POITIERS (86) - 1794 - MATHIEU DAVANCENS, AGENT NATIONAL DE LA COMMUNE DE POITIERS
DAVANCENS - on prononçait et on écrivait parfois Davancin - était un homme cynique. Ingrand, représentant du peuple, avait fait de cet ancien dessinateur de l'ingénieur en chef des Ponts-et-Chaussées, de Lapeyre, un agent national de la commune. Sorte de freluquet jouant à l'aristocrate, il devint, tout à coup, un personnage gonflé de son importance et se révéla, dans ses nouvelles fonctions, intempérant et redoutable.
"Il n'est plus temps, répétait-il à la municipalité, de mesurer le sang à la pinte, il faut le répandre à flots. Guillaume Tell fit égorger, dans un moment, la moitié de ses concitoyens et Guillaume Tell était vertueux".
Pour le faire connaître, il suffira de reproduire ici le portrait qu'il a peint, de lui-même, quelques mois avant sa mort et dans lequel il nous rappelle ce muscadin d'Hébert qui se transformait, à la première page de son journal, en un répugnant sans-culotte, éructant, la pipe à la bouche, la carotte de tabac à la main, ses "bougre" et ses "foutre" les plus tonitruants.
"Poitiers, le 14 ventôse de l'an deuxième (4 mars 1794).
Mes bons amis, je ne suis pas encore foutu ; il est vrai qu'il y a trois jours, je faisais la grimace d'un capucin qui éprouve les douleurs d'une indigestion céleste ; mais foutre, je me suis ravitaillé d'une fière manière. Aujourd'hui, je reconnais l'abus qu'il y a de se casser les os, ça vous fait un mal de bougre qui n'afflige, sacré Dieu, pas les coquins d'aristocrates.
A propos, mes amis, savez-vous bien que ces pendards-là se sont traités de joie à la nouvelle de ma bête de chute ? Savez-vous bien qu'on buvait des rasades d'enfer ?
A la santé de la mort de l'agent national de la commune, disait une vieille décrépite, que le diable foutra à califourchon sur la pique de la Liberté. Oh ! bougres d'échappés de guillotine ; comme vous me payerez cette morgue ! Patience, patience, je vous ferai danser, avec les sans-culottes du club, des olivetes foireuses.
Mes amis, voici une adresse de Piorry ; lisez, c'est un bon bougre.
Salut et amitié.
Signé : DAVANCENS."
Moins de six mois après ces menaces que, pour une large part, il avait eu le temps et la force de mettre à exécution, Mathieu Davancens, époux de Catherine-Julie Laurent, décédait à l'âge de 29 ans, le 23 fructidor an II (mardi 9 septembre 1794) à onze heures du matin, dans sa maison de la rue de la Celle.
Les calamités, qu'il appelait sur la tête des autres, s'étaient emparées - comme de mystérieuses rançons - de son propre foyer.
Le lendemain même de sa mort, à dix heures du matin, un enfant de onze mois, son fils, Louis-Camille-Mathieu, s'éteignait à son tour.
Sur les registres de l'état-civil, les actes mortuaires du père et du fils ne sont séparés que par la mention d'un seul autre décès, celui d'Antoine Fouquet, âgé de quinze mois.
Catherine-Julie, âgée de 41 ans, se remarie avec Jean-Baptiste Kleybler, né le 5 août 1761, musicien, fils de Joseph Kleybler et d'Élisabeth Kolreubach. La cérémonie a lieu à Poitiers, le 13 prairial an X (2 juin 1802).
La Terreur à Poitiers - Etienne Salliard - 1912
AD86 - Registres d'état-civil de Poitiers