JOURNAL DU DÉPARTEMENT DE LA VIENNE ♣ 1793 ♣ ANTIDOTE SOUVERAIN CONTRE L'ARISTOCRATIE

ANTIDOTE SOUVERAIN CONTRE L'ARISTOCRATIE
composé par le C.R.R. de la S.P. de P.

Quatre causes très-graves militent contre la santé de l'aristocrate :
1° La crispation générale de ses organes ;
2° L'engourdissement de tous ses membres ;
3° Un engorgement dans tous les vaisseaux ;
4° Enfin, un penchant décidé à faire tout le mal possible.

Pour remédier à tant de maux,

1° Saignez le malheureux qui en est tourmenté, à tous les membres. Son sang étant entièrement corrompu, on en tirera le plus qu'il sera possible. Cette saignée extraordinaire, nécessitée par les circonstances, l'affoiblira & le rendra plus facile à traiter.

2° A la suite de cette saignée, on lui fera prendre pendant huit jours, une tisane composée de racines démocratiques. Cette tisane rafraîchissante renouvellera le reste de son sang, qui, sans elle, le porteroit de nouveau à des excès que le citoyen Guillotin ¤ pourroit seul modérer par le moyen de sa machine raccourcissante.

3° Quand le malade cessera de prendre cette tisane nationale, on lui donnera pendant un mois, quatre fois par jour, des clystères de l'eau dite merveilleuse, qu'on puisera à la fontaine des vrais Jacobins. Chaque clystère sera composé d'une livre de cette eau bienfaisante, dans laquelle on mettra une bonne poignée des meilleurs principes républicains. On fera bouillir le tout, non pas dans un de ces vaisseaux d'anti-ducs & pairs qui ne recevoient que de ces eaux royales qui y ont laissé une rouille anti-constitutionnelle, qu'on ne peut détacher & qui empoisonneroit ; mais bien dans un vase à la façon des sans-culottes. Ces clystères ont la vertu de rafraîchir les intestins remplis de Busotisme, de les purifier & de chasser toutes les matières mortifères qui ne proviennent que du chagrin que l'on a de la destruction de l'ancien royalisme, qu'on a trop savouré, & d'un dégoût marqué pour les principes nouveaux, qu'on a si heureusement inventés pour le salut & le profit de tous, & qui sont d'autant meilleurs, qu'on les a puisés dans la sagesse de la nature.

4° L'aristocrate étant ainsi bien saigné, tisanné & clystérisé, purgez-le, pendant quinze jours, deux fois par jour. Chaque médecine sera composée de quatre onces de manne patriotique, de deux onces de rhubarbe à la liberté, d'une once de séné à la république, & de deux gros de sel de l'égalité. Mettez le tout infuser dans une décoction du plus pur Maratisme. Ce purgatif sera évacuer au malade, & par le haut & par le bas, toutes les matières glaireuses contre révolutionnaires, qui ne manqueroient pas d'empoisonner entièrement son coeur que le Pétionisme & le Rolandisme ont ulcéré, & de répandre une peste aristocratique dans tout le pays que le malade habite. Pour que la médecine fasse plus facilement & plus promptement son effet, donnez au malade, d'heure en heure, des bouillons constitutionnels composés de toutes sortes d'herbes rafraîchissantes qu'on prendra dans les jardins botaniques des sociétés populaires. Ces bouillons amalgamés avec le purgatif, chasseront de l'esprit du malade ces idées chimériques de royauté, de principauté, &c. &c., & de son corps tous les principes d'esclavage qui l'asservissoient & le rendoient plus méprisable qu'une bête.

En suivant exactement ce qui vient d'être dit, l'aristocrate se trouvera beaucoup mieux : mais pour qu'il parvienne à une guérison radical, il faudra qu'il fasse, pendant un an, une diète sévère, c'est-à-dire, qu'il se prive de lire & d'entendre toutes sortes d'ouvrages contre-révolutionnaires ; il faudra aussi qu'ils s'abstienne de ces sociétés empestiférées, où on ne s'entretient que des moyens de détruire tout le bien qui se fait : & pour que sa santé se fortifie de plus en plus, il ne doit habiter que parmi les sans-culottes, avec qui il lira, deux fois par jour, en le méditant bien, l'ouvrage divin de nos Galiens modernes.

La société des sans-culottes & la lecture du nouvel acte constitutionnel seront pour lui des alimens légers, mais exquis, qui soutiendront son corps & vivifieront son esprit.

Journal du département de la Vienne
26 septembre 1793