BEAUMONT-EN-VÉRON (37) - LA LÉGENDE DU LION DE RAZILLY

LA LÉGENDE DU LION DE RAZILLY

Dans l'ancienne Église de Beaumont en Véron qui, pendant près de sept siècles fut le lieu de sépulture des principaux personnages de la maison de Razilly, l'on voyait, dit-on parfois, une belle dalle tumulaire représentant un chevalier gisant, les pieds appuyés sur un lion ; le monument dont aucune trace ne subsiste, a donné lieu à la légende du lion de Razilly, dont le souvenir s'est perpétué dans certaines vieilles familles du pays et que j'ai recueillie de l'une d'elles.

Herbert, seigneur de Razilly, revenait de la croisade suivi de ses écuyers, sur son destrier, il portait devant lui, un jeune lionceau, don d'un chef arabe prisonnier. Les voyageurs étaient déjà aux portes du bourg de Beaumont lorsque leurs yeux furent frappés par l'air de fête qui y régnait, la population rassemblée semblait attendre joyeusement un évènement d'importance. Le seigneur de Razilly s'enquit aussitôt de ce qui se passait et apprit, non sûrement sans quelque désagréable surprise, que sa femme le croyant mort dans les déserts de l'Egypte s'apprêtait à convoler en secondes noces. Furieux, il se remet en marche rapidement, en quelques instants il arrive au château de Razilly, s'y fait reconnaître et sans attendre d'explication, chasse de chez lui l'épouse trop vite consolée et son complice.

Réinstallé tranquillement dans son manoir, il prit avec philosophie son parti du fâcheux incident qui avait marqué son retour de terre sainte, heureux de se reposer des fatigues de ce lointain voyage, le lion n'avait pas été oublié, devenu doux et fidèle comme le meilleur des chiens, son maître le chargea de la garde de ses enfants. La légende assure qu'il s'acquitta si bien de ses fonctions qu'il demeura le plus choyé des commensaux du foyer seigneurial, bien plus, Herbert de Razilly, pour reconnaître l'attachement de l'animal, obtint que le lion qui avait été son inséparable compagnon pendant sa vie le demeurerait encore après sa mort et qu'il serait inhumé auprès de lui.

Les légendes populaires ont souvent un fond de vérité, l'aventure de la châtelaine de Razilly, devenue commune, sans être unique dans son temps était assez rare toutefois pour frapper les imaginations, quand au lion, n'y faut-il pas voir le souvenir d'une "once" ou guépard, animal félin et doux, originaire d'Afrique, que les seigneurs du moyen-âge aimaient à voir auprès d'eux comme animaux familiers.

M. R.
Bulletin - Amis du vieux Chinon
Tome 3, n° 6
Année 1933