de Saint-Augustin. En outre, des secours étaient alloués aux chevaliers tombés dans l'infortune et à leurs veuves.
Ces établissements si utiles prospérèrent pendant quinze ans, grâce à la générosité des princes et des membres de l'ordre. Le bienfait de l'éducation fut ainsi donné à de nombreux enfants dont la révolution de 1789 avait brisé l'avenir. Ce fut une oeuvre charitable, et qui eut sa gloire ; car c'est au collège de Senlis qu'a été élevé le jeune Certain de Canrobert , devenu maréchal de France. L'appui tutélaire de Madame, duchesse d'Angoulême, devenue Madame la Dauphine, suivait ces enfants dans une sphère plus élevée ; nous pourrions citer plus d'un nom révéré auquel l'absence de toute fortune fermait les portes de l'école de Saint-Cyr, et qui a pu franchir cette difficulté, grâce à la prodigue munificence de cette auguste princesse. Madame la Dauphine, cet ange qui sera toujours l'éternel honneur de la France, n'oubliait pas les services des pères et transportait sa protection sur la tête des fils. L'esprit de charité qui l'animait ne fut pas affaibli par la révolution de Juillet ; du fond de l'Allemagne, sa main s'étendait constamment sur ceux qui souffraient. La veille même de sa mort, par un courage surhumain, elle domptait ses propres douleurs, et recueillait ses forces pour signer, dans un travail suprême avec M. le baron Charlet, son fidèle secrétaire des commandements, les derniers secours que Dieu lui permettait d'allouer sur la terre. Elle est montée au ciel, suivi d'un long cortège de pleurs et de bénédictions, et elle y prie pour cette France qu'elle a tant aimée et qui l'a si cruellement méconnue. (Histoire de l'Ordre royal et militaire de Saint-Louis ... Volume 3 - 1861 - Alexandre Mazas)
M. le baron Hyde de Neuville était resté, en 1830, dépositaire des archives de cette association. Il est décédé, et son héritier, M. Delarue, s'est empressé de donner aux Archives de l'Empire cette collection, qui remplit plus de cent cartons. (Annuaire de la noblesse de France et des maisons souveraines de l'Europe - M. Borel d'Hauterive - 1858 - quinzième année)
Le 9 janvier 1815, la Gazette nationale publie, à ce propos, l'article suivant :
"Association paternelle des chevaliers de l'Ordre royal et militaire de Saint-Louis et de celui du Mérite militaire, instituée de l'agrément de S.M., et sous la protection immédiate de S.A.R. Mgr le prince de Condé.
L'histoire, en rappelant les actions glorieuses de la chevalerie, atteste également ses bienfaits. Les vrais chevaliers furent de tout tems les défenseurs de l'humanité, partout on les vit allier le courage à la loyauté, et la bienfaisance à la gloire.
Suivons donc les exemples généreux de ceux qui nous précédèrent dans la noble carrière de l'honneur.
Pénétrés des devoirs que nous impose la chevalerie, empressons-nous de jetter un regard paternel sur ceux des enfans de nos frères, qui, sans appui, peut-être sans asyle, errent encore, abandonnés, au milieu de nous.
Tant de maux sont à réparer, que le meilleur des Rois ne peut seul cicatriser toutes les blessures ; unissons nos efforts aux siens, devenons les protecteurs de la veuve et de l'orphelin, et faisons par nos soins qu'ils oublient bientôt l'amertume des mauvais jours.
En venant au secours des veuves et des enfans de nos frères malheureux, sur-tout de ceux qui furent froissés par la révolution, nous servirons non-seulement l'humanité, mais la religion et la patrie. Nous ferons taire le murmure, nous entretiendrons la paix, nous contribuerons, par une éducation vraiment bonne et solide, à ramener une jeunesse trop ardente à ces principes immuables et sacrés qui furent ceux de nos pères, qui, seuls, consolident les empires et assurent le bonheur des hommes.
L'association respectable qui vient de se former a, comme on le voit, pour but de secourir, autant qu'il dépendra d'elle, les veuves et orphelins de chevaliers de Saint-Louis malheureux, et de fonder pour eux des établissemens utiles et durables. Cette association se composera de tous les chevaliers de Saint-Louis et du Mérite militaire qui s'inscriront pour une souscription annuelle ; cette souscription n'est point fixée.
Les seuls chevaliers de Saint-Louis et de l'Ordre du Mérite militaire peuvent être membres de l'association. Leurs parens ou alliés peuvent seuls être donateurs ou souscripteurs.
L'association étant paternelle et chevaleresque, tout engagement contracté envers elle ne reposera que sur l'honneur.
L'association se propose de fonder (si ses ressources le lui permettent), trois établissemens ; savoir :
Un collège des fils de chevaliers de Saint-Louis ;
Une maison des filles de chevaliers de Saint-Louis ;
Une maison des veuves de chevaliers de Saint-Louis.
Les élèves qui seront admis dans les deux premiers établissemens formeront trois classes :
- La première paiera le prix fixé pour la pension ;
- La seconde paiera moitié du prix ;
- La troisième sera reçue gratis.
Les élèves admis gratis seront fils ou filles de chevaliers de Saint-Louis ; les autres personnes pourront n'être que parens ou alliés. On consultera pour l'admission des élèves, l'état de fortune des parens ; le malheur seul obtiendra une honorable préférence.
Les règlemens de l'association seront bientôt imprimés et distribués. La société compte déjà parmi ses membres et commissaires honoraires les personnes les plus distinguées par leurs vertus, leur gloire, ou leur rang ; mais rien ne peut donner une plus haute idée de l'utilité de cette institution que l'extrait suivant de la lettre adressée le 6 décembre dernier par Mgr le chancelier de France à M. le comte Duplessis, lieutenant-général, président du comité d'administration de l'association.
"J'ai mis sous les yeux du Roi, M. le comte, l'adresse dont vous m'avez chargé, contenant le plan d'une association en faveur des veuves et des enfans orphelins de chevalier de Saint-Louis, etc.
Le Roi trouve très-bon que S.A.M. Mgr le prince de Condé soit le protecteur et le patron de cette louable entreprise. Il appartient au héros qui nous retrace si dignement tous les héros de sa race, de présider aux dons qui pourront être versés sur les veuves et les enfans des braves, etc."
MM. les chevaliers des Ordres de Saint-Louis et du Mérite militaire, leurs parens et alliés, sont prévenus qu'on peut souscrire : dès à présent, chez M. Micault de la Vieuville, trésorier de l'association, rue Saint-Honoré, n° 323.
Paris, le 4 janvier 1815.
Signé :
le comte Duplessis, lieutenant-général, président ; le marquis de Gontaud-Biron, maréchal-de-camp, vice-président ; Delalive, introducteur des ambassadeurs, secrétaire ; le comte Combarel de Vernege, ancien officier-supérieur, secrétaire ; Micault de la Vieuville, officier des gardes-du-corps de Monsieur, trésorier.
Images : site : www.saint-louis.info