ROCHEFORT (17) - 1831 - MOUSTACHES ET FAVORIS NOIRS ...
La ville de Rochefort et sa banlieue ont été la semaine dernière en émoi pendant deux jours, grâce au zèle patriotique de leur sous-préfet.
Ce jeune fonctionnaire s'étant endormi mardi dernier en méditant sur la circulaire de M. de Montalivet, ne rêva, dit-on, toute la nuit que conspiration et complot carliste ; il fut surtout frappé par l'aspect d'un homme à moustaches et favoris noirs, cravache et éperons blancs.
A son réveil, il se rend en toute hâte chez le commandant de la place, lui expose le danger, et ces deux fonctionnaires décident à l'unanimité que le meilleur moyen d'empêcher les favoris noirs de sortir de la ville, est d'en fermer immédiatement les portes.
Mardi donc, à six heures et demie du matin, les portes de la ville sont fermées et gardées par de forts détachemens ; le signalement du cauchemar est donné à la gendarmerie et à tous les agens de police.
On répand le bruit dans le peuple que, la nuit précédente un individu avait cherché à faire évader les forçats pour incendier le port et la ville.
Deux hommes sont arrêtés et conduits devant le procureur du roi, escortés de tous les polissons de la ville ; mais ils sont aussitôt reconnus pour être deux capitaines au petit cabotage, et relâchés, fort peu satisfaits de la manière dont la liberté et l'ordre public entendent à Rochefort l'hospitalité.
Enfin, à force de réclamations de la part des habitans, les portes sont ouvertes, et, à neuf heures, on pouvait circuler assez librement sous la surveillance de la gendarmerie et de la police.
Hier on a amené ici, en poste, un monsieur que, sur ses favoris, on avait arrêté près de La Rochelle. On l'a conduit à la sous-préfecture, suivi de près de 400 personnes qui, par leurs cris, témoignaient leur satisfaction de voir saisi leur redoutable ennemi.
Courte joie ! ... ce n'était pas le cauchemar, mais un habitant de Niort, très connu dans le pays, et qui a témoigné tout son mécontentement de ce qu'on l'eût fait aussi violemment changer d'air.
(Véridique des Deux-Sèvres)
Revue judiciaire, civile, criminelle, administrative et commerciale - N° 22 - Tome III - 1ère année - Jeudi 12 mai 1831