Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
La Maraîchine Normande
20 mars 2015

JOSEPH-MICHEL PELLERIN (1751 - 1794) - DÉPUTÉ DES SÉNÉCHAUSSÉES RÉUNIES DE NANTES ET DE GUÉRANDE

JOSEPH-MICHEL PELLERIN
Avocat à Nantes
Député des sénéchaussées réunies de Nantes et de Guérande.
(Nantes, 27 septembre 1751 - Nantes, 29 novembre 1794)

 

NANTES

 

Pellerin me semble réaliser le type du constituant sage et vraiment patriote : enthousiaste pour les réformes au début, mais s'arrêtant tout net dans la voie destructive, dès qu'il s'aperçut que les réformes allaient à saper les bases de l'édifice social et de l'édifice religieux. Si l'Assemblée n'avait été composée que de députés modestes, prévoyants et désintéressés comme lui, la France eût accompli son inévitable évolution à coup sûr et sans secousse : elle eut été privée, il est vrai des gloires chèrement achetées de l'Empire : mais du moins elle n'eut pas connu les violentes infamies de la Terreur.

 

ACTE NAISSANCE PELLERIN


Issu d'une famille originaire de la Basse-Loire, qui comptait un procureur devant la juridiction de la vicomté de Donges au moment de sa naissance, Pellerin fit de bonnes études au collège de l'Oratoire de Nantes, fut reçu maître ès arts en l'Université de cette ville, à dix-huit ans, en 1769, puis s'étant fait recevoir avocat au Parlement en 1772, il exerça d'abord devant le présidial de Rennes, et vint s'établir à Nantes, où il éprouva quelques difficultés au début, puisqu'il fut obligé de plaider en 1777 et d'obtenir un arrêt de la cour en 1778 pour être inscrit sur le tableau des avocats de ce présidial. Mais une fois entré dans la place, il ne tarda pas à s'y créer une situation prépondérante, car la Bibliothèque de Nantes conserve un grand nombre de mémoires judiciaires publiés par lui pendant dix ans : ces mémoires témoignent en même temps de sa science de jurisconsulte et de l'empressement du public à y recourir.


En 1788, préoccupé, comme tous ses contemporains, des idées de réformes mises par le ministère et par le roi lui-même à l'ordre du jour, il publia coup sur coup plusieurs brochures inspirées tout à la fois par son attachement sincère à la vieille constitution de la province de Bretagne et par cette conviction non moins arrêtée que la réforme des abus ne pouvait être opérée d'une manière sage et régulière qu'en respectant les principes fondamentaux et traditionnels de la monarchie. La première, intitulée : Idées d'un citoyen sur la réforme de l'administration de la justice en France, parut en septembre 1788. Il y proposait de supprimer les justices seigneuriales trop souvent abusives ; et de les remplacer par des tribunaux qui relèveraient immédiatement des présidiaux relevant eux-mêmes des Parlements juges en dernier ressort. La seconde, publiée en octobre avait pour titre : Suite des idées d'un citoyen, etc. et Réflexions sur les États-Généraux prochains, sur quelques objets de leurs délibérations et sur leur composition. Il y insistait sur la nécessité de simplifier les formes de la procédure ; demandait l'admissibilité de tous les citoyens à tous les emplois civils et militaires ; la contribution du clergé et de la noblesse aux charges de l'État ; la résidence plus régulière des évêques dans leurs diocèses avec droit d'examen sur l'impression des livres dangereux pour la morale et la religion ; et il émettait le voeu que les trois ordres s'entendissent et s'unissent réciproquement pour le bonheur de l'État.


Au mois de novembre, il choisit un sujet plus spécial et publia un Mémoire historique sur la constitution des États de Bretagne, adressé aux gentilshommes bretons, à l'occasion de la question de droit public actuellement agitée en cette province, celui d'assister en corps et par individus aux Assemblées des gens des trois États du pays et duché de Bretagne. Il concluait pour la négative et démontrait que chacun des trois ordres n'était jadis admis aux États que par des représentants spécialement délégués ; et que la noblesse n'y était entrée, en corps et par droit de naissance, qu'à la faveur des troubles du seizième siècle. En conséquence, il demandait que la représentation du Tiers et du clergé fût augmentée, et celle de la noblesse réduite dans une proportion légitime. Cette brochure fit sensation et l'on en publia à Paris une réimpression à l'insu de l'auteur.


Chaque mois, nouvel écrit. Après le Mémoire historique, Pellerin donna le Discours d'un citoyen, pour être prononcé à l'Assemblée de la commune le 15 décembre, dans lequel il réclamait de nouveau une représentation du Tiers aux États de la province et aux États-Généraux suffisante pour défendre utilement ses intérêts légitimes. Puis ce furent des Observations sur un mémoire imprimé ayant pour titre : Réponse à un ouvrage intitulé : Mémoire historique sur la constitution des États de Bretagne ; et enfin, au commencement de 1789, un opuscule sur le Droit public de la province de Bretagne, avec des observations relatives aux circonstances actuelles. Dans ce dernier livre, Pellerin démontrait que la Bretagne était en France un pays d'États seul de son espèce : qu'elle n'avait pas été incorporée au royaume par droit de conquête ni par puissance de fief ; qu'elle s'était librement donnée sous réserve de ses anciens droits et privilèges ; et que la France ne pouvait, sans trahir des engagements consacrés par un traité solennel, méconnaître les clauses de cette union.


Tous ces écrits respiraient un patriotisme ardent, furent d'autant plus goûtés qu'ils ne visaient qu'à une réforme équitable et prudente des abus dont se préoccupait l'opinion. Ils assurèrent son élection aux États-Généraux par les électeurs de la sénéchaussée de Guérande qui l'avaient d'abord nommé un de leurs quatre délégués à l'assemblée générale des sénéchaussées réunies de Guérande et de Nantes, et commissaire à la rédaction des cahier de doléances. Pellerin, malgré la part active qu'il avait prise à la lutte, n'ambitionnait pas ce mandat ; il le refusa d'abord et pria les électeurs de reporter leurs suffrages sur un autre candidat ; mais vaincu par leurs instances, il consentit enfin à accepter la mission qui lui était confiée.


A Versailles, il partagea d'abord l'enthousiasme et les illusions de la plupart de ses collègues de Bretagne ; j'en ai pour garants plusieurs passages de sa correspondance publiée en 1883 par M. Gustave Bord. Il écrivait le 28 juin 1789 :

"Messieurs et chers commettants, après les épreuves que notre fermeté a soutenues contre les actes d'autorité absolue que la cabale puissante, qui voulait faire échouer les États-Généraux, a multipliés coup sur coup, et dans la célèbre journée du 23, l'ordre des Communes fut constitué. L'Assemblée nationale, déjà réunie à la majorité du Clergé et à la minorité de la Noblesse, a eu l'avantage de voir, hier au soir, la totalité de ces ordres rentrer dans la salle des États, et couronner enfin la réunion si désirée et si désirable pour travailler avec succès au grand oeuvre de la régénération de la France ..."


Sa lettre du 15 juillet, le lendemain de la prise de la Bastille, n'est pas moins caractéristique. Elle prouve à la fois qu'on était encore fort peu renseigné à Versailles sur ce qui s'était réellement passé à Paris, et que Pellerin acceptait la situation faite par les mouvements populaires :

"Messieurs et honorés commettants, ce jour termine une suite d'évènements malheureux qui ont mis l'État à deux doigts de sa perte. Samedi au soir M. Necker fut congédié, et avec lui MM. de Montmorin, de Puységur et de la Luzerne. La nouvelle de la disgrâce d'un ministre de qui dépendait le salut public se répandit dimanche matin. Paris, qui a sa fortune dans le trésor royal, s'agita. Les troupes que l'on assemblait depuis quelque temps autour de cette capitale, loin de contenir le peuple, excitèrent la fermentation par leur présence. On brûla plusieurs des barrières de Paris. Du peuple la fermentation passa aux bourgeois, menacés de la banqueroute de l'État et dont on voulait étouffer les murmures par la force ; pour en opposer une à celle des troupes des milices bourgeoises qui se sont formées à Paris, les militaires ont bientôt convaincu les habitants qu'ils étaient eux-mêmes citoyens, et qu'ils n'étaient pas armés contre leur propre patrie. Tous ceux qui se sont trouvés à Paris ou qui y entraient, ont pris parti dans les milices des bourgeois. Il fallait des armes pour tous ces soldats de la patrie : on a su qu'il y en avait un dépôt à l'hôtel des Invalides. On s'y est rendu et on s'est emparé de 23.000 fusils et de plusieurs pièces de canon. La ville de Paris était ainsi en état de défense contre les troupes qui auraient tenté de l'attaquer ; il n'y avait eu encore que peu de personnes qui avaient perdu la vie, dans cette agitation effrayante d'une ville immense, lorsqu'on apprit hier, mardi, que le gouverneur de la Bastille avait spécialement des ordres de diriger contre les citoyens, des batteries dont il était décidé à faire usage. Le comité permanent des électeurs de Paris a député vers ce gouverneur, qui a eu la lâcheté de recevoir la députation, de lever le pont du château et de faire feu ensuite sur ces malheureuses victimes de leur loyauté et de leur franchise ..."


Je renvoie pour le reste à la correspondance publiée par M. Bord et je me contenterai d'en extraire deux lettres fort curieuses au sujet des relations de Pellerin, comme député, avec ses commettants :

"Versaille, 12 juin 1789. - Je trouve en arrivant chez moi une lettre de MM. Le Bourdiec, Lallemand et Rouaud de la Villes-Martin, du 9 de ce mois. Ces Messieurs me reprochent de la négligence dans ma correspondance et me rappellent à un engagement que j'ai dû contracter à Nantes avec Messieurs les électeurs de Guérande, qui leur ont assuré que cet engagement était consigné dans le cahier de la sénéchaussée de Nantes.
Ces réflexions me surprennent, Messieurs ; la présente est la quatorzième que je vous ai envoyée.
D'abord, j'ai adressé mes lettres à M. Lallemand procureur fiscal des regaires de Guérande ; ensuite, suivant vos désirs exprimés dans votre lettre du 12 mai, je les ai adressées à Messieurs les commissaires du bureau de correspondance ; enfin depuis le 20 mai, je les ai adressées directement à M. Millon, qui m'a écrit à cette époque qu'il me priait de les lui envoyer. J'ai cru remplir en tout cela vos intentions et pour le mieux ; mais je n'ai jamais cru acquitter d'autre engagement que celui de l'honnêteté, je n'en ai pas pris d'autres, Messieurs, et je n'aurais pas consenti à me soumettre par écrit, et surtout par le procès-verbal de l'élection, à l'obligation étroite de vous envoyer deux bulletins au moins par semaine. Ayez la bonté de détromper messieurs vos correspondants particuliers de l'erreur où ils sont à cet égard, et néanmoins, Messieurs, promettez-leur, comme j'ai eu l'honneur de le promettre à messieurs vos électeurs, comme j'ai encore l'honneur de vous le promettre à vous-même, que je ferai tout ce qui dépendra de moi pour continuer de vous instruire exactement des séances de nos États.
Mais veuillez bien vous charger aussi de dire à M. Millon et autres de vos messieurs qui désireraient des bulletins particuliers, qu'il m'est impossible de leur en envoyer. Je ne puis ni les écrire, ni les faire écrire, parce que je fais ma correspondance à toute heure, suivant les circonstances, et le plus souvent dans le temps voisin du départ du courrier.
Nous sommes régulièrement cinq ou six heures aux États, nous rentrons pour le dîner, et le soir est occupé d'affaires, des assemblées de bureau ou de notre province. C'est à occuper les intervalles de ces séances et le matin qu'il me faut rédiger un journal détaillé, un autre raisonné de mes opinions, votre correspondance et celle de Nantes, dont je me suis pareillement chargé. Souvent c'est à la salle même que je fais mes lettres. M. Millon et autres jugeront donc de l'impossibilité où je suis réellement de leur procurer des bulletins particuliers. Mais ces Messieurs peuvent s'en procurer d'imprimés en souscrivant chez un libraire de Nantes pour le journal de Paris ou de Versailles, qui sont fort exacts.
Notre députation va être attaquée. La sénéchaussée de Nantes se plaint de n'avoir point de députés (spéciaux), et comme je suis dans le nombre des cinq qu'elle prétendait avoir, ma nomination va éprouver des contradictions. Messieurs vos électeurs ont daigné m'honorer de leur choix et me réclamer comme leur député, mais rien ne le constate. Si vous croyez devoir à cet égard prendre quelques précautions pour vous conserver le droit d'avoir un député, la sénéchaussée de Nantes réclamant celui d'en avoir de particuliers, c'est à votre prudence, Messieurs, à vous dicter le parti que vous croirez devoir prendre ..."

"Paris, le 13 janvier 1790. Messieurs et très honorés commettants ; un de mes collègues, M. Giraud du PLessis, m'a communiqué ce jour une lettre que vous avez adressée, le 28 décembre dernier, à MM. les députés de Nantes. Vous y témoignez votre surprise de ce que je sois le seul député nantais qui n'ait pas signé l'adresse au peuple breton. Cela, dites-vous, Messieurs, vous donne des inquiétudes sur mon compte et sur le sort de plusieurs paquets que vous m'avez adressés dernièrement.
Votre lettre annonçant des inquiétudes sur la nature de mes opinions dans l'Assemblée nationale et sur mon exactitude à lui présenter les adresses que vous m'envoyez, j'aurai l'honneur de vous répondre d'abord sur ce dernier objet qui intéresse mes obligations envers vous et conséquemment mes devoirs ; je vous rendrai compte ensuite de mes opinions et de ma conduite dans la mission que vous avez concouru à me confier.
J'ai reçu de vous, Messieurs, depuis l'ouverture de l'Assemblée nationale, le nombre de onze lettres et de sept délibérations ou adresses. Vous me les avez envoyées sous les dates du 20 mai, 5 juin, 3, 19 et 30 juillet, 14 août, 13 et 26 septembre, 11 et 22 décembre dernier, et 1er janvier présent mois.
J'ai répondu à toutes vos lettres, et j'ai mis sous les yeux de l'Assemblée nationale toutes les adresses et délibérations que j'ai reçues de vous, à la seule exception de celles qui concernaient le refus de tout veto au Roi et la confiscation provisoire des offices des conseillers de la chambre des vacations du parlement de Rennes, en vous prévenant dans le temps que je ne pouvais pas me charger de présenter ces adresses, par les raisons que je vous ai développées dans mes lettres ...
Relativement à mes opinions dans l'assemblée sur les délibérations qui s'y prennent, je vous dois compte de ma soumission à mon mandat, et à cet égard je vous rendrai, à mon retour, Messieurs, celui que vous désirez de moi. Quant à mes opinions sur les discussions étrangères à mon mandat, je n'en dois compte qu'à Dieu, qui me prescrit de suivre la loi de ma conscience dont je ne crois pas m'être encore écarté et dont j'espère ne m'écarter jamais. Cependant, Messieurs, pour peu que vous désiriez que je vous rende compte de ces opinions particulières, je le ferai avec plaisir. Je tiens depuis l'ouverture de l'Assemblée nationale le registre exact de toutes mes opinions. Un député qui se rend à lui-même un compte si rigoureux, ne craint pas qu'on descende dans son âme.
Si je n'ai pas signé l'adresse du peuple breton, c'est parce que je l'ai trouvée écrite dans un style que je n'ai pas approuvé. Comme j'ai toujours pensé que l'on pouvait concilier la fermeté des principes et le vrai courage avec la modération, je n'ai jamais cru être obligé d'adopter ce qui ne me paraissait pas réunir ces deux qualités, lorsque l'ouvrage à signer n'était pas indispensablement nécessaire. Mais lorsque la nécessité commande, je cède à la majorité, et je l'ai prouvé en signant l'adresse concernant la perception des devoirs en Bretagne qui va paraître incessamment.
Voilà ma justification, Messieurs, que je crois complète et que je vous serai obligé de communiquer à Messieurs de Guérande, de qui j'envie l'estime ainsi que la vôtre."


Maintenant on connaît l'homme ; et l'on voit qu'il était de ceux qui ne transigèrent jamais avec leur conscience. Aussi ses votes indépendants avaient-ils plus d'une fois déplu.

Lorsque fut adoptée la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, il avait proposé, mais sans succès, de formuler comme contrepoids une déclaration des devoirs. Il ne croyait pas que la plénitude du pouvoir législatif pût appartenir exclusivement à l'Assemblée nationale ; et s'appuyant sur le capitulaire de Charles le Chauve ; Lex sit consensu populi et constitutione reqis, il vota pour la plupart des prérogatives de la royauté et en particulier pour qu'au roi seul appartint le droit de faire la paix et la guerre. Mais ce fut en matière religieuse surtout qu'il se rapprocha de la droite. Au mois d'octobre 1789, quand on voulut dépouiller l'Église, il parla avec beaucoup de force et d'habileté en faveur de la propriété ecclésiastique. Il soutenait, avec Malouët, que si l'État faisait vendre une partie considérable des biens du clergé par l'Église elle-même, la paix publique ne serait pas troublée par les querelles religieuses qu'une vente faite par l'État seul devait nécessairement amener. On ne l'écouta point et pourtant l'avenir lui donna singulièrement raison. Il ne voulut prendre aucune part aux délibérations sur la constitution civile du clergé, persuadé que l'Assemblée était incompétente en pareille matière et prévoyant les funestes conséquences que cette usurpation sur les droits du Saint-Siège allait entraîner. Autant le vol, même collectif et déguisé sous le masque du bien public, des biens de l'Église avait répugné à sa conscience d'honnête homme, autant le schisme répugnait à sa conscience de catholique.

Vers le milieu de l'année 1790, malade, accablé d'ennuis et de dégoûts en voyant la marche inquiétante des évènements et l'impossibilité de s'opposer au torrent révolutionnaire, il écrivit à ses électeurs pour leur demander d'accepter sa démission. Bien que ses votes eussent souvent paru fort tièdes, on le pria de conserver son mandat ; il se résigna donc, mais sa santé s'altérant de plus en plus, il se démit le 7 septembre 1790 et revint à Nantes au moment où il atteignait à peine l'âge de quarante ans.


Là, pendant les plus mauvais jours, sa probité courageuse ne se démentit pas. Au mois de juin 1791, il prit la défense des religieuses carmélites des Couëts violemment arrachées de leur couvent et traitées avec la dernière ignominie. La garde nationale, dont un détachement qui s'était dit envoyé au secours des religieuses avait laissé violer leur domicile en sa présence, l'accusa de l'avoir outragée dans ce mémoire ; et bien qu'on ne fut encore qu'en 1791, il fut incarcéré au château de Nantes. Un arrêté de non lieu le fit bientôt mettre en liberté ; mais la populace réunie devant le château poussa de tels cris de mort, à cette nouvelle, qu'il fut obligé de rentrer dans sa prison et n'en put sortir sans danger qu'après plus d'un mois. C'est ainsi qu'on comprenait alors la liberté de la défense.


En 1793, il fut l'un des premiers atteint par la loi des suspects. Le 13 mars, il était de nouveau envoyé au château puis transféré aux Saintes-Claires, puis à bord du navire La Loire mouillé au bas de la Fosse où il eut à supporter toutes sortes de mauvais traitements.

Enfin, arraché pour la troisième fois de son domicile, sous le proconsulat de Carrier, au mois de septembre, il fut incarcéré à l'Éperonnière et fit partie de cet horrible voyage des 136 nantais envoyés de Nantes à Paris pour y être jugés par le tribunal révolutionnaire, traînés de prison en prison, pendant 40 jours, du 26 novembre 1793 au 5 janvier 1794, et accablés de tant de fatigues, de privations et d'outrages que douze d'entre eux succombèrent pendant la route. Lorsqu'après plus de huit mois de captivité à Paris, ils furent traduits le 17 septembre 1794 devant le tribunal, ils n'étaient plus que 91 ; depuis deux mois, le 9 thermidor, on avait adouci les sentences ; ils furent tous acquittés. L'acte d'accusation l'eut fait condamner dix fois trois mois auparavant ; on y lisait qu'il avait lâchement et par fanatisme abandonné son poste lors de la loi sur le clergé, qu'il avait eu des liaisons avec les émigrés et les brigands de la Vendée ; et qu'il était tellement suspect qu'à chaque mouvement populaire il avait toujours été incarcéré ... ! Mais son acquittement ne lui donnait pas un brevet de longue vie.

Épuisé par les souffrances morales et physiques qu'il avait endurées, il mourut à Nantes le 29 novembre 1794 à l'âge de 43 ans : "J'ai suivi ma conscience dans toutes les délibérations auxquelles j'ai concouru, a-t-il écrit dans son journal, j'ai toujours tâché de me rendre compte des motifs de mon opinion ; j'ai pu errer quelquefois, je m'en suis aperçu plus tard ; j'avais du moins été de bonne foi."


Ses deux fils suivirent ces nobles exemples. L'un magistrat, l'autre médecin professeur à l'école de médecine de Nantes, n'hésitèrent as à briser leur carrière en 1830 pour rester fidèles à leurs convictions politiques.

RENÉ KERVILER
Revue historique de l'Ouest - 1889 - cinquième année

Publicité
Commentaires
La Maraîchine Normande
  • EN MÉMOIRE DU ROI LOUIS XVI, DE LA REINE MARIE-ANTOINETTE ET DE LA FAMILLE ROYALE ; EN MÉMOIRE DES BRIGANDS ET DES CHOUANS ; EN MÉMOIRE DES HOMMES, FEMMES, VIEILLARDS, ENFANTS ASSASSINÉS, NOYÉS, GUILLOTINÉS, DÉPORTÉS ET MASSACRÉS ... PAR LA RIPOUBLIFRIC
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
Newsletter
Archives
Derniers commentaires
Publicité