LA FOUGEREUSE (79) - 1794 - INCENDIE DU MONASTÈRE - JEAN-PAUL ROULLET, COMMANDANT D'UN ESCADRON DE HUSSARDS
Au mois de janvier 1794, la Vendée militaire est en pleine insurrection. Pour la dompter, la Convention a lancé contre elle ses armées ; l'un des généraux les plus féroces, Grignon, a son quartier-général à Argenton-Château. C'est de là qu'il part pour mettre à feu à sang toute la contrée environnante. Guidé par la canaille du pays, il s'avance à coup sûr.
C'est dans le premier mois de cette année qu'il faut placer l'incendie du monastère de la Fougereuse. Conduite par un nommé Fardeau, du Breuil-sous-Argenton, la troupe, escortée des pillards soi-disant patriotes, arrivait inopinément au bourg de la Fougereuse.
Une brèche est ouverte dans les murs du prieuré, les bandits s'y précipitent. Fardeau et ses dignes acolytes approchent des fagots des portes de l'église et du couvent et poussent des cris de mort contre les religieuses demeurées dans leur asile.
PAUL-JEAN ROULLET, originaire de Chemillé, qui commande l'escadron de hussards républicains avait fait placer ses soldats sur deux lignes à la grande porte qui donne sur le plan.
En soldat qui ne met pas sa gloire à massacrer d'inoffensives religieuses, Paul-Jean veut qu'on épargne ces malheureuses femmes.
Pour donner le change aux patriotes, il jure et sacre comme un païen ; ses soldats partagent l'humanité de leur chef et entraînent les religieuses et les pensionnaires qui ont pu sortir de la maison (souvenirs recueillis par la fille de Paul-Jean Roullet). Celles qui sont restées, affolées par les cris de fureur et par la crainte des pires outrages, en face de la flamme qui déjà s'élève, préférant la mort au déshonneur, se précipitent par les fenêtres et périssent dans leur chute ou sous les coups des misérables. Leurs corps sont jetés dans la grande citerne qui avoisine la route.
Le prieuré est mis à sac et pillé ; l'ameublement, la literie, les boiseries sculptées, tout est enlevé et transporté dans les champs qui s'étendent entre les Moulins et Grâce, où les pillards ont établi leur camp.
Pendant huit jours les flammes s'alimenteront des objets qui proviennent du monastère ou de la maison du Bon-Conseil.
Pour s'entretenir la main, les colonnes si bien nommées Colonnes Infernales, incendient le bourg de la Fougereuse ; d'après la tradition, une seule maison, l'auberge sise en face le couvent, échappa aux flammes. La population épouvantée s'était enfuie dans les bois ; de la bosse du Gué où ils s'étaient en partie réfugiés, les habitants aperçurent les rouges lueurs de l'incendie et entendirent le clocher du monastère s'abîmer dans les flammes. Le spectacle de cette destruction bestiale avait laissé de profonds souvenirs dans l'âme du généreux républicain, Jean-Paul Roullet, à qui plusieurs religieuses étaient redevables de la vie.
Après la pacification de la Vendée, il vint habiter Vihiers ; de là, il se rendait souvent à Argenton-Château et quand il traversait le bourg de la Fougereuse, arrivé en face des ruines du couvent, il en détournait la tête en murmurant : oh ! cette brèche !!! comme s'il revivait par la pensée les tristes heures d'une expédition où ses mains étaient cependant demeurées nettes du sang des victimes.
Concernant La Fougereuse, voir également ICI
Saint-Maurice-la-Fougereuse et son prieuré millénaire, Monographie paroissiale - par l'abbé G. Michaud - 1900.
Paul-Jean Roullet était fils de Joseph, voiturier, et de Perrine Jounneau, est né à Chemillé, paroisse Saint-Gilles, le 25 février 1777, et baptisé le lendemain.
Madeleine Suzanne, son épouse, est décédée le 25 juin 1831, à l'âge de 52 ans. A cette époque, Paul Roullet était "cloutier".
Paul Roullet, veuf de Madeleine Suzanne, ancien garde-champêtre, est décédé à Vihiers, le 23 juillet 1852, à l'âge de 75 ans.
Parmi les religieuses qui survécurent à ces scènes de barbarie, nous retrouvons "Marie-Adélaïde de Richeteau et Mélanie de Richeteau, ex-religieuses de la Fougereuse, élargies provisoirement par la commission militaire séant à Angers. Elles se présentent à la Municipalité d'Angers le 4 ventôse, an II (22 février 1794) ; elles déclarent à la dite Municipalité qu'elles fixent leur domicile à Angers, l'une chez Aveline de Narcé, l'autre chez Poisson de Gastine, sur le Tertre Saint-Laurent" (Arch. de la mairie d'Angers).
Le 8 mars 1797, Jeanne-Scholastique de Poutual, religieuse décédée à La Fougereuse, était inhumée au cimetière de cette paroisse par l'abbé Jarry ; elle avait 66 ans, l'acte de décès porte qu'elle mourut dans des bâtiments dépendant de l'ancienne communauté. A sa sépulture assistèrent Angélique Fontaine, Renée Coquin, Pulchérie Renaudin, Marie-Anne Raillon, toutes religieuses du même ordre et de la même communauté, Marguerite Crepellière, Marie Hurtaud, soeurs converses.
Cet acte nous prouve qu'à cette époque, les religieuses survivantes avaient repris la vie commune.
Angélique Fontaine, décédée le 16 février 1801, fut enterrée le lendemain ; elle n'avait que 57 ans ; à sa sépulture étaient présentes Renée Coquin, Pulchérie Renaudin, Marie-Anne Raillon, dames religieuses, Marguerite Crepellière, Marie-Louise Hurtault, Marie Maudoux, soeurs converses.
Le 23 novembre 1804, Marie-Marguerite Crepellière, âgée de 65 ans, mourait à son tour ; à ses funérailles, le lendemain, assistent Renée-Catherine Coquin, Pulchérie Renaudin, Marie-Anne Raillon, dames religieuses du choeur, Marie-Louise Urteault et marie Maudoux, soeurs converses.
Le 15 décembre 1814, Renée-Catherine-Charlotte Coquin décédait, âgée d'environ 71 ans, religieuse professe de l'Ordre de Saint-Benoît ; à sa sépulture ne figure plus que Marie-Louise-Françoise Hurtault.
Marie Maudoux succombait le 8 février 1817, à l'âge de 58 ans.
Marie-Louise Hurtault habitait Argenton-Château depuis 1805 ; plusieurs fois marraine dans cette dernière ville, elle se qualifie toujours : Soeur religieuse Bénédictine du ci-devant monastère de La Fougereuse.
Les administrateurs de l'hospice ayant pu restaurer les bâtiments incendiés et relever les ruines, demandent comme supérieure pour gouverner la maison, Madame Marie-Louise Hurtault, cy-devant soeur converse à la communauté de la Fougereuse, après avoir pris des renseignements trouvés favorables sur sa capacité, ses connaissances en chirurgie et ses moeurs.
Madame Hurtault, consultée aussitôt, déclare accepter la direction de la maison, moyennant un traitement annuel de cent francs. Elle demande aussi aux administrateurs de prendre à la charge de l'hospice la pharmacie qu'elle possède.
Cette délibération est du 18 mars 1807 ; elle fut approuvée par le Préfet le 16 avril de la même année, et Madame Marie-Louise Hurtault gouverna l'hospice jusqu'à sa mort, le 1er mai 1832 ; elle avait alors 74 ans ; elle fut inhumée au cimetière d'Argenton, le 3 mai, par M. Robert, curé d'Argenton, en présence de Henri Baranger et Louis Hurtault, ses petits-neveux. Soeur Marie-Louise Hurtault laissait en mourant un legs de cent francs à l'hospice d'Argenton-Château.
Avec elle disparut, dans le diocèse de Poitiers, la dernière religieuse de l'ordre bénédictin de Raoul de la Fustaye. La vie religieuse commencée à la chapelle Sainte Marie-Magdelaine, en 820, par Avoie, fille de Guy de la Fougereuse, s'éteignait avec Marie-Louise Hurtault après 1012 ans de durée.
Saint-Maurice-la-Fougereuse et son prieuré millénaire, Monographie paroissiale - par l'abbé G. Michaud - 1900.