CHANT VENDÉEN
CHANT VENDÉEN
Fille du ciel ! malheureuse Vendée !
Reine des preux et des saintes amours !
De ta couronne ils t'ont dépossédée,
Un astre impur se lève sur tes jours ;
Ton nom fait peur et ta gloire importune ;
N'entends-tu pas leur lugubre transport ?
Ils ont souri devant ton infortune,
Et leur sourire est un arrêt de mort
Tu vas passer, mais comme un météore ;
Tu vas tomber, mais comme un saint martyr ;
Ton soir brillant ressemble à ton aurore ;
Mais l'échafaud peut encor te grandir,
Oui, l'échafaud ! c'est ta dernière fête !
Ton front céleste y fait honte au poignard !
De leur victime ils ont voilé la tête ;
Rougiraient-ils sous ton dernier regard ?
Plus de pitié ! devant tes funérailles
Tout est muet, peuples et potentats ;
Un ver immonde a rongé leurs entrailles ;
Le monde est sourd aux plus noirs attentats.
Du Sud au Nord hélas ! en vain j'écoute ;
Je n'entends rien qui réponde à ma voix :
Rien que ton sang qui sonne goutte à goutte
Le glas funèbre à l'oreille des rois.
Comme une Vierge au jour de l'hyménée
Ne puis-je plus te couronner de fleurs ?
Vas-tu subir ta triste destinée ?
Dois-je chanter d'éternelles douleurs ?
Ah ! n'en crois pas mon funeste délire !
J'écoutai trop les craintes de l'amour !
L'hymne de mort s'arrête sur ma lyre ;
L'éclair pâlit sur les monts d'alentour !
Ne pleure pas ! laisse passer la foudre ;
Un jour plus doux peut te luire demain ;
Dieu de ton front va secouer la poudre,
Dieu va sourire et te tendre la main.
Ah ! si l'espoir, en ton âme flétrie,
Allait faillir aux derniers coups du sort !
Fille du ciel ! regarde ta patrie ;
Lève les yeux ; ton étoile est au Nord.
A.B.
Le Vendéen
8 avril 1834 n° 98 - 3ème année