Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
La Maraîchine Normande
4 août 2014

JEAN-DENIS BARBIÉ DU BOCAGE,GÉOGRAPHE ...

ÉLOGE DE
M. BARBIÉ DU BOCAGE

Lu dans l'Assemblée Générale de la Société de Géographie,
le 1er décembre 1826.
Par M. de Larenaudière, Secrétaire Général de la Commission Centrale.

Lorsque d'Anville, chargé d'années et d'infirmités, offrait l'affligeant spectacle d'un homme de mérite qui se survit à lui-même, les regrets qu'inspirait sa perte prochaine étaient d'autant plus vifs, que cette perte semblait irréparable. On savait que le premier Géographe de l'Europe, aux beaux jours de son talent, n'en avait confié les secrets à personne ; lui-même le répétait souvent, comme s'il eût voulu augmenter encore l'intérêt qui s'attachait à sa vie. Cependant, dans les dernières années de sa glorieuse carrière, il s'était départi de cette résolution fâcheuse : il avait accordé l'entrée de son cabinet à un jeune homme, alors inconnu, lui avait ouvert les trésors de son  portefeuille et donné des conseils d'autant plus précieux qu'il était plus difficile de les obtenir.
Celui qui avait su vaincre la répugnance de l'illustre vieillard à communiquer ses savantes théories, ne devait pas être un de ces hommes qui, regardant la science comme un des jouets de la vanité, ou comme un des calculs de l'intérêt, s'introduisent chez l'homme célèbre pour glisser leur médiocrité à la suite d'une haute réputation. Il fallait autre chose pour captiver la confiance de d'Anville ; il fallait aimer la Géographie comme une maîtresse, ne vivre que pour elle, et montrer, dans un dévouement absolu à ses intérêts, l'entraînement d'une passion véritable. Voilà le talisman qui pouvait opérer sur le vieux Géographe ; c'est le seul qu'employa son jeune disciple.
L'heureux élève de l'Université, que nous apercevons dans le cabinet de d'Anville, écoutant, dans un religieux silence, la parole du maître, ou parcourant, avec l'avidité du jeune âge, les richesses amassées pendant soixante ans de travaux, est ce même confrère dont nous pleurons encore la perte ; c'est l'un des Géographes distingués de notre époque, M. BARBIÉ DU BOCAGE, Géographe du Ministère des Affaires Étrangères, Doyen et Professeur de la Faculté des Lettres de Paris, Membre de l'Institut, ancien Président de la Commission centrale de la Société de Géographie, de la Société des Antiquaires, de plusieurs Académies et Sociétés savantes, et Chevalier de la Légion-d'Honneur.

 

BARBIÉ DU BOCAGE



Né à Paris, le 28 avril 1760, d'une famille originaire de Normandie, M. Jean-Denis Barbié du Bocage perdit son père le jour même où il atteignait sa neuvième année. Placé au collège Mazarin, il y fit d'excellentes études. Son goût pour la Géographie s'y montra comme une passion, que son caractère modéré nous autorise à croire la seule qu'il connut jamais. On sait que d'Anville, à l'âge où l'imagination se nourrit avec délices des illusions du monde enchanté des poètes, ne voyait dans l'Illiade, l'Odyssée et l'Enéide, que des noms de lieux et de peuples. A cette même époque de la vie, M. Barbié du Bocage y remarquait peut-être autre chose ; mais il est certain que c'était de la Géographie qu'il y cherchait d'abord. Sorti du collège avec une vocation décidée, ni l'étude d'un procureur, dont sa mère lui montrait tous les avantages, et dont l'ennui le repoussait sans cesse, ni les conseils d'une amitié prévoyante qui redoute l'avenir lorsqu'on s'écarte des routes ordinaires de la vie, ne purent ébranler sa résolution. Il avait lu les ouvrages de d'Anville, il avait connu leur auteur, il l'avait consulté sur une prétendue découverte géographique, ingénieux moyen probablement employé pour arriver jusqu'à lui, le jeune Barbié ne s'appartenait plus. Sa mère alarmée crut que ce M. d'Anville était une mauvaise connaissance ; son confesseur la rassura, et le Géographe même conspira avec cette tendre mère pour éloigner son fils des routes périlleuses de la science. Je n'oserais cependant assurer que d'Anville fût le meilleur prédicateur qu'on pût choisir pour opérer une telle conversion ; ce qu'il y a de sûr, c'est qu'il n'y réussit pas.

 

D'ANVILLE


Les destinées du jeune Barbié du Bocage avaient commencé dans le cabinet de cet homme célèbre où venaient aboutir tous les renseignements nouveaux, et d'où partaient tous les conseils utiles. C'est là qu'il vit, pour la première fois, M. de Choiseul, à son retour de la Grèce, et que commencèrent, entre eux, ces échanges d'estime, de services et de reconnaissance qui les honorent également.


Le nom de l'auteur du Voyage pittoresque de la Grèce était dans toutes les bouches, et les récits de son pélerinage littéraire remplaçaient, dans les cercles de Paris, la frivolité des conversations du temps.


L'héritier d'un nom illustre, s'arrachant aux grandeurs de Versailles et aux charmes d'une Société où la haute naissance se faisait encore un titre des succès de l'esprit, pour aller demander des souvenirs aux lieux où chantait Homère, où peignait Apelle, où tonnait Démosthène, où les héros de Salamine et de Marathon avaient vécu, n'était pas, en effet, un spectacle ordinaire. Toutefois, le sentiment qui avait inspiré le jeune voyageur n'était pas nouveau. Jamais il n'y eut de prescription en France pour le noble enthousiasme de la gloire et des arts. Dès l'âge le plus tendre, nous sommes entraînés vers la patrie de Périclès, nous lui adressons nos premiers hommages comme à notre aînée dans la civilisation. Nous demandons à ses ruines des modèles de goût, à ses tombeaux des inspirations généreuses. Jamais les destinées de cette terre classique du génie ne nous furent étrangères, et nous avons eu, dans tous les temps, des admirations pour ses jours d'héroïsme et de liberté, et des larmes pour ses jours de deuil et d'esclavage.

 

choiseul-gouffierA peine M. de Choiseul eut-il revu la France qu'il voulut faire partager à ses compatriotes les impressions qu'il avait éprouvées. Il appela tous les arts à concourir au beau monument qu'il fallait élever. Il avait besoin, pour la Géographie ancienne des lieux qu'il venait de visiter, de Cartes et de Mémoires ; ne pouvant les demander à d'Anville qui s'éteignait, il s'adressa à M. Barbié du Bocage, qui n'avait encore rien produit, mais dont le talent lui était déjà connu. Il le chargea de mettre en ordre les nombreux matériaux qu'il avait rapportés, de réunir tous les passages des anciens qui pouvaient s'appliquer aux ruines visitées, à la disposition du terrain et au placement d'un grand nombre de points contestés, enfin de tracer le plan de plusieurs villes célèbres dont le temps avait à peine respecté les débris. Cette tâche était pénible. Le zèle de M. Barbié du Bocage en triompha ; et les topographies de Milet, d'Halicarnasse, de Mytilène, et plusieurs notices insérées dans le premier volume du Voyage pittoresque, obtinrent le suffrage des hommes qui aiment les travaux consciencieux. Ils frappèrent les regards de l'auteur d'Anacharsis, et l'empressement qu'il mit à choisir M. Barbié du Bocage pour revoir toutes les citations de ce beau monument et en diriger la partie géographique, fut, à la fois, pour le jeune savant, une honorable distinction et une bonne fortune.
Quitter le cabinet de M. de Choiseul pour celui de M. l'Abbé Barthélémy, ce n'était pas sortir de la Grèce : c'était y vivre avec le plus érudit et le plus spirituel de ses historiens, c'était partager les travaux et l'intimité d'un homme du monde et d'un homme de lettres formé à l'école de la bonne compagnie d'Athènes et de Paris, d'un écrivain qui savait embellir les recherches profondes des couleurs mêmes de l'antiquité, et de toutes les grâces du style le plus élégant, le plus naturel, le plus pur et le plus français.

 

L'Abbé Barthélémy


M. Barbié du Bocage sentait tout le bonheur de sa position. Chaque jour voyait se resserrer les liens d'estime et de reconnaissance qui l'attachaient à M. l'Abbé Barthélémy. Ce dernier lui fit obtenir une place au cabinet des Médailles, et l'associa à sa renommée en lui confiant l'atlas d'Anacharsis. C'était encore servir sa fortune et sa gloire.


Ce grand travail était aussi difficile qu'il était nouveau. On ne pouvait répéter les cartes de l'ancienne Grèce, même celles de d'Anville. Un plan tout spécial éloignait toute idée de plagiat. D'Anville avait tracé la Grèce, province de l'Empire Romain. Ce n'était pas la Grèce esclave qu'on demandait à M. Barbié du Bocage ; c'était la Grèce libre telle qu'elle était à l'époque de la bataille de Chéronée. Il fallait distinguer, pour les exclure, les lieux postérieurs à cette grande journée, et cependant inscrire encore ceux qui ne se rencontraient que dans les auteurs plus récens, et dont l'existence primitive remonte cependant à des âges plus reculés. Telle était l'économie de la carte générale ; mais ce travail, loin de se reproduire sur une plus grande échelle dans les cartes particulières, se compliquait alors de nouvelles difficultés. Celles-ci devaient être dressées pour l'année même dans laquelle le Scythe voyageur parcourait les différentes contrées de la Grèce. Par exemple, dans la carte de la Phocide, on devait désigner, comme existantes, toutes les villes détruites après la guerre sacrée, et, dans la carte de l'Arcadie, on était obligé d'indiquer, comme détruites, toutes les citées dont les habitans allèrent peupler Mégalopolis. Avec un tel plan et de telles entraves, les recherches se renouvelaient à chaque instant, et le géographe, soumis à de telles conditions, était obligé de connaître le sol de la Grèce de tous les âges, et ses révolutions historiques de toutes les époques.

 

phocide

http://www.mediterranees.net/geographie/tardieu/index.html

 


Ce travail difficile fut exécuté avec le zèle le plus persévérant et l'exactitude la plus rigoureuse. Il satisfit complètement M. l'Abbé Barthélémy : c'était une garantie des suffrages du public éclairé. L'Europe savante l'a placé au rang des productions remarquables du siècle dernier, et l'a regardé comme une heureuse application de l'érudition classique à l'ancienne géographie.


Il fallait que les récits d'Anarchasis, les évènemens qu'il raconte, les chefs-d'oeuvre des arts qu'il décrit, le peuple dont il parle et le langage qu'il emploie eussent des charmes bien puissans pour captiver toutes les attentions au moment où il parut, et triompher des préoccupations de la politique. Heureux de n'avoir point à retracer les erreurs de 1789 et les crimes de 1793, je ne m'arrêterai pas sur cette période de douloureuse mémoire.


Dans la tourmente révolutionnaire, MM. Barthélémy et Barbié du Bocage éprouvèrent le sort des hommes de bien. Jetés dans les prisons comme suspects, le premier n'y resta qu'un moment, comme si le crime eût craint de perdre sa popularité en persécutant une telle vertu ; le second ne dut sa délivrance qu'aux courageuses démarches de sa jeune épouse, Mlle Delahaye, fille de l'ancien premier graveur du Roi, qui venait d'unir son sort au sien.


Échappé à la mort, M. Barbié du Bocage ne se trouvait heureux qu'à demi. Il laissait des amis dans les fers ; il réclama leur délivrance avec un zèle qui n'écoutait que les inspirations du coeur et qui dédaignait les conseils de la prudence. Rentré au sein de sa famille, il chercha à se consoler par l'étude du spectacle déchirant de la France d'alors, et depuis ce moment jusqu'à ses derniers jours, c'est-à-dire pendant une laborieuse période de trente années, il ne cessa d'enrichir la science de travaux utiles. Il composa, pour plusieurs ouvrages, un grand nombre de Cartes, de Mémoires et d'Extraits, parmi lesquels nous remarquons la Carte et l'Analyse du cours de l'Araxe et du Cyrus, pour l'ouvrage de M. le baron de Sainte-Croix relatif aux pays situés entre la mer Noire et la mer Caspienne ; les Plans de Tyr, d'Halicarnasse et de Thèbes de Béotie, pour l'Examen critique des historiens d'Alexandre le Grand et l'Histoire de son expédition, d'après Arrien ; la Carte générale des marches et de l'empire de ce conquérant, pour le même ouvrage de M. de Sainte-Croix ; la Carte de l'Hellespont et de l'île de Lesbos, pour le Thucydide de M. Gail ; une Carte de la partie septentrionale de l'Inde, pour les Indiens d'Arrien ; la Carte de l'île de Crète avec une Analyse, pour l'Histoire des anciens gouvernements fédératifs et de la législation de la Crète ; plusieurs Cartes pour l'Expédition de Cyrus et la Retraite des Dix-mille de Xénophon ; une Espagne ancienne pour les Commentaires de César, publiés dans la Collection des classiques latins ; une Carte de la Scythie, de l'Egypte et des pays intermédiaires, avec des notes, pour l'édition du Traité des airs, des eaux et des lieux d'Hippocrate, donnée par le Dr Coray.
Bien que la géographie moderne ait beaucoup moins occupé M. Barbié du Bocage que la géographie des Grecs et des Romains, ses connaissances dans cette partie de la science étaient remarquables : une foule de Notices et d'Analyses insérées dans plusieurs recueils, et notamment dans le Magasin Encyclopédique et le Mémorial topographique du Dépôt de la Guerre, prouvent la justesse de ses vues, la sagesse et la modération de sa critique.


Ce qui honore essentiellement son coeur, c'est sa vénération pour la mémoire de d'Anville. Il faut lire la Notice qu'il publia, en 1802, sur les ouvrages de ce grand Géographe, pour se faire une idée vraie de la sincérité de son admiration. Avec quel respect il parle de ce maître ! avec quelle crainte religieuse il note ses erreurs et ses omissions, et comme il s'empresse de les excuser en les mettant sur le compte de l'insuffisance des matériaux alors recueillis ! Les analyses de ses propres Cartes sont pleines de candeur et de bonne foi. Il n'oublie ni les devanciers ni les secours qu'il en a reçus, ni les communications qui lui ont été faites. Il avoue ce qu'il a pris aux autres, et signale le premier les imperfections qui peuvent se rencontrer dans son travail, comme s'il voulait aider la critique et lui épargner les frais de l'érudition. Il se plaît enfin à révéler la manière dont il met en oeuvre les renseignemens à sa disposition et les moyens dont il se sert pour triompher des difficultés.
Cette franchise d'examen et cette impartiale appréciation de son propre talent, contribuaient puissamment à la confiance qu'inspirait M. Barbié du Bocage.


Cette confiance conduisait dans son cabinet l'étranger prêt à partir pour la Grèce, et l'engageait à demander un itinéraire à qui ne l'avait jamais parcourue. Dans une discussion géographique entre des savans allemands, elle faisait dire à l'un d'eux, comme pour trancher la difficulté : "Il faut bien que cela soit ainsi, puisque M. Barbié du Bocage l'a vu à Athènes ;" et c'est elle encore qui portait le chef du Gouvernement impérial à mettre ses connaissances à contributions et à cacher le résultat du travail commandé, dans la crainte qu'on ne s'en servît contre lui.

 

grece

http://www.mediterranees.net/geographie/tardieu/index.html


La Grèce, ses colonies et ses conquêtes ont été la terre de prédilection de M. Barbié du Bocage ; elles ont presque entièrement occupé sa vie. Il a fait, pour la géographie de ces contrées classiques, ce qu'il était permis alors d'attendre de la sagacité de la critique et de l'ingénieuse combinaison des textes anciens. C'est désormais à la géographie astronomique, à la perfection des instrumens modernes, au talent et au zèle, chaque jour croissant, des observateurs, à éclairer d'une lumière nouvelle, les descriptions des Strabon, des Pausanias, et les données des Itinéraires romains, et à fixer d'une manière invariable les points incertains du monde ancien.


Les travaux de M. Barbié avaient appelé sur sa personne les regards du Gouvernement, des Académies et des Sociétés savantes. En 1802, M. Barbié du Bocage fut attaché au Dépôt de la Guerre, et chargé de la confection de la Carte de la Morée ; en 1803, la place de géographe des Affaires Étrangères lui fut accordée ; en 1809, l'Université le compta au nombre de ses professeurs ; il fut nommé Doyen de la Faculté des Lettres, en 1815. L'Institut l'avait reçu dans son sein en 1808, et successivement l'Institut de Hollande, l'Académie de Florence, la Société royale de Gottingue et l'Académie royale de Prusse l'inscrivirent sur la liste de leurs membres.


Chez les hommes ordinaires, les honneurs académiques, en satisfaisant la vanité, les disposent à la paresse, et il n'y a pas grand mal à cela. Chez les véritables amis de la science, ils multiplient les devoirs et les obligations. M. Barbié du Bocage crut qu'il devait redoubler de zèle. Il publia, en 1810, la Carte générale de la Grèce et de  ses Colonies. Il fit paraître successivement quelques Cartes pour les écoles, et un petit Traité de Géographie ancienne. Il lut à l'Académie des Inscriptions plusieurs Mémoires, parmi lesquels ceux sur la plaine d'Argos et sur la longueur du mille romain se font remarquer. Il concourut à enrichir, par des dissertations sur Oenoé, Phylé et Éleuthère, la topographie de la Bataille de Platée, qui fait tant d'honneur aux talens de M. Spencer Stanhope, et dressa, pour l'ouvrage de M. Melling, des Plans itinéraires et topographiques du Bosphore de Thrace, de ses rivages et de la mer de Marmara. L'heureuse destinée de M. Barbié du Bocage l'appelait à finir sa carrière par l'ouvrage même qui avait commencé sa réputation. Après la mort de M. de Choiseul-Gouffier, il se chargea de terminer, de concert avec M. Letronne, le beau Voyage pittoresque de la Grèce, que le noble et savant académicien laissait incomplet. On lui doit toute la Géographie ancienne du dernier volume, notamment les Cartes de la Troade, de l'empire de Priam d'après Homère, et du canal des Dardanelles. Ce furent ses derniers travaux. Le terme de sa vie laborarieuse était arrivé. Ses forces s'affaiblirent tout-à-coup, et pour la première fois, sa famille et ses amis l'observèrent avec une douloureuse inquiétude. Lui-même, sans se faire illusion, peut-être, croyait que le soin de sa conversation ne devait marcher qu'après l'accomplissement de ce qu'il appelait ses devoirs. Luttant contre la maladie qu'il portait dans son sein, il se rendit avec peine, le 25 novembre, à la réunion hebdomadaire de l'Académie des Inscriptions, et le soir même de ce jour, il voulut encore assister à la séance générale de la Société, malgré l'avis de ses médecins et les instances de sa famille. Ce fut la seule fois que ses confrères le virent avec peine.


Rentré chez lui, il se mit au lit pour ne plus se relever. Pendant trente-quatre jours, son état offrit les cruelles alternatives du mieux et des rechutes. Une attaque d'apoplexie vint enfin détruire toute espérance ; il expira, le 28 décembre 1825, au milieu d'une famille éplorée, et dans les bras de la religion. Ses amis, qui n'avaient cessé d'entourer son lit de mort, ont fait entendre sur sa tombe l'expression de leur douleur, partagée par tous ceux qui attachent du prix à l'existence d'un homme de talent et d'un homme de bien.


En esquissant la vie de M. Barbié du Bocage, je n'ai rien dit encore de ses vertus, et cependant, elles ne manquent pas à son éloge. Ce n'est qu'après sa mort que les secrets de sa charité ont été révélés. La reconnaissance n'a pas permis à un homme, jadis son ennemi, et tombé dans l'indigence, de taire le nom d'un bienfaiteur qui n'était plus là pour lui imposer silence. Ses enfans l'ont pleuré comme le père le plus tendre ; celle qui avait uni son sort au sien, comme le meilleur des époux ; ses élèves, comme un maître toujours obligeant et toujours équitable ; ses amis, comme un ami fidèle dans ses attachemens ; les savans avec lesquels il vivait, comme un savant sans jalousie, d'un commerce sûr et d'un caractère plein d'aménité. Et nous, à qui M. Barbié du Bocage appartenait par la science même qui a fait sa renommée, nous qui étions à même d'apprécier chaque jour son zèle actif pour les progrès de la Géographie, et son dévouement sans bornes aux intérêts de la Société, nous venons, après tous les autres, rendre un hommage solennel à ses connaissances et à ses vertus ; mais cet hommage a cela de particulier, qu'il est une honorable exception à nos usages, et qu'en l'accordant aujourd'hui à la mémoire de notre confrère, la Société a voulu faire connaître à quel point cette mémoire lui était chère.

Par Philippe François Lasnon de la Tenaudière
ÉVERAT, IMPRIMEUR, RUE DU CADRAN, n° 16.

 

Barbié du Bocage Montagnes

barbié du bocage fleuves

Publicité
Commentaires
La Maraîchine Normande
  • EN MÉMOIRE DU ROI LOUIS XVI, DE LA REINE MARIE-ANTOINETTE ET DE LA FAMILLE ROYALE ; EN MÉMOIRE DES BRIGANDS ET DES CHOUANS ; EN MÉMOIRE DES HOMMES, FEMMES, VIEILLARDS, ENFANTS ASSASSINÉS, NOYÉS, GUILLOTINÉS, DÉPORTÉS ET MASSACRÉS ... PAR LA RIPOUBLIFRIC
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
Newsletter
Archives
Derniers commentaires
Publicité