1793 - ROUEN (76) - ATTROUPEMENT SÉDITIEUX ET BRULEMENT DE L'ARBRE DE LA LIBERTÉ PLACE DE LA ROUGEMARE
1793
BULLETIN DU TRIBUNAL CRIMINEL RÉVOLUTIONNAIRE, ÉTABLI AU PALAIS, A PARIS, PAR LA LOI DU 10 MARS 1793, POUR JUGER SANS APPEL, LES CONSPIRATEURS
ACTE D'ACCUSATION CONTRE LES VINGT-SEPT HABITANS DE ROUEN, PRÉVENUS D'ETRE LES AUTEURS & INSTIGATEUS DE L'ATTROUPEMENT QUI A EU LIEU DANS CETTE VILLE, LES 11 & 12 JANVIER DERNIER, &c.
... 1° - JACQUES LECLERC
A l'égard des écrits anti-civiques trouvés chez lui, il a nié en être l'imprimeur & le distributeur, mais en même tems il dit : Qu'il avoit un commis auquel il avoit promis de faire chez lui, Leclerc, un commerce particulier de librairie, de laquelle déclaration, il paroît vouloir faire induire, que c'étoit le commis qui étoit le vendeur & distributeur des écrits par lui méconnus ; à l'égard des articles insérés dans les numéros de son journal intitulé Chronique, il prétend ne pas en être l'auteur & ne les avoir insérés que d'après les notes à lui envoyées par les véritables auteurs ; il a représenté, & il s'est trouvé chez lui lors des perquisitions qui y ont été faites, quelques-unes de ses notes, au bas desquelles se trouvent les signatures de ceux qu'il prétend en être les auteurs, mais il n'a pu représenter aucuns desdits prétendus auteurs ; qu'il a été fait des recherches sur les indications par lui données, d'un nommé Dumoulinet, qu'il dit être un desdits auteurs : malgré les indications, il a été impossible de pouvoir le découvrir. D'après l'énoncé ci-dessus, il est difficile de ne pas croire ledit Leclerc le véritable auteur desdits articles, lesquels joints au prétendu projet d'adresse, ont préparé, en échauffant les esprits des mauvais citoyens, les mouvemens contre-révolutionnaires qui ont eu lieu à Rouen, les 11 & 12 janvier dernier.
2° - Contre GEORGES-MICHEL AUMONT ; qu'il est l'auteur du prétendu projet d'adresse, imprimé & distribué par Leclerc, d'après les ordres dudit Aumont, ainsi qu'il en est convenu dans les interrogatoires par lui subis ; que c'est aussi d'après ses ordres que ledit Leclerc a imprimé un placard en papier rouge, affiché avec profusion dans la ville de Rouen, portant en tête : Adresse à la Convention nationale, sur le procès de Louis XVI, & avis aux Citoyens ; & en bon texte : "Le peu de délai qui nous reste pour souscrire cette adresse, ne permettant pas de remplir, vis-à-vis le conseil-général de la commune, les formalités préscrites pour obtenir un local où les citoyens puissent se rendre pour donner leur signature, ils sont invités de s'adresser chez M. Aumont, place de la Rougemare, n° 7, chez lequel l'adresse est déposée". Et au-dessous, en caractères italiques : "On recevra les signature jusqu'à demain samedi à midi, & l'adresse sera envoyée de suite à la convention nationale". Que c'est d'après l'impression & distribution du projet d'adresse, & l'affiche du placard ci-dessus énoncé, & sous le prétexte de la signature du prétendu projet d'adresse, que les onze & douze janvier dernier, les attroupemens contre-révolutionnaires ont eu lieu, tant dans le domicile dudit Aumont, que sur la place de la Rougemare & les environs, où des tables étoient dressées pour la signature de l'adresse ; que dans le domicile dudit Aumont & autres endroits ci-dessus énoncés, les contre-révolutionnaires attroupés, ont poussé les cris séditieux de VIVE LE ROI ; ils ont arboré la cocarde blanche, & outragé la cocarde nationale, qu'ils ont arrachée à plusieurs faux citoyens, & l'ont foulée aux pieds ; que sur la place de la Rougemare, ils ont scié & brûlé l'arbre de la liberté, ont frappé & maltraité les bons citoyens, & employé tous les moyens possibles pour allumer le feu de la guerre civile dans ladite ville de Rouen ; qu'un attroupement considérable existoit et à la porte dudit Aumont ; que sa maison étoit pleine d'hommes, de femmes & d'enfans de tous états, & entr'autres, des ouvriers auxquels ont a entendu dire qu'on leur avoit remis des billets dans leurs boutiques, portant invitation de se rendre chez ledit Aumont ; qu'on a remarqué que même les enfans étoient admis à apposer leur signature à la prétendue adresse ; que lesdites signatures se donnoient sur une feuille de papier, & que plusieurs des signataires écrivoient avant de signer, sur ladite feuille, les mots VIVE LE ROI ; que lors de la réquisition faite dans le domicile dudit Aumont, il y a été trouvé une minute de la prétendue adresse, laquelle il a reconnu pour être écrite de sa main. Il est nécessaire d'observer ici, que trois semaines avant cet évènement dont il vient d'être parlé, ledit Aumont faisant changer des écus de six francs en petite monnoie, telles que pièces de 24 & 12 sols, qu'un seul citoyen lui en a échangé pour soixante livres.
3° - Contre JEAN-BAPTISTE HENRI, dit LA CHAMBRE ; qu'il faisoit partie de l'attroupement contre-révolutionnaire, rassemblé sur la place de la Rougemare, le douze janvier dernier ; qu'il a été vu par plusieurs témoins, assis près l'une des tables dressées sur ladite place, engager les citoyens à signer la prétendue adresse dont est ci-dessus parlé ; qu'il a été vu aussi scier l'arbre de la liberté, en arracher les différentes inscriptions, & les porter à son derrière, lequel arbre a été ensuite brûlé ; qu'il étoit un des plus acharnés à provoquer les cris séditieux de VIVE LE ROI, lorsque la garde nationale se présenta pour dissiper cet attroupement ; la plupart de ceux qui la composoient prenant la fuite, ledit Henri leur cria qu'ils étoient des lâches, qu'ils l'abandonnoient, & se saisit des papiers qui étoient sur la table, & qui contenoient les signatures qu'il avoit reçues ; qu'il s'est offert volontairement pour recevoir lesdites signatures, & qu'à cet effet il a acheté de l'encre, du papier & des plumes ; qu'il a signé le premier & soignoit aussi pour les personnes qui ne savoient pas écrire ; que lors de son arrestation, il a été trouvé saisi de deux feuilles de papier contenant des signatures, & de six petits bulletins, sur plusieurs desquels sont écrits : VIVE LE ROI ! POUR LA VIE DU ROI ! & ensuite sont des signatures.
4° - Contre GUILLAUME-THOMAS LEVEQUE ; que le douze janvier dernier il faisoit partie de l'attroupement réuni sur la place de la Rougemare ; qu'il a signé la prétendue adresse ; qu'il a été vu après que l'arbre de la liberté a été renversé, & tandis qu'on le brûloit, applaudir à cet acte contre-révolutionnaire, en claquant des mains & criant VIVE LE ROI ! tenant son chapeau en l'air ; qu'il a aussi été vu parmi ceux qui ont abatu l'arbre de la liberté.
5° - Contre FRANCOISE-CANDIDE LEBRETON ; que le douze janvier dernier, elle faisoit partie de l'attroupement contre-révolutionnaire qui a eu lieu à Rouen, sur la place de la Rougemare, sous le prétexte de la signature de la prétendue adresse dont est ci-dessus parlé ; qu'elle a fait acheter du papier, & a pris une écritoire chez elle pour faire signer ; qu'elle a cédé la moitié de son papier à une autre femme, pour être employé au même usage ; qu'elle a intitulé les feuilles qui lui restoient : POUR LA VIE DU ROI, & a reçu les signatures de tous ceux qui se sont présentés, tant sur ses genoux que sur une petite table qu'une autre femme lui a procurée ; que la femme avec laquelle elle avoit partagé son papier, lui ayant remis ce qu'elle en avoit pris, qu'alors ladite Lebreton a engagé la jeune soeur de prendre ce papier, & de le faire signer ; qu'elle étoit encore là lorsque l'arbre de la liberté fut renversé ; qu'elle a été vue applaudir, & entendre crier VIVE LE ROI, & qu'elle a aussi été vue avec sa jeune soeur, portant chacune dans leur tablier des copeaux pour brûler l'arbre de la liberté ; qu'elle s'est aussi chargée des signatures qui avoient été reçues par Jean-Baptiste Henri dit la Chambre, & dont est ci-dessus parlé ; que dans les interrogatoires subis par ladite fille Lebreton, elle convient de tous les faits ci-dessus, à l'exception de celui d'avoir porté des copeaux pour brûler l'arbre de la liberté.
6° - Contre PIERRE LECOINTE ; que le onze janvier dernier, il étoit de l'attroupement contre-révolutionnaire, rassemblé dans la maison d'Aumont, place de la Rougemare, à Rouen, sous le prétexte de la signature de la prétendue adresse ; qu'au moment où la garde est arrivée pour dissiper cet attroupement, ledit Lecointe a été entendu à diverses reprises, crier VIVE LE ROI, LA COCARDE BLANCHE, AU DIABLE LA NATION !
7° - Contre JOSEPH-FRANCOIS MAUBERT ; que ledit jour onze janvier, il étoit un de ceux composant ledit attroupement contre-révolutionnaire, dans la maison d'Aumont & les environs ; qu'au-devant de la porte dudit Aumont, & au moment que la garde arrivoit, ledit Maubert a été entendu crier VIVE LE ROI avec affectation & à plusieurs reprises, s'efforçant même à réchauffer les cris de la multitude déjà poussés, en criant encore plus fort qu'auparavant VIVE LE ROI.
8° - Contre ROSE FLECHE ; que le douze janvier dernier, elle faisoit partie de l'attroupement contre-révolutionnaire qui a eu lieu à Rouen, sur la place de la Rougemare ; qu'en voyant passer, dans la rue des Carmes, des volontaires du premier bataillon du département de la Seine-Inférieure, elle a dit à une autre femme qui étoit avec elle, assez haut pour pouvoir être entendue : VOILA DES HABITS BLEUS QUI SERONT BIENTOT FOUTUS ; NOUS ALLONS AVOIR UN ROI ; LE ROI VA REMONTER SUR LE TRONE ; LES JOLIS GARCONS VONT SIGNER, & LES HABITS BLEUS SONT FOUTUS. Dans les interrogatoires subis par ladite Rose Flèche, elle convient que lesdits propos ont été tenus, non par elle, mais bien par la femme qui étoit avec elle, qu'elle dit ne pas connoître.
9° - Contre CHARLES-FRANCOIS DELAMARE ; que ledit jour, douze janvier dernier, ledit Delamare étoit à Rouen, sur la place de la Rougemare, où il faisoit partie de l'attroupement contre-révolutionnaire qui a eu lieu sur cette place, ledit jour ; qu'il étoit un de ceux qui crioient : VIVE LE ROI, & arrachoient aux citoyens leurs cocardes nationales ; que lui & deux autres particuliers étant dans la rue Beauvoisin, se sont jetés sur un citoyen qui passoit, le serrèrent contre la muraille, & voulurent le forcer à crier : vive le roi ; que ce citoyen s'y étant refusé, ils se sont jettés sur sa cocarde pour l'arracher, mais qu'ils ne purent y parvenir, étant bien attachée ; que sur le bruit qui courut que la garde arrivoit, ledit Delamare & ses complices maltraitèrent, à coups de bâtons, ledit citoyen, & le quittèrent ; que, dans les interrogatoires subis par ledit Delamare, il convient qu'étant sur la place de la Rougemare, il a crié : VIVE LE ROI ; mais il nie avoir cherché à contraindre aucun citoyen de répéter ce cri, ainsi que d'avoir arraché & foulé aux pieds la cocarde nationale, & soutient n'avoir maltraité personne.
10° - Contre AUBIN MÉRIMÉ ; que le 12 janvier dernier, sur les onze heures du matin, ledit Aubin Mérimé faisoit partie de l'attroupement contre-révolutionnaire, qui existoit sur la place de la Rougemare, à Rouen ; qu'il a attaqué un citoyen, en lui disant : A BAS LA COCARDE ; il faut crier : VIVE LE ROI, que sur le refus de ce citoyen de pousser ce cri séditieux, & de retirer la cocarde nationale, ledit Mérimé s'est écrié : A MOI ROYALISTES, VOILA UN MUTIN ; qu'alors ledit citoyen fut entouré par les complices dudit Mérimé, & obligé de retirer la cocarde ; après quoi les séditieux l'abandonnèrent pour poursuivre un autre citoyen ; que ledit Mérimé a encore été vu dans la rue Beauvoisin, forcer d'autres citoyens, d'ôter leurs cocardes ; qu'il étoit alors lui-même sans cocarde, mais qu'au moment de son arrestation il en avoit une.
11° - Contre LOUIS-JACQUES LANGLOIS ; que le douze janvier dernier ; entre onze heures & midi, ledit Langlois faisoit partie de l'attroupement contre-révolutionnaire qui avoit lieu sur la place de la Rougemare, & dans les environs ; il a été entendu rue Beauvoisin, où il étoit alors, crier : VIVE LE ROI ; qu'un instant après, il est allé sur la place de la Rougemare, où il s'est mis encore à crier : VIVE LE ROI & A BAS LA COCARDE, en jetant son chapeau en l'air ; qu'il a aussi été vu arracher la cocarde nationale à plusieurs citoyens ; que le soir du même jour, ledit Langlois étoit encore sur la place de la Rougemare, où plusieurs citoyens l'ayant reconnu, lui ont fait des reproches de ce que, dans la matinée, il avoit crié : VIVE LE ROI, & arraché des cocardes ; qu'il en est convenu, en disant qu'il avoit fait comme les autres ; que les mêmes citoyens lui ont observé que lui-même n'avoit pas de cocarde ; que, sur cette observation, il en a tiré une petite qui étoit cachée sous un large ruban noir, qui entouroit la forme de son chapeau, en leur disant : la voilà ; si vous n'avez pas de bons yeux, ce n'est pas ma faute.
12° - Contre HENRI GODET ; que ledit jour, douze janvier dernier, vers les dix heures & demie, il étoit du nombre des contre-révolutionnaires attroupés sur la place de la Rougemare, & dans les environs ; que, sur cette place, il a été entendu engager un jeune homme, âgé d'environ douze à treize ans, de crier : VIVE LE ROI ; que lui-même faisoit le même cri ; que ledit Godet disoit aux personnes qui étoient là, en indiquant un endroit où on signoit la prétendue pétition : allez, signer là, & vous crierez : VIVE LE ROI, & qu'il étoit armé d'un gros bâton.
13° - Contre CATHERINE-LOUISE-HONORÉE RUFFIN, femme de Pierre Lami-Drieux ; que le onze janvier dernier elle faisoit partie de l'attroupement contre-révolutionnaire étant dans la maison d'Aumont & aux environs ; lorsque la garde s'est présentée pour dissiper cet attroupement, ladite femme Brieux a manifesté beaucoup d'humeur & proféré beaucoup de menaces contre la garde, & a poussé la témérité jusqu'à mettre le poing sous le nez de ceux qui la composoient.
14° - Contre FRANCOIS BOTTAIS ; que le douze janvier dernier, sur les neuf heures du matin, ledit Bottais faisoit partie de l'attroupement contre-révolutionnaire qui existoit à Rouen, sur la place de la Rougemare & dans les environs ; qu'il a signé la prétendue adresse sur la table, à côté de laquelle étoit assis le nommé Henry dont est ci-dessus parlé ; qu'il a engagé plusieurs particuliers à signer cette adresse ; & sur leur refus de le faire, il les a, à l'aide de plusieurs autres attroupés comme lui, frappés & maltraités ; qu'ensuite ledit Bottais s'est transporté rue Beauvoisin, où il a été vu courir, avec beaucoup d'autres, après trois citoyens, sur lesquels on crioit : AUX CLUBISTES, & qu'il les a poursuivis depuis la rue Beffroy jusqu'au bas de la rue de l'Ecole ; qu'il s'est élancé un des premiers sur lesdits trois citoyens, en criant : ASSOMMEZ-LES ; qu'un des trois citoyens maltraités a tiré un coup de pistolet paroissant dirigé sur ledit Bottais ; qu'à ce moment, ce dernier étoit armé d'une pierre dans la main droite, & d'une massue dans la gauche, & qu'il a été constamment, pendant toute la poursuite, jusqu'au bas de la rue de l'Ecole, à la tête des séditieux.
15° - Contre JACQUES EUDELINE ; que le samedi douze janvier dernier, vers midi, ledit Eudeline étoit du nombre des attroupés contre-révolutionnaires sur la place de la Rougemare, & dans les environs ; que ces séditieux étoient armés de bâtons, cannes & parapluies, arrachoient la cocarde nationale aux passans, & la fouloient aux pieds, en criant : VIVE LE ROI ! A BAS LES COCARDES ; que ledit Eudeline a été remarqué se détacher des autres pour poursuivre un citoyen portant la cocarde nationale, qu'il l'a poursuivi en effet jusqu'au coin de la rue Pincedos, criant à ses complices : A MOI, A MOI, MES AMIS ; VOILA LA-BAS CE GUEUX DE CLUBISTE QUI NE VEUT PAS ARRACHER SA COCARDE, IL FAUT L'ASSASSINER ; que ledit Eudeline ayant approché ce citoyen lui dit de retirer sa cocarde ; que celui-ci ne le voulut pas, & dit à Eudeline : TU ES UN GUEUX, TU MÉRITEROIS QU'ON TE MENAT A LA VILLE, & en effet plusieurs citoyens vinrent au secours de celui qui étoit insulté, se saisirent dudit Eudeline, & le conduisirent à la maison commune ; que ledit Eudeline étoit aussi indiqué pour être un de ceux qui ont arboré la cocarde blanche.
16° - Contre JEAN-BAPTISTE LECOMTE ; que le 12 janvier dernier, il faisoit partie de l'attroupement contre-révolutionnaire qui a eu lieu sur la place de la Rougemare, sous le prétexte de la signature de la prétendue adresse ; qu'il a signé ladite adresse ; que le même jour, ledit Lecomte, étant au coin de la rue Saint-Lô, en face de l'endroit où l'on pose les affiches, où plusieurs citoyens étoient arrêtés à lire un placard exprimant le voeu de la commune de Rouen, pour le prompt jugement du ci-devant roi, ledit Lecomte se mit à dire : CE SONT TOUS GUEUX, TOUS COQUINS, QUI METTENT DES AFFICHES COMME CELA, QUI MÉRITENT QU'ON LES ASSOMME ; qu'un citoyen lui représenta qu'il avoit tort de tenir des propos pareils & d'inculper la commune ; que ledit Lecomte répondit à ce citoyen : qu'il ne craignoit rien, qu'il ne connoissoit que son Dieu et son Roi ; que, sur ses propos, les citoyens qui étoient là l'ont arrêté & conduit à la maison commune.
17° - Contre JEAN-BAPTISTE TESSON ; que le 12 janvier dernier, vers midi & demi, ledit Tesson étoit du nombre des attroupés contre-révolutionnaires sur la place de la Rougemare, qui poursuivoient, injuroient & maltraitoient ceux qui portoient des cocardes nationales, & la leur arrachoient ; que ledit Tesson a été particulièrement vu donner des coups de poings & injurier ceux qui portoient la cocarde, courir après eux, en criant : A BAS LA COCARDE, VIVE LE ROI ! & excitant les autres à faire comme lui & à lui prêter main-forte.
18° - Contre PIERRE DELALANDE ; que le vendredi 11 janvier dernier, il a signé, chez Aumont, la prétendue adresse qui a servi de prétexte aux attroupemens contre-révolutionnaires qui ont eu lieu ledit jour & le lendemain 12 du même moi, tant dans la maison dudit Aumont, que sur la place de la Rougemare & dans les environs ; que ledit jour, 12 janvier, entre midi & une heure, ledit Delalande étoit un de ceux composant l'attroupement qui étoit alors sur la place de la Rougemare, & qui forçoient les citoyens à mettre bas leurs cocardes tricolores ; qu'il a été vu maltraiter le citoyen Rupalley sur ladite place, & qu'il l'a poursuivi, avec plusieurs autres, jusqu'au coin de la rue de l'Ecole, en le maltraitant & disant qu'ils vouloient le pendre, parce que c'étoit un clubiste.
19° - Contre LOUIS-CHARLES TANNERY ; que le samedi 12 janvier dernier, il étoit un de ceux qui ont poursuivi & maltraité le citoyen Rupalley, depuis la place de la Rougemare jusques dans la rue Ganterie, vis-à-vis celle de l'Ecole ; que ledit Tannery étoit un de ceux des plus acharnés à maltraiter ce citoyen ; qu'il l'a terrassé, & que si des bons citoyens n'étoient venus à son secours & le retirer des mains dudit Tannery, ce dernier lui auroit infailliblement fait perdre la vie, vu qu'il faisoit tous ses efforts pour parvenir à l'étrangler.
20° - Contre JEAN-FRANCOIS DUVAL, dit CADET ; que le samedi 12 janver dernier, ledit Duval étoit du nombre de ceux qui couroient & maltraitoient à Rouen les bons citoyens ; qu'il a été vu tenant au col le citoyen Rupelley, & le secouant rudement, en lui froissant la tête contre le pavé ; qu'il l'a aussi traîné dans le ruisseau, en le tenant d'une main par les cheveux, & le frappant de l'autre à coups de poing redoublés ; qu'une heure environ après que le citoyen Rupelley a été débarrassé des mains de ceux qui le maltraitoient, ledit Duval s'est vanté à quelqu'un que s'il se fût trouvé deux hommes comme lui, ledit Rupelley n'en seroit pas revenu.
21° - Contre MARIE-ELISABETH LEFAUX, femme de Guillaume Vrard ; qu'elle a signé & fait signer le prétendu projet d'adresse ; que le samedi douze janvier, elle a fourni une table & une chaise pour faciliter les signataires ; qu'elle étoit auprès de cette table à engager avec beaucoup d'empressement les passans à signer la prétendue adresse ; qu'elle avoit l'air très-satisfaire de tout ce qui se passoit alors sur la place de la Rougemare ; qu'elle a dit à un citoyen : EH BIEN, MONSIEUR ! ON BRULE L'ARBRE DE LA LIBERTÉ ; qu'en tenant ces propos, elle battoit des mains ; que l'ayant blâmée de sa joie, elle lui a répondu : VOUS ETES DES LACHES, VOUS AUTRES ; VOUS NE SORTEZ PAS ; qu'ensuite elle se retira, toujours battant des mains & applaudissant à tout ce que faisoient les attroupés contre-révolutionnaires ; qu'elle a aussi insulté des citoyennes en les traitant de CARABOTTES.
22° - Contre JACQUES-CHARLES PETIT ; que le onze janvier dernier, ledit Petit faisoit partie de l'attroupement qui a eu lieu dans le domicile d'Aumont, sur la place de la Rougemare, que la garde s'y étant transportée pour dissiper cet attroupement, elle auroit invité ledit Petit, comme les autres qui y étoient, à se retirer ; qu'il s'y est refusé avec obstination, & qu'en s'adressant à ladite garde, il auroit dit : MAIS ONT-ILS DES ORDRES ? qu'il est convenu avoir refusé de se retirer, mais il a dit pour motif qu'il attendoit quelqu'un.
23° - Contre JEAN-BAPTISTE LECABLE ; que le samedi onze janvier, environ quatre heures après midi, ledit Lecable étant au Bois-Guillaume, chez le fermier du citoyen de May, a proposé en présence de huit à dix personnes paroissant domestiques, de s'enrôler & de se faire inscrire sur un registre où il y en avoit déjà sept mille d'enregistrés, tant de Rouen que de la ville de Caen, en disant que ce parti auroit bientôt écrasé l'autre, & que tous les patriotes étoient des scélérats ; qu'il a offert à un des citoyens présens de le conduire à l'endroit où se signoit ce registre, ce que ce citoyen a refusé, d'après l'exposé des faits. On ne peut présumer autre chose, sinon que ledit Lecable étoit complice des contre-révolutionnaires attroupés le même jour dans la ville de Rouen.
24° - Contre JACQUES-EUSTACHE MORIN, préposé à la police des commissaires extérieurs de la ville de Rouen, y demeurant, rue du Ruisel, n° 99, absent ; que le douze janvier dernier, entre onze heures & midi, ledit Morin faisoit partie de l'attroupement contre-révolutionnaire qui existoit alors sur la place de la Rougemare ; qu'il a été vu avec plusieurs autres se jetter sur des citoyens pour leur arracher la cocarde tricolore, & ensuite la fouler aux pieds ; que ledit Morin ayant arraché & foulé aux pieds la cocarde d'un citoyen, a dit à ce même citoyen qu'AVANT LE TEMPS ACTUEL, ON ÉTOIT PLUS HEUREUX, & qu'il falloit qu'il criât : VIVE LE ROI ; que ce citoyen voyant ledit Morin disposé à le maltraiter, & pour se tirer du danger, a crié : VIVE LE ROI ; qu'un autre citoyen s'étant constamment refusé à retirer sa cocarde & à crier : VIVE LE ROI, ledit Morin s'est jetté sur lui, lui a arraché son chapeau, & l'a jetté entre les mains de ses complices ; que ce citoyen ayant voulu crier, ledit Morin lui a dit : SI TU NE TE TAIS, NOUS ALLONS T'ÉCRASER & TE DÉCHIRER PAR MORCEAUX.
26° - Contre le nommé SOYER, ramoneur, demeurant à Rouen, rue Morant, absent ; que le douze janvier dernier, il faisoit partie de l'attroupement contre-révolutionnaire qui existoit sur la place de la Rougemare & ans les environs ; qu'après que l'arbre de la liberté eut été renversé par les brigands, ledit Soyer s'est détaché des autres, & a été demander à un citoyen, habitant les environs de ladite place de la Rougemare, s'il vouloit lui vendre une bourrée, en lui présentant un bon de dix sols ; que ce citoyen lui a répondu qu'il n'étoit pas marchand de bourrées, & eût à se retirer promptement de chez lui ; que ledit Soyer se retira en proférant des injures, & fut se procurer ailleurs ce qui lui étoit nécessaire pour allumer le feu & brûler l'arbre de la liberté, qu'il a toujours été constamment occupé à attiser & souffler ce feu, jusqu'au moment où la garde est venue pour dissiper l'attroupement.
26° - Contre la femme FRANCAMP, demeurant à Rouen, rue des Arcins, absente ; que le 12 janvier dernier, elle étoit du nombre des attroupés contre-révolutionnaires qui étoient sur la place de la Rougemare & dans les environs ; qu'elle a entendu dire hautement qu'on alloit jetter bas l'arbre de la liberté, & qu'on alloit porter la cocarde blanche, qu'elle a été vue porter un coup de parapluie à un citoyen qui étoit poursuivi par des séditieux, à cause qu'il ne vouloit pas mettre bas sa cocarde ; qu'elle a excité les séditieux à maltraiter les citoyens qui ne vouloient pas mettre bas la cocarde nationale & crier : VIVE LE ROI ! en disant : SACREDIEU ! SI TOUS LES ROYALISTES AVOIENT MON AME EMPRUNTÉE, NOUS AURIONS ÉCRASÉ TOUS LES GUEUX DE CLUBISTES QUI NOUS VEULENT FAIRE LA LOI : ILS SONT LA CAUSE QUE LE ROI A ÉTÉ DÉTRONÉ ; CE SONT TOUS GUEUX & SCÉLÉRATS A PENDRE.
27° - Contre les nommés LECHEVALIER, cocher & PIERRE LESEIGNEUR, domestiques, absens, du citoyen LEVACHER, père, dit VAUDETARD, demeurant à Rouen, rue du Moulinet ; que le 12 janvier, ils étoient du nombre des séditieux attroupés sur la place de la Rougemare ; que ledit jour, vers les onze heures du matin, ils ont été vus, rue Bourg-l'Abbé, se jetter sur un citoyen, le maltraiter de coups & chercher à l'étrangler, & ce, sous le prétexte que ce citoyen avoit fait des reproches audit Lechevalier, de ce qu'il n'avoit pas de cocarde.
D'après l'exposé ci-dessus, l'accusateur public a dressé la présente accusation contre Jacques LECLERC, Georges-Michel AUMONT, Jean-Baptiste HENRY, dit la Chambre, Guillaume-Thomas LÉVEQUE, Françoise-Candide LEBRETON, Pierre LECOINTE, Joseph-François MAUBERT, Rose FLECHE, Charles-François DELAMARE, Aubin MÉRIMÉ, Louis-Jacques LANGLOIS, Henri GODET, Catherine-Louise-Honorée RUFFIN, femme DRIEUX, François BOTTAIS, Jacques EUDELINE, Jean-Baptiste LECOMTE, Jean-Baptiste TESSON, Pierre DELALANDE, Louis-Charles TANNERY, Jean-François DUVAL, dit Cadet, Marie-Elisabeth LEFAUX, femme de Guillaume Vrard, Charles PETIT & Jean-Baptiste LECABLE, actuellement détenus dans la maison d'arrêt, dite la Conciergerie du palais, à Paris ; & contre Jacques-Eustache MORIN, SOYER, la femme FRANCAMP, LECHEVALIER & Pierre LESEIGNEUR, absens, pour avoir méchamment & à dessein ; savoir ; ledits LECLERC & AUMONT, de complicité, par leurs écrits, provoqué la désobéissance aux lois, l'avilissement des pouvoirs constitués & la résistance à leurs actes, ainsi que l'outrage qui a été fait à la cocarde nationale ; d'avoir même excité des troubles dans la ville de Rouen, propres à y fomenter la guerre civile, en armant les citoyens les uns contre les autres ; & lesdits Henri LEVEQUE, fille LEBRETON, LECOINTE, MAUBERT, fille FLECHE, DELAMARE, MÉRIMÉ, LANGLOIS, GODET, femme Drieux, BOTTAIS, EUDELINE, LECOMTE, TESSON, DELALANDE, TANNERY, DUVAL, femme Vrard, Charles PETIT & Jean-Baptiste LECABLE, MORIN, SOYER, femme FRANCAMP, LECHEVALIER & LESEIGNEUR, d'avoir aussi, de complicité, coopéré à la formation des attroupemens séditieux qui ont eu lieu dans la ville de Rouen, les 11 & 12 janvier dernier ; d'avoir outragé la cocarde nationale, en l'arrachant aux citoyens, qui la portoient ; & la foulant aux pieds, d'avoir crié : VIVE LE ROI, & maltraité les citoyens qui se refusoient à pousser ce cri séditieux & à retirer leur cocarde tricolore ; comme aussi d'avoir abattu & brûlé l'arbre de la liberté planté sur la place de la Rougemare, & d'avoir employé tous les moyens possibles pour opérer la contre-révolution dans ladite ville de Rouen, & exciter la guerre civile, en armant les citoyens les uns contre les autres ; & lesdits HENRI, LEVEQUE, fille LEBRETON, LECOINTE, MAUBERT, fille FLECHE, DELAMARE, MÉRIMÉ, LANGLOIS, GODET, femme Drieux, BOTTAIS, EUDELINE, LECOMTE, TESSON, DELALANDE, TANNERY, DUVAL, femme Vrard, PETIT, LECABLE, MORIN, SOYER, femme FRANCAMP, LECHEVALIER & LESEIGNEUR, d'avoir aussi, de complicité, coopéré à la formation des attroupemens séditieux qui ont eu lieu les 11 et 12 janvier dernier ; comme aussi d'avoir outragé la cocarde nationale, en l'arrachant aux citoyens qui la portoient ; & la foulant aux pieds, d'avoir crié : VIVE LE ROI, & maltraité les citoyens qui se refusoient à pousser ce cri séditieux & à retirer leurs cocardes tricolores, & en outre, d'avoir abattu & brûlé l'arbre de la liberté sur la place de la Rougemare, & d'avoir employé tous les moyens possibles pour opérer la contre-révolution dans ladite ville de Rouen, & y exciter la guerre civile, en armant les citoyens les uns contre les autres.
En conséquence, l'accusateur public requiert qu'il lui soit donné acte, par le tribunal assemblé, de la présente accusation ; qu'il lui soit ordonné qu'à sa diligence & par un ... (?) du tribunal, porteur de l'ordonnance à intervenir, lesdits Jacques LECLERC, Georges-Michel AUMONT, Jean-Baptiste HENRI, dit la Chambre, Guillaume-Thomas LEVEQUE, Françoise-Candide LEBRETON, Pierre LECOINTE, Joseph-François MAUBERT, Rose FLECHE, Charles-François DELAMARE, Aubin MÉRIMÉ, Louis-Jacques LANGLOIS, Henri GODET, Catherine-Louise-Honorée RUFFIN, femme Drieux, François BOTTAIS, Jacques EUDELINE, Jean-Baptiste LECOINTE, Jean-Baptiste TESSON, Pierre DELALANDE, Louis-Charles TANNEZY, Jean-François DUVAL, dit Cadet, Marie-Elisabeth LEFAUX, femme Vrard, Charles PETIT & Jean-Baptiste LECABLE, actuellement détenus en la maison d'arrêt, dite la Conciergerie du Palais, à Paris, seront pris au corps, arrêtés & écroués sur les registres de ladite maison, pour y rester comme en maison de justice ; où ils seront aussi écroués ; comme aussi que ladite ordonnance à intervenir sera notifiée, tant à la municipalité de Paris qu'à celle de Rouen.
Fait au cabinet de l'accusateur public, le jeudi 15 août mil sept cent quatre-vingt-treize, l'an deuxième de la république française, une & indivisible.
Signé, FOUQUIER-TINVILLE.
AUDIENCE DU JEUDI SEPTEMBRE 1793
L'affaire de Rouen a été terminée aujourd'hui entre onze heures et minuit. Voici le jugement qui a été rendu :
Le tribunal, d'après la déclaration du jury de jugement, portant :
1° Qu'il est constant, que les onze et douze janvier dernier, il a existé dans la ville de Rouen des attroupemens séditieux, propres à y fomenter la guerre civile, en armant les citoyens les uns contre les autres.
2° Que Jacques LECLERC est convaincu d'avoir, par ses écrits, été l'un des instigateurs desdits attroupemens.
3° Qu'il a agi méchamment et avec des intentions contre-révolutionnaire.
4° Que Georges-MIchel AUMONT est convaincu d'avoir été l'un des instigateurs desdits attroupemens, en les provoquant par le placard qu'il a fait imprimer et afficher dans ladite ville de Rouen, portant invitation aux citoyens de se rendre chez lui, pour y signer une prétendue adresse à la convention.
5° Qu'il a agi méchamment et avec des intentions contre-révolutionnaires.
6° Qu'il est constant que par le fait de ceux qui composoient lesdits attroupemens, les cris séditieux de VIVE LE ROI se sont fait entendre ; que des cocardes nationales ont été arrachées et foulées aux pieds, et que les citoyens qui se refusoient à livrer leurs cocardes, ou à crier VIVE LE ROI, ont été grièvement battus et maltraités ; que la cocarde blanche a été arborée, que l'arbre de la liberté a été brûlé.
7° Que Jean-Baptiste HENRI est convaincu de s'être livré auxdits excès.
8° Qu'il l'a fait méchamment, et avec des intentions criminelles et contre-révolutionnaires.
9° Que Joseph-François MAUBERT est convaincu de s'être livré auxdits excès ;
10° Qu'il l'a fait avec des intentions criminelles et contre-révolutionnaires.
11° Qu'Aubin MÉRIMÉ est convaincu de s'être livré auxdits excès.
12° Qu'il l'a fait méchamment et avec des intentions criminelles et contre-révolutionnaires.
13° Que Catherine-Louise-Honorée RUFFIN, femme Drieux, est convaincue de s'être livrée auxdits excès.
14° Qu'elle l'a fait méchamment et avec des intentions criminelles et contre-révolutionnaires.
15° Que François BOTTAIS est convaincu de s'être livré auxdits excès.
16° Qu'il l'a fait méchamment et avec des intentions criminelles et contre-révolutionnaires.
17° Que Jacques EUDELINE est convaincu de s'être livré auxdits excès.
18° Qu'il l'a fait méchamment et avec des intentions criminelles et contre-révolutionnaires.
19° Que Pierre DELALANDE est convaincu de s'être livré auxdits excès.
20° Qu'il l'a fait méchamment et avec des intentions criminelles et contre-révolutionnaires.
Après avoir entendu l'accusateur public sur l'application de la loi, condamne les susdits nommés à la peine de mort, conformément à l'art. II de la deuxième section du titre premier de la seconde partie du code pénal, dont il a été fait lecture ...
Ordonne que, conformément à l'article II du titre II de la loi du 10 mars dernier, les biens appartenans aux ci-dessus condamnés, si aucuns ils ont, seront confisqués au profit de la république : comme aussi que le présent jugement sera, à la diligence de l'accusateur public, mis à exécution sur la place de la révolution de cette ville, imprimé, publié et affiché par-tout où besoin sera.
En ce qui concerne Françoise-Candide LEBRETON, Pierre LECOINTE, Rose FLECHE, Charles-François DELAMARE, Louis-Jacques LANGLOIS, Henri GODET, Jean-Baptiste LECOMTE, Jean-Baptiste TESSON, Louis-Charles TANNEZY, Jean-François DUVAL, Marie-Elisabeth LEFAUX, femme Vrard, Jacques-Charles PETIT et Jean-Baptiste LECABLE, les déclare acquittés de l'accusation contre eux intentée, à la requête de l'accusateur public, ordonne qu'ils seront mis en liberté dans les vingt-quatre heures.
Ce jugement a été rendu dans la nuit du 5 au 6, et l'exécution a eu lieu le 6, sur la place de la Révolution, environ une heure après-midi.
La femme Drieux s'étant déclarée enceinte, il a été sursis à son exécution, mais d'après les rapports des médecins et chirurgiens assermentés au tribunal, qui constatent qu'elle ne l'est pas, le tribunal a rendu un nouveau jugement portant que le jugement du 5 septembre sera exécuté ; en conséquence, ladite femme Drieux sera mise à mort le 8 septembre.
Noms, surnoms, qualités, lieux de naissance et demeures desdits prévenus de contre-révolution :
1° - JACQUES LECLERC, âgé de trente-deux ans, natif de Pont-Audemer, département de l'Eure, directeur de la chronique nationale et étrangère, demeurant à Rouen, chef-lieu du département de la Seine-Inférieure, rue Dinandière.
2° - GEORGES-MICHEL AUMONT, âgé de quarante-deux ans, natif de Rouen, y demeurant, place de la Rougemare, n° 7, homme de loi.
3° - JEAN-BAPTISTE HENRI, âgé de dix-huit ans, natif d'Aumale, département de la Seine-Inférieure, demeurant à Rouen, à l'enseigne de la Croix-Blanche, tailleur d'habits.
4° - GUILLAUME-THOMAS LEVEQUE, âgé de quinze ans et demi, natif de Rouen, demeurant audit Rouen, chez son père, maître de pension, rue du petit Molevrier, n° 19, mort en prison.
5° - FRANCOISE-CANDIDE LEBRETON âgée de seize ans et demi, native de Rouen, y demeurant, place de la Rougemare, chez sa mère, qui ainsi qu'elle, travaille en linge.
6° - PIERRE LECOINTE, âgé de vingt-cinq ans, natif de Rouge-Montier, département de la Seine-Inférieure, demeurant rue Orbe, à Rouen, domestique de Malherbe, ci-devant lieutenant des maréchaux de France.
7° - JOSEPH-FRANCOIS MAUBERT, âgé de dix-huit ans, natif de Changeneteix, département de la Sarthe, demeurant à Rouen, rue de la perle, domestique, au service du citoyen Guillebeau, homme de loi.
8° - ROSE FLECHE, âgée de vingt-un ans, native de Cretteville, département de la Seine-Inférieure, demeurant à Rouen, rue du grand Molevrier, domestique du citoyen Besson, sculpteur.
9° - CHARLES-FRANCOIS DELAMARE, âgé de dix-huit ans, natif de Liancourt, département de l'Eure, demeurant rue de l'Ecole, n° 12, à Rouen, domestique du citoyen Piperey, ci-devant conseiller au parlement de Rouen.
10° - AUBIN MÉRIMÉ, âgé de trente-quatre ans, natif de St-Aubin-sur-Isle, département du Calvados, demeurant rue de l'hôpital à Rouen, cocher du citoyen Derval-d'Angeville, ci-devant capitaine au régiment de la ci-devant Reine.
11 - LOUIS-JACQUES LANGLOIS, âgé de dix-huit ans, natif de Vénage, département de l'Eure, rue de la Seille à Rouen, domestique du citoyen Ratteport, ex-chevalier de St-Louis.
12° - HENRY GODET, âgé de trente-cinq ans, natif d'Annecy, département de Seine et Oise, demeurant rue de la Seille à Rouen, domestique du citoyen Asselin, ci-devant maître des requêtes.
13° - CATHERINE-LOUISE-HONORÉE RUFFIN, âgée de 31 ans, veuve de Jacques-François-Thomas Hédon, et femme de Pierre-Louis Drieux, ci-devant marchand Pelletier, demeurant rue du Petit-Molevrier, n° 8, ouvrière en robes.
14° - FRANCOIS BOTTAIS, âgé de vingt-un ans, natif de Boudeville, département de la Seine-Inférieure, demeurant à la Boissière de Saint-Martin-le-Blanc, même département, meunier.
15° - JACQUES EUDELINE, âgé de trente-deux ans, natif de Campeaux, département du Calvados, demeurant rue Bourg-l'Abbé à Rouen, domestique du citoyen Decreny.
16° - JEAN-BAPTISTE LECOMTE, âgé de quarante-un ans, natif de St-Jean-de-Boussey, département de l'Eure, commis chez la citoyenne Lefebvre commissionnaire, rue du Vieux-Palais à Rouen.
17° - JEAN-BAPTISTE TESSON, âgé de cinquante-trois ans, natif de Rouen, y demeurant, rue Gautry, n° 11, fayancier.
18° - PIERRE DELALANDE, âgé de vingt-deux ans, natif de Déville, département de la Seine-Inférieure, demeurant rue Beauvoisin à Rouen, domestique du citoyen Lafavierre, ex-trésorier de France.
19° LOUIS-CHARLES TANNERY, âgé de vingt-deux ans, natif de Bois-Guillaume, demeurant rue du Roi, fauxbourg Cochoise, à Rouen, charretier du citoyen Poitevin.
20° - JEAN-FRANCOIS DUVAL, dit CADET, âgé de trente-un ans, natif de Rouen, demeurant au petit hameau de Saint-Hilaire, à Rouen, écailleur.
21° - MARIE-ELISABETH LEFAUX, femme de Guillaume Vrard, mercier, âgée de vingt-quatre ans, native d'Elboeuf, demeurant place de la Rougemare à Rouen.
22° - JACQUES-CHARLES PETIT, âgé de quarante-huit ans, natif de Veirron, département de l'Eure, demeurant rue du Vieux-Palais à Rouen, surnuméraire dans les bureaux d'enregistrement.
23° - JEAN-BAPTISTE LECABLE, âgé de trente-trois ans, natif de Bretaux, demeurant rue et fauxbourg Bonoreuil à Rouen, domestique du citoyen Demoy, ci-devant conseiller au parlement.
De l'Imprimerie de CLÉMENT, cour des Barnabites, vis-à-vis le Palais.