LE CLERGÉ VENDÉEN SOUS LA RÉVOLUTION - NOIRMOUTIER
LE CLERGÉ VENDÉEN SOUS LA RÉVOLUTION
NOIRMOUTIER
Le clergé de l'île de Noirmoutier se composait en 1790, sauf erreur, de douze prêtres au total, tant séculiers, curés et vicaires de Saint-Philbert et de Barbâtre, chapelain de l'Epine, que réguliers, religieux de l'abbaye cistercienne de Notre-Dame de la Blanche. C'étaient Messire Jacques Guyard, né à Parcé, en Anjou, vers 1730, qui avait succédé à la cure de Noirmoutier à son oncle Christophe Guyard (1757-1769) ; Messire Pierre Bousseau, né à Bazoges-en-Paillers le 7 décembre 1734, dont le père, Me Eusèbe Bousseau, était alors procureur fiscal et qui, après avoir pris en Sorbonne le grade de bachelier en théologie, professé la philosophie au séminaire de Luçon et un vicariat de quatre ans à Noirmoutier, avait pris possession en février 1763 de la cure de Barbâtre ; M. François-Paul Payrault, originaire de la Bruffière (1735), vicaire à Noirmoutier de 1764 à 1770, chapelain de l'Epine depuis 1771 ; MM. Chagnoleau, Aimé Palvadeau, Grondin et Liboire Deshayes, respectivement vicaires, les deux premiers, de Noirmoutier, les autres, de Barbâtre, et Joseph Maublanc, simple bénéficier (chapellerie de Saint-Laurent) à Noirmoutier. Les religieux de la Blanche étaient au nombre de quatre : Dom Antoine-Pierre-Abraham Graux, le prieur ; Dom Frédéric Graux, son frère ; Dom Jean-Baptiste Cousin et Dom François Gaullard.
Sous l'influence de Dom Abraham Graux, qui jouissait parmi ses confrères d'une réputation méritée de science et de piété - il était Docteur en Sorbonne - à laquelle se joignaient une distinction naturelle et une grande affabilité, tous les ecclésiastiques, d'un commun accord, prêtèrent d'abord le serment à la Constitution civile du Clergé.
Cette prestation se fit solennellement en l'église de Noirmoutier, le 27 février 1791, ainsi que l'indique la lettre suivante datée de ce jour-là même, adressée par la Municipalité au District de Challans :
"Nous nous empressons de vous apprendre que nous venons d'être témoins, ainsi que toute la paroisse, de la prestation du serment des ecclésiastiques fonctionnaires publics de notre paroisse sans aucune restriction quelconque, ce dont nous étions assurés d'avance par le patriotisme que nous leur connaissons et dont nous avons eu des preuves en diverses circonstances. Le courrier prochain vous portera le procès-verbal de la cérémonie ..."
A cette occasion, le vicaire de Noirmoutier, Chagnoleau prononça, immédiatement avant le serment, un discours, un peu long, mais fort curieux, dont l'intérêt vaut, sans doute, qu'on le reproduise ici :
"Patriotes,
Par principes autant que par inclinations nous avons toujours professé un entier dévouement à notre patrie, à la personne sacrée du Roy, et la soumission la plus parfaite aux lois qu'ils ont promulguées. Ces sentiments profondément gravés dans nos coeurs, ont toujours fait la règle de notre conduite ; aussi nous sommes-nous fait un devoir indispensable du moment qu'il a plu à la divine Providence nous placer parmi vous, de vous engager à la pratique de ces vertus, autant par nos discours que par nos exemples. Persuadés que la Religion nous impose à tous cette obligation et qu'on ne peut remplir les devoirs du Christianisme sans être vraiment patriote, nous avons toujours principalement insisté sur cette maxime que l'apôtre saint Paul recommandait avec tant d'insistance aux fidèles de son temps : "Mes frères, leur disait-il, soyez soumis et obéissants aux princes de la terre, car toute puissance est émanée de Dieu, et celui qui résiste résiste à Dieu même.
Et certes, mes frères, pouvons-nous douter que la Religion elle-même ne nous impose l'obligation d'obéir dans le temporel aux princes et aux lois qui nous gouvernent ? Jésus-Christ, notre divin chef, notre modèle et notre souverain législateur, ne nous a-t-il pas fait un précepte, et donné l'exemple ? N'a-t-il pas obéi ? N'a-t-il pas payé le tribut à César, et en ordonnant à ses disciples de rendre à Dieu ce qui appartient à Dieu, ne leur a-t-il pas ordonné aussi de rendre à César ce qui appartient à César ?
Oui, mes frères, ministres du Très-Haut, dispensateurs des mystères de Jésus-Christ sur la terre, nous sommes dans la foi et dans l'ordre spirituel vos chefs et vos pères, mais dans l'ordre civil et politique, nous nous glorifions d'ête vos parents et vos amis ; citoyens comme vous, nous devons nous faire un devoir d'être soumis aux lois de la nation qui nous reçoit dans son sein et qui nous accorde sa protection.
Guidés par ces principes, nous y avons toujours conformé notre conduite, et l'obéissance aux lois de l'Etat et de l'Eglise, l'amour de la Patrie, la Paix, l'Union, la Charité et la Concorde entre vous en ont toujours fait le fond et la base.
Notre patriotisme, exempt de tout reproche, doit donc être à l'agri de tout soupçon. S'il vous restait encore quelque doute, nous vous dirions : Ouvrez les registres de votre municipalité, rappelez-vous ces différentes assemblées où vous nous fîtes l'honneur d'opiner avec vous ; rappelez-vous surtout ce jour mémorable où la France entière parut aux pieds sacrés de l'autel de la Patrie. N'avons-nous pas comme vous et avec vous juré une inviolable fidélité à la Nation, à la Loi, au Roy et à la nouvelle Constitution ? Lisez et vous y trouverez notre serment inscrit à côté des vôtres.
Cependant, Messieurs, puisque l'Assemblée Nationale nous prescrit de réitérer aujourd'hui, en qualité de fonctionnaires publics ecclésiastiques, le serment déjà prêté tant de fois en qualité de citoyens actifs, ne nous imposant point d'autre obligation que celles que nous avons contractées comme vous, nos principes n'ayant point varié, nous n'hésitons point à le répéter aujourd'hui devant vous. Dieu nous est témoin, et nous nous flattons que vous nous rendrez justice. Nous écartons en ce moment toute considération humaine et politique, tout intérêt personnel, et ne consultant que le bien de la paix et de la religion même, nous n'écoutons que la voix de notre conscience.
Puisse ce nouvel exemple de notre soumission aux lois de notre Patrie vous inspirer à vous-mêmes l'obéissance que vous lui avez jurée, afin qu'unis tous ensemble par ces mêmes liens et le même engagement, nous puissions tous concourir avec les augustes représentants de la Nation au bien général de l'Etat et de l'Eglise et à la félicité publique et particulière.
Daigne surtout le Seigneur conserver parmi nous jusqu'à la consommation des siècles le précieux dépôt de la Foi et de la Religion ! Oui, cette religion des Clovis et des Charlemagne, cette Religion pour laquelle tant de martyrs ont versé leur sang jusqu'à la dernière goutte, cette religion sainte dans laquelle nous sommes nés et qui nous a été transmise par nos pères jusqu'à ce jour pure et sans tache, cette religion pour laquelle, s'il était nécessaire, nous devrions aussi verser notre sang plutôt que de l'abandonner ! Tels sont, mes frères, nos sentiments personnels, dans lesquels nous déclarons vouloir, avec la grâce de Dieu, vivre et mourir avec vous.
Pour notre consolation, nous aimons aussi à nous persuader que ce sont là les vôtres. Au surplus, mes frères, pourquoi nous montrerions-nous aujourd'hui réfractaires, au décret de l'Assemblée Nationale ? Nous vous scandaliserions sans doute et notre refus ne serait excusable qu'autant que le décret contrarierait à notre connaissance ou la loi de Dieu ou les principes de notre propre conscience. Ah ! dans ce cas, nous n'hésiterions pas un seul instant et nous sacrifierions à l'exemple des Apôtres, et comme ils le dirent autrefois aux législateurs de l'Aéropage, nous, nous le dirions aujourd'hui nettement à vous-mêmes : Quand les hommes sont en opposition avec Dieu, il vaut mieux obéir à Dieu qu'aux hommes.
Mais non, mes frères, et rendons-en grâce au Dieu des miséricordes, la circonstance où nous nous trouvons n'est point de cette nature. Les augustes représentants de la Nation ont bien eu le soin de nous rassurer à ce sujet, de calmer les inquiétudes que quelques personnes avaient conçues au premier aperçu du serment décrété, et d'écarter les bruits faux et injurieux par lesquels on avait voulu attaquer même jusqu'à leurs intentions. Par leur instruction du 21 janvier dernier, que nous venons de lire, vous avez sans doute remarqué avec plaisir qu'ils nous disent positivement que la Religion catholique, apostolique et romaine demeure toujours la religion de l'Etat, que, puisqu'ils en assurent le culte public et l'entretien de ses ministres, leur intention est de la perpétuer parmi nous. Vous aurez aussi remarqué qu'ils assurent qu'ils n'entendent point toucher à la religion ni à l'autorité spirituelle de l'Eglise, dont ils reconnaissent l'indépendance de l'autorité civile et temporelle. Ils confessent hautement dans la même instruction que la Religion est l'oeuvre de Dieu et qu'étant instituée par J.C. lui-même, nulle puissance sur la terre n'a droit d'y porter atteinte. Ils professent enfin que notre Saint Père le Pape, successeur du prince des Apôtres, est le chef visible de l'Eglise et le vicaire de J.C. sur la terre, le centre de l'unité de foi et de toute la catholicité. Ils nous assurent en un mot que leur intention est de ne toucher qu'aux objets civils et politiques sur lesquels, sans contredit, ils ont le souverain droit de statuer.
Or, d'après toutes les vérités du salut et de la Foi sauvées, d'après leurs intentions clairement manifestées dans leurs instructions du 21 janvier dernier, en un mot, d'après les assurances qu'ils nous y donnent, que devons-nous appréhender ? Laissons-les régler ce qui regarde le civil et le temporel. Conjurons le Seigneur de répandre sur eux ses lumières et ses bénédictions, et bientôt nous recueillerons le doux fruit de leurs travaux.
Pour nous, pleins de confiance dans leurs assertions, et d'après l'assurance qu'ils nous donnent dans leurs instructions, nous jurons, etc ..."
Le Maire de Noirmoutier, Charles Mourain de l'Herbaudière - celui-là même qui sera guillotiné aux Sables le 3 mai 1793 - répondit en ces termes :
"Votre patriotisme, Messieurs, nous est assez connu au Conseil général de cette Municipalité et paroisse, pour croire que les principes de la Religion le fortifient encore de plus en plus. La dernière instruction décrétée par l'Assemblée Nationale le 21 janvier dernier et sanctionnée par le Roy le 26 du même mois est une preuve bien convaincante que la Religion catholique, apostolique et romaine sera maintenue et conservée moyennant la grâce de Dieu. C'est ce que nous espérons et nous faisons les mêmes voeux que le clergé de France."
Cependant le curé de Noirmoutier, Messire Jacques Guyart, n'avait point pris part à la cérémonie, retenu qu'il était alors par la maladie :
"Monsieur, lui avaient écrit les officiers municipaux, nous avons reçu votre lettre par laquelle nous voyons avec peine que votre maladie ne vous permet pas de prêter aujourd'hui votre serment civique. De toutes manières, nous en sommes punis. Mais nous le recevrons avec plaisir par écrit sur l'assurance que vous nous donnerez de le répéter de vive voix aussitôt que votre santé vous permettra de célébrer la grande messe. Il en sera fait acte au procès-verbal de ce jour en constatant celui de MMrs les vicaires. A l'effet de quoi nous allons nous rendre à la messe que nous vous prions de faire avancer d'une demi-heure, s'il est possible, pour que MMrs les députés du district qui se disposent à partir aussitôt la cérémonie puissent porter avec eux le procès-verbal. Nous sommes, etc ..."
Ce n'est que le 8 avril que M. Guyard prononça, dans son église, en présence des autorités municipales et de la garde nationale de l'île, le serment requis.
Mais, régulièrement tenu au courant de ce qui se passait dans son diocèse, l'évêque de Luçon, Mgr de Mercy, exilé en Suisse, répondait longuement, le 27 mars 1791, à une adresse de fidélité que lui avait envoyée le curé de Sallertaine au nom des prêtres réfractaires du Marais, et déclarait entre autres choses : "Je ne reviens pas de la désertion de tous les prêtres de Noirmoutier. Jamais ma confiance ne fut plus cruellement trompée. Ah ! s'ils pouvaient lire dans mon coeur, ils ne supporteraient pas le spectacle de la douleur qu'ils me causent ; ils se reprocheraient d'affliger aussi sensiblement un père qui les a si tendrement aimés. Mais il s'en faut que je les regarde comme perdus pour moi et pour l'Église ; ils nous reviendront, j'en suis sûr, je le demande avec de trop vives instances au Père des miséricordes ; ils verront et vous verrez avec eux le Bref que le Pape vient d'adresser à M. l'Archevêque de Sens et ils ne douteront plus de la façon de penser du Chef de l'Eglise. Ils se convaincront qu'il est uni de sentiments avec les évêques de France et que la doctrine que nous avons annoncée et défendue est véritablement celle de l'Église ..."
Le souhait du prélat ne devait pas tarder à se réaliser. Dès le 22 juin 1791, par lettre adressée à la Municipalité, M. Guyard rétractait son serment, suivi de tous les prêtres de l'île, à l'exception d'un seul qui deviendra peu après curé constitutionnel de Noirmoutier.
Pareille situation ne fut certes pas sans embarrasser quelque peu la Municipalité, soucieuse à la fois de faire respecter la loi et aussi de conserver ses prêtres, en faveur desquels elle se hasardera plusieurs fois à de timides démarches. Ainsi écrit-elle au Département le 23 mars 1792 :
"Quoique tous nos prêtres soient réfractaires, excepté un, nous ne nous sommes pas aperçus qu'ils aient manqué aux devoirs que leur impose leur ministère". C'était reconnaître, que, somme toute, rien n'était changé jusqu'alors dans la situation de l'île.
Néanmoins, presque partout depuis juillet 1791, les insermentés avaient dû céder la place aux curés constitutionnels qui avaient vu, dans l'immense majorité des paroisses, le vide se faire autour d'eux. Des bruits couraient de mesures graves imminentes contre les réfractaires et la Municipalité de Noirmoutier, faisant part au District de Challans de ses craintes que pareilles mesures n'amenassent une certaine fermentation dans les esprits, demandait, le 16 juillet 1792, que l'on envoyât dans l'île une brigade de gendarmerie et ajoutait : "Nous touchons à l'instant où nous avons à appréhender la crise que nous avons vu se passer chez nos voisins. Nos prêtres, instruits de l'arrêté du département, se sont trouvés alarmés et paraissent chercher à s'y soustraire. Ils sont venus à cet effet nous demander des passeports pour l'étranger ..."
Par retour, le directoire du District répondait (17 juillet) en des termes dont la mauvaise foi est évidente. Les administrateurs pouvaient-ils ignorer vraiment l'arrêté du 30 juin précédent ? et se faire illusion sur les véritables sentiments des populations vendéennes ?
"A l'instant nous recevons votre dépêche du 16 courant à laquelle nous nous empressons de répondre. Vos prêtres sont plus instruits que nous, car nous ne connaissons encore point d'arrêté du département qui puisse les concerner. C'est sans doute l'envie qu'ils ont de troubler la paix et la tranquillité qui régnaient dans votre île qui leur fait prendre le parti de feindre une émigration. Nous voudrions de tout notre coeur avoir dans notre disposition des prêtres assermentés à vous donner aussitôt l'éloignement des vôtres. Il y a déjà dans ce district beaucoup de paroisses qui se trouvent sans cette espèce d'hommes qui ne tendent qu'à la désorganisation générale des pouvoirs constitués. Et depuis leur départ le peuple est infiniment plus tranquille. Nous espérons qu'il en sera de même dans votre île. Vos prêtres dissidents n'auront pas plutôt quitté leurs foyers que vous verrez promptement renaître la tranquillité. Sur la crainte que vous avez que leur départ n'apporte des troubles dans votre île, nous voudrions pouvoir vous rassurer en vous envoyant de la force armée, mais vous savez comme nous que c'est nous réduire à l'impossible. Depuis longtemps nous demandons de la troupe au département sans pouvoir en obtenir. Comme l'on a besoin de toutes nos forces aux frontières, on laisse aux bons citoyens le soin de garder leurs foyers. Nous ne pouvons dans ce moment vous envoyer la gendarmerie de Challans, elle nous est à chaque instant d'une utilité majeure pour tout ce qui nous environne, et depuis deux jours elle est en course pour différents crimes qui viennent de se commettre. Nous sommes obligés en ce moment de laisser à votre prudence, à votre civisme, ainsi qu'à celui de vos gardes nationaux le soin de maintenir le bon ordre et d'empêcher le repos public d'être troublé. Comme vous avez des armes et des hommes armés, vous devez empêcher vos prêtres de faire soulever le peuple. Nous allons donner ce soir avis au département de votre situation. Nous vous engageons d'employer tous les moyens que vous avez pour éclairer votre peuple et pour lui démontrer les menaces continuelles de tous les prêtres non assermentés ; nous vous engageons aussi de nous instruire de ce qui peut arriver sur le départ projeté de ces perturbateurs publics.
Les administrateurs composant le directoire du district de Challans :
Signé : Boursier, Merlet, fils - Mourain."
Cette homélie n'avait rien de convaincant ni de nouveau : la municipalité de Noirmoutier, appuyée par celle de Barbâtre, intervenait encore le 7 août auprès du Département et du District en faveur de ses prêtres, prévenant le Département que "l'instant de la cessation du culte peut être celui d'une commotion générale", et que "l'expulsion des réfractaires par la force armée présenterait de graves inconvénients ..."
"La soumission aux lois, lit-on dans la lettre adressée au District, est le plus sacré devoir des corps administratifs auxquels l'exécution en est confiée. Ceux subordonnés aiment à se pénétrer des actes des corps supérieurs, rendus à raison des circonstances ou localités, mais qui ne sont pas généralement applicables. Le préambule de l'arrêté du Conseil du Département de la Vendée du 30 juin dernier et dont nous sommes chargés de l'exécution porte une contradiction. D'après ses termes, il dépose sur le bureau les plaintes réitérées des districts et de presque toutes les municipalités. Ce sont des coupables dénoncés que l'administration du département a voulu punir. Elle aimera, ainsi que tous les corps administratifs distinguer parmi ceux qui ne sont coupables que d'un préjugé que des considérations humaines les empêchent d'avoueret qui d'ailleurs n'ont donné aucune impulsion troublant l'ordre public. Les municipalités de Noirmoutier n'oseront pas, Messieurs, demeurer les seuls garants des sentiments de chacun d'eux, mais la notoriété en faveur des sieurs Guyard, curé de Noirmoutier, Bousseau, curé de Barbâtre, et le Sr Payrault, desservant au centre des deux paroisses, nous font vous observer, Messieurs, que la responsabilité prononcée par le dit arrêté contre les municipalités ne peuvent balancer les dangers éminents que présente l'exécution de la même loi. Les municipalités de Noirmoutier regardent comme plus facile de se disculper de l'inexécution avec leurs protestations d'une entière soumission, que des évènements malheureux que la même exécution peut entraîner. Et vous vous en pénétrer, Messieurs, représentez-vous 6.000 âmes peu instruites qui ne trouvent de consolations que dans la Religion dont les prêtres sont les agents. Nous nous peignons avec peine l'instant où l'un des habitants de la campagne venant clore sa carrière au centre de sa famille désolée, elle sera privée de la consolation de lui rendre les derniers devoirs en suivant les principes de leurs pères. Oui, Messieurs, soumis à la loi, amis de l'ordre ... c'est dans votre sagesse que les municipalités de Noirmoutier espèrent trouver auprès de vous un appui pour que les trois dénommés au présent demeurent jusqu'à remplacement. Elles aiment à croire que votre réponse ne sera pas seulement leur sauvegarde, mais pénétrés du même esprit, vous approuverez leurs intentions. Ajoutez-y que ces trois hommes ont en leur faveur leur grand âge et les infirmités qui en sont des suites nécessaires ..."
Cet émouvant plaidoyer, cette démarche - toute à l'honneur des municipalités de l'île - n'eût pas le don de toucher les administrateurs du district qui y répondirent par la délibération suivante :
"Vu la pétition ci-jointe des municipalités de Noirmoutier et Barbâtre ; vu pareillement le renvoi du Conseil général du département pour demander son avis ; le Directoire.
Considérant que l'arrêté du Directoire du département de la Vendée du 30 juin dernier ordonne à tous les prêtres dissidents, sans aucune exception, de se rendre au chef-lieu du département de la Vendée ou dans le département de leur naissance s'ils sont étrangers ; que l'arrêté du Conseil général du département du 30 juillet dernier, intervenu sur un délibéré du Conseil général du district tendant à obtenir la suspension de l'exécution de l'arrêté du 30 juin lui enjoint de faire exécuter sans distinction ledit arrêté du 30 juin :
Considérant en outre que les prêtres de Noirmoutier méritent d'autant moins d'être exceptés des dispositions de cet arrêté qu'outre qu'ils sont rebelles aux lois de l'Etat, ils sont encore parjures au serment qu'ils avaient fait à l'époque de la loi du 26 septembre 1790 ;
Considérant qu'il est impolitique, imprudent et injuste de conserver les uns de préférence aux autres puisqu'ils sont tous également coupables, qu'ils sont plus dangereux à mesure que leur nombre diminue ;
Considérant enfin que les municipalités de Noirmoutier et Barbâtre sont coupables de négligence pour n'avoir pas fait exécuter l'arrêté du 30 juin dernier et pour avoir délibéré sur l'exécution d'un arrêté d'une administration supérieure ;
Ouï le procureur syndic,
est d'avis que les dispositions de l'arrêté du 30 juin dernier doivent être rendues communes à tous les prêtres dissidents de Noirmoutier et de Barbâtre, de le faire mettre sur-le-champ à exécution sous peine de responsabilité, avec d'autant plus de raison que M. l'évêque du département, par sa lettre du 11 courant, annonce au procureur syndic de ce district qu'il enverra un desservant à Noirmoutier à la première réquisition des municipalités.
Délibéré à Challans, en directoire, le 16 août 1792, l'an 4e de la Liberté.
Signé : P. Jousson, pr le Président, Ganachaud, Sre".
Dûment approuvé par le Directoire du département, cette délibération fut adressée le 18 août à la municipalité de Noirmoutier, avec ordre d'avoir à exécuter des visites domiciliaires à l'ilôt du Pilier, à la maison de la Blanche et "autres lieux en cas de besoin", afin de savoir si "des prêtres non assermentés ... n'y sont point retirés."
Mais ceux-ci avaient quitté l'île, tous - ou presque tous - le 9 août. Le curé Guyard, bien que très malade, avait lui-même disparu et la Municipalité en avait averti le District le 21 août en disant ignorer le lieu de sa retraite. Était-il vraiment allé à Nantes, comptant "y rester jusqu'à ce que sa santé le mette en état de se rendre au département", ainsi que le dit une nouvelle lettre du 31 août ? Bien plus sûrement, incapable de voyager, n'était-il point parti et avait-il trouvé refuge aussitôt chez une de ses bonnes paroissiennes ; Madame Lefebvre, qui "soignait avec le plus grand dévouement ses jambes enflées et couvertes d'ulcères."
La chose ne se pouvait céler longtemps et, le 20 septembre, Philippe Lefebvre se résolvait à prévenir officiellement la Municipalité de la présence du sieur curé dans sa maison. Il déclarait l'avoir reçu chez lui, quelque huit ou dix jours auparavant, "à la sollicitation des demoiselles Bouhier et de son épouse", et l'avoir logé depuis lors, "à cause de son grand âge et de sa maladie".
Assez ennuyée de l'affaire, le paraissant tout au moins, d'autant que Lefebvre était lui-même officier municipal, la Commune ne savait "quel parti prendre dans la circonstance" et envoya "un exprès" à l'Administration du district pour "lui demander la marche à suivre".
Dans leur délibération, sans blâmer l'humanité qui a fait agir leur collègue, les officiers municipaux désapprouvent sa conduite - que pouvaient-ils faire d'autre ? - et le rappellent "à l'exécution stricte des lois". Sans doute, en réalité n'ignoraient-ils rien, d'autant que la Municipalité avait visé un certificat médical du sieur Péraux-Lavrignais attestant l'état critique du malade ...
Le District répondit dès le lendemain (21 septembre) : "... Quand vous jugerez que la santé du sieur Guyard pourra lui permettre de faire le voyage qui lui est enjoint par notre arrêté, vous voudrez bien le faire conduire ici. Nous nous chargerons, si vous voulez du reste ... Nous présumons qu'il sera bientôt dans le cas (de le faire). Vaquez-y et qu'il reste chez vous le moins possible, ce sera pour le mieux."
Mais une semaine à peine devait s'écouler : le 28 septembre, sur les trois heures du matin, le curé Guyard succombait. La Municipalité en transmit aussitôt la nouvelle au district. Avec un courage qui l'honore et non sans une pointe d'émotion sans doute, l'intrus Maublanc lui rendit les derniers devoirs et consigna sur les registres son acte de décès :
"L'an quatre de la liberté et le samedi vingt-neuf septembre mil sept cent quatre vingt douze, le corps de Jacques Guyard, prêtre, ancien curé de cette paroisse, décédé hier âgé de soixante deux ans ou environ, natif du bourg de Parcé, ci-devant Anjou, fils des défunts Jacques Guyard et Marthe Taillé, autant que je puis m'en rappeler, personne ne pouvant m'en instruire et ne me le rappelant que parce que j'ai été son élève et ami depuis plus de trente ans, a été inhumé au cimetière de cette paroisse par moi, desservant soussigné, en présence de Pierre-Jean Maublanc, aussi son élève et son ami, chirurgien, et Jacques Commaillaud, chantre.
Signé : Maublanc, J. Commaillaud, J. Maublanc, desservant."
Quant à Philippe Lefebvre, tombé aux mains des Républicains après la reprise de l'île (29 avril 1793), il fut envoyé aux Sables sous l'inculpation d'avoir, en tant que Capitaine de la 1re compagnie des troupes de Guerry de la Fortinière, participé à des attroupements et porté la cocarde blanche. Renvoyé de la Commission militaire des Sables au tribunal criminel de Fontenay, il fut condamné à la détention perpétuelle et mourut à l'hôpital des Sables, le 9 frimaire an II (29 novembre 1793).
Un autre ecclésiastique, Dom François Gaullard, religieux de la Blanche, vieux, infirme et dans l'impossibilité absolue de se déplacer, réussit à rester dans l'île. Il aurait, dit-on, réitéré pour cela son serment par écrit. Il mourut en 1794, le 27 pluviôse an II, âgé de 76 ans, rue de la Salle, chez une veuve Chevallier, qui l'avait hébergé.
A l'exception de l'assermenté Maublanc, tous les autres prêtres de l'île, après la délibération du 16 août 1792, avaient quitté leurs paroisses. Un mandat d'amener avait été lancé contre MM. Bousseau, Deshayes et Payrault, qui furent appréhendés et conduits à Challans, puis à Fontenay. En tête de la liste des prêtres qui déclarèrent vouloir s'embarquer aux Sables à destination de l'Espagne, figure le nom de M. Bousseau, mais bientôt, sur sa requête et eu égard à son âge - 58 ans - le département l'autorisa à aller s'embarquer à Nantes, d'où un navire le conduisit en Hollande, avec MM. Deshayes, et Payrault, ainsi que l'abbé Victor Morand, curé de Saint-Jean-de-Monts, son neveu. De là, ils passèrent tous les quatre en Westphalie, où ils se fixèrent aux environs de Clèves.
L'intrus Joseph Maublanc dut assurer le service religieux de l'île jusqu'à l'insurrection vendéenne. Nous ne savons ce qu'il devint ensuite. D'après certains, il serait mort peu après.
La reconquête du Marais par Charette à l'été 1793 et son entrée à Noirmoutier en octobre permirent la reprise du culte public, d'autant que l'île allait devenir le refuge de nombreux prêtres qui y avaient accompagné d'Elbée et ses officiers, et aussi de ceux qui, à la faveur des succès vendéens, avaient repris leur ministère dans la région côtière et que les Bleus allaient refouler devant eux. En attendant de devenir leur tombeaux ...
Dans la nuit du 2 au 3 janvier 1794, les Républicains reprenaient Noirmoutier.
"Les ecclésiastiques, raconte Piet dans ses Mémoires, qui s'étaient réfugiés dans notre île sur la flatteuse espérance de se soustraire à la rage de leurs persécuteurs, ne purent leur échapper. Ils n'avaient à attendre d'eux aucune pitié, aussi ne l'implorèrent-ils point ; ils arrosèrent de leur sang un peuplié énorme transplanté du bois de la Blanche sur la Grande Place sous le nom d'Arbre de la Liberté et moururent avec cette résignation, cette fermeté dont la religion pénètre ses martyrs."
D'après les documents officiels, ces prêtres étaient au nombre de dix-huit ; du moins l'abbé Remaud écrit-il dans ses Mémoires inédits que "sur la demande qui fut faite au général en chef de se rendre à Noirmoutier, il fut délivré à dix-huit ecclésiastiques des permis pour aller dans cette île se reposer des fatigues de la guerre et pour être moins exposés au danger des combats qu'on ne l'était ordinairement sur le continent de la Vendée". Y furent-ils tous ? D'aucuns purent-ils s'échapper ? Les listes de fusillés ne mentionnent que les suivants, plus deux ou trois autres "qui n'ont pas voulu donner leur nom ..." :
- Jean-Léon Rodier, ancien chanoine de Luçon et vicaire général, qui s'était établi à Beauvoir à l'automne 1793 et avait réorganisé l'exercice du culte dans tout le Marais ;
- Jean-Baptiste Ballon, curé d'Ardelay ;
- René-Charles Lusson, vicaire de Saint-Georges-de-Pointindoux ;
- Louis-Joseph Blanchard, curé du Bourg-sous-la-Roche ;
- Mathurin Billaud, curé de la Réorthe ;
- Pierre-Jean de Dieu Durand, curé de Bourgneuf-en-Mauges, signataire des assignats vendéens au nom de Louis XVII ;
- Jean-Baptiste Gasnault, ancien vicaire de Saint-Malo-du-Bois et desservant de Saint-Gervais en octobre 1793.
A ces victimes de nivôse, il faut ajouter ;
- Jean-François Poiraud, curé du Château-d'Olonne.
Né en 1759, M. Poiraud avait été vicaire de Noirmoutier de mars 1785 à novembre 1788, avant de devenir curé du Château-d'Olonne, puis, à partir de novembre 1790, prêtre habitué à Saint-Georges-de-Pointindoux ; traduit le 5 avril 1794, après dénonciation, devant la Commission militaire des Sables qui l'envoya le 28 avril à Noirmoutier avec un groupe de "brigands". Détenu dans l'église et atteint de pneumonie, il fut réclamé le 8 mai par Mme Jolly pour être soigné chez elle, mais réintégré le même jour dans l'église à cause de sa qualité de prêtre (19 floréal an II). Il mourut peu après ; la tradition noirmoutrine a conservé son souvenir et situe son décès sur les marches de l'escalier qui descend du côté de l'Evangile dans la crypte de Saint-Philbert.
L'île n'est plus alors qu'une immense prison où sont entassés des centaines et des centaines de suspects provenant de tous les points du territoire insurgé ; de janvier à août 1794, le sang vendéen coulera à flots sur tous les points de l'île, sur la place d'Armes, sur la côte de Banzeau, au Cheminet, dans les dunes ; à la Lande de la Claire ... Les derniers détenus ne seront libérés qu'au début de l'été 1795.
Des choses religieuses, évidemment, il n'est plus question. Ce n'est que le 28 nivôse an IV (16 janvier 1796) qu'on y trouve une allusion dans une lettre de la Municipalité à l'Administration départementale : ... les habitants de cette île n'ayant qu'une opinion sur l'exercice du culte religieux n'attendent qu'un ministre qui veuille se conformer à la loi du 7 vendémiaire pour vous demander l'ouverture de l'édifice destiné aux cérémonies ... Celui de la commune de Barbâtre a été rasé sans nécessité par l'ordre de ces hommes qui faisaient consister leur mérite dans la destruction de tout ce qui tenait à la Vendée ..."
Le 11 messidor suivant (29 juin 1796), l'église ayant été, de prison, transformée en magasin, le citoyen Cébron demandait l'autorisation, qui lui fut accordée, de tenir dans sa maison, sise quartier de Banzeau, des "assemblées catholiques", où il puisse, avec sa famille et ses amis, "faire ses prières suivant le culte catholique romain".
Ceci dura jusqu'à la pacification.
Une tradition constante affirme que le curé de Beauvoir, André Gergaud, qui s'était réfugié à Nantes, serait passé à plusieurs reprises dans l'île, notamment à l'occasion du séjour qu'il fit à Saint-Gervais au printemps et à l'été 1797, avant la loi de Fructidor, ou lors de son retour définitif, au début de 1800. Il aurait alors baptisé un certain nombre d'enfants et en particulier la jeune Rose-Virginie Pelletier, née le 30 juillet 1796, la future fondatrice du Bon Pasteur d'Angers.
Mais il fallut attendre l'extrême fin de l'année 1800 pour que les prêtres mêmes de l'île pussent rejoindre leur poste.
L'abbé Bousseau était resté cinq ans sans recevoir aucune nouvelle de sa paroisse. Ce ne fut qu'en juin 1797 que lui parvint une lettre de l'île à laquelle il répondit de Billerbeck, en Westphalie :
"Vendredi soir, j'ai reçu copie de la lettre que vous m'avez écrite, dans ce pays, à 300 lieues de chez vous, où jusqu'à ce jour je m'étais fait violence et j'avais gardé envers vous le silence le plus rigoureux ... ; la crainte de vous nuire et d'augmenter encore vos malheurs sans pouvoir vous donner aucune consolation avait réprimé mes désirs, et retenu ma plume ... J'offre tous les jours pour vous mes prières au Dieu de miséricorde et à sa sainte Mère, le refuge et la protection des affligés ... Les papiers publiés ici ne m'avaient appris qu'une partie de vos maux, mais ma tendresse pour vous ne m'en faisait que trop justement soupçonner bien d'autres ..."
Une démarche fut tentée, en juillet 1797, par le citoyen Caqué, receveur du timbre à Saintes, pour ramener d'exil le curé de Barbâtre, mais elle n'aboutit point, les administrateurs du département n'ayant pas envoyé les pièces demandées. Et bientôt le 18 fructidor mit fin à toute tentative ...
Après le 18 brumaire, les exilés songèrent sérieusement à regagner leur pays, mais de nombreuses formalités les retinrent sur la route du retour, ainsi qu'en témoigne la lettre suivante :
"Citoyens administrateurs, d'après la pétition, votre arrêté et deux lettres les plus pressantes de partir, l'une du citoyen N. Viaud et l'autre de Mme Richer, nous sommes partis, Mr. Payrault et moi du lieu où nous demeurions depuis cinq à six ans, pour aller vous joindre, pensant que nous ne pouvions trouver aucun obstacle dans notre route à travers la partie de la France qui nous sépare de vous. Arrivés ici aux frontières de la République et ayant pris des renseignements, nous avons douté que nous pussions (traverser ?) la France sans être arrêtés. Nous avons présenté nos titres de retour dans notre patrie à l'administration de Clèves, et on nous a répondu que l'on n'avait pas de pouvoirs suffisants pour nous accorder des passeports, de sorte que nous sommes bien éloignés de la persuasion où nous étions de pouvoir répondre à vos voeux, remplir nos désirs les plus ardents et satisfaire à ce que nous regardons comme un de nos devoirs les plus sacrés. Nous ne doutons pas que, si nous éprouvons toutes ces difficultés fâcheuses, c'est que l'on ignore dans cette partie de la France les arrêtés et les proclamations sur lesquels vous nous avez formé notre rappel. C'est pourquoi nous vous prions de nous faire passer les pièces par le moyen desquelles nous sommes forcés de rester ici. Veuillez, citoyens administrateurs, mettre la plus grande diligence à nous faire cet envoi essentiel ou nous secourir de quelque autre manière que ce soit. Sans cela nous nous repentirions peut-être d'avoir quitté les établissements charitables dont nous jouissions et serions forcés de dépenser ici le peu d'argent qui nous reste et qui serait mieux employé à nous acheminer vers vous. Nous sommes l'un et l'autre tombés malades à notre arrivée ici. La réception prompte des pièces nécessaires pour nous tirer d'ici et nous rendre à notre destination achèvera notre guérison en nous comblant de la plus grande joie et de la plus grande consolation. Recevez notre salut de la plus sincère fraternité, citoyens administrateurs.
Vos très humbles et très obéissants serviteurs.
Signé : Bousseau, Payrault, Deshayes."
"P.S. De grâce, répondez-nous le plus tôt possible et marquez nous expressément ce que nous devons et pouvons faire dans les circonstances où nous nous trouvons. Notre adresse est : à Monsieur Bechnen, aubergiste du Lion Rouge, à Exten, près Clèves.
A Etten, le 7 de mai 1800 (17 floréal an VIII)"
Une lettre de la Municipalité de Noirmoutier du 2 fructidor suivant (20 août 1800) fait connaître qu'il n'y avait pas encore de prêtres à Noirmoutier, et la première mention officielle d'une cérémonie dans l'église est le Te Deum de la paix du 18 brumaire an X (9 novembre 1801). Entre ces deux dates - août 1800 - novembre 1801 - avaient donc eu lieu le retour des prêtres catholiques et la restitution de l'église au culte.
La tradition locale situe dans les derniers mois de 1800 le retour de MM. Bousseau, Payrault et Deshayes, qui ne s'étaient pratiquement pas quittés durant leur exil. Quelques semaines plus tard, le 14 pluviôse an IX (3 février 1801), sur les 9 heures du matin, le chasse-marée le Hasard, capitaine Jean Choqué, arrivant de Bayonne, déposait au Bois de la Chaize dix prêtres déportés et un ex-chef de Chouans venant d'Espagne.
Au nombre de ces ecclésiastiques figuraient l'abbé Boutaud, ancien chapelain de La Barre-de-Monts ; l'abbé Jean Le Quimener, ci-devant curé de Saint-Viaud, qui devait mourir curé de Carquefou le 18 décembre 1827, et plusieurs prêtres originaires de l'île, en particulier les deux frères Dugast - Jean-François et Jacques-Clément - et les deux abbés Palvadeau. De même, l'ancien curé du Fenouiller, François Goupilleau, mais celui-ci, dont les papiers n'étaient pas en règle, fut incarcéré au Château ; il essaya de s'en évader, mais se brisa une jambe, ce qui le détermina à rester à Noirmoutier. C'est l'Abbé Aimé Palvadeau, qui secondait à Noirmoutier même l'abbé Bousseau, s'occupant plus particulièrement de Barbâtre, qui fut nommé en 1804 à la cure du Fenouiller. Après sa mort (1809), la cure demeura vacante jusqu'à ce que, enfin, en 1812, cédant aux instances de ses amis et de l'abbé Dorion, vicaire à Noirmoutier, qui devenait curé de Saint-Gilles, M. Goupilleau consentit à retourner dans son ancienne paroisse, où il mourut en 1822.
L'abbé Bousseau fut le premier curé concordataire de l'île : il mourut à Noirmoutier le 5 juillet 1816.
Son ami, François Payrault, ne semble avoir retrouvé sa patrie que pour y mourir. L'abbé Goupilleau écrivait à son sujet le 3 février 1801, aussitôt son arrivée, dans une lettre par laquelle il demandait à exercer son ministère dans l'île : "... M. Pérault est depuis longtemps hidropique, hier on lui fit la ponction ..." Il ne devait survivre que quelques semaines :
"L'an 1801 et le 28 avril, le corps de François-Paul Payrault, prêtre catholique, chapelain de l'Epine et vicaire de cette ville, né à la Bruffière, décédé hier au quartier de Banzeau, âgé de soixante-dix ans, à été inhumé au cimetière de cette paroisse, par nous curé soussigné ...
Signé : Bousseau, curé de l'île de Noirmoutier."
C'est Dom Jean-Baptiste Cousin, ancien religieux de la Blanche, rentré également d'Allemagne dans les premiers mois de 1801, qui devint alors chapelain de l'Epine, jusqu'à sa mort, en 1810.
Quant à l'abbé Deshayes, après avoir assuré le service paroissial de La Barre (1801), il devint successivement curé de Notre-Dame-de-Monts (1803), puis de Barbâtre (1805), où il mourut en 1818.
Ainsi la Providence, dans ses insondables desseins, avait-elle ramené dans leur île, pour y dormir leur sommeil, les prêtres fidèles, témoins immuables, malgré les embûches, l'exil et les souffrances, de la pérennité de leur Église ...
Dr. JULIEN ROUSSEAU
Annuaire de la Société d'émulation de la Vendée
(1961-1962), p. 19-37
Archives départementales de la Vendée