MONTOURNAIS (85) - MONTOURNAIS PENDANT LES JOURS DE LA TERREUR
MONTOURNAIS
Que se passa-t-il à Montournais pendant les jours de la terreur ?
Il serait difficile de le dire sans faits spécifiés et détails, mais il est facile à chacun de le deviner. Que des massacres aient eu lieu qui peut en douter ? Que la révolution, que la haine de Dieu et la religion, ait immolé ses victimes. Qui pourrait hésiter à le croire ?
D'après les souvenirs d'une très vieille femme, décédée au Moulin Bureau, à l'âge de cent ans en l'année 1874 (le 15 janvier) nommée MARIE ÉQUIPIER veuve de Louis CHABIRON. Cette femme âgée en 1793 de dix-neuf ans passa tous les mauvais jours dans la paroisse de Montournais. Il y eut des tueries nombreuses dans le lieu appelé le Moulin-Tubin. Étant servante à la Limousinière chez les Rocher, elle a vu des femmes tuées dans le village et tombées et laissées sur le chemin.
D'après cette femme, c'est en juillet 1793, au retour d'une foire à l'Absie, foire de la Madeleine, que vint à Montournais la première nouvelle des insurrections de la Vendée, c'est-à-dire le premier mouvement, les premières grandes émotions, conséquence de la résistance organisée. Quelle part Montournais prit-il à cette lutte ? Je ne saurais dire s'il y eut des hommes dévoués qui s'unirent bravement aux Vendéens comme le sacristain M. Rémaud, il y eut aussi des hommes hostiles qui suivirent M. Mazière emmenant à sa suite, à la Châtaigneraie pour se joindre aux bleus, le jeune Équipier, son domestique, frère de la vieille femme plus haut nommée. (Ce jeune homme périt dans les armées républicaines, ne reparut pas). Il y eut aussi un plus grand nombre d'indifférents et de timides qui sauvèrent comme ils purent leur conscience et leur vie.
La femme Équipier veuve Chabiron m'a raconté le fait suivant qui suffit pour révéler l'exaltation d'esprit républicain de M. Mazière.
C'était assurément pendant la Terreur et pendant tout au moins le commencement de l'insurrection de la Vendée, c'est-à-dire peut-être vers la fin de 1793. La mère de la veuve Chabiron, la femme Equipier, habitant le bourg, elle était femme la journée à la maison du sieur Devenu (?) officier civil. Son fils, le jeune Equipier, était domestique de M. Mazière. Cette femme donc mourut pendant ces mauvais jours, c'était en pleine terreur, à peine si l'on put trouver quatre personnes pour porter son corps au cimetière. Après l'inhumation, selon l'usage, les témoins de la sépulture, parents et autres personnes, se présentèrent à l'officier civil, comme autrefois on le faisait au prieur (?), pour dresser l'acte de décès et d'inhumation.
La conversation tomba inévitablement sur les évènements du moment. Aussi Mazière aurait, au dire de cette femme, fait l'affirmation suivante qui l'avait beaucoup étonnée, malgré qu'elle avait pour celui qu'il y a peu de temps était le légitime pasteur de la paroisse, parlant de l'insurrection des Catholiques, il aurait en ces termes exprimé ses sentiments et aurait dit "qu'il aimerait mieux voir les entrailles des enfants de sa première communion cloués sur une planche de sa chambre que de les savoir engagés du côté des brigands". Ces paroles, disait-elle, qu'elle ne comprit pas ... l'avaient surprise. Elle ne savait comment concilier ensemble ces paroles excessives et l'estime qu'elle avait pour M. Mazière (la femme Équipier âgée de 19 ans venait de faire sa 1ère communion, sans doute en 1792).
Pendant tous les jours de trouble en ces temps, la paroisse de Montournais paraît être demeurée sans ministère de prêtre, dont le souvenir soit resté. Il y avait, je pense, ici comme ailleurs, quelques prêtres cachés qui ont dû donner à l'occasion le secours de leur zèle. D'après le témoignage de la même personne citée plus haut, il y eut pendant quelque temps un prêtre caché à la Grêlière auquel on portait en secret la nourriture nécessaire. D'après d'autres souvenirs, un prêtre s'est caché quelquefois au village de la Mantruère et y a dit la messe.
On conçoit néanmoins que les prêtres fidèles ne devaient aborder qu'avec crainte le territoire de cette paroisse à cause de la présence du traître assermenté qui l'habitait et y exerçait assurément une influence active et funeste.
Ce qui est certain, c'est que l'église fut vendue en 1796 à un homme nommé Souchet. C'est à la même époque sans doute que ce même Souchet acheta le presbytère. M. Mazière était déjà certainement parti de la paroisse et de son habitation, maison du prieur. Peut-être son séjour a-t-il été prolongé jusque vers cette époque, qui avait retardé jusqu'en 1796 l'aliénation de l'église paroissiale et de la cure.
D'après des actes authentiques que l'on peut trouver, j'imagine, au greffe de Fontenay, peut-être même à la mairie de Montournais, puis aussi d'après le texte du jugement au procès Chabot et Bitteau, relatif au petit chemin qui longe le mur nord de l'église, on voit que la vente de l'église eut lieu en 1796.
Pendant ce temps, que se passait-il à Menomblet relativement aux intérêts religieux ? Là, M. Turpault, enfant de Montournais, né au Champfrou, puis vicaire de cette paroisse pendant plusieurs années, excite à juste titre notre intérêt. Malheureusement nous n'y trouvons qu'un désastre. M. Turpault, par faiblesse ou travers d'esprit, s'était rallié aux idées révolutionnaires, il se montrait préalablement partisan actif des maîtres du moment. Ses opinions anti-vendéennes étaient connues de tous. Qu'arriva-t-il donc ? Un jour, dit-on, pendant les jours de trouble, il se promenait dans son jardin. Des ennemis de la révolution qu'il défiait, passant par là, le virent, d'une balle dirigée contre lui, l'étendit mort dans son jardin.
Notice sur le passé et le présent de Montournais - par l'abbé Eugène Girard - AD85 1 Num 42 10/1 - vues 41 et 42.