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La Maraîchine Normande
21 août 2014

LE CHATEAU DE LA MOTTE D'USSEAU (86)

LE CHATEAU DE LA MOTTE D'USSEAU (VIENNE)
par M. H. LABBÉ DE LA MAUVINIERE

Le château de la motte d'Usseau (1) est, comme son nom l'indique, placé sur une élévation de terrain. En venant de Chatellerault, on l'aperçoit tout à coup, perché sur son coteau, dominant fièrement le bourg d'Usseau groupé, au creux du vallon, autour du vieux clocher de l'église romane.

 

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Il est permis de penser que de bonne heure, à l'époque féodale, on dut songer à utiliser la position militaire de la motte, en y construisant quelque forteresse dans le but de protéger le pays environnant. Mais le château actuel ne paraît guère devoir remonter au delà de la fin du XVe siècle. C'est une vaste construction gothique, dont l'ensemble offre encore un aspect de défense. La tour ronde, garnie de mâchicoulis, constitue en quelque sorte le donjon du château. Mais l'ornementation des fenêtres encadrées de filets prismatiques, de même que la décoration des mâchicoulis de la tour et de ceux du rempart, accuse la fin de l'époque ogivale.

 

JEAN II LE MEINGRE DIT BOUCIQUAUT

L'abbé Lalanne, dans son Histoire de Châtellerault et du Châtellerandais (tome Ier, page 431) indique que la terre d'Usseau appartenait en 1424 à Jehan d'Usseau. Mais l'aveu le plus ancien que l'on connaisse, rendu au vicomte de Châtellerault pour le fief de la Motte d'Usseau, ne remonte qu'à 1432. Il est du 26 juillet 1432 et il émane d'"Ysabeau de Bavière, veuve de feu noble et puissant seigneur messire Geoffroy le Maingre dit Bouciquaut, en dom et comme ayant le bail, gouvernement et administrateur de Loys et Jehan le Maingre dit Bouciquaut, enfans de mond. sieur et de moi ...
"Mon chastel et forteresse de la Motte d'Usseau,  ainsi qu'il se poursuit, hault et bas ... avec ma terre et seigneurie dud. lieu de la Motte ... avec ma justice et juridiction haulte, moyenne et basse ..., tout droit de guet et garde ond. chastel et forteresse (2)."


Le "chastel et forteresse" d'Usseau appartint ensuite à Louis de Segrie, un des officiers de Jean VII d'Harcourt, vicomte de Châtellerault. En 1433, les officiers du vicomte de Châtellerault, en tête desquels est nommé Louis de Segrie, se rendirent coupables de "graves désobéissances et autres excès, crimes et délits en la ville de Châtellerault et ailleurs, tant sur l'exécution des arrêts de la court et autres lettres royaux, et contre les exécuteurs d'icelle". Les poursuites étaient motivées entre autres par des violences exercées contre un huissier du Parlement qui s'était présenté avec mission de se faire délivrer une jeune héritière de Poitiers, séquestrée à Châtellerault, Guillemine Berlant, dame des halles de Poitiers.
Le Parlement entendait bien ne pas laisser braver son autorité si près du lieu où il siégeait (3). Mais il se sentait d'autre part tenu à de grands ménagements vis-à-vis d'un puissant personnage comme le vicomte de Châtellerault, lequel couvrait ses officiers. Le premier Président pria d'intervenir l'évêque de Poitiers, Hugues de Combarel, "sans aucunement parler de la court". Mais après diverses négociations, et beaucoup d'hésitations, la cour conclut à ne rien faire.


C'est quelques années plus tard que le château d'Usseau fut le théâtre d'une scène tragique. La femme de Louis de Segrie avait un amant qui fut tué par les gens ou parents de son mari, à l'instigation de ce dernier, et jeté dans un vieux puits. La scène est relatée tout au long dans les lettres de rémission accordées, de Chinon, par le roy, à Louis de Segrie, en avril 1446 et qui ont été publiées par la Société des Archives historiques du Poitou (tome XXIX, année 1898, page 301) : "Remission en faveur de Louis de Segrie, écuyer de la Motte d'Usseau, qui avait fait mettre à mort le nommé Baudart, séducteur de sa femme, et l'instigateur de cette trahison, maître Guérin ..."


Le 24 août 1432, un aveu fut rendu au vicomte de Châtellerault par Guillaume de Bec (pour l'hotel, forteresse et seigneurie de la Motte d'Usseau, à hommage lige ... Juridiction haute, moyenne et basse" (4). D'après l'abbé Lalanne, la famille du Bec conserva la Motte d'Usseau pendant le XVIe siècle ; mais en 1614 le château et la terre appartenaient à Martin de Fergon.


C'est au début du XVIIIe siècle que la Motte d'Usseau entra dans la famille Viart (5) par le mariage de Louis-André Viart avec dame Françoise-Céleste-Charlotte Carré de Beaumont, fille de messire Jacques Carré, qualifié seigneur de Beaumont et de la Motte d'Usseau. Louis-André Viart qualifié, postérieurement à son mariage, seigneur de la Motte d'Usseau, servit comme officier dans la marine. Son état de santé le fit mettre en demi-solde en 1723. Il reçut, le 29 juillet 1726, l'aveu de messire Jean Masson qualifié chevalier, seigneur de Bessé, pour des biens relevant de ladite seigneurie de la Motte d'Usseau, et le 2 juillet 1727 l'hommage lige de Pierre de Sanzay, écuyer, seigneur de Beaurepaire, à cause de son fief de Montigny, mouvant aussi de ladite seigneurie de la Motte d'Usseau.
Le fils de Louis-André Viart, Jacques-Joseph Viart, né le 9 janvier 1709, est dans la suite qualifié chevalier, seigneur de la Motte d'Usseau, des Closures, du Remilly, de Chairdechien et de Lemée, tous fiefs réunis à la seigneurie de la Motte d'Usseau.

 

HENRIETTE AYMER DE LA CHEVALERIE


Henry-Louis Viart, fils du précédent, naquit en 1745. Il est aussi qualifié seigneur de la Motte d'Usseau, et il paraît avoir signé (autant qu'on peut croire, car la signature n'est pas très lisible), le cahier de la noblesse réunie à Châtellerault pour l'élection des députés aux Etats généraux en 1789. C'est le père de Catherine-Julie-Irène Viart, née à la Motte d'Usseau, le 5 juin 1772 et qui allait fonder à Poitiers, en 1797, avec l'abbé Coudrin et Mlle Aymer de la Chevallerie, la congrégation des religieux et religieuses des Sacrés-Coeurs de Jésus et de Marie et de l'Adoration perpétuelle (6).

 

T

L'histoire de l'abbé Coudrin, venu, en 1792, se réfugier dans le grenier du fermier de la Motte d'Usseau, et son séjour de plusieurs mois dans cette cachette sont choses trop connues pour que nous insistions sur ce sujet. Bornons-nous à rappeler que c'est dans ce grenier (qui existe toujours bas et étroit) que vint à l'abbé Coudrin l'idée de la création de l'ordre religieux auquel il allait bientôt attacher à jamais son nom. Mlle Aymer de la Chevallerie sera la première supérieure générale de la Congrégation de Picpus et le restera jusqu'à sa mort, en 1834. Mlle Viart lui succèdera alors à la tête de l'ordre. Disposant d'une fortune importante, Mlle Viart fondera plusieurs couvents, entre autres, en 1839, une maison à Châtellerault, où elle meurt, le 27 mai 1850 (7). Les "Dames blanches" (8), - c'est ainsi qu'à Châtellerault on appelait ces religieuses à cause de leur costume - resteront dans cette ville pendant plus de soixante ans. La prière n'y sera pas leur seule occupation. Elles s'adonneront en outre à l'enseignement jusqu'au jour où, l'autorisation d'instruire leur étant brusquement retirée, l'établissement tenu par elles (boulevard Blossac) sera fermé (1er octobre 1904). Les habitants du bourg d'Usseau se rappellent encore qu'ils voyaient, de temps à autre, les "Dames blanches" amener leurs élèves à la Motte d'Usseau pour passer la journée et respirer l'air de la campagne.


Par son testament reçu par Me Martin, notaire à Châtellerault, le 23 mai 1850, en la maison des Dames de l'Adoration perpétuelle, Mlle Viart avait institué pour sa légataire universelle, en toute propriété, sa cousine issue de germaine, Mme Marie-Thérèse-Constance de Menou, veuve de Jousserand, supérieure du couvent de Châteaudun. Cette dernière avait, en 1863, vendu pour la somme de 85.000 francs le château d'Usseau et le domaine y attenant au Père Bousquet, supérieur général de la Congrégation de Picpus, qui les acquit au nom de celle-ci (contrat de vente passé devant Me Lucas, notaire à Châteaudun, le 20 mai 1863) (9).


La Motte d'Usseau n'était plus alors la magnifique terre que possédait jadis la famille Viart et dont les bois seuls comprenaient encore, en 1796, 230 hectares (10). Le morcellement l'avait entamée. La belle allée d'ormeaux qui conduisait du bourg au château avait depuis longtemps disparu. Mais le château demeurait encore intact, du moins extérieurement. M. Alfred Hérault rappelait que, vers 1867 ou 1868, trois moines y habitaient. L'un d'eux, se piquant d'architecte, fit avec l'autorisation du Père Euthyme Rouchouze, supérieur général des Pères de Picpus, de grands changements dans le château ; il abattit une tourelle, ouvrit des portes et des fenêtres à sa fantaisie. Ce fut le commencement d'une restauration audacieuse qui s'acheva par la construction d'une galerie couverte à baies ogivales dont l'effet laisse à désirer.
Par ailleurs, un bâtiment de ferme édifié sous la terrasse a complètement modifié l'aspect du château de ce côté.

 

USSEAU


Avec le XXe siècle devait bientôt sonner pour les Pères de Picpus l'heure de prendre le chemin de l'exil. Puis les liquidateurs s'abattirent sur leurs biens et, un jour, en Belgique, les Pères apprirent, par l'Echo de Châtellerault, qu'il allait être procédé, le 24 juillet 1913, dans cette ville, à la vente en justice de leur domaine de la Motte d'Usseau. Ils firent alors entendre une simple et éloquente protestation, qui demeure relatée dans le numéro de la Semaine religieuse du diocèse de Poitiers du 13 juillet 1913, sous ce titre "Liquidation d'un grenier historique" !


En cette dernière page émue, adressée à ce Poitou qui fut le berceau de leur ordre, les religieux proscrits évoquent le souvenir de leur fondateur, le Père Coudrin ; ils rappellent qu'ils ont payé l'immeuble de la Motte d'Usseau de leurs deniers, condamnent la vente et fustigent ceux qui les dépouillent.


Pour l'aliénation en justice, il fut fait deux lots par l'avoué poursuivant. Un premier lot comprit le château, les bâtiments d'exploitation et environ neuf hectares. La mise à prix était de 9.200 francs. Du second lot, composé d'un ensemble de 5 hectares, il était demandé 5.300 francs. Les deux lots furent adjugés pour 34.300 francs à M. Eugène Coudrin (Usseau). Le propriétaire actuel du château de la Motte d'Usseau porte le même nom que le fondateur de l'ordre de Picpus, bien que, paraît-il, il n'y ait aucune parenté entre eux.

 

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Nous avons récemment gravi les escaliers à vis aux marches encore solides, visité les belles salles éclairées de hautes fenêtres, dans l'embrasure desquelles sont aménagés des bancs de pierre. Si, dans une ou deux pièces, les parties vermoulues et affaissées des planchers invitent le visiteur à ne s'avancer qu'avec prudence, du moins nous avons pu admirer les robustes charpentes, qui paraissent devoir résister sans difficulté aux intempéries quelques siècles encore. Nous sommes montés au chemin de ronde de la tour et du rempart. De là, sur la campagne, la vue s'étend plus vaste et plus belle encore que de la terrasse. Au fond de la vallée de la Vienne et loin dans la brume, l'on découvre les clochers de Châtellerault. Au nord et à l'est des coteaux boisés ferment l'horizon, tandis qu'au-dessous de soi, à cinquante mètre environ du château, la chapelle en ruines fait apparaître ses arêtes ogivales.


Le sort du château de la Motte d'Usseau est à l'heure actuelle celui de beaucoup de gentilhommières de nos campagnes. Transformés en granges, en remises de récoltes diverses, les bâtiments anciens sont du moins de la sorte préservés momentanément de la démolition. Leur utilisation agricole permet d'attendre des temps meilleurs.

(1) Une note, que nous a remise M. Alfred Hérault, a guidé nos recherches et fourni les premiers éléments de cet article.
(2) Aveu cité par Alfred Barbier : Etude sur le Châtelleraudais ; constitution féodale (Mémoires de la Société, année 1893, page 388)
(3) Le Parlement royal se tenait alors à Poitiers, Paris étant occupé par les Anglais.
(4) Alfred Barbier, op. déjà cité p. 388.
(5) De race ancienne, originaire de Blois (d'Hozier, Armorial général, 6e registre, pages 527 et s.)
(6) C'est, on le sait, en 1805 seulement, que fut fondée à Paris, par l'abbé Coudrin, la maison de Picpus, dont l'historien Lenôtre a raconté récemment les origines et la naissance (Le Jardin de Picpus).
(7) Son corps a été transporté à Paris, au cimetière de Picpus, dans le caveau des supérieures générales.
(8) A Paris, dans la chapelle de Picpus, les religieuses de cet ordre, en robe de laine blanche et le voile de mousseline sur la tête, prient toujours pour les victimes de la Terreur à la Barrière du Trône et pour leurs bourreaux. (Lenôtre, ouvrage déjà cité).
(9) Après la mort de Mme veuve de Jousserand, en 1875, un procès fut intenté à la communauté de Picpus par la famille de Menou, pour obtenir l'annulation du testament par lequel Mme de Jousserand dépouillait ses parents au profit de la communauté. Le tribunal de Tours annula le testament qui fut ensuite déclaré valable par la cour d'Orléans.
(10) Redet, Dictionnaire topographique de la Vienne.

Extrait :
Société des Antiquaires de l'Ouest
Bulletin du 1er trimestre de 1928 - p. 257

Voir ICI le château tel qu'il est aujourd'hui.

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Commentaires
C
Bonjour,<br /> <br /> bien rédigé avec, cependant, de nombreuses inexactitudes qu'il serait souhaitable de corriger. La conclusion est inexacte puisque le Château de la Motte et ses dépendances ne stockent plus des récoltes mais font partie d'une activité de chambre et table d'hôtes, de salle de réception , de visites historiques (vous avez du y participer en 2014 ?) et divers jardins en visite libre. <br /> <br /> Prenez contact avec moi pour améliorer votre présentation : j-marie.bardin@wanadoo.fr
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