ST-HILAIRE-DES-LOGES (85) - LOUIS-HENRI DELAROY, UN VENDÉEN PRÉSIDENT DU COMITÉ DE SURVEILLANCE DE TARBES
LOUIS-HENRI DELAROY
Un Vendéen d'origine qui se charge de réchauffer la tiédeur révolutionnaire des Tarbais.
LOUIS-HENRI DELAROY, étranger au département comme plusieurs de ses collègues du Comité de surveillance, était originaire des environs de Fontenay-le-Comte en Vendée, où il naquit vers l'année 1758.
Juré priseur du siège royal de Vouvant avant 1785, "il avait, la même année, relevé des parties casuelles un office d'huissier priseurs près la ci-devant sénéchaussée de Bigorre, et avait fixé son domicile à Tarbes, qui était le lieu du siège. Il sut parfaitement faire valoir son état", malgré les embarras et les procès que lui suscitèrent les huissiers de Tarbes, à qui le droit de procéder à la vente des meubles avait été enlevé. Les huissiers ne se contentèrent pas de le persécuter devant les tribunaux, "ils cabalèrent et excitèrent le public qui voit toute innovation de mauvais oeil". Ils réussirent au delà de toutes leurs espérances. Les cahiers de doléances de 1789 demandaient à l'envi la suppression de l'huissier priseur, "cet insecte qui ronge périodiquement la substance du peuple, qui est capable d'emporter dans 20 ans la moitié des revenus de la province".
"Delaroy ne démentit jamais la vocation qui l'avait appelé à l'état d'huissier. Il se prévalut, dans toutes les ventes, de la terreur qu'il inspirait comme président du Comité révolutionnaire, pour se faire adjuger, au prix qu'il voulait, ce qu'il y avait de plus précieux ; aussi sa maison présentait-elle un luxe scandaleux".
De fait, l'office fut supprimé par le nouveau régime (1791). Delaroy, racontent ses ennemis, poussa jusqu'à l'indécence la manifestation de ses sentiments patriotiques. Dépouillé de ce qui, à son dire, constituait presque son seul patrimoine, il s'adonna à l'imprimerie et publia le Journal avec l'Almanach des Hautes-Pyrénées ; il obtint les impressions du Département et de la municipalité de Tarbes.
A l'époque du 31 mai, Delaroy prit le parti des montagnards contre les girondins. Pour donner une preuve de ses sentiments sans-culottiques, il changea son nom de Delaroy en celui de Delaloy.
Il fut un des favoris de Monestier et de Dartigoeyte ; "son immoralité reconnue, écrivait plus tard un de ses adversaires, lui donnait droit à cette distinction". L'un des ennemis les plus acharnés des patriotes opprimés alors, il se montra toujours altéré de sang et on le vit, plusieurs fois, dans ce temps malheureux, seconder sur l'échafaud l'exécuteur des jugements criminels.
En dépit de son exceptionnelle longévité, le Journal des Hautes-Pyrénées resta toujours fidèle à son orientation politique initiale en soutenant, à toutes les époques de la Révolution, le courant le plus avancé. "Vrai patriote" en 1792, organe officieux de la Société des Amis de la Constitution dont Delaroy était un des membres les plus actifs, il polémique avec les journaux royalistes parisiens, pourfend "les ci-devant et les prêtres fanatiques", mais s'en prend aussi aux "faux patriotes" présents notamment dans la municipalité de Tarbes.
1793 : Élu au Comité de surveillance de Tarbes, il en devient le président.
Montagnard, il justifie la Terreur et célèbre "l'activité vengeresse de la guillotine", ce qui valut à Delaroy d'être inquiété après Thermidor "sous prétexte de terrorisme". Suite à son interrogatoire, il est accusé d'avoir traité de gueux et d'aristocrates les membres de la municipalité de Tarbes :
"Un jour que Delaroy était à Pau, il aperçut le citoyen Brival, ex-président de la commission militaire, qui lui dit : "Je dois aller à Tarbes" - "Ah ! mon ami, répliqua Delaroy, tu vas voir une belle société populaire ; elle est au moins de quatre à cinq personnes, autant de gueux de toute espèce ; toutes les autorités constituées sont composées de riches et d'aristocrates de la composition du nouveau Représentant. Ça va bien drôlement. Les bons patriotes sont tous f..... de côté."
Le Comité révolutionnaire de Tarbes lança, le 6 ventôse an III (24 février 1795), un mandat d'arrêt contre le citoyen Delaroy, qui tombait sous le coup de l'arrêté du Représentant. Mais, quand le capitaine de gendarmerie, Perron, se présenta chez lui, il apprit que l'imprimeur avait pris un passe-port et qu'il était allé à Fontenay-le-Comte, où son père venait de mourir. Les scellés furent mis sur ses papiers et on attendit, pour le juger qu'il fut de retour.
L'enquête, commencée à la suite de l'arrêté de Monestier de la Lozère contre les terroristes, continua après son départ. Le citoyen Delaroy était rentré malade à Tarbes, vers la fin de ventôse. Il y apprit les faits qui s'y étaient passés durant son absence, et, dès le 6 germinal (26 mars), il alla se constituer prisonnier dans la prison de réclusion.
Ce fut quinze jours après seulement, le 22 germinal (11 avril), que le citoyen Pierre-Marie Ferrère, nommé par un arrêté du District de Tarbes, en date du 21, pour entendre et interroger Delaroy, le fit comparaître devant lui et procéda à l'information dont il était chargé. Delaroy avoua certains faits mais nia les plus compromettants. Delaroy fut libéré le jour même, 22 germinal an III et reprit son imprimerie.
"Franc républicain" sous le Directoire, il se voue "à améliorer l'esprit public, à dessiller les yeux des hommes égarés, à encourager les patriotes pusillanimes, à confondre les imposteurs, à démasquer les traîtres, à marquer du sceau de l'opprobre et du mépris les fonctionnaires infidèles et pervers, et à faire aimer et chérir le gouvernement républicain et les lois". Il mène donc une virulente campagne contre les "réacteurs royalistes", les émigrés et les "honnêtes gens" qui contrôlent l'administration du département, polémique avec leur éphémère journal, le Cri des Pyrénées, exige la "déportation prompte des prêtres fanatiques", et se réjouit du coup d'État du 18 fructidor : "La République triomphe, le royalisme a levé la tête, et elle est abattue". La même virulence caractérise ses prises de position en politique étrangère, qu'il célèbre les succès des armées républicaines ("Encore des victoires !", Toujours des victoires !", "De plus en plus fort !") ou réclame que soit déclarée une "guerre d'extermination aux Anglais" (messidor an IV).
Le Journal des Hautes-Pyrénées se distingue enfin par sa fidélité sans faille à Bertrand Barère, triomphant ou proscrit, qu'il encense dès le premier numéro à l'occasion de son retour à Tarbes en janvier 1792, et défend longuement en 1797 après son exclusion du Conseil des Cinq-Cents le 1er prairial an V (20 mai).
Le Directoire supprima son journal le 25 germinal an VI (14 avril 1798) parce qu'il "ne s'occupait qu'à calomnier les républicains les plus irréprochables, avilissait les autorités constituées et exaltait les hommes les plus connus pour leurs principes anarchiques".
Sa maison de la place des Volontaires à Tarbes est revendue par réquisition le 1er germinal an VII (21 mars 1799). Entre-temps, Louis-Henri Delaroy est parti s'établir à Mont-de-Marsan, où il exerce jusqu'en 1805 au moins et où il rédige et imprime à partir de nov. 1798 "La Vedette des Landes et des Pyrénées" jusqu'en 1799.
René Delaroy ("Delaroy jeune") lui succède à cette date à Mont-de-Marsan, avant d'y être breveté imprimeur le 15 juillet 1811.
L'imprimerie fut ensuite reprise par son fils, Jacques, puis par son petit-fils, Victor. A l'issue du partage de l'héritage de son père mort, en décembre 1866, Victor hérite de l'imprimerie évaluée à 38 500 F dans l'actif de la succession. Il poursuit l'impression du Journal des Landes.
Le Journal des Landes, fondé le 22 Brumaire an IX (13 novembre 1800) par Delaroy à Mont-de-Marsan, disparu seulement pendant la grande guerre par la fin héroïque de son dernier propriétaire et rédacteur en chef, M. Charles-Hervé-Louis Nivard (1887 - 1918), héritier de Victor Delaroy, le dernier de son nom.
Les représentants du peuple en mission dans les Hautes-Pyrénées - L. Ricaud - 1899
La presse départementale en révolution. Tome I - 1992 - pp. 337 et 338
Bulletin local (Société académique des Hautes-Pyrénées - n° 58 - 1902
Bulletin de la Société de Borda - 1930
Pour quelle raison Louis-Henri vint s'établir à Mont-de-Marsan et quels étaient les liens familiaux, s'il y en avait, entre Louis-Henri Delaroy et René dit "Delaroy jeune" ?
Les différents éléments énoncés ci-dessous nous permettent d'affirmer que Louis-Henri et René étaient frères consanguins et ainsi de comprendre pourquoi Louis-Henri se fit imprimeur à Mont-de-Marsan.
Son père, Louis Delaroy, (fils de René Delaroy) est décédé le 11 brumaire an III (1er novembre 1794), dans la maison d'arrêt du palais de Fontenay-le-Comte, à l'âge de 70 ans, époux de Catherine [Marguerite] Robert, de la commune de Doix, district de Fontenay. Praticien, notaire, puis procureur, il fut aussi commis greffier de Me Henry Benoist, notaire de la baronnie d'Oulmes et de 1759 à 1793, notaire à Doix.
Il avait épousé, en premières noces, à Oulmes, le 21 janvier 1755, Françoise Benoist, fille de Me Henry Benoist, inhumée à Doix, le 5 février 1761, à l'âge d'environ 30 ans, dont il eut :
- Catherine, baptisée à Saint-Hilaire-des-Loges, le 21 décembre 1755 ; mineure, mariée à Doix, le 17 juin 1777, avec André-Antoine Gille, marchand ;
- Louis-Henri, serait né également à Saint-Hilaires-des-Loges, en 1758 (les registres manquent pour cette année-là malheureusement) ; il est présent, avec Louis-Dominique-Vincent, au mariage de sa soeur, Catherine, en 1777 ;
- Louis-Dominique-Vincent, né à Doix, le 22 janvier 1761.
puis en secondes noces, Marguerite Robert, dont il eut :
- David-Pierre, né à Doix, le 27 février 1776, baptisé le lendemain ;
- René, né à Doix, le 8 décembre 1773, qui suit ;
- Antoine, né à Doix, le 11 janvier 1772 ;
- Nicolas-Louis, né à Doix, le 25 novembre 1770, baptisé le 27 ; chirurgien ; veuf d'Adélaïde Pinsé ; décédé à Marans, le 11 mars 1820.
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Première femme de Louis-Henri : Esther-Geneviève Dufour
Ses enfants :
- Henry-François ;
- Esther-Rosalie, née à Agen, le 10 mars 1785 ; mariée à Bayonne, le 22 nivôse an XI (12 janvier 1803) avec Nicolas-François-Marie Gachet, capitaine dans la 83e demi-brigade de ligne, âgé de 40 ans, né à Meaux, le 29 août 1762 ;
- Rose-Henriette-Eléonore, née à Tarbes, paroisse de la Sède, le 29 avril 1786, baptisée le même jour, sa marraine est Rose Delaroy, pensionnaire au couvent des Ursulines de Niort (sa grande tante) ;
- Rosalie-Mélanie, née à Tarbes, paroisse de la Sède, le 13 avril 1788, baptisée le même jour : son parrain fut Henry-François Delaroy, son frère et la marraine, Esther-Rosalie, sa soeur.
Remarié à Lucille Bessin, dont :
- Henriette, décédée à Mont-de-Marsan, le 4 prairial an IX (24 mai 1801) (17 mois)
Nous ignorons où et quand Louis-Henri est décédé, nous savons seulement qu'il était présent au mariage de sa fille Esther-Rosalie et donc par conséquent toujours vivant en 1803 ...
LES DELAROY, UNE LIGNÉE D'IMPRIMEURS :
René Delaroy est né à Doix, le 8 décembre 1773.
Décadi de la 1ère décade du mois de nivôse an septième (30 décembre 1798).., René Delaroy, 28 ans, imprimeur, domicilié à Mont-de-Marsan, fils de Louis Delaroy, procureur, et de Marie-Marguerite Robert, tous deux domiciliés de Doix, département de la Vendée, a épousé, à Mont-de-Marsan, "le 10 nivôse 1799" (31 décembre 1799), Marie St-Marc, âgée de 17 ans, fille de Jacques St-Marc et d'Anne Dutau ; Louis-Henry est présent à ce mariage.
De ce mariage sont nés :
- Jacques, le 14 pluviôse an VIII (3 février 1800) ;
- Prosper, le 5 messidor an IX (24 juin 1801) ;
- Anne-Marie-Joséphine, le 29 frimaire an XII (21 décembre 1803) ;
- Dorothée, le 20 janvier 1808 ;
- René, le 6 février 1811 ;
- René, le 13 avril 1812.
Marie St-Marc est née à Mont-de-Marsan, le 22 mars 1781.
René Delaroy fut maire de Laglorieuse de janvier 1833 jusqu'à son décès survenu à Laglorieuse, au Baradé, le 19 novembre 1836, à l'âge de 67 ans.
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Fils de René, imprimeur, et de Marie Saint-Marc, Jacques Delaroy est né à Mont-de-Marsan, le 14 pluviôse an VIII (3 février 1800). Dès l'âge de 13 ans, il commence à travailler dans l'atelier de son père, puis il part compléter sa formation dans des imprimeries de Bordeaux et Paris. Revenu à Mont-de-Marsan, il travaille dans l'imprimerie paternelle dont il finit par prendre la direction. Il meurt à Gaillères, le 28 décembre 1866.
Il succède à son père qui a démissionné en sa faveur de son brevet d'imprimeur en lettres le 20 mai 1835. Il est l'imprimeur de l'administration et imprime le Journal des Landes.
En juillet 1842, une enquête est ouverte pour défaut d'adresse sur une lettre aux électeurs rédigée par deux candidats mais l'affaire est classée.
Jacques-Justin Delaroy fut maire de Gaillères pendant environ 28 ans.
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PIERRE-VICTOR DELAROY
Fils de Jacques-Justin, imprimeur, et de Marie-Mélanie Lobit, Pierre-Victor Delaroy est né à Mont-de-Marsan, le 24 février 1832.
Victor Delaroy, publiciste et doyen de la presse catholique landaise, diocèse d'Aire, était chevalier de l'ordre de Saint-Grégoire Le Grand (avril 1908), officier d'académie et chevalier de Charles III.
Il fut également secrétaire général de la Société d'Agriculture, des Sciences et des Arts des Landes.
Le journal "Le Constitutionnel", en date du 14 octobre 1878, indique qu'un duel à l'épée avait eu lieu la veille, sur le territoire espagnol, entre M. Oubel, adjoint à Mont-de-Marsan, et M. Delaroy, rédacteur du Journal des Landes. M. Delaroy a été légèrement blessé.
Journal l'Univers du 26 novembre 1880 :
M. Victor Delaroy, directeur du Journal des Landes, vient d'être suspendu de ses fonctions de maire de Laglorieuse, "pour avoir signé une protestation contre l'expulsion des capucins de Mont-de-Marsan". Il agissait là en dehors de sa commune, comme journaliste et simple citoyen, non comme maire ; cependant, ne pouvant l'atteindre autrement, c'est le maire que le préfet a frappé. Ces gens-là, ministres et préfets, mêlent en tout la sottise et l'iniquité.
Le conseil municipal a protesté par la démission de tous ses membres contre l'arrêté du préfet. Voici la lettre que cet agent du sieur Constant a reçue :
Laglorieuse, 14 novembre.
Monsieur le préfet,
Les soussignés, adjoint et membres du conseil municipal de Laglorieuse (Landes), après avoir eu connaissance de l'arrêté pris contre M. Victor Delaroy, maire, s'empressent de donner leur démission. Ils veulent, par ce fait, ne pas séparer leur cause de celle de M. Delaroy, qui jouit, à juste titre, de la confiance et de la sympathie des habitants de la commune.
Les soussignés vous offrent, avec leur démission, monsieur le préfet, leurs salutations empressées.
Signé : E. Daban, Béziat, Cabé, Gourgues, Grenier, Bordes, Darrabos, Castandet, Bouchon.
(Sage et Loulons, ne sachant signer, ont apposé une croix).
M. Delaroy a de son côté adressé au même fonctionnaire la lettre suivante :
Laglorieuse (Landes), le 14 novembre 1880.
Monsieur le Préfet,
J'ai l'honneur de vous informer qu'après avoir lu l'arrêté que vous avez pris contre moi pour avoir signé une protestation contre l'expulsion des religieux du monastère de Mont-de-Marsan, j'ai remis le service de la mairie à mon adjoint.
J'ai également l'honneur de vous adresser, ci-jointe, la protestation que l'adjoint et tous les membres du conseil municipal de la commune de Laglorieuse ont signés immédiatement.
Je n'ai certes pas, monsieur le préfet, à me plaindre de la mesure que vous avez cru devoir prendre contre moi, puisqu'elle fournit à mes honorables compatriotes l'occasion de me donner une nouvelle preuve de vive sympathie, à laquelle je suis très sensible ;
Je n'ai pas à me plaindre, puisque je suis frappé pour avoir défendu la cause de saints religieux qui ont donné à la France, de tout temps, et surtout pendant la dernière guerre, l'exemple de tous les courages, de toutes les vertus.
Je n'ai pas à me plaindre, puisque je suis frappé pour avoir défendu des hommes qui partagent chaque jour leur pain avec les pauvres.
Je n'ai pas à me plaindre, puisque je suis frappé pour avoir protesté avec trois cents magistrats, avec de nombreux officiers de notre glorieuse armée, avec de courageux citoyens appartenant au culte protestant, avec tout ce que la France, en un mot, compte d'hommes voulant la justice et la liberté égales pour tous.
Loin de me plaindre, je vous remercie.
J'ai l'honneur de vous prier, monsieur le préfet, d'accepter ma démission de membre du conseil municipal de Laglorieuse, et d'agréer l'assurance de ma respectueuse considération.
VICTOR DELAROY."
L'Express du Midi du 7 juin 1903 :
"Mont-de-Marsan, 6 juin.
M. Victor Delaroy, directeur du Journal des Landes et maire de Laglorieuse, vient d'être révoqué pour avoir refusé d'enlever le Christ de la salle d'école des garçons.
M. Delaroy était maire de Laglorieuse depuis plus de 40 ans."
L'Express du Midi, 9 juin 1903 :
Nos dépêches d'hier mentionnaient la révocation de notre excellent confrère, M. Victor Delaroy, directeur du Journal des Landes, de ses fonctions de maire de Laglorieuse.
Quel crime avait donc commis l'honorable M. Delaroy pour s'attirer ainsi les foudres ministérielles ?
Il est frappé pour avoir refusé d'enlever l'image du Christ d'une salle d'école où cet emblème religieux, cher aux catholiques et aux hommes de bien, était placé depuis 40 ans !
Autant cette mesure de rigueur est infamante pour ses auteurs, autant elle honore celui qui en est l'objet.
Elle est la suite naturelle des ignominies que nous avons à enregistrer tous les jours ; elle souligne peut-être mieux, par sa petitesse, le côté odieux de la guerre entreprise contre la religion.
Faut-il que l'hystérie de la persécution ait atteint le degré de la rage, pour que la pacifique image du Rédempteur ait le pouvoir de troubler la digestion de nos assiettes-beurriers ?
Et cela cent dix ans après la grande Révolution, qui proclama les droits de l'homme et du citoyen, au nom de la liberté !
Mais pourquoi s'indigner aujourd'hui plus qu'hier ?
En attendant la prochaine et éclatante revanche de M. Delaroy, nous avons le plaisir de mettre sous les yeux de nos lecteurs la réponse pleine de noblesse et de fine ironie qu'il vient d'adresser au vieux défroqué, sous forme d'accusé de révocation :
Laglorieuse (Landes), 5 juin 1903.
Monsieur le Ministre,
Je m'empresse de vous accuser réception du décret qui me révoque de mes fonctions de maire de la commune de Laglorieuse.
En me frappant pour avoir refusé d'enlever le Christ d'une salle d'école ;
En me frappant pour avoir chaudement appuyé les réclamations pressantes et réitérées de mes conseillers municipaux, des pères de famille, des habitants de ma commune et de leurs enfants qui désiraient conserver au milieu d'eux l'image sainte, vous me faite, monsieur le ministre, un grand honneur. J'ajoute que le coup que vous avez eu l'intention de me porter ne m'atteint pas autant que vous le voudriez, puisque je suis assuré, "si Dieu me prête vie", de reprendre aux élections générales prochaines, l'écharpe que je tiens depuis 40 ans de la confiance de mes compatriotes et amis. Je désirais conserver, comme eux, cette image du divin crucifié dans la petite école où elle se trouve depuis des années et des années ; vous exigez, mettant la force au-dessus du droit, qu'elle en soit expulsée. Votre ordre sera probablement exécuté ; mais serez-vous, pour cela, plus tranquille ? J'en doute, la persécution satanée que vous poursuivez avec rage ayant eu pour effet immédiat de diviser la France en deux camps d'ennemis irréconciliables.
Vous êtes, monsieur le ministre, plus puissant que le chef de l'État, "à qui vous imposez souvent votre volonté despotique" ; je ne suis que maire d'une localité des Landes, et, malgré tout, je préfère de beaucoup ma situation à la vôtre.
J'ai ma conscience en paix et la satisfaction d'avoir accompli mon devoir jusqu'au bout.
Et vous, monsieur Combes, lorsque l'heure de votre disparition sonnera - ce sera peut-être sans tarder - vous serez bourrelé par le remords et maudit par les hommes de bien de tous les partis.
Veuillez agréer, monsieur le ministre, l'assurance de ma considération distinguée.
VICTOR DELAROY.
Oui, M. Delaroy a raison de le dire : bientôt Combes et ses sicaires auront été rejoindre dans les ténèbres d'un méprisant oubli les apostats du passé, tandis que les catholiques et les libéraux auront remis le droit au-dessus de la force momentanée et les maires persécutés à la tête de leur commune.
Nous félicitons très sincèrement M. Victor Delaroy, notre doyen de la presse du Sud-Ouest, doyen par l'âge et la haute moralité ;
Le maire qui jouit, depuis plus de 40 ans, de l'affectueuse confiance de ses concitoyens ;
Le catholique, frappé pour avoir défendu la plus sainte de toutes les causes : "La liberté de conscience".
Th. Soucaret.
Pierre-Victor Delaroy, maire, fut remplacé, à Laglorieuse, par Marcelin Tauziède, "conseiller municipal faisant fonctions de maire", du mois de juin 1903 jusqu'aux environs du mois de juin 1904, date à laquelle Delaroy reprit ses fonctions de maire.
A l'occasion du centenaire de son journal, en 1900, M. Victor Delaroy eut l'honneur de recevoir de Sa Sainteté Léon XIII un bref apostolique pour le remercier de son dévouement inébranlable à la cause catholique.
Il était veuf de Marie-Louise-Julie Lasserre.
Pierre-Victor est décédé le 22 décembre 1908, à Mont-de-Marsan, rue Victor Hugo, à l'âge de 76 ans.
Dictionnaire des imprimeurs-lithographes du XIXe siècle - École nationale des chartes / Archives Nationales F18 1954.
AD40 - Délibérations municipales de Laglorieuse
AD40 - Registres paroissiaux et d'état-civil de Mont-de-Marsan