SAVIGNY-EN-VERON (37) - LA CRUE DE LA LOIRE EN 1856
LA CRUE DE LA LOIRE EN 1856
Les quelques notes que nous publions ci-dessous sont extraites du livre de raison d'un habitant de Savigny-en-Véron. Contrairement à l'usage que nous nous sommes habituellement imposé, nous avons cru devoir en rétablir l'orthographe afin d'en rendre la lecture intelligible. Nous devons la communication du manuscrit à l'aimable obligeance de M. Gustave Luce, Maire de Savigny-en-Véron, à qui nous tenons à exprimer nos bien vifs remerciements.
H.B.
I - Réclamation des pertes des récoltes gâtées par la Loire.
Une oeuvre de froment au Clos-Boutier en première qualité dont il pouvait y avoir 50 boisseaux de froment à 3 francs le boisseau, dont la somme est de 150.
Une oeuvre de froment aux Sept-Arpents en blé moyen dont il pouvait y avoir 30 boisseaux de froment à 3 francs, dont la somme est de 90 francs.
Une oeuvre de pommes de terre au Chêne-Rousseau dont il pouvait y avoir 15 barriques de pomme de terre à 9 francs, dont la somme est de 135 francs.
Une oeuvre de vigne de Clos-Boutier dont il pouvait y avoir un poinçon de vin à 90 francs.
Une oeuvre de fourrage et de blé au Cimetière-Mart 24 [francs].
Je dois 15 sous à mon maréchal d'une forgure et 5 sous d'un aide.
J'ai vendu un demi-boisseau de chènevis à Fièvre dont la somme est de 29 sous.
III - En 1856, du 3 au 4 juin, il est venu une crue épouvantable (1) qui faisait trembler tout le monde. On ne savait si l'on allait vivre ou mourir. Elle est venue à une grandeur où on l'avait jamais vu depuis plus d'un siècle. On voyait les maisons fondre. Elle a cassé la route du Port-Boulet en plusieurs endroits d'une profondeur à plus de 15 pieds et le reste était ravagé ; il a fallu beaucoup de réparations. Elle a passé en travers tous les Champs-Fleuris et par bonheur pour le pays elle a cassé la grand'route à la Chapelle : dans le milieu du bourg, elle a emporté plus de soixante maisons, toutes les plus belles. Elle a déroché le cimetière. Elle arrachait les corps morts ; on les ramassait avec des bachots à travers les champs et on les portait dans le cimetière de Bourgueil. Elle fait un profond (2) dans le bourg de la Chapelle qui avait plus de cinquante pieds de profondeur. Ce fut un grand malheur pour le pays bas. Toutes les récoltes furent perdues. Jusqu'à le chemin de fer qui fut renversé par le courant. Le grand malheur de la Chapelle fit un grand soulagement au pays de Savigny. Sans cela, il n'aurait resté que la butte du Puy-Rigault à couvrir. Elle est venu devant les grandes portes de chez nous (3) ; elle a couvert le chemin tout le long de l'ouche. Il était temps qu'elle s'arrête, car il y avait plus de trente pièces de bêtes à la maison. Il y avait six ménages non compris ceux de la maison.
Fait par moi Pierre DUPUY en 1856.
(1) La terrible crue de la Loire, en 1856, frappa vivement les esprits de ceux qui en furent les témoins. Soixante ans plus tard, et parvenue à un âge avancé une vieille lavandière chinonaise qui avait passé son enfance à La Chapelle, racontait encore avec émotion comment, au cours de l'effroyable nuit du 3 au 4 juin, elle avait vu des hommes de La Chapelle s'employer, au péril de leur vie, à maintenir contre leur poitrine des sacs de sable qu'ils opposaient au flot envahisseur.
(2) Un mot manque dans le manuscrit.
(3) L'auteur du manuscrit habitait le hameau de La Croix.
Bulletin :
Les Amis du Vieux Chinon
Tome 3, n° 6 - Année 1933