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La Maraîchine Normande
8 octobre 2013

LE CLERGÉ DE LA PAROISSE DE LA BERNARDIERE (85) PENDANT LA RÉVOLUTION

Le Clergé de la paroisse de la Bernardière pendant la révolution

GILLES-VICTORIEN SIMON.

Acte de naissance de Gilles Victorien Simon

M. Gilles-Victorien Simon était né à Châteaubriant, diocèse de Nantes, vers 1727, du légitime mariage de Guillaume Simon et de Anne Babin. Ordonné prêtre le 25 mai 1751, il fut nommé vicaire de son oncle M. Simon, recteur de la Bernardière. Le trois décembre 1759, il prit possession de cette cure.

D'une taille au-dessus de la moyenne, d'une constitution robuste, M. Simon était de forte corpulence, sans avoir trop d'embonpoint. Sa physionomie annonçait du calme, de l'assurance, de la dignité, mais respirait également un air de bonté et de bienveillance qui attirait les coeurs. Ce double aimant rendait l'obéissance facile et agréable.

Le recteur de la Bernardière aimait à parcourir sa paroisse, visitant les divers villages, entrant dans chaque demeure soit pour remplir les devoirs de son ministère, soit pour y porter la consolation et la paix. Il allait souvent au centre des familles pour apaiser les différends survenus entre parents ou voisins.

Dans ses courses, il portait toujours un grand bâton proportionné à sa haute stature. En traversant la campagne, s'il apercevait quelques-uns de ses paroissiens au milieu de leurs champs, il ne manquait jamais de se déranger de sa route pour aller les trouver. Le plus souvent il leur adressait un mot d'amitié pour eux et pour leur famille, ou bien excitait leur zèle refroidi pour la réception des Sacrements et les autres pratiques de la religion. Les vieillards de la Bernardière ont redit bien des fois à leurs enfants ces paroles : "Monsieur le recteur Simon n'avait qu'à parler pour être obéi ... C'était le juge de paix de toute la paroisse. Dans tous nos différends, nous en passions par ce qu'il avait décidé. Nous le consultions en tout, et nous avions toujours de lui des réponses pleines de sagesse qui nous rendaient satisfaits."

M. Simon aimait beaucoup les enfants et les instruisait avec bonheur, à l'exemple, du divin Maître. Sa piété, qui était celle d'un saint, faisait l'édification de tous ses paroissiens. On le louait surtout pour son exactitude aux heures fixées pour les cérémonies publiques de l'Eglise.

Bien que le timbre de sa voix laissât à désirer, ses instructions pleines de simplicité, toujours inspirées par la foi la plus ardente et nourries de piété, étaient goûtées de ses auditeurs. Il parlait presque continuellement de Notre-Seigneur Jésus-Christ, de sa passion, de ses mystères, de la Sainte-Eucharistie, insistant sans cesse sur l'obligation pour les chrétiens d'aimer et d'imiter le Sauveur. N'est-ce pas là, en effet, la religion tout entière ?

Sa charité sans bornes pour les pauvres est demeurée légendaire dans le pays. Il arrivait souvent que les petits fabricants du bourg, peu aisés, n'ayant pu vendre leurs étoffes aux foires voisines, venaient le trouver et lui racontaient leur mésaventure. "Voyons, leur disait-il, vous n'avez donc pas d'argent pour acheter la pochée ?
- Non, Monsieur le recteur, et pourtant la petite famille demande du pain !
- Allez donc à mon grenier, il doit y avoir encore quelques boisseaux de grain !"

M. Simon profitait de son influence dans la paroisse pour y faire beaucoup de bien, et cela de toutes les manières.

En 1790, il réussit à faire nommer de bons officiers municipaux, et, plus tard, de bons agents de la République.
Ces officiers, il est vrai, remplissaient leur charge peu de temps, mais, sur l'avis de leur digne recteur, ils avaient soin de toujours choisir des remplaçants aux idées modérées.

Il est très certain que M. Simon refusa de prêter le serment schismatique avec courage et sans hésiter, mais on ignore les circonstances de ce refus glorieux.
Il se montra en tout, pendant la tourmente révolutionnaire comme avant, le fidèle serviteur de ses paroissiens, le bon pasteur, restant au milieu de son bercail et gardant fidèlement son troupeau, au péril constant de sa vie.

Il fut obligé d'abandonner le ministère public et de commencer à vivre caché, le 15 juillet 1792. Il dut même quitter l'habit ecclésiastique et se vêtir en paysan comme ses paroissiens.
Ainsi déguisé, il allait de village en village, de maison en maison. Partout il était accueilli avec empressement et respecté. Les deux villages qui le cachèrent le plus souvent furent ceux de la Rouvraie et de la Pénissière-de-la-Cour, parce qu'ils étaient perdus au milieu des broussailles.

A la Rouvraie, il y avait, dans une des maisons du village, une petite cachette sombre, sous un escalier, où étaient dissimulés les ornements sacrés et l'argenterie de l'église. Quant au prêtre proscrit, il passait le jour tantôt dans une chambre ou grenier de la maison où se trouvait la cachette, tantôt dans le grenier d'une maison voisine, située au centre du village et habitée par les deux frères Blouin, cultivateurs. Vers le soir, il sortait pour visiter les malades et administrer les sacrements. Il disait la sainte Messe soit dans un greniers, soit dans une grange située dans le même village.

la pénissière

A la Pénissière-de-la-Cour, appelée, depuis 1832, la Pénissière brûlée, il habitait avec le vénérable M. Athanase Hallouin de la Pénissière, seigneur de la paroisse. Ce bon vieillard avait mis à la disposition de son recteur une chambre dérobée. Mais M. Simon ne s'y rendait le plus souvent que vers le milieu de la nuit, pour célébrer la sainte Messe dans la chapelle Saint-Louis, dépendante du manoir. (Le 26 mai 1794, il y enterra son bon paroissien et ami M. Hallouin, âgé de 80 ans).
Heureusement cette gentilhommière ne fut pas découverte par les révolutionnaires et put servir ainsi, pendant longtemps, de refuge à M. Simon. Là, le pieux recteur de la Bernardière, après avoir célébré la sainte Messe, administrait les sacrements de baptême, de pénitence et de mariage, faisait faire la première communion, catéchisait et prêchait.

Quelquefois cependant, quand le danger était trop grand, il remplissait son ministère tantôt dans une grange, tantôt dans les bois, les champs de genêts, et souvent aussi au village de la Rouvraie, dont j'ai parlé.

Jusqu'au 6 avril 1794, époque à laquelle l'église de la Bernardière fut brûlée. M. Simon célébrait ses saintes cérémonies dans l'église même, et y faisait aussi des sépultures. Plus tard, un hangar de l'ancienne cure, appelé le Pressoir, remplaça quelquefois l'église, tantôt la nuit, tantôt le jour. Des personnes dévouées et courageuses, auxquelles il avait confié la pierre consacrée de l'autel et les ornements sacerdotaux, les lui portaient là où il devait se trouver et au moment indiqué.
Pendant ces cérémonies, plus encore qu'en tout autre moment, les paroissiens montraient le plus grand zèle pour protéger leur pasteur. Des sentinelles, placées de distance en distance sur les divers points de la paroisse, avertissaient du danger, en communiquant les unes aux autres, par des signaux ou des cris convenus entre elles. Ce fut grâce à ces précautions et à ce dévouement que le saint prêtre put éviter de tomber entre les mains des révolutionnaires.

Les registres paroissiaux portent que, le 16 janvier 1793, M. Simon baptisa secrètement, dans une maison particulière de la paroisse, un grand nombre d'enfants de la Bernardière et de Treize-Septiers. Le plus âgé était né le 30 juillet de l'année précédente. D'autres baptêmes sont consignés sur quelques feuilles de registres conservées, les autres ayant été perdues. Mais les anciens ont certifié qu'il baptisait toujours le plus tôt possible les enfants qu'on lui apportait dans sa cachette. Souvent il allait les baptiser dans les maisons. Il portait toujours avec lui, ou remettait à des personnes de confiance, les registres paroissiaux où il inscrivait fidèlement les actes de baptêmes, de mariages et de sépultures.

Le 16 septembre 1793, les soldats républicains s'étant emparés de la ville de Montaigu, et le jour suivant de celle de Clisson, M. Simon fut obligé de prendre la fuite.
Le 12 avril 1794, malgré la persécution, il se rendit au bourg de la Bernardière, avec deux autres prêtres, pour faire faire la Pâque à ses paroissiens.
Les petits sacs d'argent contenant les saintes huiles ayant été enlevés par les ennemis, il fixa le 16 mai 1794 pour baptiser les enfants nés depuis le 16 septembre, car il n'avait pu se procurer auparavant les saintes huiles. Beaucoup d'enfants des paroisses environnantes furent baptisés en ce jour.
Le 24 mai 1794, il fit dans l'église la cérémonie de la sépulture de messire Jean Jaguenaud, prêtre sacriste de Saint-Maurice de Montaigu, décédé au village de l'Antrie, paroisse de la Bernardière, à l'âge de 72 ans. On n'a aucun renseignement sur ce digne prêtre qui s'était probablement retiré à sa propriété. Tout ce qu'on sait, c'est qu'il avait refusé le serment schismatique.

M. Simon reprit publiquement son ministère au milieu de l'année 1794, se cacha de nouveau en 1797, 1798 et 1799, et reprit enfin ses fonctions publiques en 1800, cette fois sans obstacle.
Au Concordat, il fut maintenu dans sa paroisse comme curé jusqu'au 8 mai 1803. Il y demeura ensuite comme prêtre habitué signant "ancien recteur" jusqu'au moment de sa mort.

Après avoir conduit si sagement sa paroisse en y faisant l'oeuvre du bon Dieu, il termina une vie si riche en oeuvres saintes et héroïques. Il mourut en paix au presbytère, d'après l'acte de décès suivant :

Le 6 mai 1806, le corps de M. Gilles-Victorin Simon, ancien recteur de cette paroisse, âgé de 79 ans, décédé le 4 mai, au bourg, dans son presbytère, a été inhumé au cimetière en présence de Jean-Baptiste Bureau, notaire à Clisson, son neveu, et de Julienne Lorette son épouse, de Jacques Bureau, prêtre, demeurant au Landet de Clisson et autres qui signent :
Fonteneau, curé de Tilliers - Regain, prêtre - Bouet, desservant de Gétigné - Cralet, recteur de Clisson, Papin, son vicaire - Guérin, desservant de Mouzillon - Cormerais, vicaire de Maisdon - Bouyer, desservant de Sainte-Lumine - Poisson, desservant de Treize-Septiers - Dugast, recteur de la Bruffière - Thouzé, recteur de Saint-Hilaire-de-Loulay - Gaborieau, prêtre.

Ainsi ce saint prêtre voulut mourir au milieu du bercail que lui avait confié le divin Maître, bercail qu'il avait préservé de l'impiété, du schisme, de l'apostasie, avec tant de courage et d'abnégation. On aime à le contempler, dans ses derniers moments, visité par ses bien-aimés paroissiens, leur donnant les plus sages avis, et les bénissant une dernière fois ; et ceux-ci regrettant et pleurant pour eux le départ d'un si zélé pasteur pour l'Eternité, tout en désirant pour ses vertus apostoliques la récompense du ciel qu'il avait si bien méritée.

Au moment où ce pieux confesseur de la Foi voyait enfin accepté du bon Dieu le sacrifice de sa vie qu'il lui avait offerte si généreusement pendant de si longues années, il avait près de lui, pour recueillir son dernier soupir, un ami dévoué, un autre confesseur de la Foi dont je vais parler maintenant.

MATHURIN GABORIEAU

Acte de naissance de Mathurin Gaborieau

M. Mathurin Gaborieau naquit au village de la Brunelière, situé à 1200 mètres du bourg et faisant partie de la paroisse de la Bernardière, du légitime mariage de Pierre Gaborieau, cultivateur et de Françoise Loret, le 20 juillet 1737.
Un de ses neveux était maire de la Bernardière vers 1840.

M. Gaborieau, sans doute revêtu de la dignité sacerdotale vers la fin de l'année 1762, arriva comme vicaire, à la Bernardière, au mois de janvier 1763. Il occupa ce poste, jusqu'au 6 décembre 1771.
En 1774, il devint chanoine semi-prébendé du chapitre ou église collégiale de Clisson, où il resta jusqu'en 1791. A cette époque, le chapitre de Clisson ayant été dissous, M. Gaborieau refusa le serment schismatique à la constitution civile du clergé et fut obligé de se cacher. Il vint alors se joindre à M. Simon, avec lequel il avait déjà exercé le saint ministère à la Bernardière. Tous les deux retrempèrent ensemble leur courage d'apôtre et firent serment au bon Dieu de ne jamais trahir leurs devoirs.

M. l'abbé Mathurin Gaborieau était d'une taille élevée, plus élevée encore que celle de M. le recteur Simon ; mais, sans être précisément frêle, il avait le corps plus élancé. Il jouissait d'un excellent tempérament.
Ses goûts étaient simples. A l'exemple de saint Paul, il aimait la culture du jardin ; on le voyait souvent se reposer de la prière et de l'étude en maniant la pelle et les autres instruments de jardinage.

Il était doué d'un jugement calme et plein de droiture. Sur son visage resplendissait un air de bonté et de mansuétude qui lui conciliait du premier coup les sympathies.
Il a laissé la réputation d'un saint prêtre, pour sa piété, son zèle et surtout sa patience inébranlable à endurer les souffrances et les privations de tous genres dont il fut accablé.

Le 30 juillet 1792, M. Simon et M. Gaborieau se déterminèrent à se séparer l'un de l'autre, pour vivre cachés chacun de son côté. C'était le moyen de faire plus de bien aux fidèles, et aussi de ne pas s'exposer à être pris tous les deux à la fois. Une telle séparation les remplit de tristesse, dans des circonstances si périlleuses.

Comme M. Simon, M. Gaborieau se déguisa sous des habits villageois. Il aurait pu se retirer à la Pénissière de la Cour, où il aurait trouvé un puissant soutien dans M. Hallouin de la Pénissière, dont ses parents étaient fermiers, et où il aurait eu à sa disposition une chapelle pour célébrer la Sainte Messe, mais cette contrée pouvant facilement être administrée par M. Simon, il préféra se retirer dans la paroisse de Treize-Septiers, qui n'avait pas alors de pasteur. (M. Olivier Hugron, curé de Treize-Septiers, fut mis à mort, par les troupes républicaines, à la Bènerie, commune de Couffé, au retour de la déroute du Mans : Emigrés 28 thermidor, an VI fol.41 A. Lallié).

Il se tenait le plus souvent, en 1792 et 1793, au village de la Guyonnière, où il avait d'assez proches parents. Son dessein était de faciliter les secours de la religion aux fidèles de cette paroisse, surtout à ceux qui étaient le plus éloignés du manoir de Melay, où M. l'abbé de la Roche-Saint-André vivait retiré dans sa propriété. Ce dernier disait souvent la messe au village de la Verderie. M. Gaborieau, fidèle imitateur de M. Simon, célébrait les saints mystères, baptisait, mariait, prêchait, etc., dans les maisons particulières, dans les granges.

De temps en temps, il venait trouver M. Simon, à la Rouvraie ou à la Pénissière. Là, passant ensemble quelques instants, ils se fortifiaient par le sacrement de Pénitence, se donnaient de mutuelles consolations, se tenaient au courant des désastres ou des précautions à prendre pour eux et pour les fidèles.

Le 4 août 1795, M. Gaborieau assista au synode du Poiré-sur-Vie. Il continua de desservir la paroisse de Treize-Septiers jusqu'en 1798. A cette date, il se retira à la Bernardière pour aider à M. Simon dans l'exercice du saint Ministère.

A la pacification de 1800, il resta comme vicaire à la Bernardière. Le 9 mai 1803, M. Simon commence à signer comme ancien recteur et de même jusqu'à la fin de décembre 1804. Ce qui porte à croire que M. Gaborieau reçut lui-même le titre de recteur de la paroisse au moment où M. Simon le quitta. Néanmoins, ce n'est qu'en 1805, un an avant la mort de M. Simon, que l'on trouve M. Gaborieau signant comme recteur. Il est probable que M. Simon, trop épuisé, et dans le dessein de s'assurer un digne successeur, le fit nommer curé en donnant sa démission, tout en restant cependant comme aide au presbytère. Le 1er janvier, en effet, commence, comme un nouveau registre dont les actes sont signés : Gaborieau, desservant. Après M. Simon, il resta curé de la paroisse jusqu'au 9 mai 1807, époque de sa mort, selon l'acte suivant de sa sépulture :
" Le 9 mai 1807 a été inhumé dans le cimetière de cette église, le corps de Mathurin Gaborieau, prêtre, ancien chanoine de Clisson et desservant de cette paroisse, décédé hier à l'âge de 70 ans." Suivent les signatures de : J. Boyer, recteur de Sainte-Lumine - Bouët, recteur de Clisson - B. Guevrit, recteur de Mouzillon - Crabil, recteur de Cugand - C. Cormerais, vicaire de Maisdon - R. Baudrit - Et. Guichet - J. Picot - Dugast, recteur de la Bruffière - Papin, vicaire - Delaville, recteur de Clisson - Regain, prêtre.

M. Gaborieau a laissé dans la paroisse de Treize-Septiers et dans celle de la Bernardière, pour son zèle dévoué pendant la Terreur, et pour toutes ses vertus sacerdotales, la même vénération que M. Simon.

Ce vénérable prêtre avait peu de talent pour le chant, mais sa voix, s'il faut en croire la tradition, était cependant moins désagréable que celle de M. Simon. Ses prédications avaient aussi quelque chose de plus frappant et de plus éloquent. Quoiqu'il traitât le plus souvent des vérités de la doctrine chrétienne, il faisait de temps en temps des sermons plus recherchés sur les grandes vérités et sur les devoirs les plus importants de la morale chrétienne. Alors les accents assurés de sa voix et les traits animés de son zèle remplissaient d'émotion ses auditeurs. Les vieillards ne parlaient qu'avec enthousiasme de ses sermons.

La maladie qui devait l'emporter l'arrêta depuis le 22 mars 1807, jusqu'au 8 mai. Durant ce temps, il fut privé de dire la sainte Messe. Dès le commencement de sa maladie, l'autorité ecclésiastique lui envoya, pour administrer la paroisse, M. l'abbé Regain, qui devait lui succéder comme curé. Presque tous ses chers paroissiens reconnaissants allèrent le visiter et se dévouèrent à lui prodiguer leurs soins le jour et la nuit. Il mourut dans les sentiments de la plus sublime piété et du plus ardent désir du bonheur des élus. Les fidèles assistèrent en foule à sa sépulture, unissant leurs larmes, leurs prières et leurs invocations.
C'est un précieux trésor pour la Bernardière d'avoir près de la croix, dans le cimetière, les dépouilles mortelles de ces deux confesseurs de la Foi, auxquels on doit joindre M. Jean Jaguenaud, prêtre sacriste de Saint-Maurice-de-Montaigu.

Rien ne manque à la gloire de la Bernardière pendant la terreur révolutionnaire. Si elle a eu parmi ses prêtres trois confesseurs de la Foi, elle peut aussi revendiquer parmi eux un martyr

JOSEPH RAYMOND DOMINGER DE MEYRACQ

Ce prêtre était né vers 1750, à Nantes, où sa famille habitait sur la place du Change.
Il fut d'abord vicaire à Indre, puis à Saint-Aignan, et enfin à la Bernardière, le 20 décembre 1783.

Tous les anciens de la paroisse étaient unanimes à dire qu'il était remarquable par sa tendre et solide piété. Il priait sans cesse, et partout, lorsqu'il était seul ou qu'il ne remplissait pas quelque fonction incompatible avec la prière extérieure.

Quand on le rencontrait dans les chemins ou les champs de la paroisse se rendant dans les fermes pour son ministère, on le trouvait toujours priant avec ferveur, le bréviaire ou le chapelet à la main. Son dernier acte sur les registres de la paroisse est du 8 décembre 1791. A cette époque, sa mère et ses frères le firent revenir à Nantes, dans leur maison, espérant qu'il y serait plus en sûreté. Sans doute aussi son vénérable curé, M. Simon, afin de le conserver à l'Eglise pour des jours meilleurs, lui fit une sainte obligation de se cacher, persuadé que, de concert avec M. Gaborieau, il suffirait à l'administration de la paroisse de la Bernardière et de celle de Treize-Septiers. Cette séparation, dans ces jours malheureux, dut être douloureuse pour le vieux recteur et le jeune vicaire.

M. de Meyracq, vivant dans un des quartiers de Nantes les plus fréquentés, s'aperçut bientôt que sa retraite était connue des agents révolutionnaires. Du reste, son courage et son zèle généreux l'avaient exposé bien souvent à être reconnu et saisi dans l'exercice continuel de sa charité, ou dans celui de son ministère près des fidèles, si persécutés et si exposés à la séduction surtout dans la ville de Nantes. Alors il se livra, dans le coeur de l'Apôtre un grand combat, excité et soutenu par les plus nobles sentiments. Il craignait, en effet, de compromettre par sa présence la liberté et la vie de sa vieille mère et de ses frères, et de leur faire payer par le martyre leur généreuse hospitalité. Il aurait pu encore se dérober à la fureur des bourreaux en changeant de domicile ; mais assurément ceux-ci, courroucés de voir échapper leur proie, se seraient vengés doublement sur sa famille ... Puis il se rappelait le besoin que l'Eglise avait de ses prêtres, surtout pour remplacer tous ceux que la Révolution barbare avait massacrés et immolait chaque jour ... Enfin, la générosité pour sa famille et le vif désir du martyre l'emportèrent sur tout autre considération : il se fit connaître publiquement.

Saisi par les agents de Carrier, il fut renfermé dans un sombre et humide cachot. On le conduisit aux Carmélites, le 27 avril 1793, et il est inscrit sur l'une des listes de cette prison avec le titre de vicaire de la Bernardière. Il est probable qu'on le transféra dans d'autres prisons jusqu'au 16 novembre 1793, jour où on le fit monter sur le navire la Gloire, pour être noyé dans la Loire.

C'était un triomphe pour la Révolution que de conduire à la mort un prêtre, fils d'une des plus recommandables familles de Nantes. Aussi les cruels bourreaux y mirent-ils le plus de publicité possible. Mais le sain prêtre lui-même, comme un triomphateur qui va recevoir la couronne de la gloire, en traversant les rues qui conduisaient de la prison au bateau infernal, marchait à pas fermes, la tête haute, le visage calme et serein, les yeux tout brillants d'inspirations divines, et tantôt fixés vers le ciel, tantôt arrêtés sur ses parents ou amis, attendris par ce spectacle. Il semblait leur dire : "Ne pleurez pas sur moi, mais pleurez plutôt sur les crimes et sur le sort malheureux de mes bourreaux. Pour moi, je vois le ciel ouvert, et Jésus Christ, mon divin Maître, me présenter la palme glorieuse du martyre". Puis ce fidèle enfant de la Reine des Cieux, qui avait trouvé tant de joie à réciter souvent le chapelet, se l'ayant vu arracher de ses mains pieuses par les révolutionnaires, donnait à sa dévotion un dédommagement solennel, en chantant à voix haute et assuré le beau cantique du B. Père de Montfort :
Je mets ma confiance
Vierge en votre secours.
Servez-moi de défense,
Prenez soin de mes jours.
Et quand ma dernière heure
Viendra fixer mon sort
Obtenez que je meure
De la plus sainte mort.

En montant sur le funeste bateau, il redisait encore les derniers mots de ce pieux refrain. Enfin la soupape s'ouvre et il est englouti dans les flots, pendant qu'il invoque les noms de Jésus et de Marie.

Ainsi mourut ce jeune et saint prêtre, offrant généreusement au bon Dieu sa vie sacerdotale pour la sainte Eglise, pour ses persécuteurs, pour la France, pour Nantes, pour la paroisse de la Bernardière, où il avait laissé son affection la plus tendre et la plus dévouée.

Son corps fut retrouvé dans le voisinage de la Basse-Indre et enseveli avec respect par les habitants ; le monticule sous lequel il reposait fut visité comme un lieu de pèlerinage.

PIERRE HALLOUIN DE LA PENISSIERE

Acte de naissance de Pierre Hallouin de la Pénissière

Ce vénérable prêtre était né au château de la Pénissière, paroisse de la Bernardière, en 1727. Il était doyen de la collégiale de Clisson, depuis le 9 janvier 1776. On le dispensa de venir aux appels à cause de son état de santé. Le 30 août 1792, il fut conduit au château de Nantes où, le 8 septembre 1792, il fit connaître son intention de rester en France. Enfermé aux Carmélites et sur la Thérèse, le conseil de la commune l'autorisa, le 30 juillet 1793, sur certificat du chirurgien Godebert à se faire soigner dans une maison de la ville ; il y fut oublié pendant quelque temps. Arrêté de nouveau par ordre de Goudet, président du comité de surveillance, il fut incarcéré aux Saintes-Claires, avec son neveu, ancien officier. En marge de l'écrou, on lit : "Hallouin, ancien doyen de Clisson, mort le 30 octobre 1793." Son acte de décès, en date du 24 brumaire an II, section de la Concorde et Saint-Léonard, est conforme à l'indication du registre d'écrou. (Alfred Lallié. Le clergé de Nantes.)


Abbé DÉNÉCHAUD.
(Communiqué par M. l'abbé E. FIEVRE)
La Vendée Historique
1897

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