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La Maraîchine Normande
23 décembre 2014

1834 - A NOS ORLÉ-ANIERS, DONNONS DONC LEURS BLASONS ...

A NOS ORLÉ-ANIERS DONNONS DONC LEURS BLASONS

L'ordre de chose s'ennuie à mort d'être vilain et de se l'entendre dire : il y a quatre ans que ça dure, c'est trop. La barricade et le coco veulent enfin se donner des airs de bonne maison ; ils cachent sous des gants jaunes les vestiges de la boue et de la poignée de main, et se brossent la joue à s'en enlever la peau pour se débarbouiller des accolades de la rue ; le peuple est un butor avec lequel leurs seigneuries n'entendent plus frayer ; elles le lui ont déjà bien fait comprendre, en le heurtant naguère de leur gourdin au milieu de la place publique, comme un fat endimanché heurte de sa badine à 25 sous un pauvre homme de prolétaire qui ne cède pas le haut du pavé à ses bas blancs et à ses escarpins de rencontre.


On lui a dit, à l'ordre de choses, que son entourage était tout ce qu'il y avait de plus commun dans les épluchures, que les habitués de ses salons sentaient la basse extraction, et la pièce de quinze sols à dix-huit lieues à la ronde, et qu'à voir ses satellites et ses adorateurs, on le prendrait pour un échappé des balles : ce propos l'a pincé à l'oreille et l'a fait éternuer ; dès-lors il a juré de faire de toutes ses créatures des marquis, des ducs, des comtes, des barons, et de placer la crème de ses paturlupins et de ses bugeaubards sur des échasses d'aristocratie, pour prendre l'estime publique au collet et donner la berlue aux imbéciles.


Cette idée est bien arrêtée dans sa tête : or, comme elle pourrait se réaliser, parce que tout est possible, par le temps de cynisme révolutionnaire qui fait rougir le soleil, en homme charitable, je vais enregistrer ici des projets de blasons pour les heureux mortels appelés au bénéfice de la noblesse orléanière ; ce sera toujours cela de fait.

 

nous sommes tous d'honnêtes gens

Nous sommes tous d'honnêtes gens, embrassons-nous, et que ça finisse : caricature de Daumier, publiée en 1834.


Donc, la vérité historique entendue, les services de nos particuliers consultés, et le bon goût faisant loi, je pense qu'on devrai donner pour blason :


A M. Thiers : un singe en bésicles, tenant dans ses deux pattes de devant un porte-feuille en guise de ridicule, et se désaltérant dans un pot-de-vin.
A M. Persil : un triangle d'acier, posé nonchalamment dans le bonnet de Thémis comme un rudiment dans la casquette d'un moutard.
A M. Barthe : un chat-huant perché sur un coing bien mûr et bien jaune.
A M. d'Argout : un nez de longueur piochant sur une carotte de tabac.
A M. Burgeaud : un pistolet et une épée en sautoir sur un fond rouge, au dessus d'un picotin.
A M. Viennet : un âne, mais un âne renforcé, portant sur son dos les reliques du Neuf août : une croix-d'honneur d'abord, ensuite des rottins, des petites Stes-Pélagies, des petits Monts St-Michels en plâtre, et brâillant devant un chardon constitutionnel.
A M. Dupin : une sonnette, une girouette et une paire d'escarpins à double couture.
A M. Démonts : une paire de corne d'une dimension à fournir des manches à 300 douzaines de couteaux de Châtellerault.
Au père Martineau : ou un plat de haricots, ou un plat de gras-double, ou un plat de pommes de terre frites, placé sous le nez d'un vieux en culotte courte, passant le parement de sa redingote tête-de-nègre sur sa bouche, et ricanant : Bon ! bon !
A M. Vigier : une baignoire, une serviette, un morceau de savon et une brosse à vilain.
A M. Madier-Montjau : un mât de cocagne surmonté d'un vieux coq et grimpé par un tremblement de gamins de Paris et de la banlieue.
A M. Gisquet : un manchot tirant son épingle du jeu, accroupi sur des trousseaux de clés, des gourdins et des fusils anglais.
A M. Ganneron : un pauvre diable trempant d'une main son pain dans un lampion et de l'autre tenant la chandelle à un gros butor à toupet et à favoris, occupé à chercher fortune dans un tas d'ordures représentatives.
A M. Soult : un vieux grognard, éméchant un cierge pascal avec un sabre-poignard et tournant le dos à ses lauriers, à moitié cachés sous le manteau de Robert-Macaire II
A M. Duchâtel, ministre du commerce, une potée de mélasse, une livre de chandelles, 4 rouleaux de sous de six liards, un briquet phosphorique et un bocal de cornichons.


Voilà pour le quart d'heure tout ce que l'on peut faire dans le but de perpétuer l'illustration de nos principaux bugeaubards et paturlupins.
Et je dis que le nez va leur enfler à tous gros comme le poing.

(Brid'oison)
Le Vendéen
Journal du Poitou
25 septembre 1834 - n° 31 - 4ème année

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