NOTRE-DAME-D'ALLENÇON - CHANZEAUX (49) - 1795 - JEAN DUTERTRE, UN DES SURVIVANTS DE L'AFFAIRE DU CLOCHER
Parmi ceux qui échappèrent à l'incendie du clocher, il faut citer Jean Dutertre, né le 17 juin 1782 à Notre-Dame-d'Allençon et mort serger à Chanzeaux le 24 janvier 1856.
A la date du 1er mars 1824, Maurice-Michel Ragueneau (mort le 23 avril 1852, cousin du sacristain tué dans le clocher), Jacques Blanchard et Jean-François Gordais (mort le 30 août 1832), tous trois habitants de Chanzeaux, attestèrent que Jean Dutertre, leur compagnon d'armes, avait été très grièvement blessé à l'affaire du clocher.
Voici maintenant la lettre que Jean Dutertre écrivait en 1825 au Ministre de la Guerre :
En 1795, l'arrivée des ennemis jette partout l'épouvante et l'effroi. A cette nouvelle, les habitants prennent la fuite et cherchent à se soustraire à la fureur du soldat républicain. Une poignée de déterminés se jette dans la tour du clocher de l'église de Chanzeaux. Je m'y enferme avec eux.
Cette tour avait cinquante pieds d'élévation. La coupole et la charpente avaient été la proie des flammes, lorsque le temple fut incendié (en 1794 par les colonnes infernales). Deux mille cinq cents soldats de l'armée républicaine arrivent et entourent le clocher devenu forteresse. Une décharge faite par ses braves défenseurs fait tomber plusieurs de leurs ennemis. Ils sont cernés de toute part. On leur crie de se rendre ; une décharge de mousqueterie fut leur seule réponse. C'est alors que commença le feu des républicains ; il dura près de quatre heures.
Quelques royalistes furent tués par les fenêtres de la tour. Ils jettent une caisse qu'ils avaient avec eux ; à ce signe, les républicains croient que les royalistes veulent se rendre. Un officier ennemi monte au haut de la tour. En y arrivant, on lui fend la tête d'un coup de hache. Le feu recommence. Le chef républicain, désespérant de soumettre les Vendéens, fait amasser au pied de la tour des matières combustibles. Sept soldats républicains s'avancent pour embraser cet amas. Les braves Vendéens en défendent l'approche. Les sept soldats tombent victimes de leur témérité. Un huitième se présente, portant au bout de sa baïonnette la torche incendiaire. Les royalistes le laissent approcher trop près. Frappé d'une balle qui l'étend mort, il tombe au pied de la tour. Le brandon qu'il portait, communique la flamme à l'amas de bois. Bientôt la fumée s'élève. La flamme gagne le plancher où se défendait encore le petit nombre de braves qui avaient survécu à leurs infortunés compagnons d'armes.
Rendez-vous, leur crie-t-on, il ne vous sera fait aucun mal.
Quelques-uns obéirent et furent aussitôt fusillés. Contraints de se montrer sur les murailles pour éviter le feu qui dévore le plancher de la tour, plusieurs y trouvent la mort à laquelle ils croyaient se soustraire. D'autres, le désespoir dans l'âme, se précipitent dans le brasier, aiment mieux périr que de se rendre. Je reçois une balle qui me fracasse la jambe. Affaibli par cette blessure, je tombe du haut de la tour. Je cherche à me retirer du milieu des flammes. Un soldat m'y repousse et me donne deux coups de baïonnette dans le flanc droit. J'allais périr, lorsqu'un soldat, plus humain que le premier, se jette à travers les flammes, me saisit, me retire demi-brûlé, sans connaissance et presque sans vie. Le sang coulait abondamment de ma blessure. Le républicain, touché de ma jeunesse et de mes souffrances, m'emporte et me soigne, me rappelle à la vie, me met avec les blessés de l'armée républicaines. Je fus ainsi transporté à l'hôpital d'Angers, où je restai onze mois. (Archives de Maine-et-Loire, 33 M 17)
L'ANJOU HISTORIQUE - octobre 1939
AD49 - Registres paroissiaux de Notre-Dame-d'Allençon - Registres d'état-civil de Chanzeaux