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La Maraîchine Normande
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12 juillet 2013

NICOLAS-LOUIS-JOSEPH-FLORIMOND DE SAINTE-COLOMBE DE BOISSONNADE ♣ LE DRAME DE POUYLEHAUT (47) - 1794

LE DRAME DE POUYLEHAUT

1794

C'est un fait bien connu dans le Néracais que la mort de ce jeune émigré, à Barbaste, la tradition locale a conservé le souvenir des circonstances tragiques qui l'accompagnèrent.
Le récit de l'historien J.-F. Samazeuilh, avocat employé dans les affaires de Sainte-Colombe de Boissonnade, récit rédigé d'après des témoignages oculaires et publié, il y a près d'un siècle, ainsi que la tradition familiale viennent confirmer ces souvenirs locaux. L'histoire n'en infirmant pas les points qu'elle ne confirme, il ne saurait planer sur ce fait aucun doute d'authenticité.

POUYLEHAUT



POUYLEHAUT

Sans retracer l'histoire de Pouylehaut, il est bon de rappeler ce que fut cette demeure devenue le cadre du drame.
Sa situation au milieu d'un bosquet et sur un des points les plus élevés du Lot-et-Garonne, présidant à la jonction de la Baïse et de la Gélise, rend Pouylehaut "moins remarquables part ses constructions que par la beauté de son site". C'était une de ces gentilhommières "dont ne se contenteraient pas les bourgeois de nos jours" comme le disait le Chanoine Dubourg. De la terrasse de cette demeure on domine le coteau de Bréchan, Nérac, les tours de Barbaste, Montgaillard, Xaintrailles ..., les rives romantiques de la Baïse et les bords sauvages de la Gélise. C'est ce qui a fait dire à Samazeuilh : "Ces aspects si variés, ici frais, ailleurs sombres, ces contrastes du site de Pouylehaut, ne sont qu'une trop fidèle image des vicissitudes qu'éprouva cette demeure ..." ...

Le père de notre héros :
Messire Joseph-Nicolas de Sainte-Colombe de Boissonnade, Chevalier, Conseiller du Roi, Trésorier général et Grand-voyer de France au Bureau des Finances de la Généralité d'Auch, Seigneur de Boissonnade, Astugues, Le Mayne, Bassilianne, Douat, Le Tourblanc, Gabaret, Coulommé et Lalanne. Il était aussi Seigneur de Pouylehaut et c'est en cette qualité qu'il fut convoqué à l'Assemblée de la Noblesse de la Sénéchaussée de Nérac, le 30 mars 1789.

Pouylehaut resta la propriété de la famille de Sainte-Colombe de Boissonnade jusqu'au 8 juin 1836, date où le domaine fut acquis par M. Jean Gibert. Il devint ensuite la propriété de M. l'abbé Ambroise Gibert, Vicaire général de Monseigneur de Deux-Brézé, puis des familles Cohu, Duprat, Ducasse et Dolce qui le possède actuellement.

LE HÉROS, LE DRAME

MESSIRE NICOLAS-LOUIS-JOSEPH-FLORIMOND DE SAINTE-COLOMBE DE BOISSONNADE naquit au château de Boissonnade, le 7 mai 1773 et fut baptisé le lendemain en l'église de Layrac. Il était le fils de Joseph-Nicolas de Sainte-Colombe de Boissonnade, Seigneur de Boissonade, Astugues, Pouylehaut, etc. (dont il a été parlé), né le 8 février 1736 et de Dame Antoinette de Montesquiou de Laboulbène, née à Agen, le 7 mai 1750 (mariés en la cathédrale Saint-Etienne d'Agen, le 16 juillet 1771).
NICOLAS-LOUIS-JOSEPH-FLORIMOND eut pour parrain Messire Nicolas-Joseph de Sainte-Colombe de Boissonnade. Chevalier, Capitaine au Régiment de Lorraine, son oncle et pour marraine Marie-Magdeleine de Sainte-Colombe de Tournade, veuve de Messire Joseph de Montesquiou de Laboulbène, Chevalier de l'ordre royal et militaire de Saint-Louis, ancien Major du Régiment du Médoc, sa grand'mère maternelle.

On sait peu de choses sur l'enfance de notre héros, sinon qu'il vécut au château de Boissonnade sur les bords de la Garonne et qu'il profita des leçons de ses maîtres tout en demeurant au sein de sa famille, assez nombreuse, si l'on considère que d'une première union avec Marie du Claret de Fabas, riche héritière de Mézin, son père avait eu douze enfants et que de son second mariage avec Antoinette de Montesquiou de Laboulbène naquirent encore onze rejetons.
Dans la cathédrale Saint-Etienne et le 10 avril 1788, NICOLAS-LOUIS-JOSEPH-FLORIMOND tint sur les fonts un frère auquel il donna les noms de Joseph-Macaire-Charles. Sa commère fut Demoiselle Rose de Montesquiou de Laboulbène. Enfin le testament mystique paternel, en date de 1790, l'institue héritier légitimaire.

Nous possédons une miniature de NICOLAS-LOUIS-JOSEPH-FLORIMOND DE SAINTE-COLOMBE DE BOISSONNADE longtemps conservée avec amour par Antoinette de Montesquiou de Laboulbène. Cette peinture, exécutée au moment de la Révolution, n'indique qu'un artiste très médiocre, mais elle devient précieuse étant le seul portrait connu de l'émigré. Il y est représenté en uniforme de la Garde de Louis XVI presque de face, portant la perruque poudrée, le visage légèrement coloré et les yeux bleus. L'expression dénote la douce fermeté juvénile dont il devait donner la preuve.
Dans une lettre au Maire de Layrac, en date du 6 octobre 1792, Joseph-Nicolas de Sainte-Colombe de Boissonnade nous donne d'intéressants détails sur la carrière militaire et l'émigration de son fils : "Personne n'ignore que je les avais placés (ses enfants) dans la garde du Roy, corps créé par l'Assemblée Nationale et approuvé par le peuple ... Mon ayné est avec moi parce qu'il m'a été docile et soumis, je crois l'autre du renfort de Châlons, et sy je ne (sic) me trompe, je ne puis être avec justice coupable de son évasion ..."

Plusieurs documents inédits, extraits des dossiers de police générale aux Archives nationales, confirment ces indications et nous apprennent la corrélation existant entre l'arrestation, l'incarcération et la condamnation de l'oncle maternel et les poursuites exercées contre notre héros.
Bien qu'il ne soit pas douteux que Messire Jean-Henri de Montesquiou de Laboulbène, Vicaire Général d'Aire et Prieur de Rigagnac, ait été arrêté et condamné pour sa fidélité bien connue à la cause religieuse et royale, il est certain que ses deux neveux furent indirectement cause d'un des motifs de son arrestation. C'est ce que nous apprend l'acte de dénonciation au Comité de sûreté générale et de surveillance de la Convention Nationale signé par le franc-maçon Héros, le 14 brumaire an II (4 novembre 1793). Il y est dit que l'abbé de Montesquiou de Laboulbène "a fait venir deux de ses neveux pour entrer dans la dernière garde de Capet, qui étaient dans le château des Tuileries à tirer sur le Peuple le 10 août".
Dans une pétition écrite de la prison au Comité de sûreté générale, l'oncle invoque, entre autres circonstances, pour demander sa liberté, qu'"ayant envoyé aux frontières un de ses neveux qui sortait de ses mains et qui a écrit au Président du Comité de sûreté générale, dès qu'il a appris l'arrestation de son oncle, il s'appelle Sainte-Colombe et il a écrit d'Ortex (sic) de Béarn, il est l'aîné de treize enfants que son père a laissé en mourant tous en bas-âge".

NICOLAS-LOUIS-JOSEPH-FLORIMOND et son frère Joseph-François-Armand de Sainte-Colombe de Boissonnage (1772-1843) firent donc partie de la Garde Constitutionnelle de Louis XVI où ils avaient été admis sur la recommandation du Prieur de Ribagnac et d'un autre oncle, ancien Garde du Corps, que la Police recherchait à la même époque. Alors que Nicolas-Louis-Joseph-Florimond émigre du renfort de Châlons, son aîné est envoyé aux Hussards de la Montagne, dans l'escadron d'Orthès, C'est de là qu'ayant appris l'arrestation de son oncle, il écrit au Président du Comité de sûreté générale. Les archives du Ministère de la Guerre nous apprennent l'issue de cette démarche : entré au 12e régiment de Hussards (Hussards de la Montagne), le 21 novembre 1793, il en sortit le 15 mai 1794 par ordre du représentant du Peuple Cavaignac, Commissaire aux armées de la République.
Cette conduite ne justifie-t-elle pas l'Agenais Imbert de Saint-Amans qui écrit : "Il faut avouer que les nobles étaient bien malheureux sous la Révolution. Ceux qui émigraient étaient privés de leurs biens et condamnés à un exil qui, disait-on, devait être éternel. Ceux qui restaient en France étaient suspectés, incarcérés, guillotinés. Enfin ceux qui se réfugiaient sous les drapeaux et y faisaient des prodiges d'héroïsme, n'y trouvaient pas même un asile ; on ne leur pardonnait ni leurs revers, ni leurs succès, et l'on finit par leur interdire de combattre et de mourir pour la Patrie".
Malgré ces précisions, l'état militaire de notre héros n'en reste pas moins obscur ; son nom ne figure ni sur les contrôles de la Garde constitutionnelle de Louis XVI, ni sur la liste des émigrés rentrés en France.

NICOLAS-LOUIS-JOSEPH-FLORIMOND DE SAINTE-COLOMBE DE BOISSONNADE périt victime de son attachement à la cause royale. "Ce jeune émigré, à sa sortie de France - dit Samazeuilh - se réfugia en Espagne. Là, des bruits de mouvements royalistes dans le midi de la République lui parvinrent exagérés. Plein d'enthousiasme, il préféra l'émotion et les chances de combats à l'humiliation de mendier de vairs secours chez l'étranger ... Il rentra en France ; mais l'entreprise échoua. Un parti de royalistes, dont il était, fut surpris dans les forêts qui s'étendent entre l'Isle-en-Jourdain et Toulouse, et ne fit qu'une médiocre résistance. Sainte-Colombe, blessé au bras d'un coup de feu, qu'il ne put soigner dans sa fuite, dut chercher un asile contre l'échafaud ; ce fut à  sa mère qu'il songea, au château, aux lieux témoins de ses premiers jeux et de son premier bonheur. Mais pour y parvenir, que d'obstacles, que de dangers ... !"

Proscrit, et épuisé par les fatigues de la route, NICOLAS-LOUIS-JOSEPH- FLORIMOND DE SAINTE-COLOMBE DE BOISSONNADE, accomplissait son voyage de nuit et par étapes. Il parvint ainsi jusqu'à Nérac, mais au moment de gravir la pente qui devait le conduire à Pouylehaut, les tortures que lui faisait endurer sa blessure devenant plus insupportables, il perdit connaissance, poussant un cris de douleur ... Antoinette de Montesquiou  de Laboulbène tressaillit en entendant le cri de détresse poussé par son fils agonisant. Ce cri, rompant le morne silence d'une nuit glacée, lui faisait pressentir quelque chose d'indéfinissable. Ces tristes pressentiments ne tardèrent pas à être justifiés, car "le sort réservait à cet infortuné ce qu'il n'accorda qu'à un petit nombre de victimes de nos troubles, le triste de bonheur de mourir dans les bras maternels ... Dans cette situation critique, une réaction se manifesta dans ses esprits ; son âme ressaisit quelque énergie ; il se leva, il secoua les pensées qui l'avaient abattu ... et, quelques minutes plus tard, il parvenait à Pouylehaut, il dépensait son reste de force à frapper, à se faire ouvrir ; il tombait, évanoui de douleur, de faiblesse et de joie, aux genoux de sa mère".

Mais quelles angoisses ne vinrent pas troubler la joie de cette mère retrouvant son fils ... ! Comment soigner l'infortuné proscrit dont l'état devenait de plus en plus grave ? Et cela sans éveiller l'attention de ceux qui l'auraient envoyé à l'échafaud ... SAINTE-COLOMBE reposant dans un des coins les plus secrets du château était sans doute en sûreté, mais les jours suivants devaient amener un nouveau sujet de terreur. C'était deux commissaires chargés d'une visite domiciliaire à Pouylehaut et que Samazeuilh dit être, l'un ancien serviteur de la famille du proscrit, l'autre maître en chirurgie. La tradition locale désigne ce dernier comme l'officier de santé de Lavardac. Quoi qu'il en soit, ces citoyens "possédaient des renseignements exacts sur l'echauffourée de l'Isle-en-Jourdain, sur la blessure du jeune émigré et sur la route qu'il avait prise ... Les plus actives poursuivaient les fugitifs, et comme un jeune faon blessé, Sainte-Colombe avait laissé des traces de son passage. Dans les soupçons que l'on avait sur sa retraite, on allait lui disputer son lit de mort". En effet les commissaires ajournèrent leur départ de Pouylehaut ... Qu'on se mette à la place de cette infortunée mère se trouvant ainsi entre la victime et les proscripteurs. Surtout si l'on pense que l'un d'eux, homme de l'art, eut pu apporter quelque soulagement aux douleurs qu'occasionnait la blessure mortelle !
Samazeuilh dépeint bien tout le cruel de la situation dans le dialogue où le chirurgien, pensant surprendre quelque aveu, veut donner à la mère des conseils sur le cas de son fils. Et où Antoinette de Montesquiou de Laboulbène paraît se défendre des insinuations du commissaire républicain en recherchant les sages avis du chirurgien ... Le tétanos ne tarda pas à faire son oeuvre et dans la nuit du 26 au 27 décembre 1794, le jeune émigré rendit son âme à Dieu entre les mains de sa mère.

Après avoir servi de médecin à son fils, cette mère "vit d'autres devoirs à remplir, car le ciel devait la soumettre à toutes les épreuves. Elle eut donc la force de réciter au chevet du lit du jeune émigré les prières en faveur des mourants, et les prêtres se trouvant alors dispersés, elle en remplit le plus triste des ministères, en sollicitant la miséricorde divine pour un martyr de la loyauté royaliste."

Et maintenant que faire de ce corps inanimé ? La pieuse mère va-t-elle le livrer à ceux qui l'auraient tué, s'il était tombé vivant dans leurs mains ? Dans son exaltation religieuse et royaliste, remettre le corps de son fils à des officiers municipaux revêtus de leur écharpe, pour le faire ensevelir dans les formes républicaines et impies, c'était encore le livrer au supplice ... Et elle conçut le projet, et elle se sentit le courage de faire ce que jamais peut-être une mère n'avait fait, ce qu'un père, Young, osa seul entreprendre ... Suivons ce convoi silencieux dans le court intervalle qui séparait le lit de mort où gisait Sainte-Colombe du caveau qui devait le recevoir, et où des mains tremblantes (des mains de mère !) venaient de creuser sa fosse ... A la lueur d'une simple lampe que sa vieille servante portait devant elle, Madame de Sainte-Colombe prit dans ses bras les dépouilles glacées de son fils. Elle descendit en chancelant les degrés du caveau ; elle déposa l'infortuné dans sa dernière demeure, en murmurant des prières que Dieu seul pouvait entendre ... et le jeune émigré reçut sur son sein inanimé et des mains de sa mère la terre qui le recouvre à jamais".
Samazeuilh ajoute : "On assure que pendant cette sépulture, la vieille servante qui assistait sa maîtresse dans ces soins, aperçut au sommet de l'escalier qui descendait au caveau, un homme à genoux et priant aussi pour son malheureux maître ..." C'était un des commissaires, car ces hommes n'étaient pas méchants, mais ils avaient cru prudent de déguiser leurs sentiments modérés sous la carmagnole jacobine. Ils n'offrirent point leurs services au blessé, mais ils donnèrent à sa mère des conseils utiles et furent discrets ... "A cette époque, c'était aussi du courage."

Le récit de Samazeuilh qui vient d'être cité contient quelques inexactifudes relatives à la chronologie des faits et à certains détails, ainsi qu'une erreur importante de date ; le fait qui nous occupe eut lieu en 1794 et non en 1793.
Une lettre écrite par Joseph-François-Armand de Sainte-Colombe de Boissonnade permet de compléter l'itinéraire du jeune émigré et de rectifier les méprises commises par Samazeuilh. D'après ce document, Nicolas-Louis-Joseph-Florimond de Sainte-Colombe de Boissonnade ne fut pas seulement en Espagne, mais aussi en Angleterre où il fit sur mer un service pénible. Une fluxion de poitrine fut le prétexte de sa rentrée en France. C'est au cours de ce voyage qu'il emprunta la somme de deux cent cinquante francs à un négociant de Saint-Hélier (île de Jersey), le 14 avril 1794. Il arriva secrètement à Bordeaux et ensuite à Nérac, là, il resta malade quelque temps, recevant à peu près tous les mois la visite et les soins dévoués de M. Argenton jeune, médecin d'Agen. C'est seulement en 1794 qu'il expira à Pouylehaut.

L'Histoire n'est pas non plus complètement muette sur le nom des acteurs de la scène décrite par Samazeuilh : cette servante, ces commissaires ? Dans un mémoire signé d'Antoinette de Montesquiou de Laboulbène, cette dernière parle de sa servante sans la nommer. Mais au sujet du décès de son mari, Joseph-Nicolas de Sainte-Colombe de Boissonnade, survenu à Pouylehaut le 7 août 1793, il est question d'un Bernard, ancien valet du défunt, et de "M. Mellac, chirurgien à Barbaste", à qui la veuve est redevable de 360 livres. Ce sont là les deux commissaires.

LA PROCÉDURE, LES POURSUITES

Si aucun document ne fait mention de la fin tragique de Nicolas-Louis-Joseph-Florimond de Sainte-Colombe de Boissonnade, les archives de la famille, du département de Lot-et-Garonne et de la Mairie de Layrac ont conservé les traces des poursuites et des longues procédures dirigées contre ses biens.
L'Administration municipale de Layrac, dont Joseph-Nicolas de Sainte-Colombe de Boissonnade avait été Maire en 1778, ne tarda pas à l'inquiéter à cause de l'émigration de son fils et de ses sentiments trop connus.

Après l'avoir taxé à la somme de cent-vingt livres pour la contribution patriotique, l'Administration municipale entend le rapport des commissaires chargés de perquisitionner chez les suspects. S'étant rendu, le 16 septembre 1792, au château de Boissonnade, chez le citoyen Sainte-Colombe, ils y ont trouvé des armes à feu et une épée, qui ont été saisies. Dans la séance du 5 Frimaire an II (5 décembre 1793), il est ordonné que les pavillons du château de Boissonnade seront rasés comme rappelant la féodalité.
A la fin de 1792, Joseph-Nicolas de Sainte-Colombe de Boissonnade avait été dénoncé comme suspect par la Société populaire de Layrac. Accusé d'avoir reçu un prêtre insermenté, il n'avait assisté ni aux assemblées primaires, ni aux offices publics et il avait du retard dans l'acquittement de ses contributions. Son fils émigré ne devait pas non plus lui attirer la confiance des agents de la République, malgré un long plaidoyer adressé à l'Administration municipale de Layrac, les 6 et 14 octobre 1792. Dans sa séance du 11 janvier 1794, cette Administration décrète que les scellés seront mis au château de boissonnade sur les biens de l'émigré et principalement sur les titres et papiers.
Le 24 frimaire an III (14 décembre 1794), l'Administration centrale du Département de Lot-et-Garonne rend un arrêté relatif au partage des biens paternels entre les enfants de Joseph-Nicolas de Sainte-Colombe de Boissonnade et la Nation qui représente l'émigré. Cet arrêté modifie les dispositions que le Directoire du District d'Agen avait pris dans un précédent en date du 28 brumaire (18 novembre). La même Administration vise une ordonnace de payement, le 29 Ventôse an III (19 mars 1795) et rend, le 9 pluviôse an IV (29 janver 1796) un arrêté qui fixe le mode de partage de la succession paternelle entre les enfants de Joseph-Nicolas de Sainte-Colombe de Boissonnade et la Nation.

Par une lettre en date du 16 pluviôse an IV (5 février 1796), Crébessac, Président de l'Administration centrale du Département de Lot-et-Garonne, invite Antoinette de Montesquiou de Laboulbène, Auguste et Jean-Joseph de Sainte-Colombe de Boissonnade à nommer l'expert qui doit procéder, conjointement avec celui de la République, au partage des biens de la succession paternelle. En vertu d'un arrêté du 1er Ventôse an IV (20 février 1796), les citoyens Bordes, jeune et Marcadet, de Layrac, sont nommés experts. Mais de telles expertises rebutent parfois les citoyens qui ont encore les idées de l'équité ! C'est sans doute pour cette raison que ceux-ci donnent leur démission. Les citoyens Dupont, notaire et Bonaventure Durand, de Layrac sont nommés experts en vertu des arrêtés des 14 Floréal et 5 Thermidor an IV (3 mai et 23 juillet 1796) et remis à l'Administration centrale le 15 nivôse (4 janvier 1797).
Vu la soumission (N° 1322) faite le 19 Messidor an IV (7 juillet 1796) par Joseph-François-Armand de Sainte-Colombe de Boissonnade, l'Administration centrale du Département de Lot-et-Garonne arrête le 17 germinal an V (6 avril 1797), qu'acte de vente des biens de l'émigré sera passé à son frère et que, de ce fait, le séquestre sera levé. Enfin, le 15 floréal an V (4 mai 1797), les Administrateurs du Département de Lot-et-Garonne pour et au nom de la République Française, passent acte de vente des biens de l'émigré à Joseph-François-Armand de Sainte-Colombe de Boissonnade. L'acquéreur demeure subrogé aux droits de la Nation, "mais sans aucun recours ... contre la République venderesse". Et ce, moyennant "la somme de deux mille trois cents francs douze sols".

Les biens maternels de NICOLAS-LOUIS-JOSEPH-FLORIMOND DE SAINTE-COLOMBE DE BOISSONNADE n'échappèrent pas aux saisies révolutionnaires. La branche de Sainte-Colombe de Tournade conserve dans ses archives un exemplaire de l'affiche de l'arrêté de l'Administration centrale du Département de Lot-et-Garonne du 23 pluviose an VII (12 février 1799) prescrivant l'évaluation et le partage avec la République des biens d'Antoinette de Montesquiou de Laboulbène. Dans l'article VII "l'Administration centrale déclare solennellement, au nom de la République Française que la déclarante est quitte envers le Trésor public à raison de l'émigration de son fils ..." L'article IX dit que "toute législation relative à la famille de la citoyenne veuve Sainte-Colombe-Boissonnade comme famille d'émigré, est abolie ..."

Vint l'affaire du milliard des émigrés ... La loi du 27 avril et l'ordonnance royale du premier mai 1825 réparèrent les erreurs et les spoliations révolutionnaires en indemnisant les familles des émigrés dont les biens avaient été saisis.
Un acte de notoriété, retenu par Delpech, notaire royal à Layrac, le 21 octobre 1825, établit l'identité de NICOLAS-LOUIS-JOSEPH-FLORIMOND DE SAINTE-COLOMBE DE BOISSONNADE et reconnaît que ses seuls héritiers sont Antoinette de Montesquiou de Laboulbène, Joseph-François-Armand et Marie-Thérèse de Sainte-Colombe de Boissonnade. Par un arrêté en date du 25 mars 1826, Musnier de la Converserie, Préfet de Lot-et-Garonne leur accorde une indemnité de mille trois cent quarante-six francs vingt-quatre centimes.
Antoinette de Montesquiou de Laboulbène avait été indemnisée de la saisie de ses biens en vertu d'un arrêté préfectoral en date du premier octobre 1825 et pour la somme de huit cent vingt-six francs quatre-vingt-dix-neuf centimes.
Ces sommes servirent à rembourser les personnes auxquelles l'émigré avait emprunté pendant son voyage ou sa fuite ; un négociant de l'île Jersey, le vicomte de Balarin-Mazelière, chevalier de Malte et le sieur Lafont, père.

On remarquera que les biens paternels et maternels saisis et restitués dans les proportions respectivement fixées par la loi, ne forment que des sommes peu élevées. Lors de son premier mariage, en 1756, Joseph-Nicolas de Sainte-Colombe de Boissonnade jouissait d'une fortune d'environ trois cent mille livres, mais à la fin du XVIIIe siècle cette fortune, remarquent les notes de son fils, se trouvait considérablement dérangée.
Le chiffre des biens maternels n'est pas moins modeste, si l'on considère le rang que tenaient à Agen les Montesquiou de Laboulbène. Mais Antoinette n'était que légitimaire et la fortune de sa famille, s'élevant à plus de six cent mille livres fut saisie et dilapidée lors de l'arrestation du Prieur de Ribagnac qui l'avait en sa possession.

ÉPILOGUE

La sépulture de NICOLAS-LOUIS-JOSEPH-FLORIMOND DE SAINTE-COLOMBE DE BOISSONNADE n'a laissé aucune trace apparente, mais le lieu où se déroula le triste épisode n'a guère changé. On est empreint d'une pieuse émotion en pénétrant sous les voûtes des caves glaciales de Pouylehaut, véritables souterrains sombres et obscurs, témoins de l'agonie du fils et des souffrances de la mère.
Antoinette de Montesquiou de Laboulbène "avait épuisé dans ces terribles épreuves toute son énergie et toutes ses sensations". Encore la perte de ce fils ne fut-elle pas la seule épreuve amenée par l'ère féroce des crimes. Le 6 thermidor an II (24 juillet 1794), un frère aimé montait sur l'échafaud, martyr de la première fournée de Saint-Lazare. C'était Messire Jean-Henri de Montesquiou de Laboulbène, Vicaire général d'aire et Prieur commandataire du prieuré bénédictin de Saint-Pierre de Ribagnac.
Depuis qu'elle s'était penchée sur le corps de son fils dans le funeste caveau, Antoinette de Montesquiou de Laboulbène ne se redressa plus. Elle devait cependant vivre encore de nombreuses années, se préparant à la mort par la prière et les oeuvres pieuses. Le 9 juillet 1807, elle prit ses dernières dispositions dans un testament mystique demeuré non ouvert. Par un second testament public en date du 24 avril 1830, elle institue pour son héritier Joseph-François-Armand de Sainte-Colombe de Boissonnade, son fils aîné et ordonne que cent messes soient dites pour le repos de son âme. C'est chez ce fils, maire de Villars-en-Pons de 1808 à 1830, qu'elle fut décédée au château des Touches-en-Villars, le 4 avril 1837. Elle alla reposer à l'ombre de la vieille église de Villars-en-Pons et entre les quatre cyprès des seigneurs de Saint-Mathieu et de Dampierre.

Tel fut le drame de Pouylehaut, tel il nous est transmis par la Tradition léguée par les témoins oculaires et confirmé par l'Histoire.

Ce n'est là qu'un épisode des scènes tragiques de la Terreur. La fameuse et horrible loi des suspects comme les décrets contre les émigrés eut de nombreuses répercussions en Agenais ... Aux historiens plus avertis, le soin de les mettre en lumière !

ROBERT DUCOT
Revue de l'Agenais
1930

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