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La Maraîchine Normande
29 décembre 2013

APPLICATION DE LA LOI DU 19 FRUCTIDOR AN V CONTRE LES PRETRES RÉFRACTAIRES EN VENDÉE

APPLICATION DE
LA LOI DU 19 FRUCTIDOR AN V

CONTRE

LES PRETRES RÉFRACTAIRES EN VENDÉE

Durant la longue discussion de la loi du 7 fructidor an V, abolie par l'Acte du 19, un grand nombre de prêtres, transportés à l'étranger en 1792 - 1793, étaient rentrés par toutes les frontières. Dix-sept, venant d'Espagne et "paraissant avoir été jetés à la côte de l'Aiguillon par un coup de mer", furent amenés à Luçon et la gendarmerie les conduisit à Fontenay. Le 28 fructidor (14 septembre 1797), l'administration départementale dut "les dénoncer au juge de paix du canton comme pouvant être réputés soit avoir pris part à la conspiration royaliste, soit avoir émigré, soit enfin être prêtres déportés rentrés".


Le 2 vendémiaire (23 septembre), la même administration centrale, requise d'appliquer l'article 25 de la loi du 19 fructidor, arrêtait :
Art. 1er - La loi du 7 vendémiaire an IV, sur la police des cultes, continuera d'être exécutée à l'égard des ecclésiastiques autorisés à demeurer dans le territoire de la République.
Art. 2 - Sont réputés tels les ecclésiastiques autorisés par les lois à demeurer dans le territoire de la République et à y vivre en pleine liberté.
Art. 3 - Lesdits ecclésiastiques autorisés par les lois à demeurer dans le territoire de la République et résidant dans ce département ne pourront exercer le ministère du culte sans en avoir fait la déclaration préalable devant l'administration municipale du canton où ils résident, et prêté devant ladite administration le serment de haine à la royauté, à l'anarchie, d'attachement et de fidélité à la République et à la Constitution de l'an III.
Art. 4 - Les administrations municipales feront de suite arrêter et traduire devant le tribunal de police correctionnelle de l'arrondissement les ecclésiastiques exerçant le ministère du culte et qui refuseraient à faire la déclaration et le serment ci-dessus prescrits.

Le président de l'administration centrale de la Vendée était alors l'ancien constituant Séverin Pervinquière, qui, procureur général syndic du même département, au mois de mars 1792, s'était le plus vivement opposé aux premiers arrêtés contre les prêtres réfractaires, et avait même donné sa démission pour ne les pas contresigner. Lorsque le 22 fructidor (8 septembre), était arrivée à Fontenay la proclamation des directeurs La Revellière-Lépeaux, Reubell et Barras, et les pièces annexées annonçant et expliquant le coup d'État du 18, il s'était abstenu d'assister à la séance où furent arrêtés la réimpression de ces pièces et leur envoi dans toutes les communes. Mais il ne s'exposa pas à tomber sous le coup de l'article 26 de la loi du 19 fructidor, portant la peine de deux ans de fers contre tout administrateur, entravant l'exécution de cette loi ; il reparut au fauteuil de la présidence et signa, avec ses quatre collègues, cet arrêté en date du 30 vendémiaire an VI (21 octobre 1797) :
Vu la lettre du ministre de la police générale du 17 vendémiaire présent mois, par laquelle il charge l'administration centrale de faire sortir du territoire de la République, par la frontière la plus rapprochée, ou faire embarquer les prêtres déportés, dont elle lui avait annoncé la rentrée par sa lettre du 27 fructidor ; - Vu aussi la lettre de l'administration municipale des Sables, du 26 de ce mois ; - Vu, enfin, la lettre du ministre de la police du 26 dudit mois, contenant que le Directoire exécutif l'a chargé de tenir la main à ce que les individus condamnés  à la déportation, qui se trouvent actuellement détenus dans l'étendue de la République, soient, le plus promptement possible, conduits à Rochefort, et que l'administration centrale ait à faire opérer ces translations dans le plus bref délai et sous bonne et sûre escorte ; - L'administration centrale du département de la Vendée ; - Considérant qu'il existe à la maison d'arrêt de la commune de ce chef-lieu deux individus inscrits sur la liste des émigrés et non rayés, sujets à la déportation, les nommés Rossy-Rorteau et Guerry dit La Vergne ; - Considérant qu'il existe aussi à la maison de réclusion du même lieu plusieurs prêtres rentrés ; - Considérant que cette maison de réclusion est peu sûre et qu'un desdits prêtres s'en est évadé dans la nuit du 28 au 29 de ce mois, le nommé Pécot, ex-vicaire de Saint-Aubin-les-Châteaux (Loire-Inférieure) ; - Considérant qu'il importe de prévenir, par tous les moyens, l'évasion des autres prêtres qui y sont détenus ; - Considérant que, quoique ces individus ne soient pas condamnés à la déportation, comme les individus inscrits sur la liste des émigrés, il est nécessaire de prendre des mesures de sûreté pour les faire sortir du territoire de la République d'où ils ont été bannis par les lois ; - Le commissaire du pouvoir exécutif entendu ;
Arrête que les nommés Rossy-Rorteau et Guerry dit La Vergne, inscrits sur la liste des émigrés, détenus en la maison d'arrêt de cette commune, et les nommés :
1° - François Poupard, natif de la Boussac, département d'Ille-et-Vilaine, vicaire du même lieu ;
2° - Jean-Alexandre David, natif de Chalonnes (Maine-et-Loire), vicaire de Villevêque, même département ;
3° - Marc Bodu, natif de Muzillac, vicaire du même lieu (Morbihan) ;
4° - Jean-Guillaume Préjeau, natif de Plouguernével (Côtes-du-Nord), vicaire de Glomel, même département ;
5° - Pierre-François Drouet, natif de Beaulieu-sous-la-Roche (Vendée), vicaire de Landeronde, même département ;
6° - Jean Lefranc, né à l'Isle-d'Arz (Morbihan), vicaire de Grand-Champ ;
7° - Jean-Charles Massiot, né à Rennes, vicaire dans le même lieu (Ille-et-Vilaine) ;
8° - Jean Lejoly, né à Landau, curé de Plémet (Côtes-du-Nord) ;
9° - Guillaume Duval, né à Saint-Dolay (Morbihan), vicaire de Sainte-Pazanne ;
10° - Alexis Le Bailli, né à Claharmel, vicaire de Saint-Aignan (Morbihan) ;
11° - Pierre Boursicault, natif d'Elven (Morbihan), prêtre de Surzur, district de Vannes ;
12° - Charles Diffon, né à Crach (Morbihan), prêtre à Crach ;
13° - Jean Herbreteau, né à Chauché (Vendée), vicaire de Venansault ;
14° - Julien-Marie Santerre, né au Faouët (Morbihan), vicaire de Grand-Champ (Loire-Inférieure) ;
15° - Jean de la Croix, prêtre et ci-devant principal du collège de Dol ;
16° - Henri Agaisse, demeurant à Rezé (Loire-Inférieure) ;
17° - et Jean-Augustin Epaud, natif de Sainte-Flaive, curé de Saint-Nicolas-de-Brem (Vendée) ;
prêtres déportés, rentrés et détenus dans la maison de réclusion de cette commune, seront tous conduits à Rochefort dans le plus bref délai, sous bonne et sûre escorte, et adressés au commissaire du pouvoir exécutif près l'administration municipale dudit Rochefort.
L'administration municipale de Fontenay-le-Peuple fera prendre sur-le-champ le signalement des susnommés, avec leurs nom, âges, demeures et professions. Le commandant de la gendarmerie nationale est requis de fournir l'escorte nécessaire pour faire effectuer ladite translation.

Comme, depuis la "déprêtrisation" de la presque totalité des curés constitutionnels, il n'existait plus dans l'intérieur de la Vendée - excepté à Fontenay-le-Peuple - d'autres prêtres exerçants que les réfractaires aux serments, le culte cessa dans à peu près toutes les églises, rouvertes depuis la pacification de Hoche, aussitôt après la promulgation de la loi du 19 fructidor.

TENEBRE ABBÉOn se remit à célébrer la messe au fond des bois et à dire le chapelet, le soir, dans les granges isolées. Le curé Barbedette, du Luc, et le vicaire Ténèbre, de Coëx, se livraient à des prédications violentes. L'abbé Remaud, l'ancien membre du conseil de Charette, commissaire général de son armée, son dernier envoyé en Angleterre pour obtenir des secours, lançait des émissaires répandant le faux bruit que la République allait forcer les jeunes gens de la première réquisition à rejoindre les drapeaux ; que, par conséquent, ils devaient quitter leurs demeures et se réinsurger.
Le ministre de la police presse, le 27 septembre, l'arrestation de Remaud. Le général Travot est requis "de prendre les mesures les plus secrètes et les plus efficaces pour rechercher ce prêtre et empêcher que son arrestation ne cause de la rumeur et du trouble". Alexandre-Charles-François Ténèbre seul est découvert, et traduit, aux Sables, devant le tribunal correctionnel, mais presque aussitôt remis en liberté par décision du directeur du jury. Travot explique "que la recherche de Remaud et celle de Barbedette, curé de la très mauvaise commune du Luc, sont restées infructueuses".

Des instructions très pressantes sont adressées par le ministre de la police Sotin "au commissaire du pouvoir exécutif près l'administration centrale de la Vendée" Coyaud, le 25 octobre :
Vous devez, citoyen, déployer la plus grande sévérité contre les prêtres soumis aux lois de 1792 et 1793, qui ne sont rentrés dans votre département que par suite de cette dépravation de l'esprit public qui a failli être funeste à la France.
Il faut que ceux qui ne sont point sortis dans les délais déterminés par la loi du 19 fructidor, soient à l'instant arrêtés et conduits sous bonne et sûre escorte à Rochefort, afin d'y être embarqués pour le lieu qui sera fixé par le Directoire pour leur déportation.
Qu'aucune considération particulière ne vous détourne de vos devoirs. Armez-vous à l'égard de ces individus de toute la rigueur de la loi. Mais l'humanité commande une exception en faveur des sexagénaires et des infirmes, dont l'âge et les infirmités seraient légalement constatés. Ceux-là doivent rester dans leur commune sous une surveillance très sévère. On doit, cependant, continuer d'étendre le voile de l'amnistie seulement sur ceux qui étaient domiciliés dans votre département pendant les troubles et à l'instant de la pacification ; mais si, abusant de cette indulgence, ils excitaient les habitants à la révolte et troublaient la tranquillité publique, vous me les dénonceriez alors nominativement, et le Directoire exécutif, instruit aussitôt par moi, saurait les punir de leur désobéissance et de leur ingratitude.

Sur les 39 inscrits en l'état primitif, 14 furent, par arrêtés directoriaux, désignés pour être immédiatement déportés. Le premier de ces arrêtés, du 8 frimaire an VI, signé par le président du Directoire Barras et contresigné par le ministre Sotin, est ainsi formulé :
Considérant que le nommé Remaud, prêtre réfractaire de la commune de Maché, canton d'Apemont, est un scélérat avéré, qui s'est souillé des plus grands crimes pendant la guerre civile, et qui s'est depuis mis dans le cas d'être recherché comme directeur d'une correspondance établie par les royalistes avec les ennemis extérieurs ; le Directoire exécutif arrête, en vertu de l'article 28 de la loi du 19 fructidor : Le nommé Remaud sera sur-le-champ déporté.
De même date sont les arrêtés expédiés contre les 13 prêtres réfractaires dont les noms suivent :
Les deux Remaud, de Chavagnes-en-Paillers, et Brenugat, de Bazoges-en-Pareds, canton de Saint-Fulgent ;
Allain, de Saint-André-Goule-d'Oie, et Brillaud, de la commune et canton de Saint-Fulgent ;
Jacques Poupeau et Jacques-Louis Doussin, de la commune et canton de Fontenay-le-Peuple ;
Jagueneau, de la commune de la Guyonnière, canton de Montaigu ;
O'Hara, prêtre irlandais, "qui ne doit pas jouir du bénéfice de l'amnistie accordée aux prêtres vendéens, attendu qu'il ne s'est établi en Vendée qu'après la pacification, et qu'il est, d'ailleurs, de fait que le canton de la Roche-sur-Yon est influencé par ce prêtre réfractaire ;
Ténèbre, de la commune de Coëx, canton de Saint-Gilles-sur-Vie, "un des plus ardents provocateurs de désordres" ;
Dion, ex-aumônier des religieuses des Sables, "fanatique outré, que la crainte de la loi, dont il a encouru les rigueurs, oblige à se tenir caché" ;
Mitrecey, de la commune de la Grolle, canton de Roche-Servière, "fanatique très dangereux, qui s'est ligué avec d'autres réfractaires pour ne point se soumettre aux lois de la République" ;
Diguiet, de la commune de Saint-Mesmin, canton de Pouzauges, "fanatique très dangereux, dont l'influence n'a pas peu contribué à retarder l'organisation des autorités constituées dans son canton" ;
Boursier, de la commune et canton de Mouchamps, "fanatique d'autant plus dangereux qu'il a acquis une très grande influence sur les prêtres de son parti et que, sous des dehors paisibles, il ne laisse pas que d'intriguer en secret contre le gouvernement".
Vingt-six autres de l'état nominatif du 6 brumaire dressé par le commissaire près l'administration centrale ne sont pas indiqués pour la déportation, parce que, écrit, le 4 décembre, le ministre Sotin à Coyaud :
Vos notes ne leur étaient pas directement contraires ; je les recommande néanmoins à votre surveillance. L'intention du gouvernement est que tout prêtre vendéen soit, conformément au traité de pacification, ménagé, lorsqu'il se soumettra de bonne foi aux lois républicaines, et puni sévèrement, lorsqu'il troublera la tranquillité publique.

Travot, requis de chercher les prêtres à déporter, doit s'entendre avec Grigny, au commandement duquel Montaigu a été rattaché. Sur les ordres du second de ces généraux, le chef de bataillon de la 70e demi-brigade, Lalène, saisit Boursier, Brenugat et Allain et les dirige sur Rochefort.

Du 18 nivôse an VI (7 janvier 1798), est daté l'arrêté du Directoire exécutif ordonnant de déporter :
Gautier, ex-curé de la commune de Soullans, qui a refusé de prêter le serment prescrit par la loi du 19 fructidor, et qui, en sa qualité de médecin, profession qu'il exerce sans avoir satisfait à la loi sur les patentes, parcourt les campagnes, dont il continue à fanatiser et égarer les habitants.

De même date, transmis par le ministre de la police, le 15 janvier, sont les arrêtés contre :

BARBEDETTEBarbedette (Charles), prêtre réfractaire, du Grand Luc ; - Gruchy et Prousat (Justus), domiciliés à Aizenay ; - Gergaud, ex-curé de Beauvoir ; - Fumolleau et Graffard, de Mouilleron ; - Auger et Benéteau, Vigneron et Letexier, du canton de Tiffauges (A la place du curé de la Bruffière a été arrêté un autre prêtre de la même localité. L'erreur est signalée le 24 janvier, par la municipalité et le commissaire de ce canton, qui, garantissent que "le citoyen Jean-Charles Robert, ex-ministre catholique", a sauvé, durant la guerre civile, plusieurs personnes de la fureur des insurgés, a toujours tenu une conduite irréprochable, ne s'est jamais caché ; a souvent manifesté son désir de se soumettre aux lois, et que les menaces, en général, ont seules été la cause de son retardement.).

Le 15 janvier, Travot informe son supérieur Grouchy que "les curés de la Rabatelière ; de Saint-Etienne-du-Bois et deux prêtres du canton des Essarts ; Robin, d'Aizenay ; Cornu, de la Barotière ; Moreau, de Poiré et Boulineau des Sables, ont prêté le serment de haine à la royauté et à l'anarchie, d'attachement et de fidélité à la République et à la Constitution de l'an III". Le 8 février, l'administration du canton des Brouzils reçoit le serment de "L. Amiaud, prêtre", qui, ayant éprouvé des difficultés à le présenter devant la municipalité de son domicile, est venu l'apporter "à celle de sa naissance".
Sotin ayant quitté le ministère de la police générale, c'est son successeur Dondeau, qui expédie, le 15 février 1798, un arrêté du Directoire exécutif, daté du 15 pluviôse (3 février), ordonnant de déporter le prêtre Prion, de la commune de Châteauneuf, canton de Challans.

Le commissaire départemental Coyaud avait adressé au ministre un nouvel "Etat général des prêtres réfractaires résidant en Vendée et dont la plupart exerçaient publiquement le culte, dans les cantons ci-devant insurgés, avant la loi du 19 fructidor an V", avec désignation de ceux qui avaient été condamnés à la déportation par arrêtés du Directoire exécutif et de ceux qui étaient libres.
On ne retrouve dans cet état, parmi les "condamnés à la déportation arrêtés et conduits à Rochefort", que les ecclésiastiques dont les noms suivent : Ténèbre, de Coëx ; Boursier, de Mouchamps ; Doussin, de Fontenay, et Allain, de Saint-André-Goule-d'Oie ; ces deux derniers se sont déjà évadés. Dix n'ont pu être arrêtés, et un onzième, Poupeau, "âgé de 61 ans, infirme, hors d'état d'être transporté à Rochefort, pour le moment, a été gardé à l'hôpital de Fontenay". Dix-neuf sont restés en liberté, n'exerçant pas. Deux ont prêté le serment du 19 fructidor : les curés Cornu, de la Barotière, et Amiaud, de Mormaison.

Le dernier arrêté concernant la déportation de prêtres de la Vendée a été expédié deux fois par le ministre de la police. Le Carlier, aux dates des 24 floréal et 22 prairial (13 mai et 10 juin 1789) contre Michel Hantraye, de Curzon, canton d'Angles ; il est ainsi motivé :
Ce prêtre a déclaré, dans ses instructions religieuses, et même depuis le 18 fructidor, que le mariage fait devant les autorités constituées, s'il n'était pas ratifié par l'Église, était un concubinage ; de tels discours ne tendent qu'à l'avilissement des institutions républicaines et à troubler l'ordre public et la tranquillité des familles.

D'après un relevé très minutieusement fait sur les procès-verbaux des délibérations du Directoire exécutif, les arrêtés de déportation de prêtres forment, pour les douze mois de l'an VI, le total de 1448.
La subdivision par départements donne, pour la région qui fut le théâtre des guerres de la Vendée, les chiffres suivants :
Deux-Sèvres - 29 prêtres désignés, dont 14 non déportés ;
Maine-et-Loire - 145 prêtres désignés, dont 127 non déportés ;
Loire-Inférieure - 12 prêtres désignés, dont 1 non déporté ;
Vendée - 82 prêtres désignés, dont 24 non déportés.

Des 8 prêtres de la Vendée saisis pour la déportation, 4 restèrent à l'île de Ré et 4 furent compris dans le transport à la Guyane par la Décade. L'un de ces derniers y mourut : Brenugat, vicaire de Bazoges, déportable en 1792, et qui n'avait pas quitté le pays durant toute la guerre civile, à laquelle il prit la part la plus active.

VITRAIL MATHIEU DE GRUCHYUn seul des ecclésiastiques vendéens, - désigné pour la déportation jusqu'après sa mort, - fut jugé et fusillé à Nantes, comme émigré rentré ou plutôt comme étranger, s'étant on ne peut plus compromis, depuis 1791, dans les conspirations cléricales contre-révolutionnaires : Mathieu de Gruchy. Sujet anglais, ancien corsaire de Jersey, prisonnier de guerre, converti du protestantisme au catholicisme à l'hôpital d'Angers, élève du séminaire de Luçon et ordonné prêtre par la protection de Mme de Toucheprès, il avait été son ardent collaborateur dans la "Pétition des non-conformistes de Saint-Mars-la-Réorthe", premier acte de cette campagne contre la Constitution civile du clergé, qu'arrêta un moment Dumouriez et qui, bientôt reprise, aboutit à la grande insurrection de 1793. De ceux qui, en 1792, se firent transporter en Angleterre, il s'était mêlé à l'émigration ecclésiastique et laïque, qui prépara "la croisade" de Quiberon. Avec son intime ami Jean Brumauld de Beauregard, lequel se confessait à cet abbé comme lui à ce chanoine, il avait été ramené, au mois de juillet 1795, pour transmettre à Charette les instructions du gouvernement britannique et des princes français, en même temps que pour reconstituer le clergé réfractaire des anciens diocèses de Luçon et de La Rochelle. Il avait été découvert exerçant les fonctions de curé de Venansault, après le 18 fructidor, et s'était réfugié à Nantes, espérant s'y pourvoir d'un passeport pour Jersey, où, après avoir converti sa soeur, il voulait, dit son biographe (l'abbé du Tressay, chanoine honoraire de Luçon) "convertir sa mère". La municipalité le renvoya d'abord à la justice de paix, qui n'eût pas mieux demandé que de l'aider à obtenir son passeport, s'il avait consenti à prêter le serment de haine à la royauté et à l'anarchie. Mais il s'y refusa ; un officier municipal, ancien prêtre constitutionnel, le reconnut ; il fut emprisonné au Bouffay, traduit devant une commission militaire qui, malgré "l'éloquente plaidoirie de son défenseur", le condamné à mort. Il marcha au supplice, pieds nus et le crucifix à la main, et tomba, sous la troisième décharge du peloton d'exécution, sur la place Viarme, au même endroit que Charette, le 28 novembre 1797.

BRUMAULT DE BEAUREGARD JEANQuand à Jean Brumauld de Beauregard, l'un des plus ardents préparateurs de l'insurrection vendéenne, qui s'était dérobé à la mission d'aller porter le bref du pape contre le faux évêque d'Agra ; qui, à Londres, s'était mêlé à tous les agissements contre la France, aumônier général des corps anglo-émigrés, lorsqu'ils devaient joindre les Vendéens à Granville et quand ils furent conduits à Quiberon, émissaire du cabinet de Saint-James auprès des dernières armées catholiques-royales du Poitou, plénipotentiaire de l'évêque M. de Mercy pour la réorganisation des paroisses dépendantes de Luçon ; opposant violent aux lois républicaines sur l'état civil et propagateur des dévotions les plus propres à surexciter le fanatisme, il eût pu, lui aussi, être livré à la justice militaire et condamné plutôt pour ses actes politiques que pour ses opinions religieuses. Il fut simplement traduit en police correctionnelle, puis devant le tribunal criminel de la Vienne, qui le condamna, le 20 septembre 1797, à six mois de prison et 500 francs d'amende comme "coupable d'avoir exercé, dans des maisons particulières, en présence de plus de 10 personnes, les fonctions de son culte, sans avoir fait la déclaration de soumission et obéissance aux lois". Le 15 décembre suivant, un arrêté du Directoire exécutif ordonnait sa déportation. Il était tiré des prisons de Poitiers et dirigé sur Rochefort, le 7 janvier 1798 ; le 7 août la corvette La Bayonnaise l'emportait à Cayenne. Il fut libéré en vertu des arrêtés consulaires de nivôse et de fructidor an VIII. Le navire qui le ramenait ayant été pris par les Anglais, il fut débarqué en Espagne, d'où il regagna Poitiers. Malgré son intransigeance passée, il ne tarda pas à se rallier à Bonaparte. Evêque de Montauban en 1807, il occupa le siège d'Orléans de 1823 à 1832.

Si l'on compare la déportation ecclésiastique de 1797 - 1799 à celle de 1792, on remarque au premier abord combien elle fut moins nombreuse et moins vivement conduite. On peut observer ensuite que ni l'une ni l'autre ne produisirent l'effet attendu. Car, si la première expulsion des prêtres réfractaires n'empêcha pas la guerre civile, la seconde eut pour résultat, avec la rentrée des proscrits, la restauration de leur religion sous la forme du Concordat.
Évidemment, le Directoire n'aurait pas commis cette faute si Hoche eût vécu. Car celui-ci aurait fait prévaloir sa haute politique de liberté de tous les cultes, sans distinction, hors de l'État ; d'abolition des lois spéciales aux prêtres quelconques, non fonctionnaires publics, laissés à leurs fidèles et entretenus par eux ; de surveillance très attentive des agissements de l'ancien clergé contre-révolutionnaire ; de punition rapide et sévère des actes commis en violation des lois civiles ou des trames ourdies contre la République, le même Code pénal s'appliquant aux ecclésiastiques comme aux laïques.

Mais il est injuste d'accuser les auteurs et les exécuteurs de la loi du 19 fructidor an V d'avoir méthodiquement poursuivi la destruction du culte catholique, prétendu orthodoxe, par l'extermination du clergé réfractaire. En matière religieuse, le Directoire se montra aussi indécis, aussi timide et aussi impuissant que la Convention et son Comité de salut public. Il ne fit rien pour relever le clergé constitutionnel aux dépens de l'autre, et même, plus d'une fois, il en persécuta ses membres, comme leurs adversaires, les trouvant aussi opposants au mariage civil et au divorce ou au repos de la décade républicaine substitué à celui du jour du Seigneur. Si la théophilanthropie obtint, grâce à la protection personnelle du Directeur La Revellière-Lepeaux, la propagation de quelques brochures, l'usage, partagé avec les autres cultes, de diverses églises à Paris, et peut-être de minimes subventions, le Directoire ne tenta rien d'officiel au vue de donner à cette religion philosophique un caractère national, comme avait fait Robespierre pour la reconnaissance de l'Etre suprême et de l'immortalité de l'âme. A peine sut-il soutenir avec persévérance le grand enseignement extra-religieux des fêtes populaires et le calendrier positif de l'ère nouvelle, dont l'habitude était prise, lorsque le catholicisme restauré força Bonaparte à l'abolir en l'an XIV. S'il déploya du zèle pour maintenir et développer les hautes institutions scientifiques de la Révolution, l'Institut, l'Ecole polytechnique, l'Ecole normale, le Bureau des longitudes, le Muséum d'histoire naturelle, le Conservatoire des arts et métiers, etc., s'il développa l'établissement des Écoles centrales dans les départements, il n'eut ni les moyens ni le temps d'ouvrir, dans toutes les communes rurales, avant la réorganisation de l'Église catholique uniforme, des écoles primaires totalement laïques et profondément imbues de l'esprit du XVIIIe siècle.

CH.-L. CHASSIN
La Révolution Française
Revue d'Histoire moderne et contemporaine
Tome trente-cinquième
Juillet-Décembre 1898

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