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La Maraîchine Normande
22 août 2014

ANGLES-SUR-L'ANGLIN (86) - LE CHATEAU D'ANGLES, DIT "CHATEAU GUICHARD"

LE CHATEAU D'ANGLES, DIT "CHATEAU GUICHARD"

Édifié au sommet des rochers surplombant l'Anglin a plus de 40 mètres de hauteur, et appartenant au type roman usité depuis le XIIe siècle jusqu'au XVe, ce vieux château faisait partie de cette ceinture de places fortes, s'élevant autour de la capitale poitevine, lesquelles furent l'objet d'assauts furieux, au XIVe siècle, parce que, de leur sort, dépendait la perte ou la conquête d'une province.


"A proximité de ses frontières, dit M. A. Barbier, le Châtelleraudais est bordé d'une ceinture de forteresses redoutables, à Mirebeau, à l'Ile-Bouchard, à Nouâtre, à Chauvigny, Marmande, Sainte-Maure, la Roche-Posay, Angles, Saint-Rémy. Nous jugerions encore de la puissance des seigneurs féodaux par l'aspect imposant de ces vieilles forteresses, qui ont moins résisté à la morsure des siècles qu'aux nombreux assauts qu'elles ont eu à supporter".

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Ce qui frappe tout d'abord, dans cette citadelle, c'est la position formidable et les défenses naturelles qui la rendaient pour ainsi dire imprenable.


Si, placé sur la rive opposé de la rivière, on examine l'ensemble, l'attention est attirée principalement par les deux tours qui se profilent à gauche et, flanquant le bastion qui les unit, défendent ce côté de l'enceinte. Celle formant le coin est pleine de caractère, avec ses créneaux de couronnement et sa construction si hardie ; comme celle du second plan, elle date probablement de la fin du XIIe ou du début du XIIIe. Cette dernière tour encadre, avec une autre regardant la porte des Certeaux, une porte bien conservée, de style ogival, couronnée de lierre, et surmontée d'une muraille dans laquelle est percée une ouverture grillée, avec au-dessous deux fenêtres jumelles plus petites. Des armoiries, supportées par deux anges et malheureusement mutilées, représentaient très probablement, du fait des anges, les armes de France.


Cette porte ne présente pas de traces de pont levis, et à mon avis elle était destinée non seulement à défendre, grâce à ses tours, cet angle du château mais aussi à le faire communiquer avec la ville de façon à livrer passage aux habitants, au cas ou celle-ci aurait été prise par l'ennemi. Ce n'était d'ailleurs pas l'entrée principale, qui, située à la pointe extrême du château, regardait la chapelle Saint-Pierre.

 

CHATEAU


Si nous pénétrons à l'intérieur du château par la porte secondaire dont je parle plus haut, nous trouvons une première cour de forme triangulaire, très vaste.


A droite, face au calvaire, un rempart surélevé de 2 à 3 mètres sur le niveau de la cour comportait un chemin de ronde unissant la tour d'angle de l'entrée à la tour crénelée faisant face à l'Anglin.
Près de cette tour crénelée, un petit réduit mesurant 2 m. sur 3, à l'intérieur duquel on trouve une porte, conduisant par un escalier souterrain en spirale à une salle basse de la tour.
A côté et bâti tout à fait sur les bords du rocher à pic sur l'Anglin, se voient les murs d'un réduit rectangulaire, contenant trois chambres avec cheminées.
Au-dessus de la porte ogivale qui y donne accès, on aperçoit les armes de Monseigneur de Combarel et, à gauche de cette porte, une petite tour encastrée dans le réduit. Cet édifice est réuni au grand donjon par un parapet muni de créneaux et pouvant mesurer 1 m. 50 de hauteur.
Le grand donjon ferme la première cour qu'il sépare complètement d'une deuxième cour moins grande. Il venait jusqu'au bord des rochers surplombant l'Anglin.


La façade, encore debout, est heureusement suffisante pour reconstituer l'édifice par l'imagination.


Bâti dans le style des donjons romans de la fin du XIIe siècle, il était rectangulaire, et, pour lui donner un bon flanquement, on avait adjoint (côté de la cour secondaire) une tourelle formant contrefort à l'angle gauche, une autre semblable presque au milieu du parement, puis à l'angle droit une tour plus importante, reliée à la tourelle médiane par un avant-corps, sorte de bastion creux communiquant avec le donjon par une porte. Cet avant-corps contenait peut-être l'escalier permettant d'accéder à la salle supérieure du donjon, éclairée par de grandes ouvertures. Ces ouvertures doivent avoir été percées à la suite de remaniements, car primitivement les donjons ne portaient que des archères très étroites, destinées beaucoup plus à la défense qu'à l'éclairage des salles. Les ouvertures actuelles, étant donnée leur forme, semblent remonter au XIIIe siècle.

 

PLAN CHATEAU ANGLES SUR L'ANGLIN


On aperçoit, sur le côté gauche de la façade et soudée à la tourelle extrême, une bretèche, placée juste au-dessous de l'entrée et destinée à défendre la porte.
Les autres faces, qui n'existent plus, devaient être dans le même genre, car généralement il y a symétrie.
Celui de Chauvigny, datant du XIIe siècle, était flanqué également de quatre tourelles engagées aux angles et présentait des dispositions analogues.
A Angles, sur les faces intérieures du donjon, se voient, outre les ouvertures assez grandes dont il vient d'être question, une suite de créneaux, formant couronnement et dont il ne reste plus que la base ; ils tenaient lieu d'archères et venaient immédiatement avant le toit qui les recouvrait, dont ils étaient peut-être séparés par un linteau de pierre. Semblables dispositions se voient au donjon de Provins, à l'église de Rudelle (Lot) et dans beaucoup d'autres monuments.
Un chemin de ronde permettait aux défenseurs d'accéder à ces créneaux pour lancer des projectiles ; ou y parvenait probablement par une échelle placée dans la salle haute du donjon.
Au rez-de-chaussée, se trouvait une salle destinée à servir de magasin. On ne voit pas d'amorces de voûtes, ce qui indiquerait que ces salles étaient séparées par un plancher.
Quant à ces dispositions, elles sont communes dans les donjons des XIIe et XIIIe siècles.

ARMOIRIES COMBAREL


Enfin, sur la façade, au-dessus de la porte d'entrée, nous apercevons les armes de la famille de Combarel, et les armes de France, protégées par un dais gothique d'un travail admirable.
La cour principale est fermée du côté de la route des Certeaux par une courtine, située face au grand ravin séparant le château de la ville. Cette courtine, d'une hauteur variant entre 15 et 20 m., unit le donjon à la tour de gauche de l'entrée secondaire (E sur le plan).
A la partie supérieur de cette tour se trouvait, paraît-il la chapelle du château.
La courtine dont je viens de parler est renforcée par des bastions en maçonnerie et une tour très curieuse, dont il ne reste plus que la moitié. On y voit trois meurtrières et au-dessus trois créneaux.
Le sommet de la courtine se termine par un parapet dépassant de 1 m. 50 le niveau de la cour.
Non loin, un vieux puits d'une grande profondeur apparaît avec sa margelle de bois.
Nous traversons ensuite la porte du donjon et nous pénétrons dans une deuxième cour rectangulaire, moins grande que la première, défendue du côté de l'Anglin et du côté des Certeaux par des parapets à créneaux. Cette cour était fermée face à la chapelle Saint-Pierre par une tour formant l'angle, vis-à-vis la route des Certeaux et une petite cour plus basse comme niveau de 5 à 6 m., laquelle était entourée de hautes murailles couronnées par des créneaux ou des archères. On passait de la cour secondaire dans cette petite cour basse, par un escalier situé à gauche.
Très bizarre par sa forme irrégulière, la tour dont je viens de parler était l'entrée principale du château ; elle présentait une défense très sérieuse.

PASSAGE DES ANGLAIS


Cette entrée donnait sur un petit ravin, lequel aboutissait à un escalier menant à la vallée de l'Anglin. C'est par là, selon la tradition, que les Anglais montèrent à l'assaut du château, dont ils parvinrent à s'emparer.

 

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Autrefois, le château était réuni à la chapelle Saint-Pierre par des murailles dont on voit encore les amorces dans le voisinage immédiat de ladite chapelle.
Cet édifice, bien que compris dans les fortifications reliant celles de la ville au château, n'était pas, à proprement parler, la chapelle du château et nous savons qu'il y avait un cloître y attenant.
Occupant le point le plus fort, le château était la continuation de la ligne de défense entourant la ville, mais il était suffisamment fortifié pour résister à l'ennemi, au cas où celui-ci aurait envahi la ville.
Les restes d'un escalier unissant la chapelle Saint-Pierre au château sont encore visibles.

CHAPELLE ST PIERRE


En résumé, le système défensif de cette forteresse présente un intérêt tout particulier. Remarquons l'ingénieuse disposition du donjon séparant complètement les deux cours, et placé de telle façon qu'en admettant la prise d'une enceinte par l'ennemi, le château n'était pas réduit pour cela, car il restait encore à faire le siège du donjon pour pénétrer dans la deuxième enceinte.


On remarquera, dans la paroi démolie du donjon et face à l'Anglin, une porte donnant sur un petit chemin de ronde permettant tout juste le passage d'un homme. On passait probablement de la cour secondaire dans la cour principale par une autre porte située juste en face de celle existant dans la grande paroi du donjon encore debout.


Enfin, je n'ai pas entendu parler de souterrains, comme il y en avait ordinairement dans les forteresses, mais il pourrait très bien se faire qu'il y en ait.


La construction du château s'est effectuée entre le IXe et le XVe siècle.

LOGIS SEIGNEUR


D'après l'abbé Auber, il aurait été "rebâti dans la première moitié du XVe siècle, sous l'épiscopat de Hugues de Combarel, dont les armes se trouvent sur toutes les faces. On n'en voit plus que de magnifiques ruines.
Monseigneur de Combarel, au moment où il restaura le vieux château, fit en effet apposer ses armes un peu partout, et en particulier au-dessus de la porte du donjon ; elles sont barrées par une crosse épiscopale.
Les armes des de Combarel, surmontent aussi la porte du réduit situé à l'extrémité du château, près de la tour crénelée regardant l'Anglin et formant le coin. Elles comportent des  supports représentant des clercs en costume de choeur. Ces armes se voient encore au sommet du pignon du donjon, regardant la route de Certeaux.


Beauchet-Filleau, dans son nouveau dictionnaire des familles du Poitou, décrit ainsi ces armes. Elles sont : "parti 1° d'azur à 3 coquilles de Saint-Jacques d'or mises en pal, 2e de gueules à une demi-molette d'or, alias d'argent.
Cet écu est formé de deux qui ont été juxtaposés par moitié, suivant l'usage des alliances au XIVe siècle.
Cependant le 1er, dans l'origine devait, croyons-nous, porter 3 coquilles posées 2 et 1, d'après la règle générale ; mais comme c'était celui des Combarel, on aura voulu conserver les 3 coquilles en changeant leur place, lorsqu'on a réuni ce blason à celui d'une famille alliée, portant de gueules à la molette d'or.
Sur les sceaux et sur les blasons sculptés de l'évêque de Poitiers, la demi-molette est de grande dimension et couvre en partie le champ de l'écu (Cab. titres. Pièces orig. 365, Blandin, 9)". Les mêmes armes se voient dans le bâtiment de droite de l'ancien évêché, que Monseigneur de Combarel avait fait construire à Poitiers. Elles étaient peintes à la clôture du choeur de la cathédrale (Gaignières, fonds latin, 17.142).
Plusieurs auteurs ont pris la molette pour un giron et attribué ces armes à la famille d'Angles. D'après eux, l'évêque aurait ajouté ces armes aux siennes, mais c'est là une profonde erreur qu'il ne faut pas laisser subsister plus longtemps.


Comment, d'une citadelle si puissante, reste-t-il relativement si peu de chose et à quelles causes en attribuer la ruine ? Il semble que le temps n'est pas seul le grand coupable et l'histoire est là pour nous éclairer.
On ne doit pas oublier que les évêques possesseurs d'un grand nombre de châteaux, en particulier de celui-ci, furent incapables de subvenir à l'entretien de tant de constructions et de réparer les dommages causés par la guerre.


M. Paulze d'Ivoy donne le document suivant, extrait des Archives départementales de la Vienne, G. 1322, G. 33, G. 120 :
"Un procès-verbal de visite des châteaux de Chauvigny et d'Angles, entre autres - avril 1708 - constate que ces deux habitations tombaient dès lors complètement en ruines, depuis un temps immémorial, et qu'il aurait fallu des sommes considérables pour les relever ... et, dès le mois de juillet de la même année, Monseigneur de la Polype dut se pourvoir en Parlement d'un arrêt le déchargeant, lui et ses successeurs, de toute réparation à y faire".


La Révolution survenant, leur enleva tout cela, et, en 1793, le château devint une carrière publique où se prenaient les matériaux pour d'autres constructions. Les vrais archéologues regretteront vivement ces actes de vandalisme et souhaiteront que le propriétaire actuel fasse quelque chose pour consolider ces belles ruines que de nombreux touristes viennent visiter.


En 1900, un pignon miné par les gelées est venu grossir les démolitions et le reste ne tardera pas à s'écrouler également.

PORTE AUX 300 CLOUS


La mise en vente du château historique, portant sur l'affiche la double dénomination de château d'Angles et de château Guichard, eut lieu à l'audience des criées du tribunal civil de Montmorillon, le 3 mai 1882. Actuellement il appartient à M. Dupuynode, habitant le château des Certeaux, situé non loin, à l'extrémité du bourg d'Angles, près du château.

HENRI D'ARBOVAL
Extrait :
Bulletin de la Société archéologique de Touraine
1911 (SER2, T2 = T18) - 1912

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