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La Maraîchine Normande
23 novembre 2014

1794 - LES FUSILLADES D'AVRILLÉ - SOEURS MARIE-ANNE VAILLOT ET ODILE BAUGARD

MARIE-ANNE VAILLOT fut baptisée à Fontainebleau le 13 mai 1734, par François Brunet, prêtre de la Mission ; elle était née, probablement le même jour, d'Etienne Vaillot et d'Anne Moran, son épouse.

ODILE BAUGARD ou BAUMGARTEN naquit, le 15 novembre 1750, à Gondrexange, dans la Lorraine annexée, de Jean-Georges Baumgarten, meunier de profession, et de Catherine Gadel, son épouse ; elle fut baptisée le lendemain.

 

Soeurs Marie-Anne et Odile

 

Le 1er février 1794, les soeurs Marie-Anne et Odile, liées l'une à l'autre, furent des premières, peut-être les premières du convoi. Sur la route et sur le terrain des exécutions, les incidents ne devaient pas manquer. Les deux documents les plus anciens que nous possédions, le journal de M. Gruget et le manuscrit de l'Hôpital et, avec eux, trois auteurs qui ont interrogé les témoins oculaires et que nous citerons souvent désormais, rapportent qu'au sortir de la prison, la soeur Odile, tout comme Mlle Saillant, fut vivement saisie à la vue de la longue chaîne des malheureux condamnés et du lugubre appareil de mort qui la précédait et l'entourait ; sans pourtant reculer, ni vouloir retourner en arrière, elle pâlit et chancela. Sa compagne, très émue, la pressa avec tendresse sur son coeur et lui dit avec une affection toute maternelle :

"Non, soeur bien-aimée, vous ne faiblirez pas ; la grâce d'en haut  vous sera donnée avec abondance et vous soutiendra. Cette couronne que nous avons tant désirée, tant ambitionnée, est tout près de nous, ne la manquons pas ; encore quelques instants et nous l'atteindrons".

Ce sont les paroles prêtées par M. Gruget aux servantes de Dieu.

"La douce soeur Odile Baugard, dit à son tour le manuscrit de l'Hôpital, parut un peu troublée à la vue des préparatifs ; elle craignit de manquer de courage ; mais, au sortir de la prison, s'appuyant sur le bras de la soeur Marie-Anne, car toutes les deux  étaient liées à la même corde, elle puisa, dans la fermeté de cette noble amie, une force d'âme qui bannit désormais, en elle toute crainte".

Bientôt, un fait, d'un genre tout différent, vint à la fois attendrir les témoins de cette scène et prouver à tous l'admirable courage des deux Filles de la Charité. Une femme pieuse, pleine de compassion pour elles, voulut les soustraire aux regards indiscrets d'une populace qui ne respectait rien ; les voyant avec de simples coiffes sur la tête, elle leur porta des voiles, les suppliant de s'en couvrir. Mais la soeur Marie-Anne refusa avec une noble simplicité et dit vivement, raconte M. Gruget :

"Non, non, nous ne cacherons pas nos visages ; est-ce donc une honte de mourir pour Jésus-Christ ? Puisse, au contraire, toute la ville nous contempler et apprendre de nous comme l'on meurt pour sa foi".

Le manuscrit de l'Hôpital porte, de son côté :

"Elles ne veulent pas que des capots et des mantelets couvrent leurs visages, elles portent de simples coiffes et vont ainsi la tête levée au supplice, en récitant les psaumes de l'Eglise, depuis la rue Saint-Nicolas jusqu'au Champ-des-Martyrs" ...

Quand la chaîne se fut ébranlée, la soeur Marie-Anne, toujours ardente et, en même temps, pleine de compassion pour les souffrances du prochain, continua à consoler les condamnés les plus rapprochés qui pouvaient mieux l'entendre et à leur communiquer non seulement une noble résignation, mais la joie et l'enthousiasme des martyrs : "Encore un effort, disait-elle, et la victoire est à nous". Ces malheureux, fortifiés par les paroles et l'exemple des soeurs, acceptaient gaiement leur sort et, comme elles, voulaient mourir en martyrs.

Mais c'est surtout avec soeur Odile, sa compagne de chaîne, victime comme elle des tourments de la longue persécution et de la dure prison, que l'entretien était plus intime et plus sublime :

"L'une et l'autre se regardaient, dit le manuscrit, avec une pieuse et tendre affection, et des témoins entendirent le long du chemin s'échapper, des lèvres des deux touchantes victimes, ces mots plusieurs fois répétés et qu'aucune larme n'entrecoupait : "Une couronne nous est destinée, ne la manquons pas aujourd'hui"

Bientôt la soeur Odile, plus délicate, fit, par une chute imprévue, pousser un cri d'effroi à sa compagne attendrie, aux personnes sympathiques qui suivaient la chaîne et aux premiers rangs des condamnés. Affaiblie par les émotions et par la fatigue, toujours saisie par l'étrangeté du spectacle, elle s'évanouit tout à coup et s'affaisse comme le Christ dans la voie douloureuse. Les conducteurs ou gardes s'approchent vivement, semblables aux bourreaux qui brutalisèrent Jésus ; ils veulent la saisir et la jeter, comme un objet inanimé, dans une des voitures qui accompagnent le convoi et où sont entassés pêle-mêle les condamnés qui ne peuvent pas marcher ; heureusement, la soeur Marie-Anne est là ; elle résiste avec énergie aux gardes inhumains et fait un rempart de son corps à son amie menacée ; puis elle la prend doucement dans ses bras, lui parle avec tendresse, la relève, l'encourage par ses caresses, la soutient désormais. Cette chute qui rappelle celle du Calvaire, et aussi les soins maternels dont la soeur Marie-Anne entoura sa compagne chancelante, ont rendu plus sympathique encore la cause des Filles de la Charité d'Angers et du Champ-des-Martyrs. Un groupe heureux, modelé par l'abbé Choyer, les représente liées l'une à l'autre, debout, pleine de résignation et de confiance, la soeur Odile reposant doucement sa tête sur l'épaule légèrement penchée de la soeur Marie-Anne plus rassurée ; ce groupe,  répandu dans tout l'Ouest et dans les maisons nombreuses des Filles de la Charité, a maintenu vivantes les traditions sur les martyres : il fait désirer ardemment la béatification des servantes de Dieu et de leurs compagnons mis à mort pour la foi.

 

Soeurs Marie-Anne et Odile

 

L'énergique soeur Marie-Anne rassurait sa compagne par des paroles que, seuls, les martyrs peuvent comprendre et répéter : "Elle lui disait qu'elle serait la première atteinte et qu'elle mourrait sur le coup". Nous lisons avec étonnement et admiration ces détails curieux dans le vieux manuscrit, et les soeurs de l'Hôpital se les répètent de génération en génération. Les circonstances de la fusillade, en ce qui les concernait, auraient été manifestées aux servantes de Dieu, la veille même, d'une manière surhumaine. En tous cas, cette double tradition, écrite et orale, est bien conforme à l'ensemble des faits surnaturels qui entourèrent la mort héroïque des deux généreuses Fille de Saint-Vincent de Paul.

Est-ce au moment de son évanouissement, comme le pense l'abbé Choyer, est-ce après cet évanouissement, ce qui nous paraît plus vraisemblable, toujours est-il que, dans le trajet, tout près de la maison ou chapelle appelée aujourd'hui Nazareth, soeur Odile laissa tomber son chapelet, le gros chapelet de communauté que les soeurs portent toujours au côté et quelle dissimulait sous ses habits. Comme elle se baissait pour le ramasser, un soldat lui asséna un violent coup de crosse sur la main qui fut mise en sang. Les soeurs anciennes de l'Hôpital se rappellent très bien que, pendant de longues années, quand elles allaient en pèlerinage au Champ-des-Martyrs, elles vénéraient, près de Nazareth, une grosse pierre sur laquelle, disait-on, la bonne soeur Odile avait eu la main écrasée ; des travaux de voirie ont fait malheureusement disparaître cette pierre. Une femme du peuple, amie de l'Hôtel-Dieu, ramassa le chapelet avec vénération et le rendit plus tard aux Filles de la  Charité qui, aujourd'hui encore, le gardent avec raison comme une relique précieuse.

Le vieux manuscrit est très explicite sur l'incident du chapelet qu'il raconte avec beaucoup de détails :

"Pendant le parcours, soeur Odile laissa tomber son chapelet ; elle le dissimulait probablement sous sa robe, car un tel objet n'eut pas été toléré autrement. Cette pauvre soeur, voulant le ramasser, mit la main sur une pierre en se baissant, mais, en même temps, un de ses bourreaux, s'approchant, lui écrasa la main d'un coup de crosse de fusil. Une femme du peuple, à qui l'Hospice était connu et qui, jusque là, était perdue dans la foule qui suivait nos condamnés, se saisit alors du chapelet qu'elle rapporta plus tard à l'Hospice, lorsque la paix fut rétablie. C'est ainsi qu'on connut cette particularité. Cette précieuse relique est religieusement conservée". ...

Les deux soeurs avaient prié tout le long du chemin et récité des psaumes ou autres cantiques de l'Eglise ; en entrant dans l'enclos de la Haie-aux-Bons-Hommes où elle vont être fusillées, elles entonnent d'une voix forte et émue les litanies de la Sainte Vierge : "Sainte Marie, priez pour nous ... Consolatrice des affligés, priez pour nous ... Porte du Ciel, priez pour nous." La foule des martyrs répète les invocations avec une grande ferveur : on dirait des fidèles en procession, pénétrant dans un sanctuaire renommé pour ses grâces et pour ses faveurs célestes.

La tradition orale veut qu'à ce moment elles aient chanté aussi avec les prisonniers, le cantique à Marie : "Je mets ma confiance, Vierge, en votre secours." A la communauté, c'est-à-dire à la Maison-Mère des Filles de la Charité à Paris, une vénérable ancienne, aimée et respectée par tous, soeur Pinault, originaire d'Angers, remplissait, il y a quelques années, un office important ; quand elle passait, de son pas lent et recueilli, près du séminaire ou noviciat, la directrice, pleine d'attentions délicates, faisait chanter par les jeunes soeurs, le vieux cantique : "Je mets ma confiance, Vierge, en votre secours" pour lui rappeler Angers et le Champ-des-Martyrs.

Bientôt une scène grandiose se déroule, vivement impressionnante, en face des larges fosses creusées pour recevoir les corps des quatre cents victimes sacrifiées ce jour-là. La foule trop nombreuse des malheureux condamnés ignorait la présence, dans la chaîne, des deux filles de la Charité ; seuls les premiers groupes les avaient aperçues, mais, à mesure que les autres rangs pénétraient sur le terrain des exécutions, leurs regards étonnés découvraient les deux soeurs, liées étroitement ensemble, immobiles dans l'attitude simple, recueillie, confiante de la prière et de l'abandon entre les mains de Dieu ; ils ne peuvent contenir longtemps leur émotion. "Des soeurs, murmurent-ils d'abord. Des soeurs de l'Hôpital ! elles aussi ! ce n'est pas possible ! Elles ne doivent pas mourir comme nous !" Puis, s'adressant aux exécuteurs, ils ne tardent pas à dire plus haut et d'un ton suppliant : "Grâce pour les soeurs ! grâce pour les soeurs !" Les bourreaux se regardent surpris. L'officier Ménard qui commande le peloton d'exécution est troublé lui-même par un geste si inattendu ; il cède à son émotion, s'avance, comme poussé par une force supérieure, échange avec les soeurs un rapide dialogue : "Il est encore temps d'échapper à la mort ; vous avez rendu des services à l'humanité ; quoi ! pour l'affaire d'un misérable serment, vous perdriez la vie et abandonneriez tant de bonnes oeuvres entretenues jusqu'à ce jour ! Il n'en sera pas ainsi. Retournez dans votre maison, continuez à y rendre les mêmes services. Puisqu'il vous répugne et vous contrarie, ne faites pas le serment, je prends sur moi de dire que vous l'avez prêté  et je vous en donne ma parole, il ne vous sera rien fait, ni à vos compagnes détenues en prison".

La soeur Marie-Anne, en son nom et au nom de sa compagne, répond simplement : "Merci, Monsieur, pour votre offre généreuse ; notre conscience nous a défendu de prêter le serment, nous ne voulons point passer pour l'avoir fait." ... Le manuscrit de l'Hôtel-Dieu ajoute cette simple remarque : "Les femmes alors, et les religieuses en particulier, avaient des délicatesses de conscience admirables !"  ...

Arrivées sur le lieu du supplice, les victimes étaient alignées par groupes successifs, sur le bord des fosses profondes ; l'officier Ménard commandait le feu, et les soldats, quelquefois les membres de la commission militaire, Goupil surtout, achevaient les victimes épargnées par les balles, les faisaient souvent dépouiller de leurs habits et précipiter dans les fosses, plus d'une respirant encore. L'adjudant-major de la place d'Angers, Jaudin, déclara le 4 novembre 1794, au Comité révolutionnaire :

"Toutes les fusillades qui ont été faites l'étaient dans le même genre. Toujours Ménard à la tête, avec un air de triomphe, accompagné des tambours, de la musique, de la Commission militaire et des membres du Comité révolutionnaire. Hudoux, particulièrement, témoigna tant de joie de ces scènes d'horreur qu'en faisant parade son cheval tomba sur lui et lui démit la jambe. Ménard ordonnait toutes les fusillades et Nicolas surveillait le dépouillement de tous ces malheureux. A la fin de toutes les fusillades, on faisait crier : "Vive la République".

Des témoignages précis et nombreux confirment ces tristes détails :

"Arrivés sur les lieux (il s'agit des malheureux chargés mourants sur des charrettes), on les jeta dans le trou avec le peu de vie qui leur restait et on tira dessus. Mon coeur se refusa à voir le reste du spectacle, mais je crois que plusieurs furent enterrés vivants ! Quant à la fusillade qui avait précédé celle dont je viens de parler, plusieurs de ces malheureux furent manqués et on vit l'escorte se jeter sur ceux qui remuaient encore, les achever à coups de sabres et de baïonnettes et leur casser le crâne à coups de fusils. Girard-Bethureau et Brémaud (membre du Comité révolutionnaire) assistaient à ces opérations".

Ainsi déposa devant le comité révolutionnaire, le 3 novembre 1794, Simon Edon, capitaine de gendarmerie d'Anfers. Deux témoignages recueillis, en juin 1795, par Macé-Dubois, directeur du jury d'accusation, ne sont pas moins explicites :

"Je sais par la voix publique et, particulièrement, par Chevreul, membre de la municipalité d'Angers, que Goupil fils, à son retour d'une fusillade, a tenu à la municipalité ces propos : "Voilà le plus beau jour de ma vie ! J'en ai au moins achevé une douzaine pour ma part ! Mon sabre est encore teint de leur sang !"

Ces graves paroles, prononcées le 12 juin 1795, sont de Louis Rouffiaux, âgé de trente-cinq ans, marchand dans la rue Baudrière. Trois jours après, elles étaient confirmées au même directeur du jury d'accusation par Jean-Jacques Le Peudry, âgé de trente-huit ans, administrateur du District de Saint-Florent-le-Vieil, ancien membre du second Comité révolutionnaire d'Angers :

"Goupil, membre de la Commission militaire, assistait à toutes les fusillades et, lorsque, parmi les personnes fusillées, il s'en trouvait quelques-unes qui n'étaient pas mortes, alors Goupil leur portait des coups de sabre pour les achever."

Citons encore ce trait rapporté par Scotty, secrétaire-adjoint au Département de Maine-et-Loire, dans sa déposition du 5 novembre 1794, devant le Comité révolutionnaire :

"Un jour, pendant que j'étais secrétaire de Francastel, Morin et Vacheron qui m'avaient dit, à différentes fois, que je n'étais pas révolutionnaire, me dirent avec un ton de satisfaction : "Viens donc voir une fusillade !" Je me prêtai à monter à cheval et à aller avec eux. Arrivé au lieu destiné, j'en eus tant d'horreur que je me retournai. Je vis seulement une de ces victimes qui, se trouvant déliée, vint se prosterner aux pieds de Vacheron en lui disant qu'elle avait une déclaration à lui faire, qu'il s'agissait de la découverte d'un trésor. Alors, Vacheron dit de le laisser. Peu après, cet homme dit qu'il avait besoin, et les militaires s'empressèrent de lui donner du pain. Il en prit effectivement un morceau qu'il tenait dans sa main, lorsque Loisillon arriva et demanda ce que c'était que cet homme. Après avoir entendu ce qui s'était passé, il dit à Vacheron qu'il ne fallait point avoir égard à ces déclarations. Vacheron appela aussitôt Nicolas et lui dit : "Tout est fait". Nicolas s'approcha de cet homme avec un air piteux, le poussa dans un trou et lui fit tirer un coup de fusil".

Des témoins oculaires nous disent ainsi, en des dépositions simples mais tristement éloquentes, ce que furent les épouvantables fusillades qui, du 12 janvier au 16 avril 1794, ensanglantèrent le champ désert du vieux prieuré de la Haie-aux-Bons-Hommes.

Voyons maintenant ce qui se passe le 1er février ; nous le comprendrons mieux désormais.

Soeurs Marie-Anne et Odile

Ce jour-là, les quatre cents condamnés amenés par la plus forte chaîne de ces odieuses exécutions trouvent, en arrivant, deux grandes fosses déjà creusées. Détachés bientôt de la corde centrale et groupés par sections de vingt environs, ils sont placés devant les fosses pour la facilité de la fusillade. Les chefs procèdent aux divers préparatifs, prennent les mesures nécessaires ; les exécuteurs, soldats, gardes nationaux, patriotes, ont reçu une paie spéciale pour ne pas reculer devant la triste besogne, ils attendent, inconscients. Bientôt, tout est prêt ; chacun se tient à son poste ; la voix du commandant Ménard retentit, le feu éclate, deux ou trois rangées de prisonniers tombent foudroyées ; vivement, de nouvelles rangées sont poussées en avant, le feu reprend de la même manière, morts et mourants jonchent le sol ; on voit les malheureux fusillés s'affaisser les uns sur les autres et glisser jusqu'à terre comme l'herbe sous la faux des moissonneurs ; leurs cris, leurs plaintes, leurs gémissements ou leurs prières, on les devine plutôt qu'on ne les entend, car des tambours sont là "pour faire des roulements au moment de l'exécution".

A la première décharge, la soeur Odile, frappée de plusieurs balles, tombe sans mouvement ; la soeur Marie-Anne n'a que le bras cassé, elle reste debout, soutient doucement sa compagne expirante et continue à prier : on l'aperçoit distinctement levant les yeux au ciel.

"La soeur Marie-Anne, rapporte le manuscrit de l'Hôpital, ne tombe pas au coup, elle n'eut que le bras cassé. Comme saint Etienne, elle priait pour ses persécuteurs : "Pardonnez-leur, disait-elle, car ils ne savent pas ce qu'ils font !" Ces lignes sont évidemment le récit des témoins oculaires qui se hâtèrent de redire aux soeurs de l'Hôtel-Dieu les moindres détails de l'exécution et de la mort de leurs vaillantes compagnes.

Ce dernier geste couronne dignement l'attitude prise, dès le commencement, par la courageuse soeur Marie-Anne ; malgré son bras cassé et le sang qui coule en abondance, elle prend soin de son amie mourante, regarde le ciel avec amour et, en attendant le fatal coup de sabre ou de crosse, implore Dieu pour les bourreaux !

A peine la dernière rangée des victimes est-elle renversée que les exécuteurs se précipitent sur les morts et sur les blessés ; avec des sabres, des baïonnettes, des crosses de fusils, ils frappent tout ce qui respire encore, consomment l'épouvantable carnage, poussent dans les fosses les corps des victimes ; quelques-uns sont réduits en morceaux, d'autres respirent encore. Tout autour s'empressent des hommes et des femmes sans aveu qui disputent aux cadavres des vêtements souillés de sang, cherchent avec avidité dans les cheveux, dans les habits, quelques bijoux, quelques pièces d'argent cachées ou oubliées."

"Aussitôt la fusillade finie, dit le manuscrit de l'Hôpital, ils se jetèrent sur elles avec leurs sabres et leurs baïonnettes, les hachèrent et les mirent en morceaux."

Le commandant de la gendarmerie nationale d'Angers, Simon Edon, raconte ainsi la fin de la fusillade à laquelle il avait assisté :

"Arrivés au lieu destiné pour le supplice, une partie furent fusillés ; l'autre partie précipités en des fosses de carnage tout vivants, la troupe leur tira quelques coups de fusil et enfin, à coups de sabres, de baïonnettes et de crosses de fusils, les acheva".

 

Extrait :

Le premier hôpital des Filles de la Charité et ses Glorieuses Martyres

Les Soeurs Marie-Anne & Odile - Fusillées à Angers, le 1er février 1794

Lucien Misermont - 1912

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