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La Maraîchine Normande
7 octobre 2013

MOUILLERON-EN-PAREDS

MOUILLERON-EN-PAREDS

Mouilleron en Pareds 8

Le joli bourg de Mouilleron est assis au pied d'une chaîne de rochers, couverts de moulins, dans une vallée riche et boisée. Dès longtemps c'était sinon une petite ville du moins un gros bourg, surnommé aux alentours la Ville-Blanche, renom de coquetterie encore assez justement mérité. Jean Sans-Terre s'y arrêta, le 28 août 1206, dans un de ses voyages de Guyenne en Bretagne. Il y avait alors une petite forteresse appuyée sur une vaste église. Cette église, lors de sa reconstruction au commencement du XVe siècle, fut comprise dans le système de défense du fort et reçut des appareils de guerre qui en complétèrent les ouvrages. A une petite distance du bourg, au bord du ruisseau qui en découle, se trouvait une maladrerie destinée à recevoir les lépreux, signe évident d'une population importante.

Le Temple protestant reporte nos souvenirs aux guerres de religion ; ce sont à peu près les seuls que nous ayons à enregistrer. C'est de ce bourg que partirent plusieurs fois les rassemblements qui parcoururent le Bas-Poitou. Les habitants se signalèrent des premiers par leur turbulence en ces jours de troubles. Aucuns prétendent, mais nous ne voulons pas accepter la responsabilité de cette opinion, que cette disposition de tempérament n'a point tout-à-fait disparu, et qu'elle s'est signalée par des indices apparents à chaque période difficile de l'histoire de notre temps.

Dès le principe, en septembre 1362, ils se révoltèrent contre les gendarmes de M. du Lude, gouverneur de la province, et sonnèrent le tocsin. Plusieurs personnes de part et d'autre furent tuées dans cette échauffourée. Un peu avant ou peu de temps après, nous ne savons lequel au juste, "Mouilleron fut entièrement saccagé, avec plusieurs meurtres par un nommé de Lys, et un autre nommé Vitré, estans en la ville de Fontenay-le-Comte". Ceux-là étaient catholiques ; mais les huguenots reprirent bien leur revanche.

Un synode y fut tenu en 1564 ; l'exercice du culte, à partir de ce moment, cessa entièrement. Le curé de Saint-Germain-l'Aiguillier, menacé de mort par les habitants de Mouilleron, dut suivre le même exemple et borner son ministère à l'administration du baptême. L'année suivante, nous trouvons les réformés faisant le prêche dans l'église (18 sept.) ; c'est à ce moment que cet édifice fut pillé et détruit. Le culte protestant se maintint à Mouilleron jusqu'en 1665. En cette année, le 5 août, un arrêt du Conseil d'Etat en interdit l'exercice et ordonna la démolition du temple.

Le 25 avril 1793, Chalbos remporta à Mouilleron un avantage sur les Vendéens. Le curé et le nommé Cahors avaient été condamnés à trois années de bannissement, par la justice de Fontenay, pour avoir poussé les habitants au pillage, en septembre 1789). Il ne paraît pas qu'ils aient subi leur jugement, car le dernier resta longtemps à Mouilleron pendant la guerre, répandant l'épouvante aux environs par le pillage et le meurtre.

L'EGLISE

Elle n'a rien de monumental ; mais quelle autre offrirait à l'étude un modèle plus saisissant des ravages exercés pendant nos guerres, des réparations maladroites que l'on essayait ensuite ! Trois époques s'y reconnaissent, la construction primitive, la reconstruction du commencement du XVe siècle et les réparations entreprises après les guerres de religion.

La construction primitive nous paraît tenir de la fin du style roman. Elle se retrouve dans le premier pilier, à droite de l'entrée A, reconnaissable à la colonne cylindrique à demi engagée, surmontée d'un chapiteau orné de feuilles larges et perlées. La fenêtre longue, au-dessus de la porte, et les trois puissants contreforts voisins, aussi bien que le mur, doivent être attribués au même temps.

La reconstruction du XVe siècle couvrit la vaste superficie occupée par l'église actuelle, par le parterre et par la maison du presbytère. La fureur des religionnaires n'en laissa rien debout. Quand le flot des guerres civiles se fut retiré, l'embarras fut grand pour remettre l'église en état de servir au culte. Le temps des grandes constructions avait passé avec la foi des populations ; tout fut refait à la hâte et avec économie. Ce qui était sur le parterre et le presbytère actuels fut retranché ; les piliers rasés au-dessus des chapitaux recurent un plafond en charpente ; le clocher horriblement ruiné fut repris aux faces du sud et de l'est, que l'on établit sur un lourd massif de maçonnerie en forme de pilier prismatique à huit pans.

Mouilleron en Pareds 10

Quelles circonstances avaient obligé l'architecte du XVe siècle à donner à sa construction une forme aussi étrange ? Tandis que le bas-côté va en diminuant vers le chevet, la nef s'élargit jusqu'à la chaire B pour s'infléchir ensuite à gauche. Etait-ce pour donner à cette partie de l'église le signe symbolique de l'inflexion de la tête du Christ sur la croix, que des antiquaires ont voulu voir en des cas analogues ; ou bien plutôt, après s'être servi du mur et des piliers primitifs, fut-il obligé de subir ce retour pour éviter le trop grand écart de la ligne droite ? Quoi qu'il en soit, en considérant la maigreur des piliers, caractère ou plutôt défaut distinctif de la fin du style ogival, leur excessive distance, l'irrégularité du plan, on ne peut concevoir de quelles voûtes l'architecte put recouvrir son édifice avec de pareilles conditions.
Les trois piliers du milieu, dont un est engagé dans le chevet, sont reliés par les arcades sans style du temps de la réparation. Leur plan est un massif carré dont les angles formant une surface concave ou rentrante, étaient décorés de colonnettes, et dont les faces étaient consolidées par une colonne engagée, à arrête mousse. Des chapiteaux au tailloir-étroit, à la corbeille cylindrique, rehaussés de choux d'un faire peu habile, surmontaient le tout. Les colonnettes de ces piliers ont toutes disparu ; il en a été de même des colonnes dans le sens de la longueur, qui gênaient pour établir le plafond.
Les piliers engagés dans le mur latéral du nord, sont du style des piliers isolés qui leur répondent ; ceux du midi forment un faisceau de cinq colonnettes à arrête mousse, se touchant sans vide, d'un bon style, et ornées de feuillages.
Les fenêtres à ogive équilatérale sont percées au nombre de quatre d'inégale grandeur dans le mur nord, et de deux dans le mur du midi. Elles étaient évidemment divisées par des meneaux pareils à ceux de la fenêtre qui subsiste sous le clocher. Cependant celles du nord semblent avoir été ouvertes après coup dans le mur, au XVe siècle ; on peut supposer en effet que l'architecte n'eût pas établi en ce point des jours qui eussent nui à la défense ; mais qu'elles furent percées lorsque les fortifications, dont était munie cette partie, devinrent plus tard sans objet.
Deux baies existaient dans le chevet qui est rectiligne ; elles sont bouchées par de la maçonnerie. Celle de la nef était très large ; elle devait être divisée par plusieurs meneaux.

Mouilleron en Pareds 3Le chapiteau du pilier engagé, auprès de l'autel, porte l'écusson bien conservé de Dunois, le célèbre bâtard d'Orléans.

Le tableau, placé au-dessus du maître autel, représentant les Pèlerins à Emmaüs, a été donné par le gouvernement, en 1850.

Sous l'autel de la Vierge (D du plan), on conserve des reliques de Saint-Aurèle, martyr, données par le pape Pie IX, en 1846. Une petite médaille fut frappée à l'occasion de leur réception ; d'un côté elle représente S. Aurèle, de l'autre S. Hilaire, sous l'invocation duquel se trouve l'église.

La chaire B, de chêne sculptée (placée en 1848), oeuvre d'un habile artiste de Nantes, est remarquable par son travail. Sur la boiserie de la rampe sont ciselées les scènes du Semeur, de la Pêche miraculeuse et de la Samaritaine. Autour du siège, l'artiste a sculpté la Prédication, Saint-Paul et les Quatre Évangélistes.

La cuve des fonts baptismaux repose sur un fût cylindrique récent, imitant l'antique.

Mouilleron en Pareds 4

A l'extérieur, on remarque d'abord que la porte d'entrée A, a été placée après coup dans le mur primitif ; on trouve que les contreforts voisins sont plus anciens et plus épais que ceux du reste de l'église ; enfin on admire les belles proportions et la hauteur des deux piliers du clocher (le clocher est un carré irrégulier à toit plat. Il contient un carillon de 13 cloches, dues aux fonderies du Mans ; c'est le seul du département.). Leur sommet porte encore les consoles des machicoulis qui les couronnaient. Des vestiges semblables de défense se voient le long du mur du nord et sur les piliers et le mur du chevet, protégés autrefois par des fossés profonds.

Nous nous sommes arrêté à la description de cette église plus longtemps que nous ne ferons pour aucun autre, à cause des nombreuses observations auxquelles elle prête et dont le motif, nous le regrettons au point de vue de l'antiquaire, va disparaître bientôt. Un plan de reconstruction, dont l'exécution partielle va commencer, doit remplacer ces constructions curieuses dans leur incohérence par une nef, deux bas côtés, une abside et deux absidioles, dans le goût du XVe siècle. Ce plan est complet, mais on n'en exécutera pour le moment que les absides.

Sur la FONTAINE, connue probablement des Romains, le Santeuil de l'endroit a fait graver, il y a une trentaine d'années, ce quatrain devenu célèbre dans le pays :
Du superbe Hélicon découlait l'Hippocrène,
N'étant pas celle-ci je suis une fontaine
Qui doit au sieur Mosnay sa nouvelle beauté,
Maire il me rebâtit pour plus d'utilité.
Ces vers ridicules ont été récemment effacés au grand regret des plaisants ; nous en conservons le souvenir pour leur amusement, et pour nous égayer aux dépens de l'excellent maire qui administra la commune pendant tant d'années, et aimait à en rire le premier.

Ce n'est pas la fontaine des Muses : les vers du Poëte nous le disent assez. Peut-être eussent-elles préféré celle de la Fosse, gracieuse fantaisie que l'on croirait enlevée aux jardins d'Académus ; mais les chastes filles de la Grèce pouvaient-elles quitter leurs monts poétiques, pour des vallées hantées par des divinités subalternes aussi compromises ? Fées au visage vermeil ou crochu, sylphes diligents, farfadets et leur suite mystérieuse et ensorcelée, dont notre âge se raille, se plaisaient avec les brises du printemps, par les rafales mugissantes de l'hiver, à mener, la nuit, leurs folles sarabandes sur les rochers de Mouilleron et de Cheffois, dans les ravins, au bord des ruisseaux ombragés. Ils avaient construit à la Fosse une fontaine où ils signalaient leur séjour par plus d'un tour joué aux paysans. M. Fillon en a raconté un des plus intéressants, que nous tenons pour un modèle de notre langage populaire.

Mouilleron en Pareds 5

Cette fontaine forme un petit monument grec à deux étages, dont l'ordonnance ionique est du plus beau style. Une colonne complètement dégagée décorait chaque angle ; une coupole couverte d'imbrications couronnait l'édifice. Les détails sont traités avec un fini remarquable ; l'ensemble est du plus gracieux dessin. La vue que nous en donnons dispensera d'une plus longue description. La base a disparu encombré sous les immondices de l'ignoble cour qui l'entoure.
La date 1557, qui s'y voit, ainsi que l'écusson des Le Vénier (trois cors de chasse), nous rendent défiant pour les données de la légende, et nous font, de préférence, attribuer la construction de la fontaine à Jacques Le Vénier, seigneur alors de la Raymondière et de la Fosse.
La famille Le Vénier, des environs de la Châtaigneraye, avait commencé sa fortune dans le commerce, à la fin du XVe siècle ; elle l'avait complétée dans les tailles. Une fois enrichie, elle s'allia à toutes les familles de la noblesse du pays. Pierre, un des fils de Jacques, d'abord receveur des tailles à Fontenay, parvint à la haute position de président de la chambre des comptes à Paris.
La terre de la Fosse passa ensuite à la famille du Régnier (De la Tour-du-Régnier, en Touraine), et par partie aux Tallensac (De la maison de l'Oudrière - St-Mesmin), puis aux Baudéan-Parabère, qui la vendirent en 1765 avec la Rousselière, à L.-Joseph de Liniers.

La porte d'entrée et l'escalier du château dénotent la même architecture et nous font penser que le corps du logis était du même temps. Cette porte était doublée en dedans d'une curieuse armature en fer. Du château il ne reste plus que des ruines amoncelées.

Mouilleron en Pareds 6

La chapelle située au sud, un peu en dehors des bâtiments, était une pièce sans voûte, ni ornement. Jusqu'en 1793, le curé de Mouilleron était tenu d'y dire la messe, comme chapelain de la seigneurie (qui lui devait pour cet office 12 charges de seigle et 4 barriques de vin).

Il y avait autour de la Fosse des souterrains très-étendus ; le peuple pense qu'ils communiquaient avec le Châtelier et avec la Rousselière, en passant sous le rocher. De semblables contes n'ont pas besoin d'être discutés. Un champ voisin garde le nom de Fosse aux soldats. Des combats y furent-ils livrés ? Les morts y furent-ils inhumés après la bataille ? Notre village en reçut-il son nom ?

La maison noble de la Fosse avait droit de haute, moyenne et basse justice.

Si, après avoir salué la fontaine des Fées, nous allons visiter le Châtelier, en suivant la fraîche vallée du Loing, nous passerons auprès de la petite seigneurie de la Graslière, simple ferme dont les maîtres s'intitulèrent hauts et puissants seigneurs.

LE CHATELIER-PORTAULT

Au nord du Châtelier, de l'autre côté du ravin, un petit promontoire, autrefois baigné par les eaux d'un vaste étang, présente toutes les apparences de fortifications antiques. Peut-être étaient-elles romaines, comme on pourrait l'induire du nom de Châtelier. La forme du terrain est un triangle, dominant sur la vallée, défendu à la vase par un vallum dont la terre avait été rejetée en dedans. Les fondements de constructions placées au sommet ont été arrachées, il y a peu de temps ; sur le reste de l'enceinte, nous n'en avons point retrouvé de traces. Quelles circonstances en amenèrent la ruine, et en quel temps ? Le souvenir s'en est totalement perdu. Le feu dut y jouer son rôle, car on en trouve partout les marques, et il fut si violent que les pierres mêmes entrèrent en fusion. Lorsque le château fut reconstruit vers la fin du XVe siècle, on le porta au midi du ravin, sur un emplacement sans défense.
"Il était alors aux Prévost, originaires du Haut-Poitou qui possédaient plusieurs petits manoirs dans le pays. Un d'eux était avocat à Poitiers, sous Louis XI et Charles VIII, et a donné la première édition imprimée de la Coutume de Poitou, dont il existe un exemplaire, peut-être unique, à la bibliothèque de Poitiers."

Loys Prévost, seigneur du Chastelier-Portault, épousa Paule Chabot, fille d'Artus Chabot, seigneur de Passay, en la paroisse de Vandoeuvre, près Poitiers, et en eut :
1° N., tué en Italie, à la Mirandole, en 1551, par Charry ;
2° Antoine, qui suit ;
3° Honorat, connu sous le nom de Chastelier-Portault, sur lequel nous allons donner quelques détails ;
4° Jean, mort jeune ;
5° Deux filles.

"Antoine, seigneur de la Tour, se maria par contrat du 11 août 1560, passé au Parc-Soubise, avec Marguerite Fumée, fille d'Antoine Fumée, conseiller au Parlement de Paris, et de Françoise du Fau. Fumée ayant été poursuivi comme calviniste s'était réfugié au Parc, près de Jean-de-Parthenay-l'Archevêque, l'un des chefs du protestantisme, qui voulut doter lui-même sa fille. Antoine servit dans les rangs des calvinistes et fut connu sous le nom du Capitaine La Tour".
De ce mariage naquirent :
1° Honorat, seigneur du Châtelier-Portault, marié à Anne Du Prat, de la maison de Nantouillet, qui ne lui donna point d'enfants. Honorat servit avec distinction et devint maréchal-de-camp.
2° Suzanne, femme de Pierre Hélies, seigneur de la Roche-Esnard.
3° Madeleine, femme de Charles Chenu, baron de Cernon et d'Autry, d'une famille du Berry.

Revenons maintenant à Honorat, premier du nom, le principal personnage de la famille.
"HONORAT, dit le Capitaine Chastelier-Portault, servit d'abord en Italie, sous les ordres de Jean de Parthenay-l'Archevêque, seigneur de Soubise, chez lequel il avait été élevé comme page. Son protecteur le présenta ensuite à Coligny et aux princes de la Maison de Navarre, et lui assura surtout les bonnes grâces de Condé, dont il devint le confident et l'âme damnée. Le parti protestant une fois constitué, Honorat se trouva mêlé à toutes ses intrigues et à tous ses dangers. Plusieurs fois on le chargea de missions secrètes de la plus haute importance, et il sut toujours s'en tirer avec adresse. Envoyé en Allemagne pour conclure alliance avec les réformés du pays, il en revint à la tête de troupes nombreuses qu'il était parvenu à y lever. A partir de ce moment, il prit part à une foule de combats, et s'y distingué tellement qu'il arriva très jeune au grade de maréchal-de-camp."

Le traité d'Amboise avait fait cesser les hostilités entre catholiques et protestants ; on était en pleine paix (1563), mais les chefs militaires étaient loin de l'entendre. D'Andelot, colonel général de l'infanterie française, frère de Coligny, avait particulièrement à se plaindre de la hauteur de Charry (Jacques Prévost, sieur de Charry, gentilhomme. Languedocien.), capitaine commandant le régiment des gardes sous Strozzi ; Châtelier-Portault ne pouvait non plus lui pardonner la mort de son frère ; il s'en suivit une rencontre mortelle pour Charry. Voici comment d'Aubigné raconte l'aventure : "Avint qu'en décembre Charry, accompagné du capitaine La Gorette, basque, et d'un autre soldat, fit rencontre de Briemaut, Mouvans et Chastelier ; le dernier des trois ayant à demander à Charry la mort d'un sien frère tué par lui en Piémont, tous les six mettent l'épée à la main ; quelqu'un commence à crier à l'Huguenot, le peuple accourt pour y aider, mais non sitôt que les trois catholiques ne fussent entendus sur le pavé. Tout le pont de Saint-Michel s'esmut contr'eux ; mais ces trois se confians bien l'un de l'autre, percèrent tout ce qui les attaqué sur le qué des Augustins, et gagnèrent leurs chevaux qui les attendaient à la porte de Nesle. Les prescheurs de Paris, et à leur exemple plusieurs autres exagérèrent ce fait, dont suivirent plusieurs esmutes en divers endroits."

De Thou et Brantôme ne donnent pas cette rencontre de la même manière. La reine, qui avait attaché Charry à sa personne, à la recommandation de Montluc, fut très sensible à sa mort. Cependant elle dissimula pour ne point rompre la paix signée avec tant de peine ; elle se contenta de satisfaire l'émotion du peuple de Paris par de magnifiques obsèques qu'elle décerna au défunt. Dans la suite, elle fit condamner à mort par contumace Châtelier et ses tenants, et attacher leur effigie en paille à une potence sur le pont Saint-Michel.
Les catholiques en conçurent contre Châtelier une haine qui fut cruellement assouvie à Jarnac. Il venait de joindre Condé, après avoir ramené sa flotte à la Rochelle ; l'armée protestante déjà refoulée une première fois, s'appuyait sur le ruisseau de Bassac. En cette extrémité, Coligny envoie au prince de Condé l'avis de charger avec sa cavalerie. Le prince, malgré l'infériorité du nombre, mettant Châtelier à la tête des siens (De Thou l'appelle le Capitaine Latour, le confondant avec son frère dont nous avons parlé), donne avec le plus grand courage dans le gros du corps d'armée de Montpensier. Les protestants sont enveloppés en un instant. Il y avait là un grand nombre de Poitevins, Condé, renversé de cheval et obligé de se rendre est assassiné par Montesquiou, capitaine des gardes du duc d'Anjou. Le même sort était réservé à Châtelier, son lieutenant, qui, tandis qu'il encourageait les siens par son exemple, fut renversé avec son cheval tué sous lui, et fait prisonnier. Reconnu aussitôt, il fut massacré de sang-froid par ses ennemis.

Le Châtelier passa dans la maison de Turpin par le mariage de Suzanne, fille de Madeleine Prévost et du baron d'Autruy, avec Louis Lancelot Turpin de Crissé, comte de Sanzay, seigneur de Cherzay. Il en sortit sous lieutenant-général Lancelot comte Turpin de Crissé, qui le vendit par pièces détachées. Le comte Turpin, habile tacticien, littérateur distingué, à qui la Biographie Universelle a consacré un article, est né en 1745 ; il émigra et mourut en Allemagne. Il avait épousé en premières noces Huguette-Gabrielle de Lusignan de Lezay, décédée vers 1755, et en secondes noces Elisabeth-Marie-Constance de Lowendal, fille du maréchal, vainqueur de Berg-op-Zoom.

La famille Turpin est encore représentée auprès de nous par M. le comte Théodore Lancelot Turpin de Crissé, membre de l'Institut, propriétaire dans les marais de Benet, petit-fils du lieutenant-général, de son premier mariage ; et par M. Leroy de la Brière, receveur général du département, arrière petit-fils issu du second mariage. Ces rapprochements de l'histoire seront agréables à nos collègues, car ils rappellent que notre musée doit un tableau au premier et personne n'oublie la part qu'à prise le second à la fondation et à la prospérité de la Société.

Le Châtelier passa plus tard à la famille Majou de la Débutrie, qui le fit démolir en 1844 pour construire à la Rousselière, puis le céda à des spéculateurs qui l'ont vendu en détail.

Cette seigneurie prétendait droit de "tenir les assises de haute justice."

Du château il ne resta plus que la chapelle, petite, voûtée d'arête, style du XVe siècle. Un escalier placé dans l'angle des bâtiments donnait accès aux différentes pièces ; les appartements étaient ornés de sculptures.

Pour compléter l'histoire féodale de Mouilleron, nous mentionnerons encore les seigneuries inférieurs du Petit-Châtelier, de la Roche de Mouilleron, et du Bourg-Laneau, celle-ci située dans le bourg. Ces deux dernières, attachées depuis longtemps au Châtelier, en furent détachées en 1769 époque où Maximilien Arnault, sieur de la Mothe, les acheta du comte Turpin. La seigneurie de la Roche avait alors, avec un petit château, une tuilerie, une futaie, et deux métairies.

Mais le seigneur supérieur et haut justicier était celui de Vouvant, qui s'intitulait Seigneur des baronnies et seigneuries de Vouvant, Mervant, Mouilleron, Puy-de-Serre, Saint-Hilaire-sur-l'Autise, etc. Il avait dans l'église les prérogatives attachées au premier rang seigneurial ; ses armes s'y voient sur le chapiteau du pilier du choeur.

ADMINISTRATION

La révolution avait fait de ce bourg, un chef-lieu de canton pendant l'existence des districts. Sa circonscription comprenait les communes de Bazoges, le Tallud, Chavagnes, Monsireigne, Tillay, Sainte-Gemme-des-Bruyères et Saint-Germain-l'Aiguiller. Ce souvenir lui est resté comme un rêve d'ambition auquel les communes voisines se seraient fort bien prêtées. A plusieurs reprises, l'excellent maire (M. Mosnay, mort en 1855) qui l'a administré pendant plus de 30 ans a songé à demander pour lui la création d'un chef-lieu de canton démembré de ceux de Pouzauges, de la Châtaigneraye et de Sainte-Hermine. Sous l'habile direction administrative, dont nous venons de parler, les rues et les places se sont nivelées et alignées, les établissements réparés, les chemins ouverts ou améliorés, les constructions particulières elles-mêmes se sont embellies.

INDUSTRIE

Anciennement on y voyait, comme dans tout le pays, des fabriques qui ont cessé de fonctionner : Dufour dit qu'il s'y faisait de la Sergette. Un grand nombre de journaliers vont dans les plaines, à l'époque de la moisson, pour aider à couper le blé.
Trois moulins à eau et 14 à vent font tourner 19 meules.
Deux tuileries, une à la Roche, dont la terre est très pure, et l'autre à la Darotière. - Une poterie dans le bourg

Foires, bonnes pour toute espèce de bestiaux, le 1er mercredi de janvier, février, mars, avril, mai, juin, et le 4e de septembre.
Halle pour les marchands.
Marchés, tous les vendredis.
Assemblée, le 2e dimanche de juin, créée le 9 mai 1851.

Le sol est boisé ; le châtaignier y vient à merveille.

moulins des de Lattre

L'aspect du pays est celui du reste du Bocage ; mais les rochers avec leurs 17 moulins, dont 4 en ruine, offrent les plus belles perspectives. Tous ces moulins furent brûlés en 1793. Du côté de Cheffois, la chaîne se termine brusquement. Les rochers abruptes s'échappent des entrailles de la terre, entassés en tumulte, présentant l'image d'une des plus grandes scènes de la nature. La composition en est le quartz gris blanc.

Annuaire départemental de la Société d'émulation de la Vendée
1856

LES TROUBLES DE MOUILLERON-EN-PAREDS ET DE PLUSIEURS PAROISSES DES ENVIRONS DE LA CHATAIGNERAIE

A la fin de l'année 1789 et au commencement de 1790, était très répandue en Bretagne et dans le Poitou une brochure anonyme, attribuée par les uns au comte d'Agoult et par les autres au marquis de Favras : Ouvrez donc les yeux !
"Ouvrez donc les yeux, Français, mes chers concitoyens ! Vous êtes très malheureux, quand vous pensiez jouir de la félicité la plus parfaite ; vous déchirez en lambeaux le plus beau, le plus riche royaume de la terre, et ce royaume est à vous ! ... Vous étiez dans tous les temps la Nation la plus polie, la plus généreuse, la plus aimable de toutes les nations civilisées ; vous êtes aujourd'hui la plus farouche ! ..."

La journée du 14 juillet et la fuite du comte d'Artois, les journées des 5 et 6 octobre, "la captivité du Roi" à Paris, les incendies de châteaux et les prétendus accaparements de grains, étaient racontés en termes véhéments, de manière à représenter l'Assemblée nationale comme la cause de toutes les horreurs commises par la populace de Paris et de tous les maux soufferts par les populations des campagnes. Les remèdes indiqués étaient la dissolution des Etats généraux usurpateurs, la rentrée du Roi dans la plénitude de son autorité, la restitution à la Noblesse de tous ses droits, en un mot la restauration totale de l'ancien Régime.

Cette brochure donnait le mot d'ordre aux gentilshommes de province de surexciter les craintes de famine et de soulever les populations contre les décrets ordonnant la libre circulation des céréales. Elle produisit plusieurs émeutes dans la région vendéenne, à Bressuire, à Saint-Amand-sur-Sèvre, à Mouchamp. La plus grave fut celle de Mouilleron-en-Pareds et d'une vingtaine de villages environnants.

Le lieutenant de la maréchaussée à Fontenay-le-Comte, Guerry de la Barre, écrivait à son chef, à Poitiers, le 8 janvier 1790 :
... La rébellion était prête à éclater dans plus de vingt paroisses entre Mouchamp et la Forêt-sur-Sèvre, quand la procédure de la maréchaussée de Fontenay a mis fin aux complots. Tous les environs de la Châtaigneraie étaient secrètement invités par des émissaires étrangers au pays, qui répandaient le bruit de la hausse du prix du blé, qu'on allait réquisitionner pour le port de Rochefort et pour la Touraine. Un de ces émissaires a remis au nommé Béziau, d'Antigny, bordier de M. Julliot, un ballot d'imprimés, dont la plupart ont pour titre : Ouvrez donc les yeux ! sont injurieux pour l'Assemblée nationale et contraires à l'ordre public.
Vers la Forêt, les domestiques de M. Baudry d'Asson ont été dénoncés pour avoir dit, le dimanche d'avant la révolte de Mouilleron, au peuple assemblé aux portes des églises de Saint-Marsault et de Saint-Pierre-du-Chemin, que l'Assemblée nationale voulait faire mourir les Français de faim ; qu'il n'y avait qu'un remède au mal, c'était de taxer le blé, de faire des greniers publics, et de nommer un chef pour commander les paroisses ; leur maître était désigné par eux comme disposé à se mettre à leur tête s'il était demandé d'un consentement unanime.

La femme du docteur Gallot, député du Poitou à l'Assemblée nationale, avait parlé avec énergie aux révoltés de Mouilleron, qu'elle habitait ; mais ses efforts pour empêcher de saisir les blés avaient été contrariés par le prieur-curé de la paroisse, "qui disait qu'il fallait céder à la force, au lieu de calmer les peuples, comme il le pouvait d'un mot."

J.-G. Gallot publia à Paris, le 22 janvier, et fit distribuer dans toutes les communes où l'agitation s'était produite une Adresse aux habitants du district de la Châtaigneraie, dont voici les principaux passages :
Mes chers concitoyens,
C'est avec la plus vive douleur que j'ai été informé des mouvements d'insurrection auxquels sont portés quelques-uns d'entre vous. Sous le prétexte de diminuer le prix du blé, on a fait des visites dans les greniers ; on a enlevé les grains, on les a soumis à une taxe arbitraire ... On vous a égarés, mes chers compatriotes ; ce n'est pas ainsi qu'il faut se conduire ...
Considérez chez quelles personnes ont été commis ces attentats ... N'est-ce pas chez celles qui ont constamment offert des secours aux malheureux, qui ont refusé de vendre leurs grains à la récolte pour le conserver sur les lieux pendant l'hiver, pour en faire les avances aux moins aisés et même pour le leur donner ? ...
Ils ne s'occupent, vos représentants, que d'assurer pour vous les avantages d'une bonne et sage Constitution en vous rendant les droits de citoyens, dans quelque classe de la société que vous soyez placés.
Vous allez vous donner vous-mêmes, par un libre choix, des officiers municipaux, des administrateurs de district et de département, de nouveaux députés pour la prochaine législature ; enfin, les juges mêmes des tribunaux seront choisis par vous ...
Mais, chers compatriotes, autant vous devez vous enorgueillir des droits sacrés, imprescriptibles que vous avez recouvrés, autant vous devez être soumis aux lois et aux décrets de l'Assemblée nationale, de qui vous tenez ces biens inestimables ; ce que vous prouverez par votre obéissance aux ordres du Monarque bienfaisant qui a voulu se dire le Restaurateur de la liberté française. Et pour cela il ne faut rien faire contre le bon ordre, il faut acquitter les impôts avec exactitude, et ce n'est qu'à ce prix que la classe la moins fortunée peut espérer des secours publics et particuliers.

Le prieur-curé de Mouilleron-en-Pareds, Guinefolleau, qui était en même temps maire de la commune, fut poursuivi comme l'un des chefs de l'émeute et condamné par contumace, le 22 juillet 1790, au bannissement pour trois ans.

On remarquera que cette condamnation d'un prêtre est antérieure aux agitations causées par la Constitution civile ; elle prouve que l'emploi de l'influence du bas Clergé sur les populations rurales entra, dès le début, dans les plans des conspirateurs de la Noblesse.

Extrait :
La préparation de la guerre de Vendée
1789-1793
Tome 1
par Ch.-L. Chassin

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