FRANÇOIS-JOSEPH WESTERMANN, "UN FILOU ÉCHAPPÉ DES PRISONS"
A propos du Précis historique sur Westermann, surnommé le Boucher de la Vendée ; par M. Agricole-Hippolyte de Chateauneuf (in-8° de 150 p), Buonaparte fit confisquer la première édition de cet ouvrage, sans doute parce que Westermann avait été son collègue au club des Cordeliers que présidaient, en 1793, le farouche Danton et l'exécrable Marat.
C'est à Westermann seul qu'est dû l'horrible succès de la journée du 10 août. Sous ce rapport, sa vie peut paraître digne de fixer l'attention des souverains et des hommes d'état. Ils y verront combien il importe d'étouffer les factions dès leur naissance, et que souvent il suffit d'un seul homme pour les faire réussir.
Au commencement de la révolution, ce Westermann allait être condamné aux galères pour avoir volé des couverts d'argent chez un restaurateur de Paris. Il s'échappa des prisons, lorsque les troubles fomentés par des séditieux en ouvrirent les portes à tous les malfaiteurs.
Sans son audace, le crime qui renversa le trône n'eût point réussi. C'est ce qu'avouèrent les conjurés même de l'assemblée législative. "Je vis de mes propres yeux cette fatale journée, dit M. de Châteauneuf. Le matin du 10 août, j'étais dans le château des Tuileries ; des coups de fusil me firent descendre sur la place du Carrousel. Je vis le bas peuple des faubourgs repoussé par le seul régiment suisse. Westermann arriva, et fit tout changer."
C'est une des plus grandes leçons de l'histoire, que le salut de la famille royale et de l'état ait dépendu de l'ordre d'arrêter Westermann, Santerre et cinq de ses complices, et que cet ordre n'ait pas été donné.
On trouverait encore la preuve matérielle des vols de Westermann dans les archives du palais. Pendant qu'il signalait, dans la Vendée, son courage et sa férocité, la section de la rue des Gravilliers vint déclarer à la convention que Westermann était "un filou échappé des prisons". Mais le député Danton protégeait ce filou, et il ne fut donné aucune suite à la dénonciation.
Camus, garde des archives du Corps législatif, racontait souvent que Westermann vint un jour le trouver pour se plaindre que des "contre-révolutionnaires", irrités de ses succès, l'avaient calomnié dans une adresse à la Convention. Il voulut avoir cette pièce ; Camus la refusa. Westermann furieux, tira son sabre et s'écria : "F.... janséniste, rends-moi ce papier, ou je te tue". L'archiviste lui répondit sans se troubler : "Demande-le à la barre de la Convention ; tu ne l'auras de moi que sur un décret." Westermann cessa d'insister, et craignit de réveiller par un éclat de fâcheux souvenirs.
En lisant la vie de ce farouche révolutionnaire, on voit que la république a eu pour fondateur un filou et un mauvais comédien. Westermann renversa la monarchie le 10 août 1792 ; Collot-d'Herbois fit décréter la république le 22 septembre suivant.
La Quotidienne - Volume 3 - Mercredi 11 janvier 1815 - n° 11