DIJON (21) - JACQUES CAZOTTE, ÉCRIVAIN (1720-1792)
JACQUES CAZOTTE
CAZOTTE (Jacques) naquit en 1720 à Dijon, où son père était greffier des états de Bourgogne. Il fit ses études au collègue des jésuites de sa ville natale. Lorsqu'elles furent achevées, un de ses frères, grand-vicaire de M. de Choiseul, évêque de Châlons-sur-Marne, l'appela à Paris pour y perfectionner son éducation. Le temps de choisir un état venu, Cazotte entra dans l'administration de la marine ; il parvint en 1747 au grade de commissaire, et passa, comme contrôleur des îles du Vent, à la Martinique.
Cazotte avait du goût pour la poésie, et la rencontre qu'il fit à Paris, chez Raucourt, son compatriote, des auteurs et des gens d'esprit les plus remarquables à cette époque, alluma son amour pour les lettres.
Ce fut vers ce temps aussi qu'il écrivit les Mille et une Fadaises, ouvrage dont il faisait lui-même dans la suite assez peu de cas. Établi à la Martinique, Cazotte y partagea son temps entre les devoirs de sa place et les douceurs d'une société d'hommes instruits, parmi lesquels se distinguait le P. de Lavalette, supérieur de la mission des jésuites. Après quelques années de séjour dans la colonie, Cazotte demanda un congé, et revint à Paris, où il retrouva une Dijonnaise, son amie dès l'enfance (madame Poissonnier). Celle-ci avait été choisie pour être la nourrice du duc de Bourgogne. Il fallait endormir le royal enfant, et on demandait des chansons. Cazotte composa pour son amie la fameuse romance : Tout au beau milieu des Ardennes, et cette autre : Commère, il faut chauffer le lit. Ces chansons lui donnèrent l'idée de composer le poème d'Ollivier, ouvrage médiocre et du genre ennuyeux, commencé pendant la traversée pour retourner à la Martinique, et achevé à son arrivée dans la colonie.
Lorsqu'en 1759 les Anglais attaquèrent le fort Saint-Pierre, Cazotte contribua par son zèle et son activité à rendre leur attaque inutile ; mais sa santé affaiblie l'obligea quelque temps après à demander un nouveau congé. Il aborda en France au moment de la mort de son frère, dont il avait été nommé héritier. Cette circonstance et la nécessité de vaquer à ses propres affaires le mirent dans le cas de solliciter sa retraite ; elle lui fut accordée de la manière la plus honorable, avec le titre de commissaire-général de la marine.
Cazotte avait cédé au P. de Lavalette tout ce qu'il possédait à la Martinique, en terres, en nègres et en effets ; il avait reçu de lui, en payement, des lettres de change sur la compagnie des jésuites. Le peu de succès des affaires que le P. de Lavalette avait entreprises engagea les supérieurs de la compagnie à laisser protester les lettres de change. Une telle résolution faisait perdre à Cazotte 50,000 écus, c'est-à-dire le fruit du travail de toute sa vie. Il fit d'inutiles efforts pour la faire changer ; enfin, il fut obligé de plaider contre les jésuites, ses anciens maîtres, et, disent ses biographes, il le fit avec regret. Ce procès a été, pour ainsi dire, l'origine de tous ceux qui sont venus fondre sur cette société. Les mémoires qui ont circulé au nom de Cazotte dans les tribunaux sont pleins de modération. On l'y voit sans cesse partagé entre la reconnaissance qu'il doit aux instituteurs de son enfance et les regrets que lui fait éprouver la nécessité où il est de les traduire en justice.
Cazotte avait épousé la fille d'un de ses amis, principal juge de la Martinique (Élisabeth Roignon). Lorsqu'il eut renoncé aux affaires, il partagea son temps entre Paris et une campagne que son frère lui avait laissée, à PIerry, près d'Épernay. On imagine sans peine qu'il fut désiré dans les meilleures sociétés de la capitale. Sa gaieté, sa conversation vive et piquante, son esprit et son coeur, toujours ouverts et toujours prêts, sa parfaite et douce franchise le faisaient généralement aimer. Il eut donc des succès dans le monde ; il en eut même parmi les beaux esprits du siècle, quoiqu'il ne partageât pas les opinions qu'ils s'efforçaient d'accréditer. Les amis de Cazotte avaient tiré de son portefeuille le poème d'Ollivier. Le succès qu'obtint cette production détermina l'auteur à faire paraître successivement le Diable amoureux et le Lord impromptu. Ces ouvrages furent lus avec avidité (voyez Framery). On y remarque une imagination riche et variée, une facilité de style peu commune, et surtout une manière de raconter vive et naturelle.
Un étranger entre un jour chez Cazotte avec un livre sous le bras : "Vous êtes, lui dit l'étranger, M. Cazotte, auteur du Diable amoureux, eh bien ! c'est cet ouvrage qui fait l'objet de ma visite." L'inconnu supposait à Cazotte des connaissances du genre de celles de Calderon, et il fut très-étonné lorsque celui-ci lui avoua que ce que renfermait le Diable amoureux était le fruit de sa seule imagination. Les suites de la conversation apprirent à Cazotte que le personnage dont il recevait la visite était un disciple de Martinès. Sa curiosité s'étant enflammée, il obtint d'être initié. L'étranger le fit recevoir dans cette société dont Martinès de Pasqualis était l'initiateur. On a dit dans quelques écrits du temps que cette association devait son origine à M. de Saint-Martin : on s'est trompé ; M. de Saint-Martin était seulement un de ses membres. Nous ne dirons rien de ce qu'on enseignait dans cette nouvelle école ; nous observerons seulement que Cazotte n'y fut pas plutôt reçu, que l'Evangile devint sa règle jusque dans les détails les plus minutieux de sa vie. Accoutumé à découvrir toutes ses pensées, il n'hésita pas à publier ses nouvelles idées dans tous les cercles où il était admis. Ce fut peu après qu'à l'aide d'un moine arabe, nommé dom Chavis, il s'occupa de la traduction des contes arabes, dont la collection en quatre volumes fait suite aux Mille et une Nuits, et forme les tomes XXXVII à XL du Cabinet des fées.
Dom Chavis, dans un mauvais langage moitié français moitié italien, donnait à Cazotte le cadre de ces contes ; celui-ci, âgé pour lors de soixante-six ans, prenait la plume à minuit, au retour des sociétés où il avait l'habitude de passer ses soirées, et, se livrant à son imagination, il écrivait jusqu'à quatre ou cinq heures du matin ; tellement qu'en deux hivers il termina son entreprise. Cazotte, au reste, ne fit cet ouvrage que pour apprendre à ceux qui regardaient sa piété comme une preuve de l'affaiblissement de son esprit que les mêmes facultés qui lui avaient mérité parmi les gens de lettres quelque réputation lui restaient encore. Le canevas de quelques-uns de ces contes, celui de Maugrabi, par exemple, est tout entier de sa composition ; mais ce qu'il est bon de remarquer, c'est que dans la plupart des autres, Cazotte a personnifié ses idées spirituelles. Qu'on les lise sous ce point de vue, et on sera très étonné de trouver un traité de perfection morale sous la forme d'un conte de fées. Cazotte avait reçu de la nature une facilité extrême pour la composition ; nous nous contenterons d'en citer un exemple. Un de ses beaux-frères lui vantait souvent les opéras bouffons ou comédies mêlées d'ariettes, qui étaient alors dans leur nouveauté, et les regardait comme des chefs-d'oeuvre. "Donnez-moi un mot, lui dit Cazotte, et si, sur ce mot, je n'ai pas fait d'ici à demain une pièce de ce genre, vos éloges seront mérités.
On était à Pierry ; le beau-frère voit entrer un paysan avec des sabots : Eh bien ! sabots, mon frère, s'écria-t-il, voyons un peu comme vous vous en tirerez." Cazotte fait sortir tout le monde de son appartement, excepté Rameau, neveu du grand musicien, cerveau dérangé, mais plein de talents, le même que Diderot a mis en scène dans un admirable fantaisie qui a pour titre le Neveu de Rameau. Dans le cours de la soirée et de la nuit jusqu'au lendemain fut composé, paroles et airs originaux, l'opéra comique des Sabots. Il l'envoya à Paris, à son amie madame Bertin, des parties casuelles, qui la joua sur son petit théâtre. Des acteurs de la Comédie italienne l'y virent représenter, la goûtèrent, la demandèrent à madame Bertin, et, du consentement de Cazotte ; la pièce leur fut livrée. On toucha à quelques scènes, à quelques airs ; on composa toutes les partitions sans que les premiers auteurs s'en mêlassent ; et, quoique l'entrée des Italiens eût été accordée à Cazotte comme auteur de cette pièce, il ne s'est jamais soucié qu'elle fût donnée sous son nom, et elle n'a cessé de paraître sous les noms de Duni et de Sedaine. Cazotte a publié quelques poésies qui se distinguent par un mérite de versification facile. On y reconnaît partout la touche originale de l'auteur. Toujours enjoué, sa gaieté ne dégénère jamais en malice, et, quoiqu'il ait fait souvent des peintures vives de l'amour, il se contient toujours dans les bornes de la décence. Ces qualités se font remarquer et se décèlent dans les moindres bagatelles ; on les retrouve dans ses nouvelles ; il en est une surtout l'Honneur perdu et recouvré, qui est un petit chef-d'oeuvre. Cazotte, écrivant pour son plaisir et pour celui d'une société bornée, n'avait jamais cherché l'éclat ; aussi sa réputation n'était peut-être pas égale à son mérite. Il était parvenu à un âge où d'un jour à l'autre il pouvait s'éteindre ; la pureté de ses moeurs, et surtout les grands principes qui le dirigeaient depuis plusieurs années lui eussent procuré une mort fort douce ; c'eût été le soir d'un beau jour.
La révolution survint ; elle l'arracha à sa vie paisible, il témoignait sa douleur à ses amis ; et son esprit, qui s'agitait en tous sens, imaginait chaque jour quelques moyens, malheureusement trop faibles, pour arrêter le cours de cet invincible mouvement ; telle est l'origine de sa correspondance avec Ponteau, son ancien ami et alors secrétaire de la liste civile, correspondance qui souleva l'affaire dont Cazotte avait, dit-on, parlé dans la conversation prophétique rapportée par La Harpe.
Les auteurs de la journée du 10 août 1792, ayant envahi les bureaux de Laporte, y découvrirent cette correspondance imprudemment conservée. Cazotte, en conséquence, et sa fille Elisabeth, qui lui avait servi de secrétaire, furent arrêtés à Pierry, conduits à Paris et renfermés dans les prisons de l'Abbaye. On n'a pas oublié comment, dans les terribles journées des 2 et 3 septembre, lorsque Cazotte à son tour fut livré aux furieux, l'héroïque Elisabeth se précipita sur lui, et faisant au vieillard un bouclier de son corps, s'écria :
"Vous n'arriverez au coeur de mon père qu'après avoir percé le mien." Cazotte et sa fille, au lieu d'être massacrés, furent portés en triomphe jusque dans la maison ; mais ils n'y restèrent pas longtemps paisibles.
On arrêta une seconde fois Cazotte, qui, conduit de la mairie à la prison, se vit bientôt traduit devant un tribunal institué pour juger tout ce qui avait rapport aux crimes du 10 août. Il y subit un interrogatoire de trente-six heures, pendant lequel sa sérénité, sa présence d'esprit ne se démentirent pas un instant. Enfin il fut condamné à la mort. L'accusateur public ne put s'empêcher de faire précéder ses funestes conclusions de quelques mots d'éloge : "Pourquoi, dit-il à Cazotte, faut-il que j'aie à vous trouver coupable après soixante-douze années de vertus ! Il ne suffit pas d'avoir été bon fils, bon époux, bon père, il faut encore être bon citoyen ..." Le juge qui prononça la condamnation de Cazotte ne crut pas non plus devoir le traiter comme un accusé ordinaire : "Envisage la mort sans crainte, lui dit-il, songe qu'elle n'a pas le droit de t'étonner ; ce n'est pas un pareil moment qui doit effrayer un homme tel que toi."
L'arrêt fut mis à exécution le 24 septembre 1792. Cazotte passa une heure avec un ecclésiastique avant que de marcher au supplice. Ayant demandé une plume et du papier, il écrivit ces mots : "Ma femme, mes enfants, ne pleurez pas, ne m'oubliez pas ; mais souvenez-vous surtout de ne jamais offenser Dieu." Il les donna ensuite à l'ecclésiastique avec une boucle de ses cheveux, qu'il le pria de remettre à sa fille comme un gage de sa tendresse.
Parvenu sur l'échafaud, Cazotte, avant que de livrer sa tête à l'exécuteur, se tourna vers la multitude, et, d'un ton de voix élevé, il s'écria : "Je meurs comme j'ai vécu, fidèle à Dieu et à mon roi."
Sa taille était avantageuse, ses yeux bleus, remplis d'expression ; dans sa vieillesse, les boucles de cheveux blancs qui tombaient sur sa tête lui donnaient un air vraiment patriarcal.
Les ouvrages de Cazotte sont :
1° la Patte du chat, conte zinzinois, 1741, in-12 ;
2° Mille et une Fadaises, contes, 1742, in-12 ;
3° la Guerre de l'Opéra, 1753, in-12 ;
4° Observations sur la Lettre de Rousseau au sujet de la Musique française, 1754, in-12 ;
5° Ollivier, poème en douze chants, 1763, 2 vol., in-8 ;
6° le Lord impromptu, 1771, in-8 ;
7° le Diable amoureux, nouvelle espagnole, 1772, in-8, édition rare et recherchée à cause des figures grotesques et d'une préface, qui étaient une satire du luxe d'impression et de gravures dont on ornait souvent alors des écrits très-médiocres.
Ces trois derniers ouvrages ont eu plusieurs éditions, et on les a traduits en allemand ; ils ont été réunis sous le titre d'OEuvres morales et badines, Paris, 1776, 2 vol. in-8. On a aussi les OEuvres badines et morales de Cazotte, Londres (Paris), 7 vol. in-18. Le 5e volume contient cinquante-neuf fables. On trouve dans les deux derniers le septième chant de la Guerre de Genève, la Voltairiade, poème satirique, plusieurs poèmes, nouvelles et contes en vers, des contes et des nouvelles en prose, entre autres le Fou de Bagdad et Rachel ou la Belle Juive, nouvelle historique espagnole.
Extrait :
Oeuvres choisies : Le Diable amoureux ...
de Jacques Cazotte - 1847
Cazotte, retiré près d'Epernay, était en correspondance très-suivie avec un de ses amis, M. Ponteau, secrétaire de l'intendant de la liste civile Laporte ; il lui avait à plusieurs reprises envoyé des plans absurdes d'évasion pour la famille royale ; on avait fait de cette correspondance une vaste conspiration, et de ce vieillard illuminé le chef des conspirateurs. Les faiseurs de listes avaient cependant dédaigné de marquer de la croix fatale le nom de Cazotte ; les assassins avaient eu ainsi permission d'agir à son égard comme ils voudraient. Mais, quelques jours après les massacres, le tribunal du 17 août ordonna la reprise des poursuites contre le malheureux vieillard. On eut soin d'arrêter en même temps sa fille et de la retenir dans une autre prison jusqu'après le jugement.
Cazotte, sur le conseil de son défenseur, déclina la compétence du tribunal extraordinaire, prétendant qu'il ne pouvait être jugé une deuxième fois, ayant déjà été absous par le tribunal installé au guichet de l'Abbaye. Ce moyen de défense aurait dû être péremptoire auprès des ultras-révolutionnaires ; mais ils n'hésitèrent pas de se mettre en contradiction avec eux-mêmes. Cazotte fut condamné à mort et exécuté le 24 septembre.
Voici le texte même du déclinatoire qu'il présenta :
"Jacques Cazotte, ci-devant arrêté à Épernay, sur les indications du bureau de surveillance, conduit dans les prisons de l'Abbaye, à l'occasion de la correspondance avec le sieur Ponteau, correspondance devenue publique par la voie de l'impression, a été tiré des prisons de l'Abbaye et absous par la nation, représentée par la commune de Paris, éclairée et assistée de ses propres commissaires ; réintégré dans les prisons, traduit aujourd'hui devant le tribunal, où on le force de comparaître. Il doit porter trop de respect à la main qui lui a rendu justice pour ne pas en revendiquer hautement le bénéfice. Il déclare donc qu'il continuera de se regarder absous par le souverain lui-même, jusqu'à ce que l'auguste Convention nationale, représentation du peuple souverain, ait décidé s'il y a eu abus dans ce que la commune a fait en sa faveur. Protestant de nullité contre tout ce qui aurait pu être fait contre lui depuis que cette justice lui a été faite et de tout ce qui pourrait être fait jusqu'à la décision formelle des augustes représentants de la nation souveraine, demandant qu'acte lui soit donné de sa protestation registrée, dont il fera part à la commune de Paris pour justifier auprès d'elle les sentiments de respect et de reconnaissance dont il est pénétré à son égard et des efforts qu'il a faits pour se maintenir dans la jouissance de son bienfait.
CARON
Le 24 septembre, an IV de la Liberté, 1er de l'Égalité."
Armé de cette pièce, nous nous adressons à ceux qui veulent voir une sorte de justice régulière dans celle que LE PEUPLE, disent-ils, institua aux guichets de l'Abbaye, et nous leur posons ce dilemme : ou le tribunal du 17 août, qui, le 24 septembre, condamna Cazotte, déjà jugé le 3 septembre pour le même fait, a commis un assassinat, ou le tribunal de Maillard a assassiné ceux qu'il a envoyés à la mort et qu'il n'avait pas le droit de condamner.
Extrait :
Histoire de la Terreur 1792-1794 - Tome 3
par Mortimer-Ternaux - 1863
TRIBUNAL DU 17 AOUST
PROCES DE CAZOTTE
Audience de la seconde section du tribunal, du lundi 24 septembre 1792, neuf heures du matin.
Après que le prévenu a été introduit à l'audience, le président l'a interpellé en ces termes :
"Quels sont vos noms ?
- Jacques Cazotte.
Votre âge ?
- Soixante-quatorze ans.
Le lieu de votre naissance ?
- Dijon.
Vos qualités ?
- Homme de lettres, propriétaire.
Où demeuriez-vous au moment de votre arrestation ?
- A Pierry, dont j'étois maire, près d'Epernay.
... Il suit que le sieur Jacques Cazotte père est prévenu,
1° D'avoir entretenu, notamment, depuis le premier octobre 1791, soit par lui, soit par ses affidés, une correspondance secrette et criminelle avec les émigrés, à Coblentz, Trêves et, Bruxelles, et d'avoir, lui-même et personnellement, informé très-ponctuellement le sieur Pouteau, son complice, premier secrétaire du sieur de Laporte, intendant de la liste civile, du résultat de cette correspondance, dont le but étoit d'anéantir la liberté et la constitution, et de rétablir le roi dans ses prérogatives royales ;
2° De n'avoir pas discontinué cette correspondance secrette et criminelle, depuis ledit jour premier octobre dernier, et d'avoir, dans le cours de cette correspondance, engagé et sollicité, depuis ledit jour premier octobre jusqu'au vingt-huit juillet, aussi dernier, les émigrés à tenter une invasion sur le territoire de l'empire français, conjointement avec les puissances étrangères ;
3° D'avoir engagé son complice Pouteau, à faire partir à cette fin et sans délai le roi de Paris, de le faire accompagner de sa garde, de son régiment de Suisse, et du régiment des dragons qui avoit dispersé la révolte de Noyon, et de lui avoir recommandé de faire suivre le roi d'une imprimerie, pour qu'il pût faire imprimer et envoyer une adresse aux émigrés et ses ordres aux 83 départemens ; d'avoir même indiqué et tracé la route qu'il falloit faire tenir au roi, et de lui avoir fait l'offre de sa maison de Pierry, comme propre à former un petit camp de trois mille hommes auprès de lui ;
4° D'être l'un des coopérateurs, de complicité avec le sieur Pouteau, d'un rassemblement à Paris, autour du roi, de dix mille hommes, sans aucun caractère légal, et sans avoir été requis par les autorités constituées, que ledit sieur Cazotte, qualifie dans sa correspondance de gentilshommes, et connus depuis long-temps sous le nom de chevaliers du poignard, pour, par les hommes composant ce rassemblement, agir au moment qu'il faudroit bien saisir ;
5° Et enfin d'être l'un des conspirateurs, de complicité avec ledit sieur Pouteau, de la trahison et de la conspiration qui ont éclaté le 10 août dernier à Paris au château des Tuileries, et qui ne devoient avoir lieu que du 10 au 12 du même mois, selon les mesures prises par tous les agens de cet horrible complot ; sur quoi les jurés auront à prononcer, s'il y a lieu d'accuser ledit sieur Cazotte, pour avoir, aussi sciemment, méchamment et à dessein, formé et coopéré auxdites conspirations et complots tendans à troubler l'Etat par une guerre civile, en armant les citoyens les uns contre les autres.
Fait à Paris, en la chambre d'instruction des directeurs du Jury, sise en l'une des salles du palais de justice, à ce destinée, le premier septembre mil sept cent quatre-vingt douze, l'an quatrième de la liberté et le premier de l'égalité.
Signé, FOUQUIER-TINVILLE, Directeur du Jury d'accusation.
Au-dessous est écrit : la loi autorise :
Signé, PERDRY, Commissaire-national.
La déclaration du Jury d'accusation écrite au bas dudit acte, portant oui il y a lieu, etc.
Signé : DUBOIS. ...
... L'exécution dudit jugement a eu lieu sur la place du Carrousel, vers les sept heures du soir : le condamné a montré le long de la route, et jusque sur l'échafaud, une présence d'esprit et un sang-froid admirables.
Extrait :
Correspondance mystique de J. Cazotte avec Laporte et Pouteau ...
chez Lerouge (A Paris) - 1797