ANDRÉ CHESNEAU, VICAIRE DE CHINON, GUILLOTINÉ A ANGERS
ANDRÉ CHESNEAU, VICAIRE DE CHINON, GUILLOTINÉ A ANGERS
André Chesneau, né à Chateaurenaud en 1758, était vicaire de Saint-Etienne de Chinon quand éclata la Révolution. Après avoir refusé le serment à la constitution civile du clergé, il fut obligé de s'éloigner pour échapper à la persécution.
C'est le 10 mars 1792 que la municipalité de Chinon lui délivra un passeport. Il en profita pour gagner le département de Maine-et-Loire. En passant dans la "Vallée d'Anjou", M. Chesneau apprit que les religieuses hospitalières de Saint-Joseph, qui desservaient l'Hôtel-Dieu de Beaufort, étaient privées de tout secours religieux : le 4 mars, M. Lesellier de Montplacé, aumônier de la maison, avait été remplacé par M. Vinot, ancien récollet, qui avait fait le serment schismatique, et les soeurs ne voulaient avoir aucun rapport avec lui. Quant à M. Lesellier de Montplacé, il avait été obligé d'aller résider à Angers, par ordre du Directoire du Département.
Nous lisons à ce sujet dans les archives des Soeurs de saint Joseph de Beaufort : "Le 31 mars 1792 (samedi de la Passion), un saint missionnaire, M. Chesneau, de Chinon, vint à la communauté au péril de sa vie et donna à nos vénérées Mères tous les secours spirituels dont elles avaient besoin, avec un zèle vraiment apostolique ; il y demeura jusqu'au 3 avril (mardi-saint). Il revint le 25 mai et resta jusqu'au 31 du même mois". Bravant les dangers de la situation, M. Chesneau avait offert aux religieuses la consolation de manger l'Agneau Pascal pendant son premier séjour, et il passa aussi dans la communauté la fête de la Pentecôte, qui cette année tombait le 27 mai.
Nous trouvons le vicaire de Chinon successivement à Saint-Lambert-des-Levées (4 juin), à Chouzé-sur-Loire (5 juillet) et à Saint-Clément-des-Levées (13 août).
Voilà que la loi du 26 août 1792 oblige tous les prêtres insermentés qui avaient été fonctionnaires publics à la déportation, sauf les sexagénaires et les infirmes. M. Chesneau étant tombé malade à Saumur, le 10 septembre, échappa par là-même aux rigueurs de la loi. En octobre, il est également malade à Bourgueil. L'hiver de 1792-1793 il le passe à Fondettes, toujours valétudinaire, comme le prouvent plusieurs certificats de médecins.
Les Vendéens étant venus dans le Chinonais après la prise de Saumur, en juin 1793, M. Chesneau les suivit et partagea dès lors la fortune de l'armée catholique et royale. Mais il ne voulut pas passer la Loire avec elle le 18 octobre à Saint-Florent-le-Vieil, pour la malheureuse expédition de Bretagne et de Normandie. Il fut alors arrêté et emprisonné à Chemillé, où nous le trouvons encore malade le 6 novembre. On le transporta à Angers. Dès que le comité révolutionnaire de Chinon eut appris cette nouvelle, il écrivit à celui d'Angers (19 novembre) pour demander que l'exécution de l'ancien vicaire de Saint-Etienne eût lieu sur la place publique de Chinon.
Peu après l'envoi de cette lettre, les Angevins apprirent que les Vendéens qui n'avaient pas réussi dans leur expédition d'Outre-Loire, marchaient sur leur ville. Les représentants du peuple, pour empêcher la délivrance des prisonniers au cas où Angers serait pris, décidèrent l'évacuation des prisons et le transfert immédiat et en masse des détenus. Voici l'arrêté pris le 29 novembre par Esnue de la Vallée et Francastel : "La Commission militaire s'occupera de suite et sans relâche du transport hors de cette ville de tous les prisonniers qui s'y trouvent : elle pourvoira aux moyens de faire faire ce transport d'une manière sûre, l'autorisant de requérir à cet effet la force armée ; les citoyens Goupil fils, officier municipal d'Angers, Girard-Retureau, membre du comité révolutionnaire de la même ville, et Melouin, administrateur du département de la Mayenne, seront adjoints à la Commission militaire pour toutes les opérations qu'exigera ce transport. La Commission militaire s'occupera de juger sans délai les plus coupables d'entre ces prisonniers, la rendant responsable de tout retard et de toute négligence à cet égard". Aussitôt la Commission militaire requiert le comité révolutionnaire "de faire attacher deux à deux et solidement les prisonniers, tant ceux faits sur les brigands que ceux qui sont détenus comme suspects, femmes et hommes, à l'exception des femmes détenues qui ont des enfants avec elles, et de les transférer dans l'église Saint-Maurice sur-le-champ sous bonne et sûre garde, jusqu'au moment de leur départ, ordonné par la Commission, qui sera exécuté dans l'instant". Le même jour 29 novembre, le représentant Francastel, "sentant combien il importe de faire partir promptement les gens suspects d'Angers, et de les faire conduire à leur destination, s'informe au comité révolutionnaire s'ils sont maintenant en marche, et dans le cas où ils ne le seraient pas encore, le requiert d'abréger tout délai et de les faire filer en diligence".
Les prisonniers passèrent la nuit du 29 au 30 dans l'église Saint-Maurice et partirent le lendemain matin à huit heures pour les Ponts-de-Cé, où ils arrivèrent seulement à trois heures du soir. On les écroua dans les greniers du château. Dans la soirée du 1er décembre, la Commission militaire, qui accompagnait les prisonniers, tint une audience publique dans l'ancien couvent des religieuses Cordelières pour juger les plus coupables d'entre eux. Le président du comité révolutionnaire d'Angers, qui était lui aussi aux Ponts-de-Cé, remit aux membres du tribunal les dossiers de douze détenus ; mais la Commission militaire n'en retint que neuf ce jour-là, et les trois autres furent renvoyés à une séance ultérieure. Le vicaire de Saint-Etienne de Chinon se trouvait parmi ces trois derniers. Après cinq jours passés aux Ponts-de-Cé, les prisonniers furent conduits à Brissac et enfin à Doué-la-Fontaine.
La Commission militaire qui n'avait jamais cessé de fonctionner à Doué, puis à Saumur, arriva à Angers le 28 décembre. Après avoir assisté le 30 décembre à la grande fête des Victoires de la République, elle commença dès le 31 à juger les détenus qui encombraient les prisons de la ville. Ce jour-là, trois hommes et une femme montèrent à l'échafaud. Le lendemain, c'était le tour de cinq prêtres non assermentés, parmi lesquels M. Chesneau, qu'on avait fait revenir de la prison de Doué, après la défaite de l'armée vendéenne.
C'est dans l'ancienne chapelle des Dominicains que la Commission militaire tenait ses séances publiques. De la prison nationale, située au bas de la place des Halles, M. Chesneau fut conduit par la rue Saint-Laud devant ses juges, le 1er janvier 1794. Après un très court interrogatoire, on le condamna à mort séance tenante. Dans la soirée du même jour, vers quatre heures, le confesseur de la foi était guillotiné sur la place du Ralliement, en même temps que quatre autres prêtres insermentés : MM. Hermenot, aumônier à l'Hôtel-Dieu d'Angers, Houssin, curé de Notre-Dame-des-Brouzils, René Legault, vicaire au Plessis-Grammoire, et Jean Legault, instituteur dans la même paroisse.
Chanoine UZUREAU
Directeur de l'Anjou Historique.
PIECES JUSTIFICATIVES
Chinon, le 29 frimaire l'an 2 de la République, le 1er de la mort du tyran de la France.
Le Comité de surveillance de Chinon au Comité de surveillance révolutionnaire d'Angers.
On a répandu que le nommé Chesneau, natif de Chateaurenaud, département d'Indre-et-Loire, prêtre qui a demeuré jusqu'à la loi sur la déportation à Chinon, qu'il n'a quitté que pour se réunir aux rebelles de la Vendée, après avoir commis tous les maux que le fanatisme peut enfanter, était enfin dans les fers à Angers. Il importe tellement à la satisfaction de notre ville de savoir si effectivement cet individu est entre les mains de la justice nationale, que nous vous prions de nous en instruire en prenant vous-mêmes tous les renseignements qu'il vous sera possible.
Si cet homme paie, comme nous n'en doutons pas, de sa tête ses forfaits, il serait très avantageux pour l'esprit public de notre ville qu'il pût y recevoir son châtiment.
Nous vous prions de communiquer la présente à la Commission militaire.
Les membres du Comité de surveillance de Chinon :
Mollandin-Rort, Redoullès, Forest, président, Lenoir, Joubert, Chesneau-Menard, A. Laurent, Lemoine.
Le 12 nivôse, l'an 2 de la République française une et indivisible et le 1er de la mort du tyran.
Les présidents et membres composant la Commission militaire établie près l'armée de l'ouest par les représentants du peuple français, réunis au lieu ordinaire de nos séances publiques, dans la ci-devant église des Jacobins de la commune d'Angers, avons fait venir de la maison d'arrêt le dénommé ci-après, que nous avons interrogé ainsi qu'il suit :
D. - Ses nom, âge, profession et demeure, serment pris de dire la vérité.
R. - S'appeler André Chesneau, âgé de 34 ans, prêtre non assermenté, natif de Chateaurenaud, domicilié à Chinon.
D. - Comment il se fait que n'ayant pu s'exporter, il a suivi les brigands dans leur marche contre-révolutionnaire.
R. - Qu'il est resté tranquille avec eux sans se mêler de leur rassemblement.
D. - S'il a dit des messes dans les pays révoltés.
R. - Qu'il est du caractère d'un prêtre de dire des messes et qu'il en a dit.
D. - Observé qu'il est dénoncé comme un fanatique et un contre-révolutionnaire par le Comité de Chinon.
R. - Qu'il n'a jamais causé aucun trouble, mais qu'il est attaché à ses opinions religieuses.
D. - Si ses réponses contiennent vérité et s'il sait signer.
R. - Que oui et a signé André Chesneau, prêtre.
Clos et arrêté le présent interrogatoire à Angers les dits jour, mois et an que dessus.
FÉLIX, président,
LOISILLON, secrétaire.
Séance publique de la Commission militaire tenue à Angers le 12 nivôse an second de la République française, une et indivisible, et 1er de la mort du tyran.
Considérant qu'il est prouvé que le nommé André Chesneau, de Chinon, a eu des intelligences avec les brigands de la Vendée ;
Considérant que la guerre civile qui a éclaté dans plusieurs départements de la République, provient principalement de l'instigation des prêtres ;
Considérant que tout récemment un grand nombre de défenseurs de la patrie ont été massacrés et coupés par morceaux dans le chemin de Chemillé ; qu'on a trouvés expirant, 24 heures après avoir reçu les coups horribles de leurs assassins, armés par les prêtres réfractaires ;
Considérant enfin que par l'ensemble de ces faits, il est prouvé invinciblement qu'il a provoqué au rétablissement de la royauté et à la destruction de la République française ;
La Commission militaire le déclare atteint et convaincu de conspirations envers la souveraineté du peuple français, et condamne André Chesneau, de Chinon, prêtre non assermenté, à la peine de mort ...
(Archives de Maine-et-Loire)
Bulletin - Amis du Vieux Chinon
1923 (T2, N5)