Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
La Maraîchine Normande
Publicité
28 juillet 2013

SAINT-FLORENT-LE-VIEIL ♣ LE TOMBEAU DE BONCHAMPS ET LE PASSAGE DE LA DUCHESSE D'ANGOULEME

LE TOMBEAU DE BONCHAMPS
ET LE PASSAGE DE LA DUCHESSE D'ANGOULEME

Au moment où l'Association Bretonne-Angevine s'apprête à inaugurer la colonne vendéenne qui domine la terrasse de Saint-Florent-le-Vieil et la plaque de bronze qu'elle a fait poser sur la maison de cette petite ville où Bonchamps, blessé à mort, demanda la grâce des prisonniers républicains, - il nous a paru intéressant de mettre sous les yeux de nos lecteurs, les documents historiques qui se rapportent au tombeau de Bonchamps.

MORT DE BONCHAMPS


On sait que le héros vendéen fut enseveli à la hâte dans le cimetière de Varades, la nuit même où il mourut au village de la Meilleraie, le 18 octobre 1793. Il y reposa jusqu'en 1817, date à laquelle ses restes furent exhumés en grande pompe et transférés dans le cimetière de la Chapelle-Saint-Florent. Huit ans plus tard, quand le magnifique mausolée, dû au talent et à la reconnaissance de David d'Angers, fut érigé dans l'église abbatiale de Saint-Florent-le-Vieil, les cendres de Bonchamps y furent déposées solennellement, ainsi qu'il appert du procès-verbal qui suit :

COPIE DU PROCES-VERBAL DRESSÉ LE 18 JUIN 1825 LORS DU TRANSFERT DES RESTES DE BONCHAMPS DANS LE MONUMENT ÉRIGÉ DANS L'ÉGLISE DE SAINT-FLORENT-LE-VIEIL.

Aujourd'hui dix-huit Juin 1825, à six heures du matin, à la Mairie de Saint-Florent-le-Vieil et devant Nous Claude-Louis Gazeau, ancien officier vendéen, maire dudit Saint-Florent,

Est comparu :

Messire Arthus-Philippe-Guillaume Parfais, comte de Bouillé, aide-de-camp de M. le Maréchal duc de Reggio, Chevalier des Ordres Royaux de Saint-Louis et de la Légion d'honneur et de l'Ordre de Saint-Ferdinand d'Espagne, époux de Dame Zoé de Bonchamps, fille de feu Messire Charles-Melchior-Arthus de Bonchamps, vivant, général en chef de l'une des Armées Royales de la Vendée, demeurant à Paris.
Lequel nous a exhibé copie d'un arrêté de M. le Conseiller de Préfecture de Fauconnier, faisant les fonctions de M. le Préfet de Maine-et-Loire, (celui-ci absent par congé du 15 courant) dont lecture prise il résulte que ledit sieur de Bouillé est autorisé à faire transférer avec la décence convenable et les cérémonies religieuses usitées en pareil cas, les restes dudit feu M. le Marquis de Bonchamps, de la chapelle du Cimetière de la Chapelle Saint-Florent dans l'église de Saint-Florent pour être déposés dans le monument élevé par les admirateurs de ses vertus et ses compagnons d'armes, à la mémoire de ce héros chrétien qui combattit les ennemis de son Dieu et de son Roi, et qui mourut pour eux au Champ d'Honneur.
Et a dit, ledit sieur de Bouillé que dans cet instant Messieurs les Curés de la Chapelle et du Marillais arrivent processionnellement avec les restes dudit feu général de Bonchamps, enfermés dans un cercueil porté par huit hommes et suivi de M. le Maire de la Chapelle et de plusieurs hommes d'armes, anciens soldats vendéens.
Qu'en conséquence il nous invitait à nous rendre à l'Eglise pour être présent, tant à l'ouverture dudit cercueil qu'au dépôt dans le monument desdits restes et du scellé par les maçons, qui doit les recouvrir et aussi pour être par Nous, du tout, rapporter procès-verbal.
Sur quoi, Nous rendant sur le champ à l'invitation du sieur de Bouillé, Nous nous sommes réunis au convoi.
Arrivés à l'église et les prières dites suivant l'usage, il a été fait ouverture dudit cercueil en présence de MM. les curés de la Chapelle et du Marillais, de M. Guérif, maire de la Chapelle et de beaucoup d'autres personnes réunies.
Les restes dudit feu général de Bonchamps consistant en ossements ont été retirés et déposés par M. le curé du Marillais faisant pendant la vacance les fonctions de curé de Saint-Florent, au milieu du monument et dans l'endroit destiné pour les recevoir.
A cet instant Louis Rabjeau, maçon, a scellé cet endroit, d'une pierre, avec de la chaux vive et hermétiquement fermé, après, toutefois, que M. le Comte de Bouillé y a déposé un exemplaire de la vie de ce héros chrétien et par Nous Maire, susdit et soussigné, copie du procès-verbal.
De tout quoi, Nous avons rapporté le présent procès-verbal dont copie sera envoyée à M. le Préfet et copié tout au long sur les registres des Délibérations de la Mairie.
Fait et arrêté en ladite église de Saint-Florent-le-Vieil, le présent, notre procès-verbal que MM. le Comte de Bouillé ; Courgeau, curé du Marillais ; Guérif, maire de la Chapelle ont signé.
Le Maire de Saint-Florent : GAZEAU
COMTE ARTHUS DE BOUILLÉ
COURGEAU
GAZEAU. GUÉRIF, Maire. CHAPERON. CAPITEUX.

En 1890, le transfert du monument ayant été opéré du choeur de l'église dans une chapelle latérale, le procès-verbal ci-dessus a été trouvé dans un tube de verre près les ossements, le tout enfermé dans un petit cercueil en chêne. Les restes de Bonchamps consistaient en quelques ossements et la tête, les pieds étaient encore chaussés de pantoufles de soie ; près de ces ossements a été trouvé la vie du Général, par un Médecin dont on n'a pu lire le nom, attendu que cet opuscule était presque totalement mangé des vers ou des mites, le tout a été réuni dans le monument ainsi que le constate le procès-verbal ci-après dont un exemplaire a été joint à celui sus-mentionné.

P1150221

PROCES-VERBAL DU 22 MAI 1890

L'An 1890, le 22e jour de mai, après autorisation des deux autorités compétentes, le monument de Bonchamps, oeuvre remarquable de l'illustre David d'Angers, a dû être transporté du choeur de l'Eglise de Saint-Florent-le-Vieil, dans une Chapelle latérale ; le transfert était devenu nécessaire pour la restauration du choeur et de la crypte si curieuse.
Après l'avis de Monseigneur Freppel, évêque d'Angers, M. L. Davy, curé de cette paroisse a dû transférer aussi les restes de Bonchamps, consistant en ossements où ils résidaient depuis le 18 juin 1825.
Ainsi tous les restes trouvés dans l'ancien monument ont été déposés avec un religieux respect, dans une petite caisse en bois de chêne, puis placés au-dessous de la statue elle-même de Bonchamps, sous ces mots "Grâce aux Prisonniers", le tout a été scellé d'une grosse pierre par les maçons Pitoir et Fillion.
Le monument a été reconstruit par M. Pasquier, habile ouvrier poseur de la maison Moisseron et André d'Angers.
En foi de quoi a été signé le présent procès-verbal par les personnes notables dont les noms suivent :
L. DAVID, Curé
TH. MAUSSION, Maire
E. LEFEBVRE, Adjoint
P. RETHORÉ, Président du Conseil de Fabrique.
GUILLOTEAU, SÉCHER, LEBRUN, BRÉHERET, Membres du Conseil de Fabrique.
PASQUIER.

Voici maintenant un autre document concernant le passage à Saint-Florent de la Duchesse d'Angoulême. On sait que la colonne qui domine la terrasse de cette ville fut érigée en mémoire de cet évènement :

ARRIVÉE DE SON ALTESSE ROYALE, MADAME LA DUCHESSE D'ANGOULEME, FILLE DE L'INFORTUNÉ LOUIS XVI, ROI DE FRANCE ET DE NAVARRE, DANS LA VILLE DE SAINT-FLORENT-LE-VIEIL, LE 22 SEPTEMBRE 1823.

Aujourd'hui 22 septembre 1823.
Nous, Claude-Louis Gazeau, maire de la commune de Saint-Florent-le-Vieil, soussigné, en conformité de notre arrêté du 18 de ce mois, sommes sorti dès huit heures du matin, de la Mairie, à l'effet de visiter les rues et voir si les habitants s'étaient mis en mesure de faire balayer les rues et le devant de leurs maisons, et enfin, observer si les préparatifs étaient faits en raison de la localité pour recevoir dignement son Altesse Royale Madame la Duchesse d'Angoulême.
Nous avons remarqué avec la plus douce satisfaction que chaque habitant avait fait tout ce qu'il était possible de faire et chacun rivalisait de zèle et d'émulation pour préparer tout pour le mieux et tout ce qu'une petite commune peut offrir. Nous avons vu le plus grand enthousiasme et la joie la plus vive éclater et se peindre sur tous les visages.

Duchess_d'AngoulemeArrivé au rivage, nous avons vu établi d'après nos ordres un petit pont couvert de tapisserie, sur lequel doit descendre son Altesse Royale.
De retour sur la place dite du Château, nous avons trouvé réunis sous les armes, et rangés sur quatre lignes depuis l'entrée de la cour du Château à l'Eglise, et de l'Eglise au Cavalier, sur quatre autres lignes, et sur le Cavalier, environ trois à quatre cents hommes groupés à l'entour d'un obélisque élevé à la mémoire de la visite de Son Altesse Royale, et sur les quatres côtés duquel était écrit : Bonchamps, d'Elbée, Cathelineau, de Lescure, La Rochejaquelein, et Stofflet, anciens généraux vendéens morts au Champ d'Honneur.
Nous avons vu là :
La division de Beaupréau, commandée par M. Lhuillier ; la division de Chemillé, commandée par M. de la Béraudière ; la division de Montfaucon, commandée par M. le Marquis de la Bretèche ; la division du Fief-Sauvin, commandée par M. du Doré ; et enfin, la division de Champtoceau, commandée par M. Oger de l'Elbe, sous le commandement général de M. Romerin, ancien major général de l'Armée Royale du Haut-Anjou, commandée ci-devant par le Lieutenant-Général des armées du Roy, le Comte Charles d'Autichamp, Pair de France, commandeur de l'Ordre Royal et militaire de Saint-Louis.
Rentré à la Mairie, Nous avons trouvé le Conseil réuni, auquel a été par Nous donné lecture du compliment fait au nom de la Commune à Son Altesse Royale Madame, dont la teneur suit :

Madame,
Vous avez daigné accueillir les hommages des Vendéens, de ces héros chrétiens et fidèles, qui au Champ d'Honneur ont versé leur sang pour la défense de l'autel et du trône de vos illustres aïeux.
Pour les combler de joie, et faire oublier leurs maux, il a suffi à votre Altesse Royale de traverser leurs champs et leurs villes. Mais, il vous restait, Madame, à visiter le lieu où le premier étendard du lys flotta, ce lieu où s'armèrent les soldats de la Vendée, ce lieu enfin, que le ciel a choisi le 12 mars 1793 pour donner le glorieux exemple qu'imitèrent nos voisins.
Daignez, Madame, permettre aux habitants de cette Commune si recommandable par des souvenirs d'héroïsme et de douleur, de déposer aux pieds de votre Altesse Royale, par mon organe, le tribut de leurs hommages, de leur respect et de leur dévouement. Cette Commune, Madame, offre encore sur ses murs en ruines, la preuve de son attachement à la cause sacrée de son Dieu et de son Roi, et, votre Altesse Royale n'a pas besoin du monument de Bonchamps pour s'apercevoir qu'elle marche sur la terre classique de la fidélité et sur les cendres de ses héros chrétiens. S'ils ne jouissaient pas de la félicité des Anges, ils seraient jaloux en ce jour de notre bonheur.
Dieu qui a sauvé, Madame, partie de votre illustre et infortunée famille, a sauvé une partie des nôtres, et pour seconder le grand courage du vainqueur du Trocadéro, il nous a donné des enfants qui prouvent par leur valeur et leur fidélité qu'en Espagne tous les Français sont devenus Vendéens.
Vive le Roi ! Vive Madame ! Vive le Vainqueur du Trocadéro et le Pacificateur de l'Espagne ! Vivent les Bourbons, la Religion et la Foi !

Ce compliment ayant été adopté et approuvé, le Conseil a chargé le Maire de le présenter à Madame au nom de la Commune.
A l'instant, il a été annoncé que M. le Préfet de ce département venait d'arriver pour recevoir et complimenter Madame, au nom du Département et des Vendéens. En conséquence, il a été arrêté que le Conseil se rendrait au rivage pour suivre le cortège dans l'ordre des préséances.
Madame étant partie le matin de Nantes, à sept heures, une salve d'artillerie a annoncé à neuf heures trois quarts à toute la population réunie à Saint-Florent, au nombre d'au moins dix mille âmes accourues de six lieues à la ronde pour contempler cette illustre princesse, qu'elle arrivait à la Meilleraie sur la rive droite de la Loire, en face Saint-Florent.
Il avait été préparé sur l'une ou l'autre rive, un pont pour descendre plus sûrement dans un canot qui devait porter Madame à Saint-Florent.
Un yacht très élégant, orné d'étendards, sur lequel était une tente en forme de dais, richement décorés en draperies par les soins du commandant de la marine du port de Nantes, était à bord du rivage de la Meilleraie et monté par douze matelots habillés tous en blanc, ceinture rouge et chapeau à la Henri IV.

Descendue de voiture, Madame a été saluée et revue par les autorités de Varades, sous un arc de triomphe préparé par leurs soins, par une immense population accourue de tous côtés, pour contempler cette auguste princesse au milieu du plus grand enthousiasme et des cris mille fois répétés de Vive le Roi ! Vive Madame ! Vive le Vainqueur du Trocadéro ! Vive les Bourbons !
Madame a paru extrêmement sensible et émue de ces témoignages de joie, de respect et d'attachement. Un détachement de garde d'honneur et de gendarmerie escortait Madame. Un des commandants se disposait à donner des ordres pour accompagner Madame ; Son Altesse Royale a daigné lui faire ses remerciements et dire qu'elle n'avait pas besoin de pouvoir garder qu'elle allait au milieu de ses amis.
Enfin elle a monté sur le beau yacht commandé par l'Officier supérieur du port de Nantes pour passer à Saint-Florent, Madame était accompagnée de Madame la Duchesse de Damas et, Madame XXX, ses Dames d'honneur et de son Chevalier d'honneur, M. de Vibraye.
Douze petits bateaux montés par douze hommes armés, (anciens Vendéens), et quatre matelots escortaient le yacht royal qui a traversé la Loire de la rive de la Meilleraie au port de Saint-Florent, en moins de cinq minutes.
Madame a descendu à dix heures au port de Saint-Florent, au milieu d'une immense population ivre de joie et au milieu des plus vives acclamations.
M. le Préfet, M. le Sous-Préfet, M. le Maire de la Commune, M. Romain, ancien Major général et tous les Officiers de l'Armée Royale de la Vendée ont reçu Madame en descendant du pont. M. le Préfet a demandé à Madame la permission de la complimenter au nom de ses fidèles Vendéens, au nom de la Commune et de la population entière qui se pressait autour de Son Altesse Royale.
M. le Préfet, ayant obtenu cette faveur, lui a adressé un compliment, mais sa modestie ne nous a pas permis d'en prendre copie pour être consignée au présent procès-verbal.

Madame accueillie par le plus vif et sincère enthousiasme et par les démonstrations les plus grandes, de la joie la plus pure, y a paru très sensible et en a témoigné sa satisfaction à M. le Préfet.

Madame ayant refusé de monter à cheval ou en voiture préparée à cet effet sur le port, a franchi sans peine la rue escarpée qui monte de la rive à la place dite du Château. Son cortège était composé : 1° De ses Dames d'honneur et de son Chevalier d'honneur ; 2° De 60 à 80 Dames de la première distinction accourues de Nantes, Angers et de tous les environs, pour contempler les traits vénérables de cette divine princesse, au milieu desquelles, on remarquait : Madame la Marquise de Bonchamps, veuve de l'immortel Bonchamps, général vendéen, mort au Champ d'honneur, pour son Dieu et son Roi ; Madame la Marquise de Civrac, née la Tour d'Auvergne, Madame la Comtesse Charles d'Autichamp, paire de France, commandant de l'Ordre Royal et militaire de Saint-Louis, Lieutenant général des Armées du Roi, commandant la première division du 1er Corps de l'Armée libératrice d'Espagne ; 3° De M. le Préfet et de M. le Sous-Préfet, M. le Maire et le Conseil de la Commune, de la majeure partie des Maires de l'arrondissement ; 4° De Messieurs de Sapinaud, ancien Général de la Vendée, de Fleuriot, Lieutenant général, ancien Commandant en second de l'Armée de Bonchamps, de M. Romain, ancien Major général de l'Armée Royale, commandée par M. Charles d'Autichamp ; et enfin de tous les Chefs et Officiers supérieurs des anciennes divisions des Armées Vendéennes.

Son Altesse Royale a reçu sur son passage les plus grandes preuves de l'amour et de la vénération des Vendéens pour l'auguste famille des Bourbons.
Arrivée sur la cour dite du Château, Madame a traversé au milieu des cris mille fois répétés, de Vive le Roi ! Vive Madame ! quatre lignes d'anciens soldats Vendéens, rangés en bataille sur cette partie.

A la porte de la Croizille en deçà du portique de l'église, était un dais porté par quatre honorables habitants qui sont venus pour l'offrir à Madame, mais son Chevalier d'honneur a fait signe d'éloigner ce dais que la modestie de Son Altesse Royale refusait. Alors, le Curé Gruget, accompagné de 40 à 50 prêtres, s'est avancé pour complimenter Madame. Mais étant fatiguée, Son Altesse Royale a dit à M. le Curé de lui remettre son compliment. Après l'avoir remis à Son Altesse Royale, M. le Curé a entonné le Te Deum et Madame est entrée dans l'Eglise, et est allée se placer dans le choeur à l'endroit où on lui avait préparé un prie-Dieu.
L'Eglise, quelque vaste et immense qu'elle soit, ne pouvait contenir la moitié de la population entière qui était venue mêler ses prières à celles de l'auguste princesse, et se jeter aux pieds des autels pour adresser au Roi des Rois de nouvelles prières pour la conservation de toute la famille Royale.
Après le Te Deum, et sa prière faite, S.A.R. a remarqué les préparatifs commencés dans cette partie pour l'érection du monument qui va être élevé à la Mémoire de M. le Marquis de Bonchamps, ancien Général des Armées Royales de la Vendée, qui, en expirant de sa blessure à Saint-florent et mourant en héros chrétien, donna la grâce et la liberté à 5.000 prisonniers qui étaient dans  cette église et le couvent retenus par les Vendéens.
Après avoir examiné l'église et s'être entretenue en descendant avec M. le Curé, S.A.R. est sortie, et suivie de tout son brillant cortège elle a traversé deux autres lignes de Vendéens qui la conduisirent directement sur le beau plateau où avait été préparé par les soins de M. Romain, Major général, un obélisque figurant parfaitement bien avec le portique de l'église, et autour duquel étaient groupés trois à quatre cents hommes armés.

Arrivée sur le beau plateau, Madame souriait à ce beau coup d'oeil et jetait des regards de complaisance et de reconnaissance sur cette population entière qui combattit si vaillamment dans les champs de la Vendée pour la cause sacrée du Roi ; quand tout à coup une pluie froide et abondante vint priver les Vendéens de la présence de cette princesse.
Forcée de se retirer, S.A.R. traversa deux autres lignes de Vendéens en passant et repassant sur les différentes lignes au milieu de ces vieux soldats de la fidélité. Elle parla aux uns et aux autres avec la plus grande affabilité et reçut avec beaucoup de placets qui lui étaient présentés.

Dans le dernier moment et presque vis-à-vis de la maison de M. le Maire, sise sur la cour du Château, M. le Sous-Préfet osa proposer à Son Altesse Royale de s'y reposer et y accepter un léger déjeuner qui y était préparé. Madame daigna se rendre à l'invitation de M. le Sous-Préfet et entra. M. le Maire s'avançant pour la complimenter, Son Altesse Royale lui dit de lui donner son compliment, qu'elle était fatiguée et avait besoin de repos. Elle fit la même réponse aux Demoiselles dont l'une d'elle, (Mademoiselle Gazeau, fille du Maire), se présentait avec elle pour offrir à Son Altesse Royale une corbeille de fleurs et lui faire le compliment dont la teneur suit :

Madame,
Votre Altesse Royale daignera-t-elle sourire, à un faible, mais sincère hommage ? Notre titre de Vendéennes, notre amour, et surtout sa bonté si touchante nous permettent d'oser l'espérer. Nées au milieu des ruines de notre infortunée, mais généreuse patrie, nos pères n'osaient nous apprendre à bégayer en naissant, les deux noms d'un Souverain légitime et chéri et d'une Princesse aimable et vertueuse ; seulement à l'ombre du mystère, ils nous rappelaient en soupirant les beaux jours de leur jeune âge sous le spectre paternel. Mais en ce jour heureux, nous sentons nous mêmes ce qu'ils nous disaient ; nous avons retrouvé ce qu'ils avaient perdu, je veux dire, l'Auguste famille des antiques Bourbons, ramenant avec elle la paix et le bonheur. Ah ! nous avons de plus sur nos prières un avantage innappréciable, ce qu'ils désiraient, nous l'avons sous nos yeux, une Princesse, nos délices, dont l'immense affabilité tempère l'éclat qui l'environne, Sa présence excite dans nos coeurs des émotions bien douces et bien vives. Oui, Madame, nous osons vous l'avouer avec toute la candeur de notre jeune âge, que jamais nous n'éprouverons de sentiments comparables à ceux qui font battre nos tendres coeurs, et nous y voyons avec les transports de la joie la plus vive, le plus beau jour de notre vie. Nos voeux les plus ardents seront toujours ceux de nos pères. Vive le Roi ! Vivent les Bourbons ! Vive Monsieur le Duc d'Angoulême, le Vainqueur du Trocadéro et Pacificateur des Espagnes ! Vive Madame ! Vive Monsieur le Duc de Bordeaux, le Dieu-donné de la France.

POUR COPIE CONFORME
Dressée par Me RENARD, notaire à Saint-Florent-le-Vieil,
LÉON SÉCHÉ.

SAINT-FLORENT-LE-VIEIL
LUNDI 28 SEPTEMBRE 1896

Le lendemain matin les membres de l'Association prenaient le train de neuf heures à Ancenis, où ils se rencontraient avec MM. Emile Grimaud, Dominique Caillé, Olivier de Gourcuff, de Fleuriot, Le Cour, etc., venus de Nantes et des stations environnantes, et dix minutes plus tard, ils arrivaient à la gare de Varades où des voitures de toutes sortes les emportaient vers l'église de Saint-Florent dont les cloches sonnaient à toute volée.

Le ciel était magnifique ; peu ou point de nuages, et le soleil mettait de la gaieté dans tous les coins du paysage - un des plus beaux qui soient au monde.
Une vraie journée de printemps ! disent les paysans qui sont accourus en foule pour fêter M. de Bonchamps et avec lui tous les héros de la Vendée militaire. Et sur le pont de fil de fer qui relie la Bretagne à l'Anjou, sur les routes, à l'entrée de la ville, on se bouscule comme les jours de foire. Que doit en penser M. le Maire, lui qui soutenait, la veille encore, que le lundi il n'y aurait personne.
Toute la noblesse vendéenne s'est donnée rendez-vous ce jour-là à Saint-Florent : les deux Bouillé, le duc et la duchesse de Blacas, MM. de Villoutreys, de Fleuriot, de la Boulaye, etc. - et quand les membres de l'Association arrivent à l'église par la grande rue toute pavoisée de drapeaux tricolores et d'oriflammes aux armes de l'Association, ils constatent avec plaisir qu'elle est toute pleine.

C'est M. le Curé qui s'est offert à dire la messe, en sa qualité de membre de l'Association, et nous serions ingrats si nous ne le remercions pas de suite pour le zèle et la bonne grâce aimable dont il a fait preuve dans cette circonstance solennelle.

L'ÉGLISE DE SAINT-FLORENT ET LA COLONNE

Quelle merveilleuse église ! il n'y avait qu'une voix l'autre jour pour féliciter M. le curé de la façon intelligente et artistique avec laquelle elle a été restaurée. J'entendais regretter par quelques-uns que le tombeau de Bonchamps eût été transporté du fond de l'abside dans une chapelle latérale.
Tel n'est point mon avis. Certes, ce monument manque de recul, mais le tombeau malgré cela, produit un tout autre effet qu'au fond du choeur où il était aussi mal éclairé que possible.

Après la messe où Mlle Maréchal, MM. Caylus et Weingaertner chantent et exécutent les mêmes morceaux qu'à celle d'Ancenis, les membres de l'Association se rendent au pied de la colonne qu'elle a fait restaurer et chacun complimente M. Goujon architecte angevin sous la direction de qui le très habile entrepreneur d'Ancenis, M. Paturaux a exécuté les travaux de cette restauration.
Pourquoi faut-il que la tempête qui passa sur le pays quelques jours auparavant ait précipité du haut de la colonne le vase de fonte avec flamme dorée dont l'Association l'avait surmontée ? Le bris de ce vase a entraîné pour elle une perte sèche de cinq cents francs.

572px-Colonne_de_la_Duchesse_d'Angoulême_au_Montglonne_1

Rappelons pour mémoire les inscriptions qui ont été gravées en lettres d'or sur les quatre plaques d'ardoise du soubassement de la colonne :

Côté est :
CETTE COLONNE FUT INAUGURÉE
EN PRÉSENCE DE LA DUCHESSE DE BERRY
EN 1828
POUR RAPPELER LE PASSAGE
A SAINT-FLORENT
DE LA DUCHESSE D'ANGOULEME
LE 22 SEPTEMBRE 1823

Côté ouest :
CETTE COLONNE A ÉTÉ RESTAURÉE
EN 1896
PAR SOUSCRIPTION PUBLIQUE
SOUS LES AUSPICES DE
L'ASSOCIATION BRETONNE-ANGEVINE

Sur le côté nord, aspectant la Loire :
APRES LA BATAILLE DE CHOLET
L'ARMÉE VENDÉENNE
PASSA LA LOIRE A SAINT-FLORENT
LE 18 OCTOBRE 1793

Sur le côté sud, aspectant la Vendée :
(Inscriptions détruites en 1830)

Façade :
LES VENDÉENS A SON ALTESSE
ROYALE MADAME LA DUCHESSE
D'ANGOULEME

Côté ouest :
DIEU ET LE ROI

Côté nord :
HOMMAGE D'AMOUR ET DE
RECONNAISSANCE A L'AUGUSTE
FILLE DE LOUIS XVI QUI
PAR SA PRÉSENCE EST VENUE
VÉNÉRER LA MÉMOIRE DES BRAVES
ET LA FIDÉLITÉ DE CEUX QUI
LEUR ONT SURVÉCU

Côté sud :
PRO DEO ET REGE

Après un coup d'oeil jeté du haut de la terrasse sur l'admirable paysage qui s'étend de Champtocé à Ancenis et sur le château de la Madeleine qui domine Varades, on se rend à l'Hôtel Malherbe où plus de cent cinquante personnes s'entassent pour déjeuner, alors que la salle à manger n'en peut contenir que soixante. D'où une bousculade suivie de plaintes et ... d'un très mauvais repas. Au dessert, M. Léon Séché porte la santé de M. André Theuriet et déclame, au milieu des applaudissements de l'assemblée, cette jolie poésie que l'auteur du Chemin des bois lui avait adressée à Nantes, il y a quelque vingt ans, pour un petit journal littéraire mort né.

Voici qu'avril est de retour,
Mais le printemps n'est plus le même,
Ni le soleil, depuis le jour
Où j'ai perdu celle que j'aime,

Je m'en suis allé par les bois,
La forêt verte était si pleine,
Si pleine des fleurs d'autrefois
Que j'ai senti grandir ma peine.

Et j'ai dit aux muguets tremblants :
"N'avez-vous pas vu ma mignonne ?"
J'ai dit aux ramiers roucoulants :
"N'avez-vous rencontré personne ?"

Mais les ramiers sont restés sourds
Et sourde aussi la fleur nouvelle
Et depuis je cherche toujours
Le chemin qu'a pris l'infidèle.

L'amour, l'amour qu'on aime tant
Est comme une montagne haute ;
On la monte tout en chantant,
On pleur en descendant la côte.

M. André Theuriet répond par la Galette lorraine que lui inspire la vue de la galette bretonne. M. Fontaine, président du Tribunal civil de la Flèche, raconte les circonstances dans lesquelles l'Association décida de poser la plaque de bronze qu'on inaugurera tout à l'heure, et l'assistance se dirige vers l'ancienne maison Duval, aujourd'hui la propriété de M. Fontaine, au seuil de laquelle M. André Theuriet prononce le magnifique discours suivant :

MESDAMES, MESSIEURS,
En choisissant, pour présider vos fêtes commémoratives, un simple homme de lettres qui ne s'est jamais occupé de politique, l'Association Bretonne-Angevine a bien voulu marquer le caractère, pour ainsi dire esthétique, de cette solennité. En effet, elle rassemble aujourd'hui autour du tombeau de Bonchamps les hommes de tous les partis, qui ont gardé le culte de ce qui est noble et beau dans le domaine du coeur comme dans le domaine de l'intelligence.

Charles_de_Bonchamps"S'il est vrai, comme l'a chanté le poète anglais John Keats, "Qu'une belle chose est une joie éternelle", une belle action est aussi une source féconde de joie intellectuelle, puisqu'elle inspire des chefs-d'oeuvre à l'artiste et au poète. Et, dans cet ordre d'idées, Messieurs, quel auteur dramatique ou quel romancier pourrait imaginer une plus héroïque mise en scène que le spectacle de Saint-Florent pendant la terrible journée du 18 octobre 1793, une situation plus grandiosement pathétique que celle qui immortalisa le nom de Bonchamps et qui fut le glorieux couronnement de sa carrière de soldat ?
Représentez-vous après plus de cent ans cette tragique journée : Bonchamps, mortellement blessé à la bataille de Cholet, gît dans une des chambres de cette maison dont nous touchons le seuil. Au dehors, le spectre de la déroute affole les populations.
L'armée vendéenne se trouve acculée à la Loire et à la suite de l'armée, des femmes, des enfants, des convois de blessés se mêlent aux combattants qui protègent la retraite. Derrière eux flambent des lueurs d'incendie et le tocsin retentit comme une menace de mort. En tumulte, ils se précipitent au fond des barques qui doivent les emporter vers cette rive droite qui leur apparaît comme un dernier refuge. Avec grand'peine s'opère le passage de la Loire, non pas comme une marche en avant, ainsi que Bonchamps en avait fait le glorieux rêve, mais comme une émigration effarée, sous la pluie qui tombe et le vent qui souffle en tempête. Tandis que la retraite se hâte vers le fleuve, les troupes, massées dans la ville se disent que cinq mille prisonniers républicains ont été évacués de Beaupréau sur Saint-Florent et renfermés dans l'enceinte de l'abbaye.
A la pensée que ces milliers d'hommes, si on les laisse derrière soi, peuvent servir de renfort à l'armée républicaine qui s'avance, l'aveugle colère des foules s'allume et de terribles cris de vengeance et de représailles éclatent par les rues. Malgré les protestations des chefs, on veut massacrer les Bleus sans merci, et déjà les murs de l'église sont assiégés. Un officier court prévenir Bonchamps dans cette maison en deuil où des amis attendent avec angoisse la sentence du chirurgien chargé de sonder la blessure.

Le général a déjà lu dans les yeux de son entourage que l'heure suprême approche, mais, à l'annonce de l'exécution militaire qu'on médite, son grand coeur se révolte, et se soulevant, il trouve encore la force de crier : "Grâce aux prisonniers !" et de donner à M. d'Autichamp l'ordre de porter aux troupes vendéennes ce dernier et magnanime commandement.
Et ainsi cinq mille vies humaines sont sauvées par celui dont la propre vie pendant cette nuit d'orage va s'écouler comme la goutte d'eau qui coule et tremble au bord d'un toit.
N'y a-t-il pas là un motif d'épopée d'une beauté comparable à celle de la mort d'Hector et des supplications de Priam ? N'est-ce pas là une tragédie aussi poignantes que les Perses d'Eschyle ou l'Oedipe-Roi de Sophocle ? ... Et, plus tard, lorsque les années survenantes auront endormi les dernières rancunes de nos luttes politiques, dans cette épique page d'histoire n'y aura-t-il pas, pour un poète de génie, matière à une oeuvre magnifiquement retentissante ?
Ne nous étonnons donc pas si l'hommage rendu à Bonchamps réunit aujourd'hui ici des hommes de toutes les provinces et de toutes les opinions, des fils des soldats de Hoche comme des fils des vaillants soldats vendéens. L'admiration des belles choses appartient à tous. Ce culte pour les souvenirs et les gloires de nos provinces françaises est l'un des témoignages les plus sûrs de l'amour que nous portons à la grande patrie. En effet, cette préoccupation des traditions locales, ce renouveau de la vie provinciale font courir dans les âmes une vie nouvelle, tendent les esprits vers un effort commun et généreux.
Hier, tandis qu'à Ancenis j'assistait à la restauration de la Croix de Lorraine, mon âme de Lorrain s'émouvait en retrouvant aux rives de la Loire le ressouvenir inattendu de ma province natale. Nous avons tous dans  un coin de notre coeur "notre petit Lyré", auquel, comme Joachim du Bellay, nous repensons mélancoliquement, et devant le sanctuaire duquel nous entretenons une flamme cachée. Ce foyer d'amour provincial ce sera un honneur pour l'Association Bretonne-Angevine de l'avoir courageusement rallumé. Elle ne le laissera plus s'éteindre et son activité servira d'exemple aux autres provinces qui s'efforceront à leur tour de restaurer tendrement le culte des traditions locales.
Ces tendresses pour le coin de terre où nous sommes nés, brûlent d'abord discrètement pareilles à ces feux de bergers qu'on aperçoit la nuit sur la crête des collines, mais, peu à peu, ces flammes éparses se multiplient, elles nous réchauffent et forment le large foyer d'amour qui flambe en nous pour la patrie commune, pour le joyeux et vaillant pays de France."

M. André Theuriet avait à peine fini que toutes les mains se tendent vers lui, tant il a remué les coeurs. Et l'on pénètre dans la chambre où Bonchamps prononça les paroles sacrées que l'Association a rappelées sur la très belle plaque de bronze placée au-dessus de la porte d'entrée. Cette chambre qui donne sur la rue n'a pas changé depuis 1793. On peut donc aisément reconstituer la scène émouvante que David a rendue dans un marbre immortel.
Après cette visite faite dans le recueillement le plus profond, tous les assistants gagnent la salle de concert que M. le curé a mise gracieusement à la disposition des organisateurs de la fête, salle malheureusement beaucoup trop petite pour contenir la foule qui se presse de toutes parts, et le concert commence à 2 heures et demie. Même programme à peu de chose près que celui de la veille. Il n'y a que la partie littéraire qui diffère. M. Léon Séché lit une très dramatique nouvelle tirée d'un volume qui paraîtra prochainement sous le titre : Contes et figures de la Vendée militaire.
Cette nouvelle, publiée il y a quelques années déjà dans le supplément du Figaro, est intitulée : la pendule du père Francheteau. Puis, MM. Dominique Caillé, Emile Grimaud et Olivier de Gourcuff récitent les vers suivants :

UN RÉGULUS NANTAIS
Potius mori quam foedari.
(Devise bretonne)

S'il est beau de vaincre la terre
Et d'imposer partout ses lois,
Et, soldat que la gloire altéré,
De s'illustrer par ses exploits ;
D'effacer d'un trait sur la carte,
Comme Alexandre ou Bonaparte,
Tout peuple gênant son pouvoir ;
Il est plus beau, plus héroïque,
D'affronter, hautain et stoïque,
La mort pour remplir son devoir.

On était en quatre-vingt treize,
A l'heure des combats géants,
La Révolution française
Grondait comme les Océans ;
Le Roi sentait craquer son trône,
Vaciller sa frêle couronne
Qu'un souffle populaire abat ;
Tandis que Bonchamps et Charette,
Héros que nul péril n'arrête,
Pour lui s'élançaient au combat.

Par les paysans de Vendée,
Fidèles à Dieu comme au Roi,
La France, alors, fut inondée
Et le peuple trembla d'effroi ;
Mais, au bruit du canon d'alarmes,
On vit soudain prendre les armes :
Soldat, Notable, Commerçant ;
Le coeur battant dans leur poitrine,
Ils partaient, avec Haubaudine,
En chantant, répandre leur sang.

Mais, lorsqu'après des jours de marche et de batailles,
Les Vendéens bravant les balles, la mitraille,
En sabots, poursuivant leurs exploits fabuleux,
A grands coups de bâton eurent vaincu les bleus,
Haubaudine et les siens, furent pris par Charette.
De paysans bientôt, une escorte fut prête ;
Les bleus furent conduits, comme arrivait le soir,
Au bourg de Montaigu, dans un sombre manoir,
Qui, sur eux tous, laissa tomber sa lourde porte.
Charette fit alors venir leur chef :
"Tiens, porte
La proposition d'échanger pour les leurs,
Nos soldats prisonniers dans la crainte et les pleurs,
A tes Républicains de la ville de Nantes."
Ajoutant, menaçant, ces paroles tonnantes :

"Sans faute, apporte-nous leur réponse, sinon
Tes compagnons mourront broyés par le canon."

Haubaudine bondit comme sous une injure,
Et le bras étendu, s'écria :
Je le jure !"

Il partit le front haut en face du vainqueur ;
Et, sans calculs mesquins et sans faiblesse au coeur,
Il s'en vint exposer sa mission brutale
Aux citoyens nantais qui, criant au scandale,
Les gestes orgueilleux, les regards irrités,
Lui répliquèrent tous :

"Venant de révoltés,
Toute offre est un outrage et d'une audace étrange.
Oui, sans délibérer, nous refusons l'échange.
Et quant à ton serment, il est nul. Sans souci
De lui, dès maintenant, sois libre et reste ici.
"Non, leur dit-il, je vais l'accomplir sans relâche."
Et, comme il s'éloignait, on le traité de lâche.
Eh quoi ! lâche, celui qui fuyait, indompté,
Le bien-être, l'amour des siens, la liberté,
Pour s'en aller reprendre au milieu de la haine
Afin d'être fidèle à son serment, la chaîne ;
Afin de s'épargner la honte et le remord
D'avoir été parjure et cause de la mort
De mille prisonniers, ses compagnons de guerre.
Ah ! de ces lâches-là, l'on n'en compterait guère.
Rome leur eût dressé jadis un piédestal :
Haubaudine, tu fus de Régulus l'Egal.

Tu revins te livrer, et, chose triste à croire,
    Tu fus alors emprisonné
Avec cinq mille Bleus, sur les bords de la Loire,
    Dans un vieux temple abandonné ;
Tu revins, et ton sang aurait marqué sa trace,
    Dans l'Eglise de Saint-Florent,
Si, pour les prisonniers n'eût sorti le mot : Grâce !
    Du coeur de Bonchamps expirant.
Va, tes siècles fuiront sans toucher à la gloire,
    Soldat de Nantes, ma cité.
Parmi les plus grands noms de notre vieille histoire,
    Va, le tien peut être cité.
Tes aïeux n'étaient pas des seigneurs d'importance,
    Ayant des titres sur velin ;
Ils n'éblouissaient pas de l'éclair de leur lance
    Et le bourgeois et le vilain ;
Mais tous, ils t'ont légué la noblesse de l'âme,
    Préférable au nom le plus beau ;
Elle embrasse le coeur d'une divine flamme
    Et rend glorieux un tombeau
L'avenir t'a placé, héros à l'âme pure,
    Entre Duguesclin et Clisson,
Car tu sus préférer la mort à la souillure,
    Comme le veut l'honneur breton !

Dominique CAILLÉ.

[Suivent deux poésies : A BONCHAMPS de Ollivier de Gourcuff et LA MORT DE BONCHAMPS de Emile Grimaud, puis un concert]

Le concert terminé, les membres de l'Association allèrent visiter la chapelle ruinée du cimetière, qu'un jour ou l'autre elle restaurera, car cette chapelle est un pur bijou d'architecture ogivale, et après avoir fait une charmante promenade aux environs, sous la direction de M. Renard, notaire, que nous ne saurions trop remercier ici, pour le dévouement qu'il a déployé dans ces circonstances, ils redescendirent à l'hôtel Malherbe, où on leur servit un assez bon dîner.
Quand vint l'heure des toasts, M. Dominique Caillé se leva, pour lire la lettre suivante, que venait de lui adresser M. Gahier, avocat, président de l'Association à Nantes, empêché par les devoirs de sa profession. ...

La deuxième journée à Saint-Florent-le-Vieil


Les membres de l'Association arrivaient à Saint-Florent et se rendaient aussitôt dans la splendide église érigée par les Moines Bénédictins et restaurée avec tant d'intelligence par nos contemporains.
Ils prennent place dans le vaste choeur ; la nef est remplie par une foule pieuse.
Pendant le Saint Sacrifice, célébré par M. le Curé, Mlle Maréchal et M. Caylus ont successivement fait entendre plusieurs chants du meilleur style.

Après l'Office divin, les Associés sont allés à la Colonne Vendéenne et ont admiré le splendide panorama qui se déroulait sous leurs pieds.

P1150278La Colonne, haute de 15 mètres, se compose d'un socle en granit, d'un fût (9m40) en tuffeau de Saumousset, d'un chapiteau en pierre blanche de Saint-Même (Charente) et ...
L'association avait placé sur le chapiteau une urne en bronze d'où sortaient des flammes, mais la tempête de vendredi a renversé l'urne et les échafaudages ; la Colonne reste donc inachevée.
Cet accident était peu regretté. L'urne, en effet paraissait mesquine et sans signification. Des réclamations nombreuses s'étaient élevées, mais pour des raisons financières et autres elles n'avaient pas été écoutées. Beaucoup ont trouvé très heureuse l'intervention de la tempête, et il a été décidé que la Colonne serait surmontée, comme elle l'était primitivement, d'une couronne royale.
Il convient, en effet, quand on restaure un monument, de le rétablir dans son état primitif et de lui conserver la signification que lui donne l'histoire.
L'Association Bretonne Angevine, qui avait eu la très heureuse pensée de réparer les injures du temps, aurait donc mieux atteint son but si elle eût donné à l'édifice son couronnement légitime et ses inscriptions premières.
L'Association a eu du moins le bon esprit de les faire revivre sur l'une des faces du socle et nous lui en savons gré.

Au déjeuner assez mal servi, M. André Theuriet nous a récité une charmante poésie de son pays natal, la Galette Lorraine.

M. Séché a présenté les excuses de plusieurs absents : MM. de Maillé, sénateur ; de la Bourdonnaye, député de Maine-et-Loire ; de Béjarry, sénateur de la Vendée ; Thoinnet de la Turmelière, conseiller général de la Loire-Inférieure.

M. Gazeau, au nom des habitants de Saint-Florent, a remercié en quelques mots partis du coeur l'Association qui conserve les souvenirs glorieux du passé, respecte l'amour des ancêtres et la fidélité aux grandes causes pour lesquelles ils sont morts.

maison Duval à St Florent le Vieil

M. Fontaine, propriétaire de la maison où agonisa Bonchamps, nous a conduits à cette maison d'apparence modeste, située en bas de la rue, à gauche, qui monte à Saint-Florent.
L'admiration populaire lui a donné ce beau nom : "la maison du Grand Pardon".

Une belle plaque de bronze, ornée d'une guirlande de lierre, des armoiries de l'Association et de sa devise : "Avec l'aide de Dieu pour la Patrie", porte cette inscription commémorative :

Plaque - Bonchamps - St Florent le Vieil

L'ASSOCIATION BRETONNE-ANGEVINE
POUR HONORER LA MÉMOIRE DE
BONCHAMPS
A FAIT POSER CETTE PLAQUE
SUR LA MAISON OU IL CRIA
GRACE AUX PRISONNIERS
18 OCTOBRE 1793

Cette plaque est l'oeuvre d'un jeune et habile sculpteur nantais, M. Baudry.
La maison est occupée par le percepteur, M. Tulasne, qui a très obligeamment autorisé les visiteurs à entrer.
Devant le seuil, en présence d'une foule nombreuse et attentive, M. André Theuriet, président de l'Association, a prononcé un discours. ...

A.-J. VERRIER
Revue illustrée des provinces de l'Ouest
1896

Publicité
Commentaires
La Maraîchine Normande
  • EN MÉMOIRE DU ROI LOUIS XVI, DE LA REINE MARIE-ANTOINETTE ET DE LA FAMILLE ROYALE ; EN MÉMOIRE DES BRIGANDS ET DES CHOUANS ; EN MÉMOIRE DES HOMMES, FEMMES, VIEILLARDS, ENFANTS ASSASSINÉS, NOYÉS, GUILLOTINÉS, DÉPORTÉS ET MASSACRÉS ... PAR LA RIPOUBLIFRIC
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
Newsletter
Archives
Publicité
Derniers commentaires
Publicité
Publicité