SAINT-CLAUD-SUR-LE-SON (16) - FRANÇOIS DAIGUEPLATS, TAMBOUR
Le 9 septembre 1782, naissait à Saint-Claud-sur-le-Son, dans une humble maisonnette, François Daigueplats, fils de Jean François et de Marie-Magdeleine Pichon.
François Daigueplats (père) était déjà parti avec les premières levées de volontaires de la Charente ; le 5 août 1792, son fils, âgé de moins de dix ans, s'enrôlait, à son tour, comme volontaire et était incorporé, en qualité de tambour, dans la deuxième compagnie du 2e bataillon de la Charente, commandé par Laplante, de Saint-Claud.
Le jeune tambour était à Valmy, avec l'armée de Dumouriez. A Valmy, c'était le peuple français qui se battait, le peuple fier des libertés nouvellement conquises, animé d'une incomparable ardeur, d'un enthousiasme extraordinaire. Tous ces soldats d'un jour, ces tailleurs, ces savetiers, ces "va-nu-pieds" superbes, chaussés de sabots et vêtus de loques, furent des héros. Les Prussiens se flattaient que des gens qui n'avaient jamais été au feu pourraient tenir devant soixante canons crachant la mitraille ; la réponse des conscrits fut terrible, foudroyante.
- Soudain, le général Kellermann met son chapeau à la pointe de son sabre, et trente mille hommes l'imitent, et trente mille voix répètent ce cri : "Vive la Nation !" Et l'armée française marche aux canons prussiens.
Les tambours sont au premier rang. Ils battent avec un entrain endiablé. François Daigueplats est parmi eux, fier et résolu ; ses pauvres petits bras ne s'arrêtent pas un seul instant. Électrisés par les éclatantes sonneries, par les roulements sonores, les républicains se ruent à la victoire.
Mais, tout-à-coup, dans un nuage de poudre et de fumée, le petit François aperçoit son père qui charge les Prussiens à la baïonnette ; serré de près, entouré de tous côtés par les ennemis, Jean François Daigueplats chancelle et s'affaisse, mortellement blessé peut-être ! Et l'enfant, malgré la douleur qui l'étreint, les sanglots qui l'étouffent, reste à son poste et continue à remplir son devoir de brave petit tambour.
Le soir, quand le feu a cessé, quand l'ombre s'est étendue sur le champ de Valmy, François guide les brancardiers à la recherche de son père. Soutenu par l'amour filial, insensible à l'écrasante fatigue de la journée, à l'horreur de la scène de carnage, François cherche son père parmi ces blessés, parmi ces morts héroïques.
Soudain, il défaille ; il a entendu un gémissement qui le déchire ; ses petites jambes fléchissent, ses yeux se voilent ; toutes ses forces vont-elles donc le trahir ? Mais non ! François est courageux ! Par un suprême effort d'énergie et de volonté, cet enfant de dix ans s'est redressé ; dans ce corps frêle et délicat, il y a une âme virile. Il marche vers la voix chérie qu'il a reconnue, il conduit ceux qui vont relever le corps de Jean François Daigueplats et le porter à l'ambulance.
A l'hôpital où furent évacués les blessés, François aide les infirmiers ; il est toujours là au chevet de son père, guettant sa première parole, son premier sourire, le soignant lui-même avec une intelligence rare chez un enfant si jeune, avec une inlassable patience, une sollicitude de tous les instants - et Jean François Daigueplats, dont la blessure paraissait mortelle, est miraculeusement sauvé par l'admirable dévouement filial du jeune tambour.
Un certificat régulier, délivré à Landau le 20 prairial an VII (8 juin 1799), constate que "François Daigueplats, à peine âgé de dix ans, s'est comporté à Valmy avec l'héroïsme d'un vrai soldat et d'un bon républicain".
Charles Triaud, instituteur à Angoulême - Extrait : Patrie, Librairie Universelle, Paris
"Études Locales", n° 2 - juin 1920 - p. 12-14
Le petit tambour écrivait à sa mère, le 12 fructidor an II (29 août 1794), la lettre suivante (publiée dans le Républicain Confolentais du 28 avril 1907, et dans le Progrès de la Charente du 11 mai suivant) :
Ma chère maman,
J'ai reçu ta lettre avec l'assignat que tu as eu la bonté de me faire passer. Je t'en ai toute obligeance qu'un fils doit avoir à une tendre mère ; je ne pourrai jamais te rendre tous les services que tu me fais ou que tu voudras me faire.
Sois assurée de mon amitié et de mon bon coeur et de ma bonne volonté.
Crois à un fils qui t'aime plus que lui-même et qui ne t'oubliera jamais, ou je viendrai le plus ingrat de tous les hommes ; ce ne sera jamais la pensée d'un vrai républicain ; tu ne mériteras jamais que l'on te paie d'ingratitude. Ce serait trop malheureux pour toi.
Nous t'embrassons de toute notre âme ; dis donc, bonne maman, nous serons bien contents quand nous verrons fleurir cette République si chérie en dépit de ses ennemis.
Adieu, ma bonne maman ; je t'embrasse de tout mon coeur ainsi que ma petite soeur ; dis-lui que, si je peux aller au pays, je la verrai avec plaisir.
Parrain est parti le 17 pour le pays ; tu sauras le temps qu'il mettra en route. On vient de nous lire la Constitution ; mon papa et moi nous l'avons signée.
La Révolution française : revue historique ... - janvier 1907
François Daigueplats père est décédé à Saint-Claud, le 7 août 1814, à l'âge de 60 ans.
Sa mère, Marie-Magdeleine Pichon, est décédée à Saint-Claud, le 22 octobre 1826, à l'âge de 76 ans ; ce décès est déclaré par François Daigueplats fils.
Le tambour François Daigueplats, devenu géomètre triangulateur, est décédé à Saint-Claud, le 9 septembre 1871, à l'âge de 89 ans ; il était veuf de Marie-Rose Machenaud ; ils avaient eu au moins un fils, Jacques-Aristide.
AD16 - Registres paroissiaux et d'état-civil de Saint-Claud