MATHIEU JOUVE DIT JOURDAN COUPE-TETE
Mathieu Jouve : né le 5 et baptisé le 6 octobre 1746 à Saint-Jeures (Haute-Loire), fils de Pierre Jouve et de Jeanne Marie Gibert - guillotiné le 27 mai 1794 à Paris.
MATHIEU-JOUVE dit JOURDAN COUPE-TETE, un des monstres les plus horribles de l'époque révolutionnaire.
Né en 1746, dans un village du Vivarais, successivement apprenti maréchal-ferrant, garçon boucher, soldat, contrebandier, et, comme tel, condamné à mort par contumace à Valence, Jourdan vint se cacher à Paris, sous le nom de Petit. Attaché d'abord aux écuries du maréchal de Vaux, il paraît qu'il entra ensuite au service du gouverneur de la Bastille.
La révolution le trouva établi comme cabaretier, profession qui s'accordait au mieux avec des habitudes d'ivrognerie qui ne le quittèrent jamais.
Au 14 juillet, ce fut lui, à ce qu'on assure, qui égorgea l'infortuné de Launay, son ancien maître. Plusieurs biographes le présentent aussi comme un des meurtriers des gardes-du-corps massacrés à Versailles dans les journées des 5 et 6 octobre ; mais d'autres prétendent que, dès cette époque, il exerçait à Avignon l'état de roulier. Les troubles qui éclatèrent en cette ville, au mois d'avril 1791, à l'occasion du projet de réunion du comtat Venaissin à la France, ayant donné lieu à la formation d'un corps de volontaires sous le nom d'armée de Vaucluse, Jourdan, qui ne savait ni lire ni écrire, et qui ne signait qu'au moyen d'une griffe, devint général en chef de cette troupe, après la mort du chevalier Patrix, assassiné par ses soldats. Sous ce nouveau chef, l'armée de Vaucluse mit tout à feu et à sang dans le comtat, dévastant les moissons, incendiant les églises, les châteaux et n'épargnant pas plus les chaumières.
Au mois d'août suivant, six membres de la municipalité et plusieurs citoyens ayant été emprisonnés à l'instigation de Rovère, Mainvielle et Duprat jeune, chefs des révolutionnaires de cette commune, ces fonctionnaires et d'autres détenus, au nombre de 73 furent, dans la nuit du 16 au 17 octobre, massacrés à coups de barres de fer par Jourdan et ses satellites. Cette exécution qui, sous le nom de massacre de la glacière d'Avignon, a acquis une horrible célébrité, fut suivie d'un décret d'arrestation émané de l'Assemblée législative contre Jourdan coupe-tête ; mais il échappa aux effets de ce décret, par suite de l'amnistie du mois de mars 1792 ; alors il entreprit à Avignon le commerce de la garance.
Vers la fin de 1793, Rovère et Poultier ne craignirent pas de l'investir du commandement de la gendarmerie dans les départements de Vaucluse et des Bouches-du-Rhône. Il fut, dans ces fonctions, le pourvoyeur infatigable de la sanguinaire commission populaire établie à Orange.
Un voyage qu'il fit, à Paris, au commencement de 1794, lui procura une éclatante réception au sein du club des Jacobins.
De retour dans le Midi, il eut l'audace de faire arrêter le représentant Pélissié, porteur d'un congé de la Convention. La dénonciation de ce fait amena Jourdan devant le tribunal révolutionnaire. Il y parut le 27 mai, portant sur la poitrine une énorme image de Marat ; mais ce talisman ne le garantit pas contre un arrêt de mort qui fut exécuté le même jour.
P.A.V. (Encyclopédie des gens du monde, par une société de savans - 1841)
NOTE SUR JOURDAN D'AVIGNON
"Jourdan n'est connu sous ce nom que depuis la Révolution ; il s'appelait auparavant Jouve dit Lamothe, et tant lui que sa famille n'étaient connus que sous ce dernier nom de la Mothe.
Il est originaire de Saint-Jean-de-Bonnas, à une lieue et demie d'Issengeaux, département de la Haute-Loire. Ce Jouve a toujours été regardé dans sa jeunesse comme vicieux ; il y a environ vingt-six ans qu'il courait le pays à la tête d'une douzaine de brigands armés et montés ; cette bande prenait le nom de contrebandiers et, sous ce nom, ils volaient et pillaient à force ouverte. Ces brigands arrivèrent, placèrent leurs sentinelles, et se rendirent à la chambre du maître qu'ils enfoncèrent à coups de fusils et carabines chargés à balle, volèrent de vingt à vingt-quatre mille lives (j'ai vu moi-même les trous faits par les balles). Ils se retirèrent, allèrent partager dans un bois, furent ensuite attaqués par des gardes de la ci-devant Ferme. Jouve fut blessé et fut forcé de se retirer à Mont-Faucon, où il fut saisi et de là traduit à Valence, où son procès a été instruit ; il s'évada des prisons la veille de son supplice ; il vint ensuite à Paris et entra, comme palefrenier ou garçon maréchal, chez le ci-devant cardinal de Rohan ; on prétend qu'il a été ensuite marchand de vin à l'une des barrières de Paris et qu'il fit banqueroute ; arriva ensuite la Révolution, il parut sur l'horizon avec le nom de Jourdan. J'ignore sa conduite dans la Révolution ainsi que dans le cours de son absence depuis son évasion des prisons ; reste le fait du vol commis à Paulin, près Monistrol, à force ouverte et à la tête d'une douzaine de brigands dont il était le chef. Ce fait est certain et serait attesté par l'entier district ; d'ailleurs la procédure existe au greffe de la commission de Valence.
Le bruit courait au pays que ce même Jouve, avant le vol dont il s'agit, avait assassiné une fille ; mais je ne connais ce fait que par bruit vague. Enfin, ce Jouve avait la réputation au pays d'un scélérat hardi et dangereux, et, lorsqu'il s'évada d'Avignon, on craignait qu'il vînt au pays, et on était résolu à lui tirer dessus comme sur une bête féroce.
Il est à observer qu'environ dix ans après son absence, il vint au pays muni d'un sauf-conduit d'un des ci-devant princes, y resta environ un mois ; il repartit et n'y a plus reparu.
Voilà ce que je sais ; Lemoine, mon collègue, peut en dire à peu près autant.
Le ci-devant noble de Paulin, volé, vit encore ; il s'appelle Jean-Gabriel du Sornel, habitant au lieu de Paulin, commune de Monistrol, département de la Haute-Loire. Je le crois en arrestation, sa soeur habite la ville du Puy, chef-lieu.
FAURE, député de la Haute-Loire."
Le signataire de cette lettre ne peut être suspect d'avoir aggravé les faits à la charge de Jourdan pour venger les mânes des malheureuses victimes de la Glacière, car Faure lui-même était un révolutionnaire fougueux, qui vota la mort du roi et son exécution dans les vingt-quatre heures. (Histoire de la Terreur 1792-1794) - Tome premier - 1868
VIE PRIVÉE DE JOURDAN AVANT LA RÉVOLUTION
Son premier état fut celui de boucher, ensuite de maréchal ferrant ; ayant consommé la fortune de son père, homme vertueux, il fit banqueroute, et ensuite il se fit contrebandier et enfin brigand. Il mit à contribution plusieurs châteaux en Auvergne. A Monistrol, chez le ci-devant Sornel de Paulin, il fit un vol de 24 à 30.000 livres. Il fut pris et conduit à Valence où il fut condamné à mourir sur la roue. (Histoire du tribunal révolutionnaire de Paris - tome 4 - 1881)
MASSACRES D'AVIGNON
Dans la nuit du 16 octobre 1791, à 9 heures du soir, 70 hommes, 32 femmes, 8 enfants prisonniers, furent amenés dans un corridor, et dès qu'ils apparaissaient à la sortie, les assassins commandés par Jourdan coupe-tête, ex-muletier, féroce comme un tigre, et excités par 20 bouteilles de liqueur, "les assommaient à coups de barres de fer, ou de haches, puis, on les achevait à coups de baïonnettes ou de sabres ; enfin, on les traînait par les pieds pour faire bondir leur tête d'une marche à l'autre ; l'homicide trajet se terminait à l'ouverture de la tour, par laquelle les corps ruisselants de sang, palpitants encore, roulaient dans l'abîme ; le sang montait jusqu'à la cheville et de lugubres gémissements s'élevaient du fond de l'abîme ; on répandit dessus une grande quantité de chaux vive et d'eau, puis on ferma l'ouverture"
Peu à peu la vérité perce au dehors, malgré les mensonges des premiers Rapports qui arrivent à l'Assemblée ; des troupes partent, l'antre sanglant est rouvert, 110 cadavres en putréfaction sont retirés ; les 46 bourreaux et leur chef Jourdan, coupe-tête, s'appelant les braves de Vaucluse, sont arrêtés ; un tribunal criminel est constitué à Avignon, par décret du 17 novembre 1791, pour prononcer sur les crimes commis depuis le 21 août, il tient ses séances dans l'Eglise métropolitaine ; il entend 335 témoins ; et c'est quand, suffisamment éclairé, il va prononcer son jugement, qu'on voit arriver à Avignon un courrier extraordinaire portant portant la nouvelle qu'un décret de l'Assemblée, en date du 22 mars 1792, amnistiait tous les crimes de la Révolution avignonaise. (Lasource, Député à la Législative et à la Convention d'après ses manuscrits - par Camille Rabaud)