BELGIQUE (ARLON) - LUXEMBOURG - 1794 - LE DERNIER JOUR DE L'ABBAYE DE CLAIREFONTAINE
Une grande maison religieuse située au milieu de la nature dans le sud de la Belgique, près d’Arlon, à la frontière belgo-luxembourgeoise : La comtesse Ermesinde (1186-1247) fonde cette abbaye, située symboliquement à la limite de ses terres d'Arlon et de Luxembourg. Cette abbaye, à vocation de sépulture dynastique, est réservée à des femmes issues de la noblesse. La construction et la dotation de l'abbaye en 1253 sont assurées par Henri Le Blondel.
En 1794, les moniales ont fui vers Luxembourg et le feu des troupes françaises mutile l'abbaye. Le couvent est démantelé, vendu et sert de carrière de pierre.
On pourrait écrire, sur le dernier jour de Clairefontaine, un chapitre curieux et de nature à donner une idée parfaite de la situation morale de certains monastères à la fin du XVIIIe siècle.
Dans celui fondé par la pieuse Ermesinde, la discipline était si relâchée et les moeurs si mondaines, que la supérieure, Mme d'Heiseneck, ne craignit pas d'inviter à un splendide dîner le général autrichien Schroeder, qui commandait à Arlon, son corps d'officiers, et la plupart des nobles et des hauts fonctionnaires de la province avec leurs familles. Le nombre des convives s'élevait à plus de cent cinquante.
La table fut servie avec une somptuosité et une profusion vraiment royales. Des groupes de musiciens, distribués sur les coteaux environnants, faisaient retentir la vallée de délicieuses mélodies.
Les religieuses, dont le nombre était fixé à douze, non-seulement parurent à table, mais restèrent spectatrices du bal brillant qui eut lieu ensuite.
Vers une heure après minuit, au moment où les danses étaient le plus animées, une nouvelle foudroyante parvint au général : les Français étaient partis de Longwy et s'avançaient vers Arlon ! On se sépara terrifiés ; les religieuses abandonnèrent même tous les objets précieux qu'elles avaient exhibés pour l'ornement de cette fête, et s'enfuirent en toute hâte vers Luxembourg à travers les bois.
Au point du jour, en effet, les Français parurent devant Arlon, dont ils s'emparèrent après quelques heures d'un combat acharné. Plusieurs bandes se dirigèrent aussitôt sur Clairefontaine qui n'était plus qu'une vaste solitude. La salle du festin, celle du bal étaient restées dans l'état où elles se trouvaient la nuit précédente, au moment de la retraite des invités ... Le lendemain Clairefontaine n'était plus qu'un amas de ruines fumantes ...
(Extrait : Histoire du duché de Luxembourg - Volume 1 - par Marcellin Lagarde - 1849)