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La Maraîchine Normande
30 décembre 2014

AIGUEPERSE (63) - LES TROUBLES DES 26 ET 27 MAI 1793 - JEAN FOURNIER ET GILBERT BOROT

26 ET 27 MAI 1793
TROUBLES D'AIGUEPERSE

AIGUEPERSE 63


L'insurrection n'avait pas été bien violente dans la ville d'Aigueperse. Deux hommes avaient à peu près à eux seuls constitué l'émeute. Ils se nommaient :
JEAN FOURNIER, dit Carrizet, voiturier, né le 24 octobre 1750 d'Austremoine Fournier, bolonger (sic) à Aigueperse, et de Françoise Lacroix.
GILBERT BOROT, maréchal à Aigueperse.


Les deux pauvres diables ont dit tout haut dans l'auberge Durif, sur la loi du recrutement, ce que chacun en pensait tout bas. Jugez donc ! Ils ont déjà accompli leur service militaire dans les Gardes Françaises. Fournier a 33 ans, mais il est sans enfants ; Borot n'est pas marié ; il faut qu'ils marchent.


Le premier cri de protestation qui leur vient aux lèvres, lorsqu'ils se voient à nouveau mis en état de réquisition, est celui de : "Vive le Roi !" Puis ils s'échauffent, se grisent, se surexcitent. Ils profèrent de terribles menaces, disent que la municipalité doit rendre compte des deniers de la commune qui serviront à acheter des hommes ; ils envahissent la salle du tirage, traitant le citoyen Conchon, Commissaire délégué du district de Riom, de foutu polisson, le maire Desliens de foutu gueux, les officiers municipaux de scélérats ; ils brutalisent Claude Godemel, membre du conseil général de la commune ; ils lèvent la main sur Annet Degeorges, juge de paix ; blessent légèrement le citoyen Salneuve.


Une première fois on les expulse, ils rentrent en passant sur le corps du citoyen Guilhin, officier de service. En vain Fournier a tiré un bulletin blanc, tandis que Borot a tiré un bulletin noir qui le constitue volontaire, leur fureur est égale. Ils brisent l'urne qu'ils prétendent fraudée et déchirent les bulletins.


La garde nationale bousculée, désarmée, rétablit l'ordre avec peine. Durant la bagarre, Borot prend la clef des champs. On porte Fournier à la prison.


Voici le jugement dont les considérans suffisent à retracer les autres épisodes de la rébellion :

 

VOLONTAIRES ENROLEMENT 1792


... "Le Tribunal criminel du département du Puy-de-Dôme, séant à Riom, après avoir fait faire lecture publiquement des pièces, après avoir entendu aussi publiquement les dépositions orales des témoins, Jean Fournier dans ses défenses et l'accusateur public ;
Déclare qu'il est constant que Jean Fournier, dit Carrizet, voiturier, accusé présent, et Gilbert Borot, maréchal, accusé contumax, tous deux habitant la ville d'Aigueperse, sont les chefs et instigateurs d'émeutes contre-révolutionnaires qui ont eu lieu à Aigueperse les treize et quatorze mars dernier, à l'époque du recrutement ; qu'à plusieurs reprises ils ont déclaré "qu'ils ne tireraient point, qu'ils ne marcheraient pas" ; qu'ils ont crié plusieurs fois : "Au foutre la loi ! qu'ils ne la connaissaient point et qu'ils la fouleraient aux pieds ;" que Jean Borot a même ajouté qu'ayant été expulsés une première fois de l'assemblée, le treize mars, ils ont été suivis par plusieurs particuliers qu'ils avaient rangés dans leur parti pour s'opposer au recrutement ; que, peu de temps après, la garde nationale a été en partie désarmée par les fauteurs, les bayonnettes ont été faussées et cassées et plusieurs citoiens ont été maltraités ; que le citoyen Salneuve a même reçu une légère blessure à la cuisse ; que, le quatorze, ils ont renouvelé les mêmes obstacles au recrutement ; la garde ayant été requise de mettre ces deux particuliers hors de la salle, elle a éprouvé un obstacle de la part du parti que ces deux particuliers s'étaient formé dans le sein de l'assemblée, ce qui a porté le désordre à son comble et a fait interrompre la séance ; que ces deux particuliers sont encore revenus après que la séance eût été reprise et, en tirant leurs billets, se sont livrés à nouveau à des imprécations contre la loi ; que ces deux particuliers, se tenant sous le bras, ont provoqué le rétablissement de la Royauté en criant plusieurs fois dans la ville d'Aigueperse : "Vive le Roy ! Vive le Dauphin ! Au foutre la Nation !" que, de retour à l'assemblée et par suite de la même provocation, ils se sont encore livrés à des propos incendiaires, ont brisé le vase qui avait contenu les billets et ont déchiré les papiers qui étaient sur le bureau, ainsi que les billets qui avaient servi au tirage ;
Que, pour entrer dans cette dernière fois dans la salle, ils avaient forcé les sentinelles ; que Fournier, en entrant, s'était plaint aux jeunes gens, en les injuriant, de ce qu'ils l'avaient abandonné, que s'ils eussent été réunis avec lui, les choses se seraient passées autrement ;
Que Borot s'est ensuite transporté chez le sacristain pour demander la clef du clocher, disant qu'il voulait sonner le beffroi ; que sur le refus qui lui fut fait, il essaya d'enfoncer la porte du clocher ;
Condamne lesdits Fournier et Borot à la peine de mort, conformément aux lois des dix-neuf mars et neuf avril derniers ;
Ordonne qu'à cet effet ledit Fournier, accusé présent, sera livré dans les vingt-quatre heures à l'exécuteur des jugements criminels pour avoir la tête tranchée ;
Qu'à l'égard de Gilbert Borot, accusé contumax, il sera posé, sur un échaffaud dressé sur la place publique de la ville de Riom, un écriteau contenant son nom, sa profession, son domicile et la cause de sa condamnation, et que, dans le cas où il serait arrêté, il sera préalablement interrogé ;
Déclare les biens desdits Borot et Fournier acquis et confisqués au profit de la République, conformément aux articles sept et huit de la loi du dix-neuf mars dernier ;
Ordonne que le présent jugement sera imprimé, aux frais de la République, au nombre de mille exemplaires, et affiché dans toutes les municipalités du département."
Siégèrent : PRÉVOST, président ; BAISLE, BONARME, DUMONT, juges.


Fournier et Borot étaient de simples ouvriers, des hommes du peuple ; et ces hommes criaient : Vive le Roi ! Vive le Dauphin ! Voyant que les Jacobins confondaient la Nation avec la République, ils criaient : A bas la Nation !


Si le Tribunal leur appliqua la peine capitale, ce fut plutôt parce qu'ils étaient royalistes que parce qu'ils s'étaient montrés réfractaires à la loi du recrutement.


Fournier mourut sur l'échafaud, à Riom, le 28 mai. Il avait 35 ans.


Malgré la barbarie du temps, la sentence parut si excessive, qu'un décret sursit à l'exécution de Gilbert Borot, pour le cas où l'on se saisirait de sa personne.

(Dossiers n° 249 et 250)
Le Tribunal criminel du Puy-de-Dôme, 1791 à 1800, par Marc de Vissac - 1897

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