INAUGURATION DE LA STATUE DU GÉNÉRAL CATHELINEAU AU PIN-EN-MAUGES, LE 9 AOUT 1827
INAUGURATION DE LA STATUE
DU GÉNÉRAL CATHELINEAU
AU PIN-EN-MAUGES
LE 9 AOUT 1827
DESCRIPTION DU MONUMENT DE CATHELINEAU
La première pierre en a été posée le 4 juillet 1826 ; l'inauguration en été faite le 9 août 1827
Le monument de Cathelineau est situé dans la commune du Pin-en-Mauges, arrondissement de Beaupréau, département de Maine et Loire, lieu de sa naissance et près de la maison qu'il habitait.
Le terrain sur lequel il est construit est à l'extrémité la plus élevée et à l'entrée du bourg, venant de Beaupréau ou de Saint-Florent.
La forme est un grand ovale de 102 pieds de longueur sur 72 de largeur ; il est entouré d'un mur d'appui de 2 pieds et demi de hauteur, sur lequel posent 32 pilliers quarrés de 9 pieds de hauteur au-dessus du petit mur ; les chapiteaux ont 2 pieds et les côtés 18 pouces en quarré.
Entre chaque pilier sont des claires-voies dont les montans sont terminés par des sacrés coeurs et des fleurs de lys alternativement ; sur chaque pilier est un vase de forme antique.
L'entrée de cette enceinte, appelée place Cathelineau, est à l'extrémité du grand diamètre de l'ovale, du côté du bourg ; elle est formée de trois intervalles contigus entre quatre piliers. On monte 6 marches qui forment un perron en portion d'arc de 26 pieds de longueur ; près et vis-à-vis l'ouverture du milieu est un calvaire, dont la croix, parsemée de coeurs dorés, a 25 pieds de hauteur au-dessus de l'autel.
Au milieu de la place est la statue de Cathelineau, en un seul bloc de belle pierre de Saintes, dite Crassane. Le corps a 7 pieds. Il est représenté en costume villageois, habit court, croisé sur la poitrine, des pistolets dans une écharpe à gros noeuds, le chapelet pendant sur sa poitrine et un sacré coeur à sa gauche plaqué sur l'habit. Sa main droite est armée d'un sabre, dont la pointe arrive à une inscription : Dieu et le Roi ! sculptée sur le piedestal d'une croix dont il embrasse le montant, et dont les bras dépassent sa tête ; sa figure regarde le ciel que, par l'expression de ses traits, il invoque pour le succès de son entreprise ; son chapeau décoré de rubans et de panache est posé sur le piedestal de la croix ; un manteau bien drapé tombe de son épaule gauche, et couvre le derrière du piédestal de la croix.
Le piedestal a 9 pieds de hauteur, 5 de largeur à sa base, et 4 du chapiteau à la base.
Les quatre côtés sont garnis d'inscriptions gravées sur la pierre de rairie dont est formé le piédestal.
Sur celle de face, on lit :
CATHELINEAU
GÉNÉRAL EN CHEF
DES ARMÉES
CATHOLIQUES
ET ROYALES
1793
Sur celle de droite, on lit le récit des actions militaires de Cathelineau, depuis le jour de son départ, jusqu'à celui de sa mort, comme il suit :
"Tempore brevi, explevit tempora multa.
Le 13 mars 1793, il part d'ici à la tête de 30 parens ou amis ; leur nombre s'augmente à la Poitevinière. Il bat les garnisons de Jalais et de Chemillé, et s'arme avec leurs fusils et leurs canons. Le 14, il avait 300 hommes ; il prend Cholet. Le 16, victoire à Vihiers. Le 19, il prend Chalonnes. Le 20, Saint-Florent. Le 29, combat à Saint-Lambert. Repos pour les Pâques. Le 11 avril, victoire à Saint-Pierre de Chemillé. Le 12, il se porte à Tiffauge. Le 16, il surprend Cholet. Le 17, victoire à Vezins et à Coron. Le 18, prise du château de Boisgroleau. Le 23, prise de Beaupréau. Le 24, il dégage Chalonnes. Licenciement jusqu'au 28. Le 1er mai, il prend Argenton. Le 2, il accompagne M. Henri de Larochejaquelein à Bressuire. Le 5, il était à la prise de Thouars, et le 8, à Parthenay. Le 13, prise de la Chataigneraie. Le 16, contre son avis, on marche sur Fontenay ; l'armée y éprouve un échec qui est réparé, le 24, en prenant la ville et tout ce qu'on avait perdu. Après un court repos, le 4 juin, M. Cathelineau, réuni à M. de Bonchamps, chasse l'ennemi de Doué. Le 8, il le bat encore à Montreuil. Le 9, il était sous les murs de Saumur, qui fut pris le 10, par ses conseils ; le château capitule le 11. Le 12, il est nommé général en chef. Le 18, l'armée entre à Angers, d'où elle part le 25, pour attaquer Nantes. Le 28, prise de Nort. Le 29, le général, au moment d'entrer à Nantes, est renversé par une blessure. Il est porté à Saint-Florent où il meurt, le 4 juillet, âgé de 34 ans et demi, laissant aux soins de la Providence sa femme, quatre filles et un fils, maintenant officier de la garde royale et père de 6 enfans."
Sur la face de gauche, on lit l'ordre du jour, de Saumur, qui l'a nommé général en chef, comme il suit.
"Aujourd'hui 12 juin 1793, l'an Ier du règne de Louis XVII ;
Nous soussignés commandant les Armées catholiques et royales ;
Voulant établir un ordre stable et invariable dans notre armée, avons arrêté qu'il sera nommé un Général en chef de qui tout le monde prendrait l'ordre ; d'après le scrutin, toutes les voix se sont portées sur M. Cathelineau qui a commencé la guerre, et à qui nous avons tous voulu donner des marques de notre estime et de notre reconnaissance,
En conséquence, il a été arrêté :
Que M. Cathelineau serait reconnu en qualité de général en chef, et que tout le monde prendrait l'ordre de lui.
Fait à Saumur, en conseil, au quartier général, ledit jour et an que dessus.
De Lescure, d'Elbée, Stofflet, Bernard de Marigny, Duhoux-d'Hauterive, de Bonchamps, Henri de Larochejaquelein, chevalier de Beauvolier, Laville de Beaugé, Desessarts, de Laugrenière, de Boisy, de Beauvolier, de Hargues, de Donnissan."
Il y a sur l'original quelques autres signatures que l'humidité de la terre, où il est long-temps resté caché, a effacées.
Sur la quatrième face, sont les vers suivans :
"Illustres vendéens, compagnons de sa gloire,
Venez du Saint d'Anjou révérer la mémoire ;
Marchant à votre tête, il soutint à la fois
Les autels de son Dieu, le trône de ses Rois ;
Pour défendre des lys l'éclatante bannière,
Il quitte ses enfans, sa femme, sa chaumière ;
Il dit, en s'éloignant, les regards vers les cieux,
Divine Providence ! ayez les yeux sur eux,
Je vais sauver la France ; et, supérieur aux larmes,
Il vole à ses amis, leur fait prendre les armes ;
Le cri : VIVE LE ROI ! leur sert de rallîment.
Leur marque distinctive est le panache blanc ;
Par la religion animant leur courage,
Leurs coeurs, d'un Sacré Coeur, portent la sainte image ;
Du pied des saints autels exhortant ses soldats,
Le rosaire à la main, il les mène aux combats ;
Comme au coeur de David, à son coeur Dieu s'adresse ;
Dans les camps, aux conseils lui dicte sa sagesse ;
Uni sous ses drapeaux, l'honneur et la vertu,
Au cri : DIEU ET LE ROI ! toujours ont combattu."
Sur la face et les deux côtés latéraux de chacun des trente-deux piliers entourant la place, sont gravés, en désignant les communes, les noms des vendéens qui sont morts ayant combattu pour la cause royale, dans les divers corps et sous les commandans qui ont succédé à Cathelineau, de sorte qu'il est représenté partant pour son expédition, entouré de ceux qui ont servi la même cause que lui.
Par une heureuse situation locale, le général Cathelineau paraît sortir de sa maison qui est à sa gauche, un peu en arrière, et prendre sa direction vers Jalais, ce qu'il fit en effet.
Sur la marche du piédestal, du côté où sont les vers, on lit l'inscription suivante :
"La première pierre de ce monument a été posée le 4 juillet 1826, par M. de Chantreau, sous-préfet, en présence de M. le marquis de Civrac, maréchal-de-camp et député du département de Maine et Loire, de M. Raimbault, curé ; de M. Gabory, maire, et d'un grand concours de Vendéens."
Sur les trois autres côtés de la marche du piédestal on lira l'inscription suivante :
"S.M. Charles X a honoré l'inauguration de ce monument, s'y étant fait représenter par M. le général Sapinaud, le plus ancien des généraux de la Vendée, existans. Cette fête, où ont assisté 1800 Vendéens armés, a eu lieu le 9 août 1827, en présence de M. le lieutenant-général comte d'Autichamp, ancien général en chef de la Vendée, M. le duc de Mortemart, M. le vicomte Donadieu, commandant la 4e division militaire ; M. le comte de Bourmont, M. le comte de la Potherie, M. le marquis de Civrac, M. le comte de Colbert, M. le marquis de Courtavel, M. le marquis Oudinot, M. de Chantreau, sous-préfet ; de MM. Lhuillier, Dudoré, Caqueray, la Sorinière, Soyer, Pauvert, et autres anciens commandans des Vendéens, ainsi que les propriétaires les plus distingués du département et des départemens voisins."
M. l'abbé de Chantreau, grand vicaire de Mgr l'évêque de Luçon, a officié à la grand'messe d'actions de grâces, pendant laquelle on fit une quête pour l'hospice du Pin. M. le duc de Mortemart donnait la main à Mme la comtesse d'Autichamp ; M. le comte d'Autichamp, à Mme la comtesse Arthur de Lostanges.
Après la revue, on découvrit la statue qui était restée couverte d'un drapeau blanc, surmontée d'une couronne de lauriers, et MM. Martin, curé de Montrevault, de Sapinaud, d'Autichamp, de Chantereau et de Cathelineau, prononcèrent les discours ...
Les vendéens ayant défilé au pied de la statue, au cri de VIVE LE ROI ! furent prendre place aux tables qui, au nombre de treize, étaient placées dans le jardin de la cure. Sept de ces tables étaient sous une charmille de 110 pieds de longueur, et 20 de largeur, couverte dans sa totalité par des voiles ; au milieu, contre le feuillage, était le buste du Roi, au dessous duquel était le général Sapinaud ; à une extrémité on lisait : VIVE LE ROI, et à l'autre : DIEU ET LE ROI ; tout au long de la charmille étaient en corniche, des festons en guirlandes de fleurs d'où pendaient 24 cadres où on lisait les noms de personnages illustres des armées de l'ouest qui, dès le premier soulèvement en 1793 jusques pendant les cent jours, en 1815, ont péri pour le maintien de la royauté.
A une des tables de la charmille, vis-à-vis le buste du Roi, était placée la famille du général Cathelineau, au nombre de vingt-trois, dont cinq enfans du général et leurs enfans ; en tête était la belle-mère du général, seconde femme de son père, âgée de 73 ans ; elle fut présentée à M. le général Sapinaud, ainsi que les trois fils de M. de Cathelineau, seul fils du général, et qui sert actuellement dans la compagnie des gardes-du-corps, à pied, du Roi, sous les ordres de M. le duc de Mortemart, qui a pour lui toute la considération que mérite son zèle pour le Roi ; qui a hérité de toutes les vertus de son père, et qui a donné des preuves de courage et de dévouement dans la dernière campagne de la Vendée, en 1815, sous les ordres de M. le comte Auguste de Larochejaquelein, dans le 4e corps.
Pendant le repas on proposa une souscription pour élever un monument, à Beaupréau, au général d'Elbée, et chacun s'empressa de s'y inscrire.
Après le repas les santées suivantes ont été portées :
Au ROI, par M. le général Sapinaud.
A S.A.R. Mgr le Dauphin, par M. le duc de Mortemart.
A S.A.R. Mme la Dauphine, par M. le comte d'Autichamp.
A S.A.R. Mme la Duchesse de Berry, par M. le vicomte Donadieu.
A S.A.R. Mgr le Duc de Bordeaux, par M. le comte de Bourmont.
A S.A.R. Mademoiselle, par M. le chevalier de Lostanges.
Après les couplets analogues à la fête, les Vendéens reprirent leurs armes aux faisceaux, et se mirent en marche pour retourner à leurs communes, aux cris de VIVE LE ROI ! vive le général Sapinaud ! vive le général d'Autichamp !
Extrait
INAUGURATION DE LA STATUE
DU GÉNÉRAL CATHELINEAU
AU PIN-EN-MAUGES,
DEPARTEMENT DE MAINE ET LOIRE,
LE 9 AOUT 1827
MAME AINÉ, IMPRIMEUR DU ROI ET DE LA PRÉFECTURE
1827
[En 1832, le gouvernement de Juillet, auquel ce monument portait ombrage, s'empressa de le faire enlever et la statue fut déposée dans le jardin du presbytère.]
