SURPRENANTE DISCRÉTION D'UN GRAND NOMBRE D'ENFANTS
SURPRENANTE DISCRÉTION D'UN GRAND NOMBRE D'ENFANS
On regarde ordinairement les enfans comme des êtres indiscrets, téméraires, et qu'il est facile d'intimider. Cette opinion peut être vraie dans des temps ordinaires ; mais il faut avouer en même temps que dans des momens de crise, où la mort plaine sur leurs têtes, des enfans, élevés à l'école du malheur, peuvent être susceptibles de la fermeté la plus imperturbable et de la discrétion la plus rare.
Après l'affaire de Savenay, le nommé Cottel, Suisse d'origine, l'un des régisseurs de M. de Lescure, fut pris par les bleus et conduit à Nantes, où Carrier vint bientôt après ; chaque jour on appelait deux cents détenus pour les noyer dans la Loire.
Cottel, voyant sa mort inévitable, prend la résolution de se sauver. Parvenu à sortir de son cachot, il erre de chambre en chambre sans pouvoir trouver une issue pour sortir de la prison. Il arrive enfin dans un appartement assez vaste, où se trouvaient trois cents enfans, dont le plus vieux n'avait pas douze ans. La politique républicaine les avait épargnés pour en faire un jour des mousses et des matelots.
Ces enfans parurent sensibles aux malheurs de Cottel, et prirent entre eux la résolution de lui sauver la vie : comment le dérober aux yeux des argus qui venaient quatre fois par jour pour visiter leur prison ? Comment le nourrir et le cacher.
Ces enfans délibèrent. Ils placent Cottel sous des bottes de paille ; chacun prend sur sa nourriture, pour lui faire une part. Plusieurs mois se passent ainsi ; Robespierre meurt ; la terreur se dissipe ; Cottel reparaît, et obtient sa liberté en qualité de républicain suisse.
Extrait :
Histoire des guerres de la Vendée
et des Chouans
depuis l'année 1792 jusqu'en 1815
Pierre-Victor-Jean Berthre de Bourniseaux
1819