LES PERSÉCUTEURS : LES FRANCS-MACONS
LES PERSÉCUTEURS :
LES FRANCS-MACONS
Il suffit d'avoir lu les principales oeuvres de Voltaire, pour savoir que le chef des Philosophes professa toujours des opinions très favorables à la Monarchie. Sa correspondance prouve aussi très clairement que les faveurs royales furent le seul attrait qui l'ait retenu près des monarques de son siècle. Voilà pourquoi le programme social affiché par les Philosophes, resta, jusqu'à la mort de Louis XV, résumé dans ces mots : Guerre au Christ et à son culte !
Voltaire, vieillissant, voyait avec douleur que les conspirateurs s'étaient multipliés sans avoir rien fait pour organiser leurs forces. Cependant, une armée puissante et disciplinée semblait indispensable pour détruire à tout jamais la société chrétienne et lui substituer la société athée, si chère aux Philosophes.
Depuis quelques années, la secte des Francs-Maçons s'était considérablement développée sous l'énergique impulsion des principaux initiés : ces mystérieux personnages aspiraient, comme Voltaire, à supprimer radicalement la religion chrétienne : mais ils soutenaient que, pour atteindre sûrement ce résultat, il fallait, tout d'abord, supprimer les rois et leurs trônes.
La plupart des Philosophes n'avaient pas, ainsi que leur chef, un intérêt personnel au maintien de la puissance royale : presque tous entrèrent dans la Franc-Maçonnerie, où leur affiliation provoqua des batteries d'allégresse, car leurs livres et leurs brochures avaient déjà contribué pour une large part à la multiplication des loges. D'Alembert et Diderot pressaient vivement Voltaire de s'affilier comme eux. Il hésita longtemps ; il posa cependant sa candidature, lorsque fut fondée la célèbre loge des Neuf-Soeurs, où bientôt il eut pour confrères treize ecclésiastiques (Louis Amiable, Une loge maçonnique d'avant 1789).
Dès lors, le Conseil central des Loges, présidé par Philippe d'Orléans, s'unit aux Philosophes pour exécuter un double programme qui se résumait dans ces mots : Guerre au Christ et à son culte : guerre aux rois et à tous les trônes.
L'immense organisation nouvelle passa sous les ordres d'hommes nouveaux, qui vont jouer un grand rôle dans la révolution : Philippe d'Orléans, La Fayette, Mirabeau, Bailly, Siéyès, Fauchet, Volney, etc.
A dater de ce jour, la Franc-Maçonnerie fit dans toutes les provinces du royaume les plus surprenants progrès. L'un des conspirateurs, Le Roy, lieutenant des chasses de Louis XVI, a fait avant de mourir l'aveu suivant :
"Cette Société était une espèce de club, que nous avions formé entre nous, Philosophes, et dans lequel nous n'admettions que ceux dont nous étions bien sûrs. Nos assemblées se tenaient régulièrement à l'hôtel d'Holbach. De peur que l'on en soupçonnât l'objet, nous nous donnions le nom d'Économistes. Nous créâmes Voltaire, quoique absent, président honoraire et perpétuel de la Société. Nos principaux membres étaient : d'Alembert, Turgot, Condorcet, Diderot, La Harpe et Lamoignon, garde des sceaux, qui, lors de sa disgrâce, s'est tué dans son parc". (Abbé Barruel, Histoire du Jacobinisme)
Voltaire, Diderot et d'Alembert moururent sans avoir eu la satisfaction d'assister à la déchéance de Louis XVI et à la dispersion de l'Église de France ; mais ils avaient pu très justement pressentir, après trente années d'efforts et d'intrigues, que leur rêve infernal serait bientôt réalisé : car, "dès l'année 1787, il n'y avait pas moins de 282 villes en France ayant des loges régulières, sous les ordres du Grand-Maître Philippe d'Orléans. Paris en comptait 81, Lyon 16, Bordeaux 7, Nantes 5, Marseille 6, Montpellier 10, Toulouse 10, etc." (Abbé Barruel, Histoire du Jacobinisme).
A Paris, la loge Les Amis réunis avait pour vénérable Savalette de Lange, qui s'était, comme beaucoup d'autres francs-maçons, introduit dans l'un des meilleurs emplois du royaume : il était garde du trésor royal, honoré par conséquent de toute la confiance du bon roi Louis XVI, qu'il devait servir et qu'il trahissait tous les jours.
Dans la Loge de la rue de la Sourdière, on trouvait encore ce même Savalette de Lange, et, près de lui le comte de Saint-Germain, Condorcet, etc.. etc.
La Loge des Neuf-Soeurs (ou des Neuf-Muses) avait eu pour vénérables : Lalande, Franklin, le marquis de Lassalle, le comte de Milly, Dupaty, Elie de Beaumont, Pastoret. C'était celle que les ecclésiastiques ambitieux et révolutionnaires fréquentaient le plus volontiers. C'est là que Voltaire se fit inscrire. Un livre, publié par un membre du Conseil général de l'Ordre, affirme que Louis XVI et Aurélien de Sèze faisaient partie de cette loge, avec le duc de La Rochefoucauld, Danton et La Metterie (Louis Amiable, Une loge maçonnique avant 1789).
Dans la loge La Candeur, on voyait La Fayette, le marquis de Montesquiou, Custine, Lameth, le prince de Broglie, le marquis de Lusignan, etc.. etc.
Il est incontestable que tous les initiés ne connaissaient pas le véritable programme du Conseil central, et que beaucoup de loges s'étaient organisées, surtout en province, sans soupçonner qu'elles allaient jouer un rôle politique : mais toutes contribuèrent à propager les idées des conspirateurs.
Dans les grades inférieurs, apprentis, compagnons et maîtres, tous les maçons restaient étrangers aux véritables intentions du Conseil central. Dans les grades supérieurs, élus, rose-croix et kadosch, la haine du Christ et du roi devenait une condition nécessaire de la promotion ; on ne faisait exception que pour ceux dont le nom seul constituait une influence appréciable. Mais les grands secrets n'étaient divulgués aux gradés eux-mêmes que lorsqu'on était sûr de leur dévouement et de leur discrétion.
L'ignorance absolue des initiés sur les plus importants projets du Conseil central, explique bien le nombre considérable des loges et leur composition.
Un comité régulateur étudiait les propositions soumises à l'étude du Grand-Orient : quand elles étaient adoptées, le Conseil central prenait les décisions indiquées, et le Grand-Maître transmettait aux Loges les ordres que chacune d'elles devait exécuter.
L'argent ne manquait pas aux Francs-Maçons pour l'exécution de ces ordres et pour propager dans toute la France les idées sociales, religieuses ou politiques adoptées par le Conseil.
"Il y avait dans la Caisse générale de l'Ordre, en 1789, vingt millions de livres, en argent comptant ; les comptes-rendus démontrent qu'en 1791, il y avait dix millions de plus."
Cette immense réserve était constituée pour acheter les consciences nécessaires à l'accomplissement des crimes épouvantables déjà prémédités par les auteurs du grand complot révolutionnaire : elle devait servir aussi à grouper et salarier les brigands qui, sous le nom de Sans-culottes, vont ensanglanter les rues de Paris et les principales villes de France.
Le comte Haugwitz, ancien franc-maçon, ministre du roi de Prusse, accompagna son souverain au congrès de Véronne, en 1822, et lut devant la brillante assemblée un mémoire dans lequel il dit :
"... J'acquis la ferme conviction que le drame commencé en 1788 et 1789, la Révolution française, le régicide avec toutes ses horreurs, avait été, non seulement résolu alors dans les loges, mais qu'il était aussi le résultat des associations et des serments."
Un jésuite autrichien, le P. Abel qui jouit de la plus grande notoriété dans son pays, a fait à Vienne, en mars 1898, une conférence publique, dans laquelle il a prononcé, d'un ton singulièrement ému, les paroles suivantes :
"En 1786, il y eut à Francfort une réunion extraordinaire de la grande Loge éclectique : un des membres mit aux voix la condamnation à mort de Louis XVI, roi de France, et de Gustave, roi de Suède. Cet homme s'appelait Abel : c'était mon grand-père". Un journal juif, La Nouvelle Presse libre, crut pouvoir attaquer violemment l'orateur, en faisant ressortir toute la honte que cet aveu faisait rejaillir sur la famille du P. Abel.
En ouvrant la conférence suivante, l'éloquent jésuite expliqua sa conduite dans ces termes :
"Mon père, en mourant, m'a marqué comme sa dernière volonté que je m'appliquerais à réparer le mal que lui et nos parents avaient fait. Si je n'avais pas dû réaliser les prescriptions du testament de mon père, daté du 31 juillet 1871, je n'aurais pas parlé comme je l'ai fait".
Tandis que le Conseil central des loges maçonniques précisait ainsi de mieux en mieux son programme et se préparait à l'exécuter, la distribution quasi-gratuite des livres et des brochures publiés par les philosophes, devenait chaque jour plus active.
Malesherbes était ministre de la maison du Roi et des provinces, ce qui correspondait au ministère actuel de l'Intérieur. Grâce à sa complicité, "l'Europe fut inondée d'une foule de publications antichrétiennes, en pamphlets, en systèmes, en romans, en prétendues histoires, sous toutes les formes ... montrant le concert des chefs de la conjuration et leur intelligence dans l'art de multiplier les publications pour infecter l'Europe de leurs impiétés". (Abbé Barruel, Histoire du Jacobinisme)
Parmi les ouvrages ainsi répandus à profusion dans les villes et les villages de France, pendant les quelques mois qui précédèrent la révolution, il faut citer : Le militaire philosophe, Le bon sens, Les doutes, Le testament de l'abbé Merlier, Le Christianisme dévoilé, etc.. etc..
Cette persévérante diffusion de livres et de brochures avait exercé sur l'esprit des nobles, des bourgeois et du peuple une influence très considérable ; il n'est pas exagéré de dire qu'au moment où fut décidée la convocation des États généraux, le coeur de la France n'appartenait plus à l'Église et au Roi ; déjà "la Franc-Maçonnerie, devenue maîtresse absolue de l'opinion publique, dispensait seule la popularité suivant ses calculs". (Baron de Vitrolles, Mémoires)
Convaincu de sa toute puissance dans le gouvernement de ses forces, très habilement organisées, le Grand-Maître des loges maçonniques put, sans crainte, envoyer dans toutes les loges, peu de temps avant le 14 juillet 1789, la circulaire suivante :
"Aussitôt que vous aurez reçu le paquet ci-joint, vous en accuserez la réception. Vous y joindrez le serment d'exécuter formellement et ponctuellement tous les ordres qui vous arriveront sous la même forme, sans vous mettre en peine de savoir de quelles mains ils partent, ni comment ils vous arrivent. Si vous refusez ce serment, ou si vous y manquez, vous serez regardé comme ayant violé celui que vous avez fait à votre entrée dans l'ordre des frères : Souvenez-vous du poison et des poignards qui attendent les traîtres !"
On voit que le drame sanglant va commencer.
Devant une aussi terrible menace, les loges de Paris et des grand'villes restèrent indifférentes ou passives : il faudra deux années de sombre révolution pour ouvrir enfin les yeux aux grands seigneurs et aux riches bourgeois inféodés à la Franc-Maçonnerie, Le duc de la Rochefoucauld, La Harpe, etc .. n'abandonnèrent la secte qu'après 1791.
La province comprit mieux le danger que faisait courir à la France cette toute puissance anonyme et mystérieuse. Plusieurs Vénérables envoyèrent leur démission au Grand-Maître, après les coups d'essai de la Bastille et de la Grande Peur.
Extrait du livre : Le Clergé Périgourdin pendant la persécution révolutionnaire - de R. DE BOYSSON - 1907