MORTEVIEILLE, LÉGENDE VENDÉENNE
MORTEVIEILLE
LÉGENDE VENDÉENNE
Le port de la Claye (Vendée) a une légende de barque mystérieuse. Jadis, on entendait, au moment de la pleine lune, un bruit de rames et de soupirs sur la rivière du Lay. Une barque remontait jusqu'à Mortevieille (mortua villa, la ville morte), puis redescendait vers la mer avec la marée. (Fillon et Rochebrune : Poitou et Vendée)
Pour le poète vendéen Emile Grimaud
La lune brille toute grande
Sur la mystérieuse lande
Où Mortevieille gît sans bruit,
Où le hibou, dans les ténèbres,
Trouble seul de ses cris funèbres,
Le calme effrayant de la nuit.
Sous sa lumière funéraire,
L'oeil voit une rivière claire
Qui luit mystérieusement :
Elle coupe la ville morte,
Jadis tumultueuse et forte,
Et fuit silencieusement.
Mais voici que là-bas dans l'ombre,
Du côté de l'océan sombre,
Un bruit s'élève, et l'on entend
Deux rames qui, dans le silence,
Frappent et frappent en cadence
Les îlots agités un instant.
Le bruit grandit, l'onde se plisse,
Une barque invisible glisse
D'où part un soupir incertain ;
Puis du côté de Mortevieille
Le bruit des rames à l'oreille
Décroît et meurt dans le lointain ...
La lune pâle se balance
Maintenant sur la mer immense,
Loin de Mortevieille sans bruit,
Où le hibou, dans les ténèbres
Trouble seul de ses cris funèbres
Le calme effrayant de la nuit.
Sous sa lumière funéraire,
L'océan gémissant s'éclaire,
Tremble et scintille vaguement :
Tout est paix et tout est mystère
Dans les ténèbres de la terre
Et les clartés du firmament.
Mais voici, nouvelle merveille !
Que du côté de Mortevieille
Un bruit s'élève et l'on entend
Deux rames qui, dans le silence,
Frappent et frappent en cadence
Les flots agités un instant.
Le bruit grandit, l'onde se plisse,
Une barque invisible glisse
D'où part un soupir incertain ;
Puis, du côté de la mer sombre,
Le bruit des deux rames dans l'ombre
Décroît et meurt dans le lointain.
DOMINIQUE CAILLÉ
La Tradition
Revue illustrée
XVIIIe année - Février 1904